signifier que le problème est tout autre et/ou ailleurs, arguant que la position d’extériorité,
voire de hauteur, permet de reconsidérer la question. Certes, conduire une étude présente
l’avantage d’explorer point par point une situation et de proposer d’autres explications mais
pour autant elle n’implique pas une position supérieure. Elle nécessite de faire
l’apprentissage des chemins à emprunter pour formuler, pour énoncer le travail. Plus que des
préconisations, le commanditaire attend une pensée plurielle construite avec lui. Il s’agit bien
d’éthique au sens d’une orientation dans l’action qui s’éprouve en situation. L’éthique sans
pratique n’existe pas. (E. Enriquez, 1993)
Dans ce travail d’étude terrain, la question de ce qui anime chacun dans sa présence aux
"objets étudiés" semble nodale particulièrement en formation (P.-A Guyot., 2009). Cette
remarque vaut bien entendu dans n’importe quel domaine des sciences sociales, que l’on
souscrive ou non aux séparations en sciences fondamentales ou sciences métissées. (On peut
penser sur ce point à ce que formule Pierre Bourdieu lorsqu’il évoque qu’il faut "objectiver le
sujet objectivant"). Traduit dans une formule clinique, il s’agit ici d’approcher « ce que tout
être humain a tendance à reporter sur ce qu’il rencontre des traces de ce qu’il fut et de ce qu’il
est » (F. Ben Slama, 1989).
Que l’on parle d’engagement dans son matériel de recherche (G. Devereux, 1980),
d’implication ou encore de contre-transfert (peu importe ici comment on utilise les concepts),
il s’agit de comprendre et d’interroger les dimensions liées à la production de l’étude et de son
sens (cela recouvre également les questions de l’opposition expliquer vs comprendre).
L’implication (mais tout autant les termes "d’engagement" ou de "contre-transfert) en effet,
par son étymologie même, connote le fait d’une confusion dans les situations humaines entre
observateurs et observés, un brouillage dans les démarcations posées initialement au sein d’un
dispositif qui a pour fonction la captation des faits (J. Ardoino, 2000).
Dans tout travail d’étude terrain ou de recherche, l’étudiant (le groupe d’étudiants, le
chercheur également) intervient, pense, agit aussi bien avec ses parts (personnelles,
psychiques, intérieures) que contre ses mêmes parts qui identifient de l’identique là où au
contraire il faut distinguer du différent et de l’altérité. L’idée d’un "déplacement" qui est à
effectuer de la part de ceux qui conduisent l’étude terrain, déplacement tant psychique
qu’auprès de son objet, nous semble une idée importante et à mettre au travail dans la
perspective de l’étude terrain. Par exemple, ce travail consiste à modifier les représentations
spontanées à propos de tel objet, de se conduire non plus en professionnel à propos d’une
question, mais bien en personne placée en position d’étude, de recherche, de mise en
questions.
Un exercice qui propose de s’équiper et de se disputer
L’étude de terrain, construite en groupe, est aussi l’occasion de confronter des modèles de
références théoriques et d’engager des controverses entre pairs. Nous observons que les
stagiaires explorent différentes notions et tentent d’associer leurs recherches sans présupposer
que tel champ disciplinaire ou tel modèle prévaut sur l’autre. A l’instar de François Laplantine
et Alexis Nouss, qui parlent « d’une épistémologie du métissage », qui s’intéresse « à ce qui
est mêlé, mélangé, déformé, aux mouvements d’hybridation plutôt que de s’efforcer de
construire des figures idéales supposées permettre de dévoiler des entités bien délimitées »
(H. Amblard, P. Bernoux, G. Herreros, Y.-F. Livian, 2005), nous observons que cet exercice
peut produire ces dispositions.
4