REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 // 63
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Au cours du premier mois, les infections bactériennes ont
schématiquement trois origines [12]:
r celles liées à l’acte chirurgical et à la prise en charge
dans les unités de soins intensifs (pneumonies, infec-
tions urinaires, infections de site opératoire, infections
sur cathéter ou drain) ; plus de 95 % des infections sont
de ce type [21] ;
r la contamination de l’organe transplanté (rare mais poten-
tiellement fatale, due à une bactériémie chez le donneur,
ou à une contamination du liquide de transport)
;
r une infection préexistante à la transplantation chez le
receveur.
Entre les 2e et 6e mois, l’immunodépression expose le
patient à des infections opportunistes telles que nocardiose,
listériose… Celles-ci sont relativement rares et dépendent
de l’intensité du traitement immunosuppresseur. La réacti-
vation d’une infection antérieure à la transplantation peut
encore émerger (Mycobacterium tuberculosis…).
Au-delà du sixième mois, le patient est surtout soumis aux
pathogènes communautaires (pneumocoque…).
Les sites infectieux préférentiels dépendent du type de
transplantation, ce qui amène à appréhender chaque TOS
comme une entité particulière.
2.2.1. La transplantation hépatique
Les bactériémies constituent la complication infectieuse
la plus fréquente après greffe hépatique et ont été rappor-
tées chez 25 à 35 % des patients. Leur incidence varie
en fonction de la source : les cathéters (9 %), le tractus
biliaire (7 %), les infections intra-abdominales (3 %), le trac-
tus respiratoire (5 %) [23]. La mortalité globale à 30 jours
associée aux bactériémies est de 28 % (24,4 % pour les
Gram- et 31,3 % pour les Gram+).
Les stratégies de décontamination digestive ont montré leur
inefcacité sur l’incidence des épisodes bactériémiques.
Les péritonites sont également une complication majeure
des greffés hépatiques (incidence de 10 %). Elles sont asso-
ciées à des complications biliaires (35 %), des hémorragies
intra-abdominales (27 %), ou des perforations digestives
(18 %). Ces infections sont polymicrobiennes dans 60 %
des cas, avec une ore regroupant des entérobactéries,
entérocoques, Pseudomonas aeruginosa, et Staphylococ-
cus sp. Elles s’accompagnent de septicémies dans 37 %
des cas. La survenue d’une péritonite chez le transplanté
hépatique est associée à une surmortalité ou un risque aug-
menté de perte du greffon (risque multiplié par 2,7) [17].
Une antibioprophylaxie péri-opératoire à large spectre
de 3 à 5 jours permet de prévenir les abcès de la paroi
abdominale.
2.2.2. La transplantation rénale
Les infections bactériennes concernent environ 40 % des
patients au cours des 6 premiers mois de la greffe rénale
(30 à 80 % selon les pays).
Le tractus urinaire représente le 1er site infectieux, avec
une incidence variant de 35 à 80 % selon les centres.
Une pyélonéphrite sur le greffon survient dans 20 à 30 %
des cas. Les infections urinaires sont le plus souvent non
compliquées. Leur fréquence est probablement sous-
estimée car elles sont souvent asymptomatiques et de
découverte fortuite sur l’examen cytobactériologique des
urines. Les facteurs favorisants fréquemment retrouvés sont
l’âge avancé, le sexe féminin (risque multiplié par 2), un
reux vésico-urétéral préexistant à la transplantation, un
greffon issu de donneur cadavérique. Au-delà du sixième
mois, le risque d’infection urinaire est comparable à celui
de la population générale, en dehors d’évènements par-
ticuliers. Les deux antibiotiques ayant un impact réel sur
l’incidence de ces infections sont le sulfométhoxazole-
triméthoprime (SMX-TMP) et la ciprooxacine, mais la
prophylaxie par SMX-TMP a entraîné une augmentation
de la résistance des Klebsiella à cette molécule.
Le tractus respiratoire est le 2e site infectieux chez le trans-
planté rénal, avec une incidence de 5 à 16 %.
Les infections de site opératoire sont les 3e en fréquence
(< 5 %). Elles regroupent les abcès de loge, les lympho-
cèles, hématomes et urinomes surinfectés, les infections
de cicatrices [16].
2.2.3. La transplantation du poumon
et cœur/poumon
La mucoviscidose fait partie des maladies pulmonaires
où le patient est exposé à des complications infectieuses
particulières qui seront détaillées par la suite.
Les infections respiratoires constituent la complication
majeure des transplantations pulmonaires, avec une inci-
dence globale de 35 à 66 %. Contrairement à d’autres
types de TOS, les greffons pulmonaires portent une ore
bactérienne, ce qui impose de réaliser des prélèvements
des voies aériennes aussi bien chez le donneur que chez
le receveur au moment de l’intervention. Cela permet
d’orienter l’antibiothérapie de première intention chez le
patient transplanté. La bronchiolite oblitérante (7 à 54 %
des patients), secondaire au rejet chronique du greffon,
favorise la survenue de pneumonies récurrentes impliquant
le plus souvent Pseudomonas sp. Le taux de survie globale
est signicativement plus faible pour les patients qui déve-
loppent une bronchiolite oblitérante (30 % vs 60 %).
Les bactériémies ont une incidence de 11,5 % chez le
transplanté pulmonaire. L’infection pulmonaire est la source
majoritaire (50 %) au cours de la 1re année après trans-
plantation ; par la suite, elle n’est impliquée que dans
27 % des cas et les cathéters deviennent alors la cause
principale (53 %). Les autres sources bactériémiques,
rares, sont les infections de site opératoire, urinaires et
abdominales. La mortalité globale des bactériémies à
28 jours est de 25 % [10].
Les médiastinites, bien que caractéristiques de ce type
de greffe, sont rares (2,7 %). Elles sont de mauvais pro-
nostic, en raison du caractère extensif de la suppuration
(30 % de mortalité). L’infection est monomicrobienne dans
90 % des cas. Staphylococcus aureus est impliqué dans
la moitié de ces infections [1].
Lorsque la transplantation est réalisée dans le cadre d’une
maladie pulmonaire comme la mucoviscidose ou la bron-
chectasie, l’antibioprophylaxie est dictée par les prélè-
vements respiratoires préopératoires du receveur, puis
adaptée aux résultats des prélèvements péri-opératoires
et maintenues au moins 2 semaines ou jusqu’à l’obtention
d’une culture négative. Dans les autres cas, elle doit cou-
vrir un large spectre bactérien (notamment P. aeruginosa
et S. aureus), et peut être arrêtée au bout de 3 à 5 jours