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pages,car,contrairementàS.François,iln'apaslaisséderrière
luiunepluied'anecdotespersonnellesetdelégendespopulaires.
Parailleurs,cequenousconnaissons,oupourrionsconnaître,ou
aurons possiblement la chance de connaître de son œuvre
rempliraitplusdebibliothèquesdansl'avenirquedanslepassé.
S. François pouvait prendre la forme d'une silhouette. Mais S.
Thomasn'adesensquedansleremplissagedelasilhouette.La
mode médiévale permet facilement de traduire le petit pauvre
sous forme d'une miniature aux enluminures, à l'image de son
diminutifsurnom.MaistenterderéduirelatailleduBœufMuet
de Sicile dépasse l'expérience de dévorer un bœuf entier au
petitdéjeuner. Nous avons pourtant l'espoir qu'il soit possible
d'esquisser une telle biographie dans un monde où chacun
s'estime capable de produire l'esquisse de l'Histoire ou de
n'importequoid'autre.Reconnaissonscependantquedansnotre
casl'esquisserisquedefairecraquerlescoutures,carlaburequi
contiendraitnotregigantesqueFrèren'estplusenmagasin.
J'aidéjàmentionnéqu'uneesquissenecontientquedesportraits.
Mais le contraste actuel est tellement frappant que, si nous
avions l'occasion d'apercevoir la silhouette des deux
personnages,descendant d'unecollinedansleurburedeFrères,
nous serions portés à rire. Nous aurions l'impression
d'apercevoir au loin les silhouettes de Don Quichotte et de
SanchoPansa,oudeFalstaffetdeMaîtreLemince.S.François
étaitmaigreetpleind'énergie,tellelacordevibranted'unarcet
sesmouvementsressemblaientàuneflèchetiréeparcetarc.Sa
vie était une suite de bonds et de coups: courant auprès d'un
mendiant, courant nu dans les bois, embarquantenuncoupde
vent sur un navire étranger, se précipitant dans la tente d'un
Sultanetoffrantdesejeterdanslefeu.Ilavaitl'apparenced'une
mince feuille d'automne dansant éternellement dans le vent; en
réalité,ilétaitcevent.
S. Thomas était un taureau: un homme immense, gras et
taciturne; douxetmagnanime,maispeusociable;timide,même
en tenant compte de l'humilité qui accompagne la sainteté; et
l'esprit absent, même en ne tenant pas compte de ses transes
occasionnelles ou extases, qu'il prenait soin de dissimuler. S.
Françoisétaittellementfougueuxetmêmefrétillantquelesgens