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M. VENANZI M. BARTHÉLÉMY J. MARTIN
Avec la précieuse collaboration pour la rédaction des textes de :
Brigitte Neuray, archéologue, SPW, DGO4, Direction extérieure de Liège I, Département du Patrimoine, Service
de l’archéologie, Carla Zurstrassen, responsable du Service éducatif de l’Abbaye de Stavelot et
Nicolas Schroeder, chercheur F.R.S-FNRS, Université Libre de Bruxelles.
Remerciements également à :
Alain Dierkens, professeur d’histoire du Moyen Âge, Université Libre de Bruxelles, Mathieu Piavaux, chargé
de cours, Université de Namur, Benoît Van den Bossche, chargé de cours, Université de Liège et Bernard
Lambotte, Archéologue.
Les auteurs et l’éditeur remercient aussi toute l’équipe de l’Abbaye de Stavelot et plus particulièrement son
directeur Virgile Gauthier.
casterman
Sommaire
INTRODUCTION
NAISSANCE DE L’ABBAYE LA LÉGENDE DE SAINT REMACLE
PREMIÈRE ÉGLISE
NOUVELLE ÉGLISE
ABBATIAT DE POPPON
PÈLERINAGE
Chronologie
Vers 650, une charte de fondation octroyée par le roi Sigebert III autorise l’abbé Remacle à fonder une abbaye dans
le domaine royal d’Ardennes ; avec ses
disciples, il fonde deux communautés
Malmundarium (Malmedy) et Stabulaus
(Stavelot), qui dépendent alors de deux
diocèses différents (Cologne et TongresMaastricht) ; dès l’origine et tout au long
de leur existence, ces deux communautés seront placées sous l’autorité d’un
seul abbé, résidant traditionnellement
à Stavelot. Remacle décède entre 671
et 679 ; il est enterré à Stavelot, dans
l’oratoire Saint-Martin qu’il a lui-même
érigé. Un de ses successeurs, l’abbé
Goduin, transfère sa sépulture dans la
première abbatiale le 25 juin 685. Progressivement se développe un culte autour des reliques du fondateur, dont la
renommée attire un nombre croissant
de pèlerins. Bien gérée, l’abbaye augmente son patrimoine et devient une
institution importante.
Le 6 décembre 881, les Normands incendient l’abbaye. Les moines, avertis
du danger, se sont enfuis dans un de
leurs domaines. Ils reviennent à Stavelot, un an plus tard, après réparation
des bâtiments. L’abbé Odilon, issu de l’abbaye de Gorze,
est nommé à la tête de l’abbaye en 938.
Il introduit à Stavelot les préceptes de
la réforme monastique développée par
cette abbaye proche de Metz. Il rétablit
le pouvoir abbatial sur le monastère de
Malmedy, où les moines s’étaient progressivement émancipés de l’autorité de
l’abbé. Il élève une nouvelle église, à côté
de l’abbatiale précédente transformée
en chapelle et érige le premier cloître
avec lavabo.
Au début du XIe siècle, l’abbé Poppon,
rallié au mouvement de réforme monastique initié par l’abbé Richard de
Saint-Vannes, entreprend un vaste programme architectural et hisse l’institution au rang des grandes abbayes impériales. À Stavelot, il reconstruit un nouveau cloître suivant un plan très proche
du précédent. Afin d’assurer l’accueil
P. 3
P. 4
P. 6
P. 8
P. 12
P. 16
P. 24
ÂGE D’OR, ABBATIAT DE WIBALD ET D’ERLEBALD P. 28
LES TRÉSORS DE L’ABBAYE
P. 32
RECONSTRUCTIONS
P. 34
e
e
LES XVIII ET XIX SIÈCLES P. 38
L’ÉVOLUTION DE L’ÉGLISE
P. 42
PERSONNAGES
P. 46
COMPLÉMENT DE VISITE
P. 48
L’abbaye de Stavelot
des pèlerins de plus en plus nombreux, il entreprend l’édification d’une grande église de pèlerinage, à l’emplacement de
l’abbatiale précédente arasée.
Sous l’abbatiat de Wibald et de son frère et successeur, Erlebald, l’abbaye de Stavelot est, au XIIe siècle, une institution
prospère, en vue auprès des souverains germaniques. Ceux-ci
leur confient des charges importantes, notamment diplomatiques. Érudits soucieux d’entretenir la foi et la dévotion des
moines et des pèlerins, ces deux abbés commandent de magnifiques pièces d’orfèvrerie destinées à orner l’église. Cellesci constituent toujours aujourd’hui les pièces maîtresses du
trésor de l’abbaye.
Si la réalisation de la somptueuse châsse de saint Remacle
entre 1220 et 1245 est loin de le suggérer, le contexte politique se dégrade progressivement à partir du XIIIe siècle.
Nobles laïcs et religieux se disputent le pouvoir, générant un
climat d’insécurité et affaiblissant la situation économique de
l’abbaye. Les abbés parviendront toutefois à résister en ces
temps difficiles et à développer la principauté abbatiale de Stavelot-Malmedy.
Au début du XVIe siècle, l’abbé Guillaume de Manderscheidt
instaure d’importantes réformes. Dans ce cadre, il reconstruit
le monastère de Malmedy, élève un château sur les hauteurs
de Stavelot et dote l’abbatiale d’une nouvelle tour d’entrée. Un
violent incendie dans l’église en 1574 nécessite la démolition
d’une grande partie de celle-ci. Elle est alors reconstruite sur
les mêmes fondations, mais en style gothique tardif. Elle est
consacrée en 1607.
Dans le courant du XVIIIe siècle, l’ensemble des bâtiments
conventuels est entièrement reconstruit. La première cam-
www.casterman.com
ISBN 9782203070981
© Jacques Martin - M. Venanzi - M. Barthélémy / Casterman 2014
pagne de travaux dure quatre ans
(1714-1718) et mène au renouvellement des édifices entourant la cour
d’honneur de l’abbaye.
À partir de 1744, ce sont les bâtiments
du cloître qui sont rebâtis de fond en
comble en style classique. L’abbaye
présente alors le visage que l’on peut
encore admirer aujourd’hui.
La tempête révolutionnaire contraint les
moines dès 1794 à fuir en Allemagne
en emportant leurs biens les plus précieux. Les bâtiments délabrés après le
passage des troupes sont sécularisés
et vendus à deux citoyens stavelotains.
En 1801, le démontage de l’église abbatiale commence : tous les matériaux
sont récupérés et ne subsiste plus de
l’édifice qu’une partie de la tour d’entrée.
Aujourd’hui, la mise en valeur des vestiges archéologiques découverts lors
des fouilles menées à partir de 1977
permet au public d’appréhender l’histoire des bâtiments monastiques élevés à Stavelot. Restaurée par la Région
wallonne en 2002, l’abbaye accueille
plusieurs musées et sert de cadre à de
nombreuses manifestations culturelles,
folkloriques et touristiques.
Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite. Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit,
photographie, microfilm, bande magnétique, disque ou autre, constitue une contrefaçon passible des peines prévues par la loi du 11 mars 1957 sur la protection des droits d’auteur.
Imprimé en France par Pollina. Imprimer en février 2014. Dépôt légal : février 2014 D.2014/0053/379
Déposé au ministère de la Justice, Paris (loi n°49.956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse).
2
Préface
S
ituée à la porte des Ardennes belges, dans le triangle d’or Spa – Malmedy – Stavelot, implantée au cœur d’une
cité où culture et folklore vivent en harmonie depuis longtemps, l’Abbaye de Stavelot est devenue le moteur d’un
ambitieux projet culturel et touristique et devient ainsi le partenaire du redéploiement économique d’une ville et de
toute une région.
En restaurant et en développant l’Abbaye, la Région wallonne ancre l’histoire dans l’avenir. Une démarche reconnue par
le Commissariat Général au Tourisme qui a attribué « 5 soleils », le label de qualité le plus haut pour les attractions
touristiques, à l’Abbaye de Stavelot. Une première en Europe !
La gestion de l’Abbaye est confiée à l’asbl Espaces Tourisme et Culture (ETC). Celle-ci assure la gestion immobilière, la
promotion touristique, la valorisation et l’animation du site. L’Institut du Patrimoine wallon, qui préside et épaule l’association dans ses missions, réalise les travaux d’entretien, de maintenance et d’aménagements nécessaires à la conservation
et au développement de l’Abbaye, en coordination avec le Service public de Wallonie, SPW-Département du Patrimoine.
Le site de Stavelot a été inscrit sur la liste du patrimoine majeur de Wallonie. Le pourquoi de cet intérêt est multiple. Sur
le plan historique tout d’abord, puisqu’il s’agit d’une des fondations monastiques les plus anciennes de Belgique, datant
du milieu du VIIe siècle. Aux XIe et XIIe siècles, Stavelot deviendra le centre d’une principauté d’une importance capitale
dans l’Empire, dirigée de main de maître par d’illustres abbés qui joueront un rôle politique de premier plan auprès des
empereurs ottoniens. La qualité des œuvres d’art produites entre le XIe et le XIIIe siècles, aujourd’hui exposées dans les
plus grands musées du monde, justifie largement la notoriété artistique liée au nom de Stavelot.
Avec l’appui du Ministre en charge du Patrimoine, la Direction de l’archéologie du Service public de Wallonie fête cette
année ses 25 années de régionalisation.
C’est pourquoi ETC propose cette nouvelle publication, un hommage à l’histoire archéologique prestigieuse de l’Abbaye
de Stavelot.
Superbement illustré par les dessinateurs belges Marco Venanzi et Mathieu Barthélémy, l’ouvrage retrace par les dessins et les mots plus d’un millénaire d’Histoire, de la fondation de l’Abbaye vers 650 par Remacle à la dispersion des
moines bénédictins en 1794 lors de la Révolution française. Grâce au travail des archéologues qui ont œuvré sur le site
pendant plus de 25 ans, les membres du Comité scientifique ont soigneusement reconstitué les différentes phases de
construction de ses élégants bâtiments, mises en images dans cet album.
Un véritable voyage dans le temps en compagnie de Jhen qui ravira un très large public.
Avec son magnifique jardin du cloître, ses trois musées de niveau international, ses salles admirables, ses caves romanes et son site archéologique, l’Abbaye de Stavelot est, à n’en pas douter, la destination plaisir !
Virgile Gauthier
Directeur de l’Abbaye de Stavelot
3
Naissance de
l’abbaye
Vers 648, Sigebert III, roi mérovingien
d’Austrasie et fils aîné du célèbre roi Dagobert Ier, fait rédiger une charte autorisant la fondation d’une abbaye.
Située dans la forêt royale d’Ardenne, cette abbaye
sera composée de deux monastères, l’un à Stavelot, l’autre à Malmedy. Ces deux localités dépendent
alors chacune d’une autorité religieuse différente :
Malmedy est situé dans le diocèse de Cologne,
tandis que Stavelot appartient à celui de TongresMaastricht, futur diocèse de Liège. Cependant, ces
deux communautés seront placées sous la tutelle
d’un seul et même abbé. Enfin, cette future abbaye
de Stavelot-Malmedy suivra les pratiques monastiques de l’époque, prônant le retrait du monde et
la vie en communauté, en s’inspirant des modèles
de Colomban et de Benoît.
Lorsque Sigebert III fait rédiger le texte de l’acte
de fondation de l’abbaye, il n’est âgé que de 17
ans. Sous le nom du jeune roi agit en réalité son
maire du palais, Grimoald, qui est issu de la puissante famille des Pippinides. Ce groupe familial joue
à l’époque un rôle très important dans l’établissement de communautés religieuses dans la vallée
mosane. En effet, les Pippinides sont impliqués
dans la fondation de Nivelles, à l’initiative de Itte,
la mère de Grimoald, et de l’abbaye d’Andenne, érigée par Begge, la sœur du maire du palais. Grimoald tentera d’usurper le pouvoir royal au profit
Le roi Sigebert III délivre à Remacle le diplôme de fondation de l’abbaye de
Stavelot-Malmedy. Miniature du Manuscrit Msc. Hist. 161, f°109 v°, Bamberg,
Staatbibliothek. © Staatbibiothek Bamberg
de sa famille et l’établissement de communautés
religieuses faisait sans doute partie des stratégies
développées pour consolider son pouvoir.
La première tombe de saint Remacle, sarcophage englobé dans un massif de
maçonnerie, située à l’origine dans un petit oratoire. © M.A.R.R. et A.A., Stavelot
4
L’importante tâche de fonder et de diriger le futur
monastère de Stavelot-Malmedy, est confiée à l’abbé Remacle. Celui-ci n’est pas un débutant. En effet, il reçoit son apprentissage à la célèbre abbaye
de Luxeuil, dans les Vosges, fondée vers 590 par le
missionnaire irlandais Colomban. La communauté
de Luxeuil vit alors selon des pratiques probablement inspirées des recommandations de plusieurs
pères de l’Église, mais aussi Colomban et Benoît.
En 638, Remacle est appelé par le futur saint Éloi,
haut fonctionnaire du roi Dagobert Ier (le père de
Sigebert III), à diriger l’abbaye de Solignac, près
de Limoges. C’est sans doute en raison de cette
expérience qu’en 647, Sigebert III lui confie l’édification d’un monastère à Cugnon, fondation qui ne
sera probablement jamais construite. Fort d’une
carrière monastique déjà longue, proche de l’entourage du roi Sigebert III et s’étant déjà vu confié d’importantes missions, Remacle est donc le candidat
idéal à la fondation et à la direction de la nouvelle
abbaye de Stavelot-Malmedy.
Lorsqu’ils arrivent vers 650 dans
le domaine royal, au cœur des
Ardennes, Remacle et ses disciples s’installent en deux lieux :
Malmundarium (Malmedy) à la
confluence de la Warchenne et
de la Warche et, à quelques kilomètres de là, Stabulaus (Stavelot), situé sur les bords de l’Amblève. Bien que des documents
hagiographiques affirment que
Malmedy fut fondé avant Stavelot, cette chronologie n’est pas
assurée. Ainsi qu’en témoignent
les trous de pieux mis au jour par
les archéologues, à Stavelot, les
bâtiments ne sont que de simples
cabanes en bois rassemblées autour d’un premier lieu de culte, un
oratoire dédié à saint Martin.
Sous l’abbatiat de Remacle, la
communauté cherche le retrait
du monde et l’isolement. Comme
le mentionne la charte de fondation, les moines possèdent une large
partie du domaine royal de la forêt d’Ardenne : un territoire de douze
lieues autour des localités de Stavelot et de Malmedy. L’exploitation de
cette forêt leur est réservée.
Le sarcophage de Remacle a été retrouvé dans la salle du
chapitre du cloître du XIe siècle, une surface rectangulaire
maçonnée l’encadrait, témoignant du soin apporté à la
présentation de la sépulture originelle du fondateur par
les successeurs de l’abbé. © M.A.R.R. et A.A., Stavelot
Remacle reçoit le titre d’abbé-évêque : il peut dès lors réaliser aussi
bien les tâches confiées à un abbé que celles destinées à un évêque.
L’abbé Remacle meurt entre 671 et 679. Il est inhumé dans l’oratoire dédié à saint Martin. De son tombeau ne subsiste qu’une cuve
de sarcophage fragmentée, réassemblée au mortier, mais vide d’ossements. En effet, les os seront transférés quelques années plus
tard dans une nouvelle église abbatiale…
Saint Remacle supervisant la construction de l’abbatiale de Stavelot, détail du
dessin du retable de saint Remacle, Liège, Archives de l’État. © IRPA-KIK, Bruxelles
5
Fragment de luminaire en
verre retrouvé à proximité du sarcophage de
Remacle, fin du VIIe siècle.
© IRPA-KIK, Bruxelles
La légende de
saint Remacle
Selon la légende, Remacle s’était enfoncé dans
les forêts ardennaises. Il était accompagné d’un
âne, son fidèle compagnon, qui portait sur ses
flancs deux larges hottes contenant les vivres du
voyageur. Ils arrivèrent dans un endroit magnifique. Éloignées de toute habitation, des forêts
d’arbres séculaires et de larges clairières glissaient vers une rivière d’une eau cristalline, l’Amblève. Conquis par la beauté du vallon, et toujours soucieux du salut de ses frères, Remacle
décida de fonder un monastère en ce lieu paisible
et calme. D’emblée, le religieux se mit au travail,
aidé de son baudet qui transportait dans son bât
les pierres servant à l’édification du monastère.
Cependant, le diable régnait encore sur cette
partie de l’Ardenne. Voyant d’un très mauvais œil
la construction d’une abbaye sur ses terres, il décida de nuire au projet du saint homme. Un jour,
alors que Remacle, éreinté par son dur labeur, se
reposait à l’ombre d’un chêne, l’âne gambadait
seul, non loin de l’Amblève. Satan, métamorphosé en loup et profitant du repos du moine, se jeta
sur l’animal sans défense et le dévora à pleines
dents. À son réveil, n’apercevant pas son âne
aux alentours, Remacle partit immédiatement à
sa recherche. Au détour d’une zone ombragée
longeant l’Amblève, il découvrit un énorme loup
repu, somnolent derrière un large rocher. À côté
de la bête ventrue, gisaient les deux hottes que
Remacle reconnut aussitôt. Comprenant instantanément que c’était bien là l’œuvre du malin, il
jeta son chapelet autour du cou de l’animal. L’affreux démon tenta en vain de se libérer de son
emprise mais, captif, Belzébuth était maintenant
à la merci de Remacle : il lui attacha le bât de
son défunt âne aux flancs et le contraignit à assurer l’approvisionnement en moellons destinés
à la construction du monastère. Quand l’abbaye
de Stavelot fut terminée, Remacle détacha les
hottes et reprit son chapelet. Le loup disparut
aussitôt, laissant derrière lui une forte odeur de
soufre...
La célèbre légende de saint Remacle donna à la
cité abbatiale de Stavelot son nom, Stâv’leû (en
wallon, stâv signifie étable
et leû, loup). Le blason
de la ville fait également référence à la
légende : il représente le loup bâté,
portant deux hottes
remplies de pierres,
et saint Remacle coiffé de sa mitre, tenant
une crosse et un livre.
La statue de saint
Remacle à l’entrée
du Musée historique.
Stavelot, Musée
historique de la
Principauté de
Stavelot-Malmedy
© ETC
Le loup bâté, taque en fonte. Stavelot, Musée historique
de la Principauté de Stavelot-Malmedy © ETC
6
Selon les archéologues, l’oratoire dédié à saint Martin ainsi que les
premiers bâtiments sont de simples constructions en pan de bois.
7
Première église
Au VIIe siècle, l’abbé Goduin, un des successeurs de Remacle, poursuit la construction de l’église abbatiale de
Stavelot, entreprise par le fondateur quelques années
auparavant. Cette première église est consacrée le
25 juin 685 aux saints apôtres Pierre et Paul.
Construite en pierre, cette église se compose d’une nef large de
plus de dix mètres, divisée en trois parties : une nef centrale et deux
bas-côtés. À l’est, se trouve un transept non saillant et de même largeur que la nef. L’abbatiale se termine par un sanctuaire à chevet plat
moins large que le reste du bâtiment. Les moines ornent richement le
sanctuaire de leur nouvelle église abbatiale : le sol de l’abside est pavé
de marbre, les murs sont somptueusement décorés de fresques de
grande qualité et de mosaïques confectionnées à partir de cubes de
verre bleu et opaque, recouverts d’une feuille d’or.
Cette première abbatiale est construite au nord-ouest de l’oratoire
dédié à saint Martin. La nouvelle église suit une orientation légèrement différente, afin, sans doute, de l’aligner perpendiculairement à
la pente naturelle du terrain. Durant les siècles suivants, les abbatiales stavelotaines respecteront ce nouvel axe, tandis que les cloîtres
s’aligneront sur l’orientation de l’oratoire.
Les premières habitations des moines sont situées au nord de l’église.
À l’ouest de celle-ci, un bâtiment sans doute lié à l’artisanat verrier
complète l’ensemble des constructions érigées à cette époque.
Lors de la consécration de l’église, l’abbé Goduin procède également
au transfert du tombeau de Remacle, de l’oratoire Saint-Martin à la
nouvelle église abbatiale. Rapidement, les malades affluent devant ce
tombeau, s’y prosternent et y déposent leurs offrandes, dans l’espoir
d’une guérison miraculeuse de leurs maux. Le culte de saint Remacle
prend petit à petit de l’ampleur et les saintes reliques attirent des pèlerins de plus en plus nombreux. À partir du IXe siècle, une littérature
Cubes de mosaïque de verre recouverts d’une feuille d’or, provenant de la décoration murale de la première église abbatiale. Stavelot, Musée historique de la
Principauté de Stavelot-Malmedy © IRPA-KIK, Bruxelles
8
Deux caveaux maçonnés et enduits, retrouvés vides dans
la nef centrale de la première église.
© M.A.R.R. et A.A., Stavelot
centrée sur la vie et les miracles
de saint Remacle est rédigée
par des moines de Stavelot. Ces
écrits assurent définitivement la
renommée du fondateur.
Outre l’obole des pèlerins et les
donations privées, l’abbaye de
Stavelot bénéficie de la générosité des rois mérovingiens et des
puissants maires du palais issus
de la famille des Pippinides, futurs
rois carolingiens. Le patrimoine
de l’abbaye se développe considérablement. La communauté possède maintenant de nombreux
domaines sur la rive droite de la
Meuse. À cette époque, l’abbaye
de Stavelot est une abbaye importante et bien gérée. Ses moines
suivent la règle de saint Benoît,
sont instruits et produisent d’importantes œuvres littéraires. Ils sont
même appelés à réformer d’autres communautés religieuses.
Le bâtiment à vocation artisanale en cours de dégagement ; on voit très bien le sol intérieur en terre battue,
rougi par le feu lors de l’incendie de l’abbaye par les
Normands en 881. © M.A.R.R. et A.A., Stavelot
Vue en enfilade de l’intérieur de la première
abbatiale, depuis les nefs vers le sanctuaire qui
abrite l’autel majeur.
9
Les bâtiments élevés par les moines tels qu’ils pouvaient se présenter au IXe siècle, vus depuis le sud-est : à l’avant-plan, l’oratoire
Saint-Martin, derrière et légèrement désaxée, la première abbatiale et au nord-ouest, un bâtiment sans doute à vocation artisanale.
10
Cette prospérité sera cependant bousculée. En effet, le 6 décembre
881, les moines de Stavelot sont avertis de l’arrivée imminente des
Normands. Rassemblant ses richesses et ses archives, la communauté prend rapidement la fuite, emportant avec elle le corps de son
saint patron. Du haut de la colline de Wanne, les moines stavelotains
assistent à l’incendie de leur abbaye. En voyant cette illumination,
ils pensent à un miracle dû à saint Remacle, ne réalisant pas que
c’est leur monastère qui brûle. La communauté séjourne dans ses
domaines les plus éloignés du centre monastique, à Bogny, dans les
actuelles Ardennes françaises, puis à Chooz. Après quelques réparations, les bâtiments peuvent à nouveau accueillir les moines qui
reviennent à Stavelot à la fin de l’an 882.
Le 6 décembre 881, après avoir saccagé de
nombreuses cités mosanes, les Normands se
dirigent vers Stavelot.
Ils doivent prendre la fuite une seconde fois face
à la menace d’une nouvelle invasion normande en
884-885. Ils se réfugient cette fois dans les places
fortes de Chèvremont et de Logne, toujours avec
les reliques du saint fondateur. Cette fois, le monastère ne subit pas de dommage pendant l’absence
de la communauté.
Fragments d’enduits peints provenant de la décoration murale de la première église abbatiale. © M.A.R.R. et A.A., Stavelot
Les moines, avertis du danger, s’enfuient en emportant les reliques
de saint Remacle. Sur les hauteurs de Wanne, à quelques kilomètres
de Stavelot, ils assistent à l’incendie de leur abbaye.
11
Nouvelle église
Au cours des VIIIe et IXe siècles, les monastères d’Europe se développent considérablement d’un point de
vue économique. Riches et puissants, les souverains
désirent s’en faire des alliés et placent à leur tête des
aristocrates influents de leur entourage, au titre d’abbé
laïc. L’abbaye de Stavelot, prospère et influente, connaîtra un tel destin. À la suite de l’abbatiat d’Harduin, en
844, la direction des abbayes de Stavelot et de Malmedy est confiée à un abbé séculier.
À Stavelot-Malmedy, les abbés laïcs exploitent les incroyables richesses foncières appartenant aux deux monastères. Ils en distribuent une partie à des fidèles dont ils rétribuent le soutien.
Afin de ne pas léser financièrement les moines, des menses sont
créées. Il s’agit d’un ensemble de domaines et de biens fonciers
attribués à une communauté ou son supérieur. Trois menses
sont établies à Stavelot-Malmedy : une mense abbatiale, affectée à l’usage de l’abbé laïc, et deux menses conventuelles, l’une
affectée à l’usage des moines de Stavelot, l’autre aux moines de
Malmedy. Pour suppléer l’abbé laïc dans ses charges spirituelles,
les deux communautés sont chacune dirigées par un moine qui
porte le titre de prévôt. Bien que les deux monastères soient
toujours placés sous la tutelle d’un seul et même abbé laïc, Stavelot et Malmedy s’écartent progressivement l’un de l’autre et
gagnent chacun en indépendance.
Bague de cuivre doré provenant de la crosse d’un abbé,
retrouvée dans une tombe attribuée au Xe siècle.
© M.A.R.R. et A.A., Stavelot
À Stavelot-Malmedy, la gouvernance des abbés
laïcs dure presque cent ans. En effet, il faut
attendre l’an 938 pour que l’évêque de Liège
Richer place à la tête des deux communautés
le moine Odilon, formé au sein de l’abbaye de
Gorze, près de Metz. À cette époque, l’abbaye
de Gorze est le centre d’un vaste mouvement
Le mur sud et le sol de mortier très bien conservé de la deuxième abbatiale, construite après l’incendie des bâtiments par les Normands en 881
(à gauche, on aperçoit un pilier de l’église suivante, constuite au XIe siècle). © M.A.R.R. et A.A., Stavelot
12
Fondations du lavabo du
cloître du Xe siècle.
de réforme monastique et institutionnelle, que
l’évêque liégeois souhaite propager dans son
diocèse. Jusqu’à la fin de son abbatiat en
954, Odilon s’attache à réformer l’abbaye
de Stavelot. Malgré la réticence des
moines malmédiens, il rétablit fermement le pouvoir abbatial sur le monastère de Malmedy. La construction d’une nouvelle église ainsi que
des bâtiments conventuels est
également attribuée à Odilon. En
effet, après les raids normands,
l’abbaye de Stavelot n’aurait été
que sommairement restaurée.
© M.A.R.R. et A.A., Stavelot
La nouvelle abbatiale est directement accolée au nord de l’église
construite sous l’abbatiat de
Goduin. Elle suit donc la même
orientation que la première, bien
qu’elle soit plus grande. L’édifice
est composé d’une nef étroite
de trente mètres de long menant,
à l’est, à une abside. L’abside abrite
l’autel principal. L’église précédente, qui
conservait le second tombeau du fondateur, est alors partiellement démolie.
Denier de Huy
inédit de Louis
l’Enfant (900-911),
trouvé par les archéologues dans un remblai lié à
la reconstruction des édifices
après le passage des Normands.
© M.A.R.R. et A.A., Stavelot
13
Sur ses fondations arasées, une chapelle est
reconstruite, probablement afin de continuer à
honorer le tombeau de Remacle. Le sanctuaire
rectangulaire de la première église est remplacé par une abside semi-circulaire.
Le récit de nombreux miracles opérés
dans ces nouveaux bâtiments a permis d’en restituer certains détails. Au
centre de l’abside et surélevé de quelques
marches, se trouve l’autel principal dédié à
saint Pierre et saint Remacle. Les pèlerins qui
espèrent une grâce peuvent y accéder, y déposer leurs présents, se prosterner ou se coucher
à proximité, en attendant l’accomplissement
de leurs prières. Ils y passent parfois même
la nuit. La châsse contenant les reliques de
saint Remacle se trouve vraisemblablement
derrière cet autel.
Au sud de la nouvelle église, dans l’espace occupé par le premier oratoire et
le tombeau primitif de saint Remacle,
Odilon procède à l’édification de nouveaux
bâtiments conventuels. Légèrement désaxés
par rapport à l’église, ils suivent l’orientation de
l’oratoire et sont disposés autour d’un cloître.
Une galerie continue, entourant le jardin clos,
permet de desservir les différentes pièces. La
première sépulture du fondateur semble d’ailleurs toujours visible à l’intérieur d’une des
pièces de l’aile orientale du cloître.
Fragments de peintures murales qui devaient orner les murs
intérieurs du cloître du
Xe siècle.
© M.A.R.R. et A.A., Stavelot
Attenants à la galerie sud, les archéologues ont
découvert des fragments de murs courbes entourant une massive fondation circulaire, base
probable d’une vasque disposée à l’intérieur d’un
petit bâtiment. Ces éléments ont permis d’y reconnaître un lavabo, où les moines venaient se
laver les mains avant de se rendre dans le réfectoire.
Coupelles en céramique retrouvées dans les remblais de
construction des bâtiments des Xe et XIe siècles. Retrouvées en
grand nombre, elles devaient faire partie de la vaisselle commune utilisée par les artisans qui ont participé à la construction
des édifices. Stavelot, Musée historique de la Principauté de
Stavelot-Malmedy. © M.A.R.R. et A.A., Stavelot
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L’abbaye au Xe siècle, reconstruite après le passage des Normands : à l’avant-plan, le cloître
avec le bâtiment du lavabo accolé à la galerie méridionale, au nord la nouvelle abbatiale.
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Abbatiat de Poppon
Au début du XIe siècle, l’abbé Poppon, rallié au mouvement de réforme monastique initié par l’abbé Richard
de Saint-Vannes, entreprend un vaste programme architectural et hisse l’institution au rang des grandes
abbayes impériales.
Né à Deinze près de Gand aux alentours de 978, Poppon est
issu d’une famille appartenant à la noblesse flamande. Adoubé
chevalier, il réalise un pèlerinage en Terre sainte autour de l’an
mille, puis à Rome, quelques années plus tard. À son retour, il
rejoint les ordres et intègre le monastère de Saint-Thierry, près
de Reims. Il y rencontre Richard, abbé de Saint-Vannes à Verdun,
conseiller de l’empereur Henri II et instigateur d’un vaste mouvement de réforme monastique. Afin que Poppon le seconde dans
son ample projet, il l’emmène avec lui. Poppon est alors envoyé
dans différentes abbayes, à Saint-Vaast d’Arras notamment, mais
aussi à Beaulieu, pour y propager la réforme. Peu à peu, il gagne
l’estime de l’empereur Henri II. Bafouant le droit des moines à élire
librement leur abbé, et contre l’avis de Richard, Henri II le nomme
abbé de Stavelot-Malmedy en 1021. Plus tard, Poppon jouera un
rôle très important en tant que réformateur ou organisateur de
nombreux monastères lotharingiens, parmi lesquels Saint-Maximin de Trèves, Saint-Trond ou encore Waulsort.
Plan des trois
abbatiales de
Stavelot, établi sur
base des recherches
archéologiques.
Rouge : VIIe siècle
Jaune : Xe siècle
Bleu : XIe siècle
L’édifice construit par
l’abbé Poppon est dix
fois plus grand que
l’église précédente.
Infographie : B. Neuray ©SPW.
Vue plongeante sur la partie orientale de l’abbatiale (transept, sanctuaire et crypte), telle qu’elle devait se présenter
au XIe siècle : l’étagement successif des toitures permet de deviner la structure « à déambulatoire » de l’édifice.
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À Stavelot, le nouvel abbé affirme son pouvoir auprès des moines.
Dans le cadre de sa grande réforme matérielle, Poppon entreprend d’importants travaux de construction. Ainsi, moins de cent
ans après son édification, le vaste cloître élevé au lendemain des
invasions normandes est démoli et de nouveaux
bâtiments conventuels sont érigés suivant un tracé très proche des précédents. Parallèlement, il
met en chantier son projet d’une grande église
de pèlerinage.
Le programme architectural est ambitieux. La
nouvelle église doit en effet permettre la coexistence de deux groupes aux modes de vie différents, les moines et les pèlerins. Ces derniers de
plus en plus nombreux assurent la renommée du
culte de saint Remacle et par là, la notoriété et
l’importance de l’abbaye. Néanmoins, le calme
et l’isolement des moines, prescrits par la règle
bénédictine, sont indispensables à l’accomplissement quotidien de leurs obligations religieuses.
L’implantation de cette église longue de plus de
cent mètres, sur un terrain en pente, nécessite d’importants travaux de terrassement préalables : la partie nord du site est arasée tandis
que la partie sud est remblayée. Sur ce terrain
entièrement réaménagé, de profondes et imposantes fondations sont bâties.
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Le chœur des moines et la nef centrale en
arrière-plan : les moines sont rassemblés dans
cet espace, à l’écart de la foule des pèlerins ; le
sol légèrement en contrebas et la présence de
murets leur assurent un certain isolement.
Les carreaux de terre cuite vernissés encore en place,
mis au jour dans l’espace du choeur des moines. On
aperçoit, sous ce revêtement, le sol de mortier de
l’abbatiale du Xe siècle. © M.A.R.R. et A.A., Stavelot
Un module commun semble
avoir déterminé les dimensions
de l’édifice : la largeur du vaisseau est identique à celle de la
crypte; elle correspond également à la profondeur du transept ; la longueur du vaisseau
coïncide avec la largeur du transept.
Le plan de l’édifice est particulièrement élaboré, il reflète le
souci des constructeurs d’associer les fonctions monastiques
et de pèlerinage de l’édifice : le
large vaisseau de huit travées
est scindé par de massifs piliers cruciformes (en forme de
croix), en trois parties, une nef
centrale et deux bas-côtés. Le
sol est revêtu de grandes dalles
rectangulaires de schiste bleu,
un plafond plat en bois devait
couvrir la nef centrale.
Disposé perpendiculairement à
cet espace, le transept à l’est
donne à l’abbatiale son plan en
forme de croix. Il se compose
Absidiole centrale de la crypte, l’autel dédié à Notre-Dame est partiellement conservé au centre.
© M.A.R.R. et A.A., Stavelot
Le pignon de la châsse était visible en hauteur depuis la crypte. Une niche, sans doute voûtée, aménagée en dessous, permettait aux pèlerins de passer sous les reliques du Saint.
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de trois parties : la croisée au centre et deux croisillons au nord
et au sud. La croisée, emplacement privilégié, accueille le chœur
des moines et leur est exclusivement réservé. Situé une trentaine
de centimètres plus bas que le sol de l’église, le sol y est recouvert de carreaux de terre cuite vernissés. Les croisillons forment
les bras du transept, autour desquels se développe un espace de
circulation périphérique en prolongement des bas-côtés des nefs ;
il est spécifiquement destiné à la déambulation des pèlerins. Deux
chapelles accolées aux bras du transept sont disposées de part et
d’autre du sanctuaire.
Ce dernier est situé à l’est, dans le prolongement du chœur des
moines ; composé d’une travée droite terminée par une abside semi-circulaire, il abrite l’autel majeur, dédié aux saints Pierre, Paul
et Remacle. Il est surélevé de quelques marches et est entouré
d’une colonnade qui le sépare du déambulatoire. Cette galerie
en demi-cercle autour du sanctuaire permet la poursuite de la
progression des pèlerins. Au centre du déambulatoire, dans l’axe
de l’église, une niche creusée dans le mur accueille la châsse de
Remacle contenant les reliques du saint patron. Celle-ci sera encadrée, à partir du XIIe siècle, par un somptueux retable relatant
la vie du fondateur. La niche traverse de part en part le mur de
chevet de l’église, de sorte que la châsse soit visible aussi bien de
l’église que de la crypte, située en contrebas.
Coiffée d’un lanternon cruciforme, la crypte extérieure, à demi enterrée, se situe derrière le chevet et termine l’abbatiale. De même
largeur que le vaisseau, elle est accessible depuis le transept par
deux passages réservés dans l’épaisseur des murs, de part et
d’autre du déambulatoire. Cette immense crypte, dans laquelle
on descend par deux couloirs en pente douce, est divisée en cinq
nefs ; chacune, terminée par une absidiole semi-circulaire, accueille un autel. La nef centrale abrite l’autel dédié à Notre-Dame,
devant lequel l’abbé Poppon est inhumé en 1048. La châsse de
saint Remacle, nichée dans le mur du chevet, est visible depuis la
crypte, à quelques mètres au-dessus du sol. Richement décoré, le
sol est pavé de mosaïques de pierres polychromes.
Dans cette nouvelle église de pèlerinage, les autels devant lesquels
les pèlerins se recueillent, se multiplient : la crypte en compte
cinq, le transept six, le sanctuaire accueille l’autel majeur tandis
que la châsse de saint Remacle est exposée dans le déambulatoire. Les pèlerins ont accès à la nef centrale séparée du chœur
des moines par une barrière, appelée chancel.
Au XIIe siècle, un grand retable relatant les principaux
épisodes de la vie de saint Remacle encadrait la niche qui
abritait la châsse contenant ses reliques. Détail du dessin
du retable de saint Remacle, Liège, Archives de l’état.
© IRPA-KIK, Bruxelles
Vue axonométrique du sanctuaire et
de la crypte restituant l’implantation de la
niche destinée à accueillir la châsse de saint
Remacle, perçant de part en part le mur de chevet.
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Dans le prolongement des nefs latérales, un déambulatoire organise le cheminement fluide des fidèles au sein de l’édifice : les
pèlerins contournent les croisillons du transept, descendent dans
la crypte et tournent autour du sanctuaire sans gêner les moines
rassemblés dans le chœur. Cet espace de circulation s’étend donc
de manière continue sur tout le pourtour de l’église.
Bien qu’utilisant des formules traditionnelles de l’architecture ottonienne (piliers cruciformes des nefs, crypte extérieure), ce plan
est tout à fait nouveau et inconnu dans l’Empire : la mise en place
d’un déambulatoire, propre aux églises de pèlerinage, constitue
une innovation, sans doute inspirée des grands édifices de pèlerinage français, tels Saint-Thierry de Reims, alors en chantier lors
du séjour de Poppon dans cette abbaye.
Dès 1040, la première phase de construction est achevée et le 5
juin, une prestigieuse assemblée, composée de l’empereur Henri
III, de l’archevêque de Cologne, des évêques de Liège, Münster,
Verdun et Cambrai, assiste à la consécration de l’abbatiale. Un
mur d’enceinte assurant la sécurité du monastère est également
consacré le même jour.
Poppon décède le 25 janvier 1048. À cette date, l’église est toujours en chantier mais la crypte est terminée. Poppon y est inhumé
devant l’autel Notre-Dame. Ce n’est qu’en 1087 que l’avant-corps
occidental, ainsi que l’autel qui s’y trouve, dédié à saint Michel,
sont consacrés. L’église abbatiale de Stavelot est alors achevée.
Le chantier aura duré plus d’un demi-siècle.
Élément architectonique évoquant un fût de colonne et un chapiteau
d’inspiration ottonienne, renversés et réutilisés en guise de bénitier (retrouvé dans le couloir périphérique du bras nord du transept).
Fût de colonne quadrilobé, réutilisé dans les caves de l’abbaye. Il appartenait sans doute au cloître du XIe siècle, démoli lors de la construction de
l’abbaye actuelle au XVIIIe siècle.
Les colonnes quadrilobées soutiennent toujours aujourd’hui les voûtes de la
« salle des gardes », cave située dans l’aile méridionale du cloître, sous le réfectoire des moines. © ETC
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L’abbatiale du XIe siècle, vue depuis le sud-ouest. Les pèlerins accédaient à la cour « publique » de l’abbaye, avant de se diriger vers
l’abbatiale qui n’était accessible que via deux portes aménagées dans le mur sud des nefs.
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Vue depuis le nord-est de l’abbatiale et des bâtiments conventuels tels qu’ils devaient se présenter au XIe siècle.
Au sud-ouest, sur l’autre rive de l’Amblève, se dresse la petite chapelle Saint-Laurent, élevée par l’abbé Poppon : épargnée par le temps, elle se dresse toujours aujourd’hui, près du pont qui enjambe la rivière.
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Pèlerinage :
les Miracles de saint Remacle
et le culte du fondateur
Dès la fin du VIIe siècle, le culte de saint Remacle se
développe considérablement à l’abbaye de Stavelot. Les
nombreux récits décrivant les miracles accomplis grâce
à l’intercession du saint se propagent. Un nombre grandissant de pèlerins et de malades se rendent à Stavelot
afin de vénérer ses reliques et lui demander grâce. La
renommée de Remacle ne cesse de croître, et avec elle
la popularité de ses prodiges et de ses saintes reliques.
Le culte du saint s’affermit et le pèlerinage vers Stavelot se développe.
La vie et les miracles de Remacle sont relatés dans les Miracula
Remacli. Composée de deux livres, cette œuvre anonyme a été
rédigée par plusieurs moines stavelotains entre 850 et l’an mil.
Les miracles se déroulent généralement en public : la foule
impressionnée témoigne de l’authenticité des prodiges.
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Les sandales liturgiques dites de saint Remacle datent en
fait du XIIe siècle. Elles ont sans doute été confectionnées
en Italie. Au XIXe siècle, elles se trouvaient dans le trésor
de l’église des Capucins, à Stavelot. On imagine donc
qu’elles viennent de l’abbaye. © IRPA-KIK, Bruxelles
Pour célébrer les sacrements, l’évêque ou l’abbé revêt
des ornements qui concourent à la solennité de ces
manifestations liturgiques. Outre l’aube, l’étole, la chasuble, la chape et la mitre, il porte aussi des chaussures
spécifiques, que l’on désigne comme des «sandales
liturgiques». Celles-ci sont souvent en cuir fin, orné de
motifs décoratifs du plus bel effet. On ne conserve que
peu d’exemplaires de sandales liturgiques remontant au
Moyen Âge. La paire, qui provient de l’abbaye de Stavelot
et est conservée à Bruxelles (Musées royaux d’Art et
d’Histoire), est associée par la légende à saint Remacle,
mais elle ne date «que» du XIIe siècle.
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