Bibliographie n. 16 20 ressources francophones clefs sur le genre et le développement. Une bibliographie annotée réalisé en collaboration avec Réseau Genre en Action (http://www.genreenaction.net/) edité par Paola Brambilla, Bridge octobre 2006 avec le soutien financier du Département pour le développement international (DfID) du Royaume Uni BRIDGE (development - gender) Institute of Development Studies University of Sussex Brighton BN1 9RE, UK Tel: +44 (0) 1273 606261 Fax: +44 (0) 1273 621202/691647 Email: [email protected] Website: http://www.ids.ac.uk/bridge © Institute of Development Studies 1 85864 604 9 i Table de Matières 1. Introduction 1 2. Ressources d’organisations basées dans les pays du nord 2 3. Ressources d’organisations basées dans les pays du sud 20 4. Ressources de réseaux globales 31 ii 1. Introduction Ce document contient vingt articles récents rédigés en français sur des thèmes divers en lien avec le genre. Ils proviennent de sources académiques, féministes et militantes et sont groupés en trois catégories : ressources d’organisations basées au nord, d’organisations basées au sud et de réseaux globaux. Toutes les ressources sont classées par ordre alphabétique dans chacune des sections. La plupart des ressources sont téléchargeables. Quand ce n’est pas le cas, le document fournit les informations permettant de se procurer les versions imprimées. Si vous souhaitez nous recommander d’autres articles en français pour que nous les ajoutions à cette liste électronique, merci de les envoyer au courriel [email protected] avec un court résumé en français et/ou en anglais. Ces vingt sites ont été sélectionnés et résumés par différents membres du réseau Genre en Action, sous la direction de Claudy Vouhé. Claudy Vouhé travaille sur les questions de genre (mainstreaming) depuis le début des années 90. Elle est militante, consultante, formatrice et co-fondatrice du réseau Genre en Action (www.genreenaction.net) 1 2. Ressources d’organisations basées dans les pays du Nord Bisilliat, J. (ed.), 2003, Regards de femmes sur la globalisation, Approches critiques, Editions Karthala, Paris, mars 2003, 316 p. Cette publication est disponible auprès : http://www.karthala.com/rubrique/detail_produit.php?id_oeuvre=1571 Cet ouvrage tente d’offrir au public francophone une pensée féministe critique, encore peu connue en France, de la politique et des pratiques d’aide au développement des institutions internationales (Nations unies, Banque mondiale, Fonds monétaire internationale) et d’autres organismes de développement. Les articles se basent sur des exemples d’Afrique, d’Amérique Latine et du souscontinent indien qui analysent des thèmes comme la division internationale sexuelle du travail, le microcrédit, les prises de position des organisations internationales. Ils illustrent et expliquent les mécanismes de la dangereuse récupération des pauvres et des femmes qui doivent devenir des consommateurs et s’inscrire dans l’économie marchande du système capitaliste. En effet, la mondialisation a eu comme conséquence un développement de l’emploi et du travail féminin précaires, renforçant fréquemment leur exploitation et la difficulté de l’articulation entre travail productif et reproductif. Globalement, les femmes sont encore trop souvent considérées comme des bénéficiaires passives. Elles sont fortement tributaires des actions de développement mises en place par les instances internationales et les pouvoirs publics. Or ces derniers ne permettent pas de recherche d’alternatives réelles. Plusieurs des articles recommandent de renforcer la structuration de nouveaux collectifs dans le cadre de la globalisation regroupant des femmes du monde entier et différents courant des mouvements féministes afin d’optimiser la force de proposition face à la remise en question du modèle de développement. De tels réseaux devront organiser des actions concertées à l’échelle mondiale contre la précarité grandissante du travail des femmes. Parallèlement, il est nécessaire d’approfondir des études sur le genre (par exemple sur la division sexuelle du travail) afin de rendre plus visible la diversité et la complexité des situations des femmes face à la globalisation. Les constats • La mondialisation a eu comme conséquence un développement de l’emploi et du travail féminin, mais beaucoup de ces emplois sont précaires et augmentent la vulnérabilité des femmes. • Les mutations de la division sexuelle du travail ne sont pas globalement favorables aux femmes, renforçant fréquemment leur exploitation et la difficulté de l’articulation entre travail productif et reproductif. • En assimilant la pauvreté essentiellement aux femmes et en mettant l’accent sur les dimensions non-monétaires de la pauvreté, les organisations internationales parviennent à 2 mettre en perspective une lutte efficace et peu onéreuse contre la pauvreté, tout en consolidant leur discours sur l’égalité entre hommes et femmes. Mais pour les femmes pauvres, cette égalité est conditionnée par sa fonctionnalité au service de l’intérêt commun de l’humanité tout entière. • Derrière les mécanismes de participation de la société civile promus par l’Organisation des Nations Unies (ONU), se dessine une subtile dénaturalisation des propositions alternatives, en particulier portées par le féminisme. L’ONU a créé ainsi progressivement une pensée et une action de plus en plus unifiée ou unique, qui prétend substituer la planification et l’administration paisible du statu quo à la recherche d’alternatives réelles. • L’impact du microcrédit sur les femmes n’est pas uniforme. Il peut aller dans le sens de la mondialisation (micro-endettement de femmes vulnérables), mais il peut aussi contribuer à l’empowerment des femmes, notamment si il s’inscrit dans le renforcement de groupement de femmes et s’insère dans un ensemble d’appuis (au-delà de l’accès au crédit). • Les femmes sont encore trop souvent considérées comme des bénéficiaires et non comme des actrices et elles sont fortement tributaires des actions de développement mises en place par les instances internationales et les pouvoirs publics. Recommandations • Renforcer la structuration de nouveaux collectifs dans le cadre de la globalisation pour proposer des alternatives et des actions concertées à l’échelle mondiale contre la précarité grandissante du travail des femmes. • Renforcer le regroupement des femmes du monde entier et des alliances entre les différents courants des mouvements féministes afin d’optimiser la force de proposition face à la remise en question du modèle de développement. • Poursuivre l’étude de problématiques genrées du marché de travail : la transformation de la division sexuelle du travail domestique et familial dans des situations de mobilité géographique accrue sur le marché de travail, les changements technologiques et la masculinisation/féminisation des emplois, métiers et postes, la présence féminine dans des chaînes de sous-traitance, les clivages présents au marché de travail (entre hommes/femmes, entre femmes, entre personnes d’âges, d’ethnies et de nationalités différentes) • Rendre plus visible la diversité et la complexité des situations des femmes face à la globalisation. Cet ouvrage comporte une première partie plus analytique et une deuxième partie de témoignages provenant de différents secteurs et pays. Il est majoritairement constitué d’articles rédigés par des francophones, auxquels s’ajoutent quelques traductions de l’espagnol et de l’anglais. 3 Borghino, B. (1998), L’approche intégrée de la dimension de genre : un changement de focale, 1998 et Colloque du GRAIFF (Groupement Régional pour l'Action et l'Information des Femmes et des Familles. L'association pour l'égalité entre femmes et hommes), Marseille, 2003, http://www.genreenaction.net/article.php3?id_article=3698 Alors que le sexe renvoie aux différences biologiques entre hommes et femmes, le genre fait référence à la construction sociale des genres féminin et masculin et s’attache aux différences sociales entre hommes et femmes. L’approche genre permet d’analyser les relations de pouvoir et les rapports sociaux entre les sexes, et met ainsi en évidence les inégalités entre hommes et femmes. Le genre est donc un outil indispensable qui permet d’adapter les politiques aux réalités sociales, tout en atténuant les inégalités hommes/femmes, non pas dans un esprit particulariste mais dans un esprit universel concret. Le genre est « une philosophie, une méthode de travail et une stratégie ». Les constats • Le concept de genre rompt avec une soi-disant dimension « naturelle » du féminin et du masculin et donne une vision comparative des rôles, des situations et des besoins des hommes et des femmes. • L’approche « genre » ne sépare pas l’un et l’autre sexe mais montre comment les relations hommes/femmes s’articulent dans la société. • Elle révèle les discriminations directes mais aussi les discriminations indirectes, souvent plus insidieuses. Celles-ci s’observent par exemple dans l’accès différencié aux ressources matérielles ou symboliques. • L’approche genre rend visibles les constructions des inégalités entre les sexes, et permet de proposer un modèle plus égalitaire. • Il existe différentes stratégies pour la prise en compte des inégalités entre les sexes : 1) Les actions positives : L’idée est de se centrer sur les inégalités vécues par les femmes et d’y répondre par des actions spécifiques et positives visant à compenser les désavantages vécus par les femmes. Cette approche s’est avérée souvent insuffisante dans le passé. 2) L’approche intégrée de la dimension genre («ou « mainstreaming »). Cette approche couvre trois éléments: l’objectif d’égalité des sexes, l’analyse des problèmes selon le genre et l’intégration du genre au centre des politiques et du débat social. 3) La double stratégie : Celle-ci vise la mise en œuvre d’actions positives parallèlement à une approche intégrée. Recommandations • Pour mettre en œuvre l’approche intégrée, il s’agit de : 4 - Se déplacer de la « vision femmes » à la vision « relation des rapports sociaux de sexe » - Passer d’un modèle de revendication à une position créative. - Impliquer des hommes pour qu’ils questionnent les modèles qui les manipulent aussi. - Mettre un terme aux politiques « neutres » et intégrer d’une perspective genre dans l’élaboration, le suivi et l’évaluation des politiques. • Prendre en compte du genre de façon interministérielle et transversale. L’approche intégrée ne peut être efficace sans la mise en œuvre d’actions spécifiques visant les femmes. Il convient donc de mettre en œuvre une « double stratégie ». Reste cependant la question des combinaisons et des moyens d’articulation entre les deux approches. Ecole doctorale de sciences politiques et Genre en Action, (2004), Renforcer le genre dans la recherche. Approche comparative Nord-Sud, actes du colloque, 25-27 novembre 2004, Bordeaux, http://www.cean.sciencespobordeaux.fr/actes_colloque_Genre.pdf L’intégration du genre dans la recherche et la culture francophones est un défi majeur. Dans ce domaine, les anglo saxons et les nordiques, véritables pionniers du concept dès les années 60, disposent d’une large avance sur les francophones. Pour rendre effectif le passage d’une approche « Femmes » à une approche « Genre », et lutter contre l’« invisibilité » des femmes et du genre dans la théorie et la pratique, aux Nords comme aux Suds, il faut notamment lutter contre toutes les formes prises par le biais androcentrique affectant les représentations politiques et socioéconomiques. Des exemples de bonnes pratiques illustrent les résistances et les solutions pour renforcer le genre dans la recherche aux plans méthodologique, politique et institutionnel. Sont soulignés, le manque de formation et de coordination entre recherche et action, et l’absence de parité dans les structures francophones. La création de « pôles genre » de recherche-action permettrait de promouvoir une meilleure synergie, et l’intégration du genre au sein des cursus universitaires. Les constats Les expériences de recherche et d’action montrent que le genre s’impose de différentes façons : • Le genre peut être pris comme objet d’étude • L’approche genre peut être décidée a priori et appliquée dans des analyses sectorielles • Dans certains cas, des études démarrent sans faire appel à l’approche, mais l’appliquent a posteriori quand la nécessité du concept s’impose. Les résistances à la généralisation de l’intégration du genre sont pourtant multiples, d’ordre « idéologique » au sens large (culturel et politique) : 5 • idéologie de l’« universalisme abstrait » • idéologie du développement • idéologie de l’économie comme le seul moteur de changement social. Les rapports sociaux et les rapports de développement sont affectés par des biais, « androcentrique » et « ethnocentrique », qui s’expriment en termes méthodologiques, politiques, institutionnels. L’appropriation du concept de genre par la recherche aux Suds comme aux Nords suppose donc : • une compréhension politique des savoirs et des rapports sociaux • le croisement systématique du genre et d’autres dimensions sociales. Bonnes pratiques Ce processus complexe soulève des objections et difficultés comme l’illustrent diverses expériences pratiques : • L’intégration du genre dans le « mainstream » des programmes politiques et éducatifs ne peut pas se faire d’un seul coup. • La formation est un outil essentiel d’intégration du genre, dans les milieux académiques et professionnels. La France et les pays francophones souffrent d’un manque de formation et de coordination entre recherche et action. • La « survisibilité » du genre n’est pourtant pas un gage de son intégration « réelle » et peut devenir « utilitariste». • Le CODESRIA est un exemple original d’institutionnalisation du genre dans la recherche en sciences sociales en l’Afrique, et de ses difficultés. Recommandations Pour renforcer la prise en compte du genre dans la recherche francophone, il faudrait : • Examiner les cursus universitaires et identifier des possibilités d’intégration dans de nouvelles structures mises en place • Faire le lien entre la recherche et l’« action » et favoriser des synergies entre chercheurs en créant des « pôles » genre • L’importance du genre doit se traduire en termes budgétaires, et il faut mobiliser les ressources existantes (au niveau européen) • Elle doit se traduire aussi par la représentation des femmes au niveau institutionnel, qui est maintenant très insuffisante. 6 Falquet, J., (2005), Sexe, race, classe et mobilité sur le marché du travail néolibéral : hommes en arme et femmes « de service », Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme, Colloque "Mobilités au féminin", Tanger, 15-19 novembre 2005, http://www.mmsh.univ-aix.fr/lames/Papers/Falquet.pdf Le processus de la « mondialisation néo-libérale », amorcé depuis les années 70, se traduit par une nouvelle structuration des marchés du travail, en fonction de la « race », de la classe, et du sexe, et de migrations nationales et internationales. La disparition et le déclin des secteurs économiques « traditionnels » au profit des nouveaux marchés, la dérégulation de l’emploi favorisée par les politiques libérales et les plans d’ajustement structurel, les politiques sectorielles de développement (promotion du tourisme) et les politiques de l’immigration se traduisent par l’informalisation, l’internationalisation et la sexualisation des marchés du travail. Le développement conjoint d’une offre de « travail armé » (impliquant l’usage des armes et de la violence), essentiellement masculin, et d’une « offre de travail » domestique et surtout sexuel, essentiellement féminin, illustre adéquatement les implications du nouvel ordre mondial. Cette situation révèle une fonction stratégique de la violence armée dans les sociétés affectées par ces évolutions structurelles. Autant de pistes de réflexion visant à susciter des recherches. Les constats • Le développement conjoint et fortement genré de deux formes nouvelles de « travail », l’ « emploi armé » essentiellement masculin, et l’emploi de « service » (travail domestique et surtout « travail sexuel »), essentiellement féminin. • Des conflits armés endémiques et des situations d’occupation militaire, caractérisent le nouvel ordre géopolitique mondial, offrant aux hommes de nombreuses opportunités d’emploi dans un contexte économique dégradé. • De nombreux facteurs expliquent le fort développement du marché du « travail sexuel », à l’échelle locale et internationale, et la « prostitutionalisation » des migrations féminines : – précarisation des femmes et durcissement des lois de l’immigration ; légalisation de la prostitution dans certains pays – développement des industries de la pornographie et du tourisme – politiques sectorielles de développement du tourisme faisant parfois explicitement de la prostitution un facteur de développement • Par ailleurs il existe un lien de causalité entre le développement de l’« emploi armé » masculin et le « travail domestique » et le « travail sexuel » féminins : c’est la « prostitution militarisée », inaugurée à grande échelle par les armées japonaise et américaine lors de la seconde guerre mondiale. 7 • La dévastation des tissus sociaux et les viols de femmes courants en situation de guerre, produisent les conditions de développement de la prostitution. • En marge de la guerre, la présence de personnel « humanitaire » et d’expatriés est à l’origine d’une demande, mais aussi d’une « offre », de travail sexuel et domestique. Conclusions • Il conviendrait de susciter un vaste programme de recherches sur les relations dialectiques entre les rapports sociaux de sexe, l’évolution du marché du travail néo-libéral et les migrations nationales et internationales dans le contexte de la mondialisation néo-libérale. • Notamment, il faut mettre en lumière la complémentarité du « travail armé » et du « travail sexuel » et le rôle que pourrait jouer la violence armée dans le maintien des marchés du travail segmentés propres à l’ordre social néolibéral. Falquet, J., (2003), L’ONU alliée des femmes ?, revue Multitudes, version courte d’un article plus complet dans « Regards de femmes sur la globalisation », Karthala, 2003, dirigé par Jeanne Bisilliat, http://multitudes.samizdat.net/article.php3?id_article=112 Les politiques de genre, largement mises en avant par les instances de l’Organisation des Nations Unies (ONU), répondent-elles véritablement aux intérêts des femmes ? C’est la question que l’on peut se poser lorsqu’on observe l’interpénétration croissante des discours et des pratiques des institutions internationales d’une part, et de la société civile d’autre part. Les mouvements sociaux ont certes obtenu au sein de l’ONU des victoires qu’il serait injuste de négliger. Mais, l’ONU, ayant réussi à s’attirer la sympathie des mouvements de femmes, s’est arrangé pour absorber leur travail, avec, par exemple, la tenue de conférences internationales ou encore le développement des politiques de micro-crédits. Les mouvements perdent alors en autonomie face aux États et les positions féministes sont noyées dans un consensus large. Il est donc nécessaire de rester critique et indépendant face aux instances internationales. Les constats • Les mouvements sociaux ont tendance à se dépolitiser. La volonté de transformer le système finit par se muer en une série de revendications aménagées selon le bon gré de l’ONU. • Les groupes féministes se professionnalisent au détriment d’une militance politique volontaire pour ne devenir que des sous-traitants des Nations-Unes, participant du projet de « bonne gouvernance ». • L’ONU exploite la soif de participation et les idées des femmes et les fait paradoxalement participer à leur propre destruction. 8 • Les mouvements de femmes en Amérique latine et dans les Caraïbes sont particulièrement préoccupées par ce phénomène d’ « ONGisation » des mouvements sociaux, qui perdent en analyse critique politique et en potentialité transformatrice. • Par exemple, la politique internationale en ce qui concerne la gestion planétaire démographique rejoint ces préoccupations. La notion de surpopulation, largement critiquée par les féministes du Sud, recouvre en effet une théorie raciste et sexiste qui présente les femmes latinas, indiennes, noires, arabes et asiatiques comme trop prolifiques et par là coupables de leur propre pauvreté. • Par ailleurs, le considérable développement des politiques de micro-crédits, pour les femmes achève d’illustrer la collusion entre intérêts privés, Fonds Monetaire International (FMI), Banque mondiale, ONU et United States Agency for International Development (USAID). Le micro-endettement permet de poursuivre la mise en coupe réglée du Sud et l’enrichissement du Nord, tout en aggravant la situation des femmes. • On voit grâce à ces exemples comment les programmes d’aide aux femmes soutenus par l’ONU se combinent harmonieusement avec les politiques prônées par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale qui ont pour but principal de capter pour le marché les systèmes économiques traditionnels, largement tributaires des femmes. • L’ONU essaie de se présenter comme une instance qui rattraperait les catastrophes provoquées par le FMI et la Banque Mondiale, alors qu’elle constitue une pièce centrale du dispositif de mise en place du nouvel ordre mondial. Recommandations • Il est important d’être critique face au système ONUsien. • Il faudrait rompre avec les instances internationales et reprendre une véritable indépendance idéologique et organisationnelle. Féminisme et genre en Roumanie, (2004), entretien avec Mihaela Miroiu, les Pénélopes, France, paru aussi dans « Nouvelles Questions Féministes », volume 23/2 (juin 2004), pages 88-96, Editions Antipodes http://www.penelopes.org/xarticle.php3?id_article=6043 Aujourd’hui en Roumanie, on remarque, avec par exemple le développement des Etudes Genre, que le féminisme académique a un ascendant sur le féminisme militant. Historiquement, le pays est passé d’un patriarcat traditionnel à l'expérience égalitariste communiste. L'égalité était en effet affirmée dans la rhétorique officielle communiste même si le patriarcat traditionnel demeurait dans la sphère privée. Or, l'égalitarisme est l'un des premiers principes qui se sont effondrés avec le communisme. Dans un tel contexte, le féminisme en Roumanie se distingue fortement du féminisme à l’occidentale et est d’abord passé par un affranchissement face à l’autoritarisme d’Etat. L’un des effets pervers de cette spécificité est que nous assistons aujourd’hui à l’instauration d’un patriarcat moderne où les femmes 9 sont économiquement dépendantes. Sur le plan politique, les questions de genre sont malheureusement souvent traitées grâce à des initiatives individuelles ou encore grâce à des incitations politiques d’organisations intergouvernementales, telles que l’Union Européenne. Les constats • La Roumanie, pays à dominante agricole où l'industrie était peu développée, connaît avant 1940 un patriarcat familial traditionnel. Sur cette structure s'est greffé le communisme, c'està-dire l'égalité de genre sur le plan officiel. • Au moment de la sortie du communisme, les roumains connaissaient un égalitarisme de genre officiel dans la sphère étatique, un paternalisme d'Etat envers les citoyen(ne)s et un patriarcat traditionnel dans la sphère familiale. • Les organismes internationaux ont fait des erreurs dans la conception de leurs programmes, comme celle de ne pas prendre en compte les fonctions multiples (sociale, éducative, culturelle…) de l’entreprise. La dépendance économique des femmes aujourd’hui n'en découle pas directement. Elle est plutôt la conséquence de décisions du gouvernement, qui a, par exemple, en priorité opté pour une privatisation des entreprises à dominante féminine, et ce sans compensation suffisante des travailleuses. • Pour les femmes en Roumanie, sortir du communisme a signifié, entre autres, avoir accès à des produits de consommation dits « féminins », vivre l'expérience des femmes au foyer occidentales, d’où l'incompréhension entre les féministes de l'Est et de l'Ouest. • Les jeunes femmes roumaines d'aujourd'hui finissent par subir un état de dépendance qui les empêche de se réaliser autrement qu’en tant que mère et épouse. Il ne reste donc pas grand chose de l'idéologie populaire du communisme et de l'émancipation des femmes par le travail. • L’Union Européenne (UE), comme d'autres organisations internationales, joue un rôle bénéfique par ce qu’on peut appeler le « féminisme self-service » : l'UE pousse en effet les politiciens roumains à l'adoption de lois en faveur des femmes. • Très peu de personnes se définissent comme féministes en Roumanie. Il y a de plus en plus de monde impliqué dans les études « genre », mais beaucoup moins dans le féminisme militant. • D’un point de vue normatif, la situation reste insuffisante. Par contre d’un point de vue historique, les changements sont encourageants notamment sur le plan académique, même si beaucoup de doctorantes partent poursuivre leurs études à l'étranger. 10 Recommandations • Le féminisme en Roumanie devrait être plus militant. • Les politiques visant l’égalité des sexes devraient être institutionnalisées et débattues publiquement, et ne plus seulement dépendre d'initiatives individuelles et de réseaux d'influence. Hofmann, E. (2003), Comment évaluer l’empowerment des femmes défavorisées? Eléments de réflexion à partir de projets de développements dans des pays du Sud, Contribution aux 5èmes Journées Françaises de l’évaluation, Société Française d'Evaluation (SFE), Limoges, octobre 2003 (actes à paraître). http://chaireunesco.u-bordeaux3.fr/pdf/empowerment2003.pdf Le renforcement du pouvoir d’action et du droit à la parole des femmes, désigné de par le terme anglais empowerment, figure aujourd’hui parmi les objectifs de nombreuses interventions de développement dans les pays du Sud. Cet article cherche à étudier comment les résultats et l’impact d’un projet ou programme de développement en termes d’empowerment peuvent être évalués. Une évaluation de l’empowerment des femmes, nécessite une réinterprétation des critères "classiques" de l'évaluation, fondée sur une analyse moins centrée sur l'action en soi, mais plus sur les personnes et les processus en marche. L’empowerment cherche à stimuler ou renforcer un double processus, à la fois collectif et individuel – il faut donc également l’évaluer à ces différents niveaux et sous ses aspects multiples (cognitif, psychologique, économique et politique). L’évaluation de l’empowerment est un exercice très complexe, difficile à mener dans les contraintes habituelles des missions d’évaluation. D’une part, elle nécessite une contextualisation des indicateurs et l’appréciation des critères du point de vue des différentes parties prenantes. Chaque critère doit donc être décliné en indicateurs selon les spécificités du projet et de la situation des personnes concernées. Et il est indispensable de considérer les différentes perspectives, d’évaluer par exemple l’impact non seulement d’une manière globale, mais également d’une manière différenciée, c’est-à-dire du point de vue des femmes, des hommes, de certaines structures, etc. D’autre part, une évaluation de l’empowerment ne peut se faire que par une approche participative, soigneusement employée. Ce sont les femmes concernées elles-mêmes qui sont le meilleur évaluateur de leur propre empowerment. Un renforcement du suivi, un ajustement régulier de la planification et des évaluations qui sont avant tout formatives s’imposent et permettront d’améliorer non seulement l’évaluation de l’apport d’un projet en termes d’empowerment, mais également les projets eux-mêmes. Les constats • La complexité du concept empowerment entraîne une complexification des critères "classiques" de l'évaluation que sont la pertinence, l'efficacité, l'efficience, la viabilité, l'impact, auxquels s’ajoute la qualité de la participation de la population concernée. • La pertinence a un lien étroit avec l’appréciation du réalisme des objectifs d’une part et d’autre 11 part avec l’appréciation de l’appropriation de ces objectifs de la part des femmes concernées, les deux étant intimement liées. • Les évaluations se fondent avant tout sur des comparaisons avec d’autres interventions en faveur de l’empowerment des femmes, sans toujours considérer suffisamment la diversité des contextes d’intervention. • Pour l’efficacité, l’élaboration d’indicateurs de suivi et la recherche d'information correspondante est un travail très important qui dépasse le cadre des interventions de développement habituel (et du budget imparti à leur suivi). • L’empowerment étant un processus dynamique en construction, il est pratiquement impossible de se limiter à une appréciation de l’atteinte des indicateurs prédéfinis. • Il faut considérer non seulement l'efficience du projet en soi, mais également « l'efficience » pour les différents acteurs, dont les femmes et les hommes concernés (la comparaison entre le temps et/ou les ressources « investis » dans le projet et les bénéfices qu’il leur procure…). • C’est aux niveaux de la viabilité et de l’impact que l’empowerment doit avant tout s’évaluer, en tenant compte de multiples facteurs d’influence externe. • Les approches participatives rencontrent des obstacles et peuvent produire des effets pervers. • Il y a un décalage entre la complexité du processus multidimensionnel que recouvre l’empowerment et les conditions d’une évaluation de projet. • Assouplir les méthodes de planification de projet pour ajuster le projet planifié en cours, sur la base de mécanismes évaluatifs internes. • Renforcer le caractère formateur des évaluations, car savoir évaluer sa propre action peut aussi représenter un aspect d’empowerment. Les exercices évaluatifs sur le terrain doivent représenter des occasions pour un transfert de compétences en termes d’évaluation, pour une démonstration de l’utilité de telles démarches et pour fonder les bases ou renforcer une véritable culture évaluative au sein des organismes de développement et des organisations de base au Sud. Recommandations • Tenir compte de la complexité des processus en cours et de l’environnement systémique dans lequel ils s’insèrent. • Réinterpréter les objectifs de départ en termes d’empowerment pendant l’évaluation, afin de mesurer la réalisation d’objectifs en évolution tout au long du projet. • Assurer une réelle participation des femmes dans l’ensemble du cycle de projet (y inclus l’évaluation), en l’inscrivant dans un processus collectif à moyen et long terme. • Renforcer la capacité des projets de mener un suivi conséquent, participatif et rétroactif par 12 rapport au projet, plutôt que d'étoffer et d’alourdir toujours davantage les méthodologies d'évaluation. Michel, A., (2001), Les femmes en marche vers une paix durable, Les Pénélopes, France. http://www.penelopes.org/xarticle.php3?id_article=2479 Quels que soient les conflits et leur époque, des femmes conduisent des actions collectives contre l’impunité, la barbarie, les embargos, le sort réservé aux populations civiles. Que ce soit en Italie, en Espagne, en Bosnie, en France, en Algérie, en Argentine, au Brésil, au Rwanda, en Colombie, en Israël, en Irak ou en France, elles bravent les politiques nationalistes engagées par leurs Etats, en mettant par exemple en avant la négociation ou la concertation. Mais, même si les citoyenneté et conscience planétaires représentent les deux ingrédients indispensables aux conditions d’une paix durable, les Etats et les organisations non gouvernementales (ONGs) n’en sont pas moteurs. Cet engagement passe effectivement par une politique volontariste assurant le respect des droits humains pour toutes et tous, quels que soient leur genre, leurs appartenances culturelles, ethniques, sociales, religieuses ou politiques. Seules les femmes, épargnées par un endoctrinement patriarcal axé sur l’usage de la violence, assurent les bases d’une démarche négociée, préventive et juste pour tous. Leur lutte contre le lobby des complexes militaro-industriels et en faveur de politiques de service public, devrait militer pour la parité aux tables de négociation. Les constats • les Etats signataires de la Charte universelle des droits de l’homme et qui siègent au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU), définissent leur politique étrangère du point de vue de leurs "intérêts nationaux" ; • ils soutiennent certaines dictatures pour préserver des accords économiques privés ; • ils sont corrompus par les complexes militaro-industriels dont la raison d'être est la production et la vente d'armes ; • les budgets militaires augmentent au détriment des crédits alloués aux services publics ; • les achats d'armes représentent 33% de la dette du Tiers-monde ; • lors de la signature d’accords de paix, la force prévaut sur la justice ; • la solidarité planétaire des ONGs s’arrête aux frontières du respect des droits élémentaires ; elle n’intègre pas la résistance au recours à la violence et au pouvoir de lobby des complexes militaro-industriels ; • les femmes, d’un certain niveau d'éducation, sont beaucoup moins favorables que les hommes au règlement des conflits par la violence, aux productions et aux ventes d'armes ; • elles militent pour l’utilisation des budgets publics vers la santé et l'éducation ; 13 • elles respectent et promeuvent le principe de précaution contrairement aux hommes ; • elles restent sous-représentées dans les instances élues. Recommandations • exiger des Etats l'arrêt des productions et ventes d'armes ; • s'opposer à la résolution des conflits intérieurs ou internationaux par la violence ; • prôner la négociation ; • développer les initiatives de concertations croisées entre franges « ennemies » ; • prévenir les conflits par la justice ; • respecter le droit international qui interdit de punir les populations civiles des crimes de leurs dirigeants ; • se battre contre l'impunité ; • lutter pour la création de tribunaux pénaux internationaux ; • prioriser les femmes dans toutes les instances de décisions, nationales ou internationales ; • exiger la parité aux tables de négociation pour la paix. Poulin, R., 2003, La mondialisation des marchés du sexe, les Pénélopes, France. http://www.penelopes.org/xarticle.php3?id_article=2295 Depuis 30 ans, le développement du commerce sexuel à une échelle industrielle et internationale, est devenu une dimension majeure, et non plus marginale, du développement économique et de la mondialisation. L’industrialisation de la prostitution et l’existence d’un trafic des corps impliquant des millions de personnes sont favorisés notamment par l’expansion de l’industrie touristique et de la pornographie. On observe une véritable sexualisation des sociétés, au Nord comme au Sud, qui repose sur l’exploitation des pays pauvres, des catégories sociales et ethniques dominées, et surtout, des femmes et des enfants. Les conséquences de ce phénomène encore largement méconnu sont dramatiques : croissance des inégalités, des violences, des maladies sexuellement transmissibles affectant la fertilité. Ces arguments plaident pour une prise de conscience des limites de la marchandisation des rapports sociaux inhérente à la mondialisation néolibérale, conduisant au déni des droits humains. Politiquement, ils s’opposent au principe de la régulation défendu par de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) et des organisations internationales. 14 Observations • La mondialisation des échanges affecte le commerce sexuel,, mais aussi le trafic de corps, qui font l’objet d’une véritable industrialisation, avec l’émergence d’une offre très diversifiée émanant des nouveaux pays industrialisés et des pays en développement. • Parmi les facteurs favorisants, l’essor de l’industrie de la pornographie (surtout au Nord) et celui de l’industrie touristique. • La prostitution est même devenue un facteur de développement pour des pays endettés, incités par le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque mondiale à développer leur industrie du tourisme et du divertissement. • Certains pays du Nord ayant légalisé la prostitution (en fait en grande partie des immigrées clandestines, donc non protégées) ont aussi par ce biais renforcé leur attrait touristique. • De manière générale, le trafic des corps va du Sud et de l’Est vers le Nord, et entre les pays du Sud, reflète les disparités interrégionales, comme l’atteste par exemple l’incidence de la prostitution birmane en Thaïlande, bangladeshi au Pakistan. Enfin, il affecte souvent des minorités nationales ou ethniques (exemple de la prostitution aborigène à Taipei (Taïwan)). • Le trafic et la prostitution renforcent les inégalités internationales et sociales, en particulier la vulnérabilité des femmes et des enfants. • Des enquêtes menées en Angleterre et aux Etats-Unis auprès de prostituées montrent qu’elles ont souvent subi des viols, rapts et déplacements forcés, et que la majorité sont exposées à des violences physiques régulières de la part des proxénètes et des clients. • La pornographie, ayant une forte dimension culturelle, implique la banalisation d’une représentation sexiste des femmes et rend les consommateurs complices de l’abus sexuel sur des enfants à partir de trois ans. • Le développement de la prostitution a des conséquences dramatiques pour la santé, exposant femmes et enfants prostitués et leurs "clients" aux maladies "vénériennes", mais c'est aussi une cause majeure d'infertilité pour les femmes, contaminées par la voie de relations sexuelles non marchandes. Conclusions • Il faut considérer les nouvelles orientations du développement de la prostitution (massification, industrialisation, trafic d’êtres humains) comme inhérentes au processus de la mondialisation capitaliste. • Cette analyse va à l’encontre des tendances actuelles à la légalisation du travail sexuel et à la régulation de la prostitution prônées notamment au sein de l’Organisation internationale du Travail et de l’ONU. 15 Reysoo, Fenneke (2002), La construction sociale de la masculinité à Mexico, Nouvelles Questions Féministes, Vol. 21, n°3, p. 61-70. Cette publication est disponible auprès : http://www2.unil.ch/liege/nqf/sommairesNQF/som213.html A la suite d’un sondage effectué auprès de jeunes hommes à Mexico, on a pu observer que la construction sociale de la masculinité dans les quartiers difficiles de la ville s’articule autour de deux étapes : l’une mettant l’accent sur une hétérosexualité active, l’autre sur le sens de la responsabilité socio-économique. Au niveau symbolique, l’image de l’homme semble immuable et n’est pas susceptible de changer. En creusant le sujet de l'identité masculine en termes de rôles sociaux et institutionnels, les conceptions de la masculinité sont plus diverses. En abordant le niveau individuel, il y a encore plus de variations et les adultes ajustent de manière parfois ambivalente leurs comportements en fonction des réalités, par exemple dans leur initiation sexuelle. La pratique ne permet en effet pas l’application stricte de la construction symbolique. Les constats • A la question, « qu’est-ce q’un homme », les jeunes hommes répondent d’abord en faisant référence à la dichotomie sexuelle biologique homme/femme. Cependant, c’est surtout par opposition à la figure sociale du « moindre homme » (l’homosexuel ou l’homme efféminé) qu’ils s’identifient. • Au niveau symbolique, il existe une image immuable de l'homme, une forme de « masculinité hégémonique », constituée de deux figures emblématiques opposées : le coureur de jupon et le père de famille • La conception d'un homme fort, coureur de jupons structure dans un premier temps les comportements des jeunes hommes, d'où l'importance donnée aux conquêtes sexuelles et à la sexualité dans leur vie quotidienne. • A propos de l’initiation sexuelle, on peut distinguer plusieurs types de relations entre filles et garçons : - Avec les prostituées, les adolescents apprennent les secrets de la sexualité. - Avec les confidentes, ils partagent leurs vulnérabilités et le sexe sans engagement durable. - Avec la fiancée, ils mettent en place une relation fondée sur le respect et projettent une vie commune. • Ces jeunes véhiculent également une définition de la masculinité dans l’image d'un "bon homme", responsable socio-économiquement parlant, pourvoyeur d’argent pour la famille et qui respecte les femmes. • Cependant, les réalités sociales, marquées par la précarité, font qu’il est très difficile de répondre à l’image du bon père et qu’il y a incompatibilité entre ce que les jeunes disent et ce 16 qu’ils vivent. Par effet de balancier, c’est l’autre image, celle du coureur de jupons, qui se renforce. L’initiation sexuelle à un âge de plus en plus précoce illustre ce processus. • Le modèle hégémonique idéal sert surtout à renforcer la distinction entre une essence masculine et ses déviations potentielles (femmes, hommes efféminés, homosexuels). Ceci se traduit par l'amplification et la ritualisation des comportements tenus pour masculins ainsi que par la stigmatisation et la marginalisation des personnes « déviantes ». SOS-Faim, Le Genre en question, (2005), Défis Sud No 67, 2005. Cette publication est disponible auprès : http://www.sosfaim.org/pages_be/fr/publications/publications_ds67.html Initiée pendant les années 90, l’approche genre a succédé à l’approche « femmes et développement », qui s’appliquait surtout à la mise en oeuvre de projets centrés sur les femmes. Malgré des réticences qui persistent, l’approche genre est de plus en plus reconnue. Cependant, elle est intégrée de façon très inégale et se confronte à divers obstacles institutionnels et politiques, comme le manque d’engagement de la part des gouvernements ou l’absence de formations. Du côté des féministes en Afrique, le mouvement piétine et devient alimentaire. L’approche genre, comme le féminisme africain, doit être repolitisée. Les constats • L’approche genre met l’accent sur le rapport politique de pouvoir entre hommes et femmes, permet d’analyser les inégalités entre hommes et femmes comme des rapports culturellement construits et de montrer que les besoins sont différents pour les hommes et pour les femmes. • Les acteurs du développement interprètent, au Nord comme au Sud, de façon différente l’outil « genre » et ne l’intègrent pas de la même manière. • Par exemple, les gouvernements du Nord ont parfois réduit leurs budgets alloués au genre au nom de la transversalité. • Chez les groupes de femmes, les points de vue sont multiples mais on note que l’intérêt est passé de la satisfaction des besoins à la promotion des droits au moyen d’actions de plaidoyer en réseaux. • Les mécanismes institutionnels mis en place ont donné des résultats très contrastés. • Par exemple, l’ Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a mis en place des indicateurs qui ne sont quasiment pas utilisés. • Les organisations non-gouvernementales (ONG) intermédiaires du Sud intègrent de plus en plus le genre mais les courtiers en développement font « du genre » sans véritable engagement. • Au Sud, on utilise parfois le caractère imposé par le Nord des questions d’inégalités des sexes pour ne pas les intégrer. 17 • Les formations manquent et les méthodologies ne sont pas au point. • Malheureusement, les projets spécifiques aux femmes ne visent pas toujours une réduction des inégalités. En Afrique • Les femmes sont dominées par les hommes, mais aussi par « les Etats et les forces du marché international ». • Le mouvement des femmes africaines n’est pas assez politisé, les revendications des femmes africaines « tournent en rond ». • De plus en plus de féministes en Afrique font de la gestion de projet pour gagner leur vie et ne sont pas issues de luttes nationales et locales. • Le mouvement des femmes en Afrique n’existe que parce qu’il est financé de l’extérieur et qu’il est donc orienté vers certaines problématiques. Les problèmes économiques ne sont donc que rarement évoqués et les questions politiques ne sont prises en compte qu’en termes de représentation. • Au-delà de ce bilan sombre du féminisme africain, s’entrouvre cependant la perspective encourageante d’un mouvement panafricain de femmes. Recommandations • Seuls les projets qui visent un changement de la position des femmes dans les sociétés auront un impact sur le long terme. • Il s’agit de repenser le « genre » avec une perspective politique. • En Afrique, un retour aux questions fondamentales comme la lutte contre la pauvreté est nécessaire. Verschuur, C. et Reysoo, F. (editeures), (2003), Genre, pouvoir et justice sociale, Cahiers Genre et Développement n°4, L’Harmattan, IUED/EFI, 283 p. Lien vers la page informative de l’IUED: http://www.unige.ch/iued/new/recherche/genre/pole/cahiers.html Les Cahiers Genre et Développement sont un recueil de documents de référence et d'articles originaux en langue française, visant le public le plus large, en particulier les professionnels. On y trouve des articles théoriques, des analyses sectorielles, des outils de planification, des données de base, des bibliographies et adresses utiles. Le numéro 4 permet notamment de comprendre la notion d’empowerment initiée par des organisations de femmes et féministes du Sud, et il défend l’apport critique et politique de l’approche genre. Il donne des clés pour comprendre le débat sur les pouvoirs, la justice et la gouvernance : théories politiques féministes, analyses des structures de droits et des capacités, et de l’articulation de la famille, de la société civile et de l’État. La présence significative des femmes dans les institutions politiques (« seuil critique ») est un facteur de progrès social et de justice 18 sexuelle, mais l’accès des femmes aux instances de pouvoir au sens large se heurte à toutes sortes de résistances. L’empowerment doit être une notion souple, visant à développer la capacité des femmes à l’auto-détermination. Plusieurs entrées permettent de cerner les enjeux actuels de l’empowerment: • La théorie féministe fournit des définitions d’une citoyenneté féminine mettant l’accent sur la participation. • Le régime de la propriété, notamment le droit foncier, offre un bon exemple des rapports, très sensibles au genre, entre droits, capacités de négociation, et changement social et culturel (Ouganda, Pérou). • Le concept de la gouvernance paraît favorable à l’intégration du genre, mais le terme et ses usages sont très ambivalents, entre logique ultra-libérale de privatisation de la politique, et promotion d’une gestion pragmatique des politiques publiques valorisant le dialogue social. • La présence significative des femmes dans les institutions politiques (« seuil critique ») est un facteur de progrès social et de justice sexuelle. • Mais l’accès des femmes aux instances de pouvoir au sens large se heurte à de très fortes résistances (France, Europe du Sud-Est, Inde, Timor-Oriental). • Les potentiels et les difficultés à se traduire politiquement des mouvements sociaux de femmes sont abordés aux niveaux régional (organisations non gouvernementales (ONG) dans le monde arabe, groupements féminins au Sénégal), et international (genre et Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ; mouvement international des femmes et mouvement altermondialiste). Conclusions • Les revendications des femmes en matière de droits et de justice s’inscrivent de manière diverse dans le débat international sur le libéralisme, les droits et la démocratie, mais elles ont en commun de militer pour le développement des libertés politiques. • Les outils de promotion et d’évaluation de l’empowerment doivent s’entendre de manière qualitative et approfondie, visant à développer la capacité des femmes à l’autodétermination. Hormis le numéro 4 résumé ci-dessus, les autres numéros des cahiers « Genre et développement » depuis l’année 2000 portent sur: • Le Genre, un outil indispensable (2000, 260p.). • Genre et économie: un premier éclairage (2001, 482p.) ; • Genre, mondialisation et pauvreté (2002, 255p.). • Genre, nouvelle division internationale du travail et migrations (2004, 352 p). 19 3. Ressources d’organisations basées dans les pays du sud Antoine, P., (2002), L'approche biographique et ses possibilités pour l'analyse des systèmes de genre, Institut de Recherche pour le Développement (IRD) Dakar, DIAL/CIPRE. Document de travail DIAL, avril 2002, basé sur une communication au Colloque international « Genre, population et développement en Afrique », Session 2, Nouvelles approches méthodologiques, UEPA/UAPS, INED, ENSEA, IFORD, Abidjan, 16-21 juillet 2001 www.dial.prd.fr/dial_publications/PDF/Doc_travail/2002-04.pdf L’analyse des biographies de femmes est un moyen méthodologique d’appréhender les systèmes de genre dans une société. La situation et la place faite aux femmes n’obéissent pas, même en Afrique, à un schéma unique, comme le montre cette analyse comparative de données biographiques de quatre villes africaines : Dakar, Bamako, Yaoundé et Antananarivo. L’entrée dans la vie adulte obéit à des schémas différents pour les hommes et les femmes et l’ordre des trois événements clés - le premier emploi, le mariage et la naissance du premier enfant - est variable. Comment s’enchaînent des événements matrimoniaux, professionnels et résidentiels dans la vie des femmes et quelles sont les interférences avec la vie de leurs conjoints ? Cette démonstration des possibilités offertes par l’analyse de biographies s’appuie sur des données collectées initialement avec un autre objectif (les répercussions de la crise sur les comportements démographiques). Toutefois un certain nombre de constats ont pu être dressés de cette approche exploratoire. A titre d’exemple, les premières conclusions indiquent qu’à Dakar, les femmes semblent davantage confinées à la reproduction, tandis qu’à Yaoundé, le mariage précède l’activité economique et la naissance du premier enfant survient plus tard et à Antananarivo, c’est l’entrée en activité qui précède les autres événements. Pour apporter des réponses plus fines à ces questions, il faudrait que les enquêtes biographiques soient axées spécifiquement sur les questions de genre et que des données sur la vie professionnelle du conjoint soient collectées en parallèle afin de vérifier la redistribution des rôles en cours. Complétées par d’autres informations susceptibles d’apporter un complément à l’analyse des itinéraires individuels, l’analyse de ces informations dites tri-biographiques (concernent l’activité, la vie matrimoniale et la vie résidentielle) offrent des opportunités méthodologiques intéressantes d’intégration de l’approche du genre. 20 Parmi les conclusions se trouvent des enseignements d’ordre méthodologique, mais aussi concernant les inégalités et les interactions des vies des femmes et des hommes. Du point de vue méthodologique, l’approche biographique ouvre des possibilités : • Les enquêtes biographiques permettent de mettre en perspectives les différents événements démographiques et sociaux concernant la vie d’un individu depuis sa naissance. On peut retracer pour les hommes et les femmes l’évolution au cours du temps des étapes marquant l’entrée dans la vie adulte. • On peut inscrire l’itinéraire matrimonial dans l'ensemble de la trajectoire de l'individu, afin de montrer l'interaction entre ces événements matrimoniaux et l'évolution de sa situation économique et sociale. • Il est possible de dépasser l’approche strictement individuelle, et voir comment « la vie de l’homme » interfère sur « la vie de la femme » et réciproquement. Le recueil de la biographie d’un individu conduit à recueillir également des informations sur son conjoint. L'analyse des biographies permet d'appréhender le mariage, le divorce et la polygamie et à travers ces événements d’appréhender les relations entre hommes et femmes. • L’enchaînement des événements matrimoniaux, professionnels et résidentiels permet d’appréhender les diverses mutations affectant la vie des hommes et des femmes dans une perspective dynamique. • Le recueil de ces biographies pour différentes générations permet de saisir les évolutions qui s’opèrent d’une génération à l’autre tant pour les hommes que pour les femmes. Elles constituent donc un instrument précieux pour comparer l’évolution des itinéraires des hommes et des femmes et des différences qui s’opèrent dans leurs parcours de vie respectifs. Les premiers résultats de l’approche biographique montrent que : • Pour les hommes, la vie professionnelle débute avant la vie matrimoniale, alors que pour les femmes, des différents scénarii sont proposés par les différentes villes étudiées. • A Yaoundé, le mariage précède l’activité économique et la naissance du premier enfant survient plus tard, après l’entrée en activité. A Dakar, la femme semble davantage confinée à la reproduction. A Antananarivo, c’est l’entrée en activité économique qui précède les autres événements. • A Yaoundé et à Dakar, la moitié des femmes n’exercent pas d’activité rémunérée, alors qu’à Antananarivo le niveau d’activité des femmes est bien plus élevé. • A Antananarivo les changements sociaux qui sont à l’œuvre concernent plus les femmes que les hommes. Dans les deux autres villes, les femmes restent plus dépendantes des hommes, en particulier pour leur survie économique dans les premières années qui suivent le mariage. 21 • Deux principaux facteurs de divorce sont mis en évidence : le manque de ressources du mari (en période de chômage) et l’arrivée d’une seconde épouse. Mais le divorce est aussi une étape de la vie des femmes qui les conduit à accéder plus rapidement à un emploi rémunéré. • Les cycles de vie masculins et féminins sont nettement différents, mais la crise économique modifie et retarde surtout l’accès à l’autonomie financière des hommes. Recommandations • Concevoir des enquêtes biographiques axées plus spécifiquement sur les questions de genre. • Collecter en parallèle des données sur la vie professionnelle du conjoint afin de vérifier la redistribution des rôles en cours. • Compléter des informations dites tri-biographiques (concernent l’activité économique , la vie matrimoniale et la vie résidentielle) par le recueil de la vie génésique ou par d’autres informations susceptibles d’apporter un complément à l’analyse des itinéraires individuels. Gencheva, M., (2005), La protection des droits des femmes et des enfants victimes de violence domestique dans la législation bulgare, (traduit en français par Jivka Marinova) http://www.genreenaction.net/IMG/doc/jivkadoc.doc La violence domestique n’est parvenue qu’en 1993 sur l’agenda de la Conférence mondiale pour les droits de l’homme à Vienne. C’est au terme d’une longue lutte des organisations nongouvernementales (ONG) que la Bulgarie s’est dotée, en mars 2005, d’une Loi pour la protection contre la violence domestique, envisagée comme un véritable problème sociétal et non plus une simple question de moeurs. Auparavant, comme de nombreux pays, la Bulgarie ne connaissait pas de définition légale du terme violence domestique. Les règles et la procédure pénales reposaient sur une distinction entre le domaine privé et le domaine public privant de facto l’essentiel des victimes d’un accès à la justice. Quant aux recours civils, restreints à la législation sur le divorce, ils s’avéraient tout aussi inadaptés. La Bulgarie a opté en faveur d’un dispositif juridique spécifique, plus efficace qu’une série d’amendement des dispositifs existants. L’adoption de la Loi en 2005 a couronné des efforts entrepris depuis 2000 par les ONG bulgares, fortement encouragés par la mobilisation internationale, pour la visibilité et la lutte contre les violences domestiques. • Cette loi renforce en outre les dispositions de la Loi de protection de l’enfant votée en 2001, suite à la ratification en 1991 de la Convention des Nations Unies pour les droits de l’enfant, jamais entrée en pratique faute d’un dispositif légal et institutionnel adapté. Les dispositions et les procédures pénales et civiles antérieures à la Loi étaient très insuffisantes ou non pratiquées, reflétant une séparation des régimes de la sphère publique et de la sphère privée. 22 • Cela privait l’essentiel des victimes de violence domestique d’un accès à la justice et subordonnait la poursuite pénale à un dépôt de plainte de la victime. • Le code civil ne prévoyait que des dispositions concernant le divorce, laissant la charge de la preuve aux victimes et ne prévoyant pas de procédure de protection efficace. • Les réparations civiles ne pouvaient être obtenues qu’en cas de préjudice reconnu. La Bulgarie a opté conformément aux recommandations internationales, en faveur d’un dispositif juridique spécifique (et non une série d’amendements des dispositifs existants). Une trentaine de pays seraient à ce jours dotés d’un tel dispositif. Les avantages sont notamment : • Une définition plus large et une typologie de la violence domestique. • L’élargissement du cercle légal des relations comprises dans la sphère domestique (époux ou ex-époux; personne qui est ou qui a été en relation de mariage effectif; personne de laquelle on a un enfant, ascendant, descendant, frère ou sœur; beaux-parents). • L’élargissement de l’ouverture de la procédure (notamment à l’entourage de la victime et à la direction de services d’assistance sociale). • Des mécanismes de protection immédiate des victimes et des sanctions pour les auteurs de violence. • Une responsabilité de l’État dans la mise en œuvre de la loi. Conclusion La loi pour la protection contre la violence domestique sort le problème violence domestique de la définition clichée de conflit de mœurs et le définit comme un problème sociétal Locoh, T., et Tamouza, S., (1997), L’intégration du concept de genre dans la formation et la recherche en population au Maghreb, African Population Studies, Vol. 12, No. 2, Union for African Population Studies, Dakar, Sénégal http://www.uaps.org/journal/journal12v2/Int%E9gration%20du%20concept%20de%20genre.htm Par leur objet d’étude et par leurs méthodes, les études en matière de population sont un instrument privilégié d’analyse des relations de genre dans une population donnée. Cet article examine comment au Maghreb démographes et autres spécialistes en sciences sociales doivent s’approprier du concept de genre, à la fois pour faire progresser la connaissance des dynamiques démographiques et pour apporter leurs propres outils d’évaluation des actions et projets de développement. Les recherches mettant en relation comportements démographiques et rapports sociaux de sexe sont des instruments de diagnostic indispensables de la longue marche vers l’égalité. Il y a trois approches principales des relations entre études sur les populations et études en termes de genre. La première est de l’ordre de la description de situations. La seconde approche donne aux indicateurs de genre le statut de variable 23 explicative des phénomènes étudiés par le démographe. La troisième consiste à étudier, au sein de chaque société, l’effet des variables démographiques sur le statut des femmes. Pour un enrichissement mutuel de l’approche genre et de la démographie, il faut que ces derniers s’engagent dans des recherches pluridisciplinaires et qu’ils étudient davantage le comportement des hommes maghrébins en matière de fécondité. Ces spécialistes des questions de population sont aussi à même de produire des statistiques et enquêtes fiables afin de contribuer à la lutte contre les inégalités entre les sexes. Les auteurs recommandent d’adopter une démarche résolument interdisciplinaire et de développer les études multidisciplinaires sur le Maghreb où la démographie et les sciences sociales s’enrichissent mutuellement, tout en intégrant le genre systématiquement. L’appui sur les résultats de telles recherches pourrait alors apporter des arguments très solides et renforcer le statut scientifique des travaux de la sphère féministe maghrébine. Les principales conclusions • Les statistiques démographiques sont des instruments indispensables de l’appréhension des relations entre les sexes, des statuts masculins et féminins. • Le statut des femmes est une variable explicative majeure des comportements démographiques, d’abord comme déterminant de la santé des enfants, et ensuite comme un facteur éminent des changements vis-à-vis de la fécondité. • Les coutumes matrimoniales, la fécondité, la migration sont de puissants déterminants des rapports sociaux de sexe que chaque société cristallise et/ou réinterprète au cours de son histoire. • A niveau d’instruction égal, on peut observer des niveaux de fécondité très différents selon les sociétés, les groupes sociaux. La négociation entre partenaires, la valeur attachée aux enfants, la disponibilité d’informations et de services de planification familiale ainsi que la capacité des femmes à y accéder sont également des facteurs déterminants. • Plus précaire est le statut des femmes, plus elles se verront imposer des unions non choisies, à un âge précoce, ce qui renforce, en retour, la situation d’inégalité entre hommes et femmes. En Afrique du Nord, on observe un recul très rapide de l’âge des femmes au mariage, l’écart d’âge entre époux diminue et les femmes expérimentent de plus en plus souvent une période de célibat plus longue que leurs mères. • Partout au Maghreb, les migrations jouent un rôle très important dans la dynamique des unités familiales, en infléchissant les statuts des individus et les apprentissages qu’ils sont amenés à faire de leurs rôles sexués. • Les travaux sur le genre sont peu nombreux au Maghreb. Jusqu’à présent, on trouve essentiellement des travaux sur le statut des femmes et leurs conditions de vie. On continue à considérer que les recherches et formations sur le statut des femmes sont le domaine réservé des femmes, le plus souvent de leur frange militante, ce qui ne va pas sans un risque de marginalisation et de stigmatisation. L’un des problèmes est le très fort taux de masculinité 24 des démographes maghrébins. • Dans bien des enseignements de démographie, le rôle du statut des femmes comme variable explicative des comportements démographiques est très peu commenté. Recommandations • Adopter une démarche résolument interdisciplinaire et développer les études multidisciplinaires sur le Maghreb. • Ouvrir des champs de recherche sur les comportements masculins en matière de fécondité. • Renforcer les efforts de connaissance approfondie que mènent les autres sciences sociales par la connaissance statistique que peuvent apporter les démographes. • S’appuyer sur des résultats d’analyses statistiques et de recherches démographiques pour apporter des arguments très solides et renforcer le statut scientifique des travaux de la sphère féministe. • Agir fermement pour que dans toutes les disciplines soient intégrées et analysées les préoccupations de genre, afin de mieux combattre les inégalités entre les sexes sur la base de statistiques et d’enquêtes fiables que les spécialistes des questions de population sont à même de produire. • Susciter sur le plan de la formation universitaire un large rassemblement de potentialités de recherches interdisciplinaires au sein de structures souples. • Mettre au premier plan l’analyse macro-sociale • Identifier les stéréotypes et combattre les dérives sexistes • Identifier les innovations, s’appuyer sur la connaissance historique • Mettre au point des méthodes efficientes pour l’évaluation des projets de développement en termes de "relations de genre" Mottin-Sylla, M., (2005), Fracture numérique de genre en Afrique francophone : une inquiétante réalité, Enda Tiers Monde, Réseau Genre et TIC, Etudes et Recherches n° 244, 2005, financé par le Programme Acacia du Centre de Recherches pour le Développement International (CRDI, Ottawa, Canada) http://www.famafrique.org/regentic/indifract/fracturenumeriquedegenre.pdf Au Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Mali, Mauritanie et Sénégal, les femmes bénéficient un tiers de fois moins que les hommes des avantages de la société de l'information, selon cette recherche, réalisée en 2004-2005 par le Réseau Genre et TIC (Technologies de l’Information et de la communication). L’Afrique de l’Ouest leur réserve la seule place de consommatrices et n’opère aucun lien politique entre TICs, égalité de genre et développement durable. La connectivité représente le 25 moindre des facteurs de la fracture numérique de genre. Les disparités s’avèrent plus criantes en matière de contrôle, de contenus et de capacités. Pourtant, la "Déclaration sur les Objectifs de développement pour le millénaire" atteste de l’engagement des Etats dans la lutte contre la pauvreté et vers le renforcement du statut des femmes, tout comme le "Plan d’Action" du Sommet mondial sur la société de l’Information (Smsi), qui insiste sur la nécessaire égalité de genre en matière de TICs. Pourtant, on peut observer que les formations, même si elles réunissent un public féminin, restent particulièrement focalisées sur l’aspect technique des TICs, alors qu’il s’avère indispensable d’en politiser les contenus. Aussi, la création de l’indicateur synthétique de la fracture numérique de genre, basé sur les quatre composantes, contrôle, contenus, capacités, connectivité, permet de mesurer les disparités de genre dans l’accès, l’usage et la maîtrise de trois TICs stratégiques: l’ordinateur, Internet et le téléphone portable. Cet indicateur, qui sera intégré dans le calcul de l'Indice de développement et des inégalités entre les sexes en Afrique (Idisa), révèle un bilan pessimiste et réclame des politiques volontaristes et urgentes. Les constats • les femmes n’exercent pas leur rôle citoyen et politique; • les femmes utilisent les TICs dans un cadre social et personnel ; les hommes investissent dans les champs professionnels et citoyens ; • les femmes pauvres et analphabètes sont les plus touchées contrairement aux jeunes femmes du niveau secondaire; • la société civile mène rarement des programmes genre et TICs; • aucun pays n’a légiféré ou élaboré une réglementation mentionnant l’égalité de genre dans les politiques de télécommunications ; • moins de la moitié du personnel des institutions travaillant sur les TICs est formée au genre ; • une infime partie des contenus traitent du genre ; • les femmes ont autant accès aux formations aux TICs mais le genre n’est pas traité ; • les TICs sont perçues comme menaçants dans les relations hommes/femmes. Recommandations • consolider les interconnexions entre politiques de TICs et de genre ; • créer des cadres de concertation afin d’élaborer des stratégies croisées TICs et genre ; • associer les femmes aux décisions politiques concernant les TICs ; • démystifier le côté technique au profit de l’enjeu de développement; • produire des contenus à haute plus-value critique et stratégique ; • inciter fortement les organisations de femmes à produire ; 26 • sensibiliser les acteurs publics et privés ; • renforcer la masse critique des femmes en accélérant leurs capacités économiques ; • concentrer les efforts de connectivité auprès des femmes adultes chefs de famille, dans les zones défavorisées, là où elles sont: éducation, caisse d’épargne, marché, santé… • instaurer une égalité de genre dans la consommation des TICs. Sow, F., (2004), Mutilations génitales féminines et droits humains en Afrique, Labrys Etudes Feministes, 5, janvier/ juillet 2004 http://www.unb.br/ih/his/gefem/labrys5/textos/fatousow.htm On estime, à environ 115 millions, le nombre de femmes qui, dans le monde, ont subi des mutilations génitales au nom de traditions culturelles et religieuses. Généralement pratiquées sur des fillettes, les mutilations génitales féminines peuvent aussi être pratiquées sur des adultes. Elles se retrouvent surtout en Afrique, toutes ethnies et religions confondues, mais ont également lieu dans d’autres régions du monde, y compris en Europe. L’excision se justifie par un système de contrôle du corps, de la sexualité et de la fécondité des femmes, profondément ancré dans les mentalités. Les politiques mises en œuvre jusqu’à présent ont montré leurs limites, et c’est en abordant la question d’un point de vue de droits humains que l’on pourra abolir cette pratique. Les constats • • Il existe en fait trois types d’opérations : - La type I : la clitoridectomie - La Type II : l’excision - La Type II : l’infibulation Les mutilations génitales féminines entraînent des lésions qui affectent les capacités sexuelles et reproductives des femmes et elles portent atteinte à l’intégrité physique de leur corps. • Beaucoup de débats ont eu lieu autour de la terminologie utilisée lorsqu’il est question d’excision : mutilation génitale ou circoncision féminine ? Les résistances les plus fortes, portent sur le terme de « mutilation », considéré comme une injure aux valeurs culturelles. Aujourd’hui, on récuse aussi le terme de circoncision féminine, concept qui rapproche la pratique de l’excision à celle de la circoncision masculine, pourtant très différente dans sa nature et dans sa signification. • La domination masculine, présente dans tous les codes de famille coutumiers ou modernes africains, y compris dans le système matriarcal, s’exerce à travers de l’appropriation et du contrôle de la fécondité de la femme et, donc de son corps, durant sa période de fécondité. Les mutilations génitales féminines relèvent de ce contrôle. 27 • Les débats sur les mutilations génitales féminines, pourtant initiés depuis près d’un quart de siècle, sont encore entachés de tabou, de répugnance, voire d’agacement, et la prise de décision légale reste longue à prendre. • Il existe toujours des difficultés liées à la réticence des États, au poids des idéologies politiques, culturelles et religieuses, mais aussi à la pression des politiques d’ajustement structurel sur les dépenses de santé. • Pour lutter contre cette pratique, plusieurs stratégies sont utilisées, comme par exemple associer l’excision à d’autres pratiques « néfastes » qui affectent la santé de la mère et de l’enfant, ou encore mettre en avant les risques encourus pour la santé des femmes. Dans certains cas, la médicalisation de l’acte a même été proposée. Etant donné le peu d’Etats qui ont pris des mesure pénales efficaces, ces démarches n’ont pas permis de faire vraiment reculer la pratique. Recommandations • On ne peut plus, aujourd’hui, se contenter de laisser faire le temps pour changer les mentalités. Il devient plus qu’urgent de réussir à abolir les mutilations génitales féminines et à les pénaliser. • Evoquer les mutilations génitales féminines en termes de santé reproductive ou de valeurs culturelles et religieuses ne suffit pas. • C’est en adoptant une approche de droits humains qu’il faut les condamner. L'abolition des mutilations génitales féminines relève en effet du droit à l’intégrité physique et morale. Il s’agit d’un droit humain fondamental. • Il faut apprendre aux femmes à refuser l’oppression au nom de la religion et de la culture. La loi est pour cela un outil essentiel. Il faut donc la mettre à la disposition des femmes. • Il est aussi nécessaire que les africaines utilisent tout l’arsenal juridique déjà existant. Sow, F., (2003), Le développement face aux défis de la mondialisation : et si les femmes comptaient !, Conférence publique donnée a l’ Université de Conakry, Guinée, 6 juin 2003, comme Contribution au Lancement du Programme de la Chaire UNESCO Genre, Femmes, Sociéte et Développement. http://www.chairesunescoafrique.org/article.php3?id_article=72 La mondialisation et ses contraintes imposent de ne plus se cantonner à la revendication de la réduction de la pauvreté et à reconnaître aux femmes le rôle moteur qu’elles jouent, en particulier dans la société africaine. Cette situation devrait interroger tant les Etats africains que le secteur privé, les universitaires et la société civile sur la fondamentale question de promouvoir ensemble, hommes et femmes, l’égalité entre les sexes pour repenser le développement dans les sociétés postcoloniales. L’utilisation d’une image dégradante ou fondamentaliste des femmes par exemple devrait 28 servir d’alerte pour reconsidérer les rapports de genre, comme ceux de classe ou de race. Par ailleurs, que ce soit au niveau des activités génératrices de revenu, ou parce qu’elles assurent les services délaissés par les fonctionnaires licenciés, les femmes deviennent les piliers d’une société libéralisée et privatisée sans pour autant se voir reconnaître des droits. La manipulation de la religion à des fins politiques ne fait qu’aggraver cette situation. Les constats • la dérégulation de la croissance et la hausse du chômage ont transformé de plus en plus de femmes en chefs de ménage ; • le mari est pourtant celui qui en a le statut juridique, le seul détenteur de l’autorité familiale, auquel la femme doit obéissance ; • les femmes n’ont pas le droit de propriété sur le produit des activités économiques dont elles assurent brillamment la prolifération; • les Etats, obligés par les institutions internationales à privatiser leurs ressources (eau, terre, forêt, minerais), connaissent en conséquence des problèmes de souveraineté; • il n’existe pas de politique de redistribution égalitaire des richesses; • la société africaine manifeste sa résistance à la liberté d’expression, de mouvement et d’autodétermination des femmes ; • les Etats ont institutionnalisé « le genre » par le vote de lois, la création de services et programmes en direction des femmes, sans tenir leurs engagements ; • ils ont concentré leurs dépenses sur la sécurité et l’armement ; • la religion est devenue un problème fondamental car elle est utilisée comme instrument d’accès au pouvoir politique. Recommandations • repenser le développement avec les femmes ; • déconstruire les rapports sociaux de sexes ; • donner aux femmes le droit d’avoir le droit ; • revisiter la masculinité ; • négocier la lutte pour l’égalité de genre avec les hommes, les partis politiques et autres organisations de la société civile ; • ne pas séparer les rapports d’inégalité entre les sexes des autres formes de pouvoir et d’inégalité de classe, de caste, de race ; • dénoncer les formes patriarcales du pouvoir politique et de l’État ; 29 • se battre contre le stéréotypage et l’utilisation du corps des femmes par les entreprises privées, l’État et les sociétés locales, porteuses de fondamentalismes culturels et religieux ; • imposer les rôles et les rapports entre les sexes comme variable d’analyse de toutes les situations. 30 4. Ressources de réseaux globales Guérin, I., (2005), Femmes et économie : quels enjeux ?, Pratiques économiques solidaires : entre résistance et justice sociale, chantier ‘Femmes et économie’, Pôle de Socio-Economie Solidaire (PSES), Alliance pour un Monde responsable, pluriel et solidaire, septembre 2005 http://www.genreenaction.net/IMG/pdf/Synthese_Femmes_Economie_PDF.pdf En Inde, au Pérou, en France, ou dans des secteurs comme la micro-finance, les expériences se caractérisent par leur multiplicité, mais témoignent du paradoxe entre la nécessaire action collective pour repenser la lutte contre les inégalités et la vigilance à observer en matière de manipulation et d’exotisme occidental. Comment créer alors les bases d’un nouveau paradigme mettant l’économie au service de la solidarité ? Cette synthèse, largement inspirée des travaux du chantier « Femmes et économie » du Pôle socio-économie solidaire, se propose de répondre à cette question en articulant la mise à plat des résistances structurelles rencontrées par les femmes porteuses d’initiatives d’économie solidaire et la recherche de pistes de justice sociale. Renforcer les passerelles entre politique et économique, insister sur l’importance du local, accélérer l’accès aux droits, déconstruire l’opposition production/reproduction, valoriser les initiatives, en font partie. La poursuite du travail sur l’élaboration d’indicateurs de richesse incluant le genre permettrait également d’affiner la nécessaire entreprise de valorisation de ces initiatives. Les constats • les femmes seules sont pauvres et discriminées; • les femmes travaillent dans des secteurs d’activité sous-valorisés et sous-payés ; • elles occupent des postes précaires ; • elles assument un temps de travail supérieur à celui des hommes, non rémunéré ; • elles n’ont ni droit aux ressources financières ni à la propriété ; • elles n’ont pas le même accès que les hommes à l’alimentation, la santé et l’éducation; • elles sont victimes de violence domestique et sociale; • elles sont sous-représentées au niveau politique ; • elles paient la libéralisation des marchés en se substituant à la faillite des services publics ; • les tâches domestiques sont reléguées à une obligation aliénante ; • les politiques universalistes ne fonctionnent pas car le système patriarcal impose des oppositions public/privé, marchand/non marchand, professionnel/familial, 31 production/reproduction ou encore égoïsme/altruisme ; • l’environnement technocratique local n’est pas adapté aux besoins des initiatives d’économie solidaire ; • le produit intérieur brut se mesure à ce qui peut être vendu au détriment de la production d’utilité sociale et de l’intérêt général. Recommandations • concevoir le développement non pas en termes de croissance mais de droits économiques et politiques ; • réhabiliter l’histoire des femmes, de leurs luttes et de la multitude de leurs alternatives; • mettre l’économie au service de la solidarité ; • privilégier l’approche locale ; • créer des partenariats afin d’influer sur les débats publics ; • développer les processus collectifs, avec le soutien des hommes, sans occulter le nécessaire leadership; • assurer une vigilance en matière d’instrumentalisation de ces initiatives ; • promouvoir leur accompagnement et garantir leur visibilité ; • conjuguer engagement et professionnalisme ; • privilégier la polyvalence au détriment de la division des tâches ; • rompre avec l’étanchéité des pôles privé/public, rural/urbain, local/global ; • socialiser les tâches domestiques afin de revaloriser le statut des activités de proximité et de « dénaturaliser » l’opposition production/reproduction ; • développer des indicateurs de richesse incluant le genre. Nobre, M., (2005), Les femmes dans l’économie solidaire, Chantier ‘Femmes et économie’ Pôle de Socio-Economie de Solidarité (PSES), Alliance pour un Monde responsable, pluriel et solidaire http://vision.socioeco.org/fr/documents/pdf/nobre_fr.pdf La richesse du travail de lien social, organisé par les femmes et pilier de tous les processus économiques, est indûment considérée comme inépuisable et non monétaire. Elle renvoie paradoxalement les femmes à un rôle subalterne, non valorisé et invisible. Repenser les économies capitaliste et solidaire sous le prisme de la théorie économique féministe, rendre les femmes visibles 32 en tant que protagonistes de l’économie solidaire, telle est la mission que le chantier Femmes et économie solidaire, de l´Alliance pour un Monde responsable, pluriel et solidaire s’est fixée. Ce modèle garantit démocratie, distribution égalitaire des richesses, autonomie pour les femmes, et rompt avec la division sociale du travail, dont la première manifestation réside dans la séparation des tâches de production, territoire des hommes, et de reproduction, réservée aux femmes. En France, au Québec et au Brésil, des expériences sont déjà menées en ce sens, faisant reculer toute notion de marché, de monnaie uniquement fiduciaire et réinitialisant une réflexion globale sur le travail. Les constats • le travailleur, identifié au salariat formel, est masculin; • les femmes forment 70% de la population pauvre mondiale et détiennent 1% de la propriété ; • elles gagnent moins que les hommes, sont plus au chômage, acceptent des conditions de travail précaire, assurent les tâches domestiques et souffrent d’isolement ; • elles paient le coût de reproduction de la force de travail nécessaire au capitalisme; • l´économie solidaire, très proche du travail communautaire, territoire des femmes, est vécue de façon négative par les hommes ; • les femmes sont majoritairement à l’origine des groupes d’activité économique solidaire, mais dès que la production génère plus de revenus et de fonds, ils se masculinisent ; • les femmes plus âgées se présentent comme ménagères, alors qu’elles peuvent exercer plusieurs activités sur le marché informel ; • lorsque les expériences de femmes sont rendues visibles, elles leur renvoient une image positive, les valorisent, ce qui facilite la prise en compte du genre dans la problématisation des initiatives. Recommandations • sortir d´une logique monétaire, de maximisation du profit et d´accumulation du capital; • abandonner le concept de marché, comme unique axe organisateur d’activité économique et sociale, au profit de la sphère de la reproduction ; • déplacer la reproduction du noyau familial vers les groupes d´économie solidaire ; • réinventer le concept de travail, en y incluant travail domestique, travail non rémunéré, travail informel ; • reconnaître le rôle protagoniste des femmes dans la production de richesses et la promotion du bien-être des sociétés ; • valoriser le travail non monétaire assuré par les femmes tout en leur assurant l’accès au travail rémunéré, garant de leur autonomie ; 33 • assurer l’égale division des tâches domestiques entre femmes et hommes, en complément de la lutte pour l´égalité professionnelle et le droit à l´initiative ; • stimuler la propriété collective des moyens de production pour les femmes ; • promouvoir les valeurs de solidarité et de réciprocité véhiculées par les femmes, qui ne divisent pas vie au travail et vie familiale et garantissent une organisation démocratique. 34