Comment interpréter un holter chez un patient porteur d

MISE AU POINT
Figure 1. Les quatre principales familles de complexes
pouvant être rencontrées lors de l’analyse d’un tracé
holter chez un porteur de stimulateur cardiaque
(exemple du système ELA®).
NvP
aP avP
N : complexe normal ; aP : stimulation atriale ; vP : stimulation ventriculaire.
10 | La Lettre du Cardiologue n° 448 - octobre 2011
Comment interpréter un holter
chez un patient porteur
d’un stimulateur cardiaque ?
How to read a Holter in patients implanted with pacemaker?
V. Algalarrondo*
* Unité Inserm U 769, signalisation et
physiopathologie cardiaque, service
de cardiologie, hôpital Béclère,
Clamart.
L’enregistrement holter ECG est un examen
cardiologique courant. Son interprétation,
parfois complexe, peut être rendue particu-
lièrement ardue par la présence d’un stimulateur
cardiaque. En sus des problèmes rythmologiques
classiques, l’analyse doit intégrer l’interaction
entre le patient et l’appareil. Or, les algorithmes
de ces stimulateurs sont devenus particulière-
ment complexes. La réalisation d’un holter chez
un porteur de pacemaker permet néanmoins
un contrôle “extérieur” de l’interface homme/
machine, contrairement à l’analyse des mémoires
du stimulateur, où les tracés sont sélectionnés et
interprétés par l’appareil. Le but de cette revue est,
sans prétendre à l’exhaustivité, de passer en revue
les principales “figures” électrocardiographiques
pouvant être rencontrées, en distinguant ce qui
relève du comportement normal du stimulateur
de ce qui doit alerter le praticien.
Paramètres initiaux
d’interprétation
La présence d’un stimulateur cardiaque doit être
notifiée à l’enregistreur dès la pose, afin de régler
son seuil de sensibilité. Aucun réglage spécifique
n’est requis sur le pacemaker pour la réalisation
d’un holter. Néanmoins, quelques informations
contribueront à interpréter correctement le tracé,
comme le mode de réglage, les fréquences mini-
male et maximale, et le caractère uni- ou bipo-
laire de la stimulation. De plus, il conviendra de
noter précisément les symptômes ressentis lors
de l’enregistrement, ainsi que l'heure à laquelle ils
se sont produits. Quand la présence d’un stimu-
lateur cardiaque a été indiquée dans le logiciel
d’analyse, plusieurs familles supplémentaires de
complexes sont disponibles pour classer les événe-
ments (figure 1).
Longlet de rapport des paramètres de stimulation
permet ensuite d’obtenir les taux de stimulation
atriaux, ventriculaires ou double chambre. Dans
la pratique, la classification peut être fastidieuse,
notamment quand la détection des artefacts de
stimulation est incorrecte.
FCmax (100-140 bpm)
FCmn (40-70 bpm)
Tachycardie par
réentrée électronique
Arythmies atriales
sans replis
Asservissement
Suivi du rythme spontané
Hystérésis de fréquence Préservation de la conduction
AV physiologique
Défaut de stimulation Inhibition par surdétection
Bpm : battements par minute.
Figure 2. Principales bradycardies et tachycardies pouvant être induites par un stimu-
lateur cardiaque, “physiologiques” (en noir) ou “pathologiques” (en rouge) en fonction
de la fréquence cardiaque.
La Lettre du Cardiologue n° 448 - octobre 2011 | 11
Résumé
Le holter ECG est un examen courant de cardiologie. Sa lecture peut être toutefois ardue chez le patient
porteur d’un stimulateur cardiaque. Le praticien devra différencier, à partir du tracé, les comportements
“physiologiques” issus des algorithmes de l’appareil, des tracés “pathologiques”, dangereux pour le patient
et nécessitant un avis spécialisé. Si certains tracés sont facilement reconnaissables, d’autres nécessiteront
une confrontation entre lecteur de holter et rythmologue.
Mots-clés
Holter ECG
Stimulateur cardiaque
Algorithme
Summary
24-hours Holter ECG is a
common tool in cardiology.
However, Holter ECG reading
in patients implanted with
pacemaker may challenge the
physician. The current article
reviews main pacemaker
algorithms leading to specific
ECG traces and indicates how
to discriminate “physiologic“
versus “pathologic” pacemaker
behaviors. If most of the traces
are easily readable, others will
require to share information
between physicians reading
the Holter and pacemaker
specialists.
Keywords
24-hours Holter ECG
Cardiac pacing
Algorithm
Les principales fonctions du stimulateur cardiaque
(détection et stimulation) sont résumées dans la
dénomination internationale :
la première lettre correspond à la cavité stimulée :
A (oreillette), V (ventricule), D (les deux), O (aucune
cavité) ;
la deuxième lettre correspond à la cavité détectée :
A (oreillette), V (ventricule), D (les deux), O (aucune
cavité) ;
la troisième lettre correspond à la programma-
tion en cas de détection d’une activité spontanée :
I (inhibée), T (déclenchée), D (les deux en fonction du
cycle), O (aucune adaptation). La lettre D implique
une synchronisation entre oreillette et ventricule via
un délai atrioventriculaire (DAV) ;
la quatrième lettre correspond à l'asservissement
de la fréquence cardiaque (FC) à l’effort : R.
On présentera successivement les bradycardies, les
tachycardies, puis les anomalies de la synchronisation
AV (figure 2).
Interprétation des bradycardies
Bradycardies physiologiques :
fréquences cardiaques de base, de repos,
nocturne ; hystérésis de fréquence
La FC de base est habituellement programmée entre
60 et 40 coups par minute. Elle peut être ralentie
de 5 à 10 bpm lorsque le stimulateur ne détecte pas
d’activité physique (fréquence de repos) ou pendant
les périodes nocturnes (fréquence nocturne). Afin
de rechercher l’émergence d’un rythme spontané,
l’algorithme d’hystérésis de fréquence ralentit tempo-
rairement la cadence de stimulation. Si aucune activité
spontanée n’est détectée, la fréquence remonte après
la période programmée.
Bradycardie physiologique : préservation
de la conduction intrinsèque
Afin de promouvoir la conduction AV physiologique,
des algorithmes permettent de minimiser la stimula-
tion ventriculaire tout en la maintenant lors de troubles
conductifs aigus. Ces modes associent une stimulation
atriale seule (AAI) à une surveillance continue de l’acti-
vité ventriculaire. Si un trouble de la conduction AV
est détecté, l’appareil “commute” du mode AAI vers le
mode DDD (stimulation atriale et ventriculaire). Une
fois dans le mode DDD, il recherchera une activité
ventriculaire spontanée en inhibant temporairement
la stimulation ventriculaire (au moins 1 fois par jour).
Si celle-ci est détectée, le stimulateur commutera dans
le mode initial (AAI). Ces épisodes de commutation
AAI DDD et DDD AAI donnent lieu à des bradycar-
dies transitoires par inhibition de la stimulation ventri-
culaire et peuvent être interprétés à tort comme des
dysfonctionnements du stimulateur (figure 3, p. 12).
Bradycardie pathologique :
le défaut de capture
Les défauts de capture se traduisent par une stimulation
inefficace : l’artefact de stimulation nest pas suivi de
l’activation de la cavité concernée (figure 4, p. 12). Ils
peuvent résulter d’une mauvaise programmation, d’un
déplacement de sonde, d’une fracture de sonde ou d’une
élévation de seuil. Un défaut de capture peut entraîner
une bradycardie profonde et symptomatique. Il peut
être intermittent et impose un contrôle en urgence du
stimulateur cardiaque.
Comment interpréter unholter chez un patient porteur d’unstimulateur cardiaque ?
MISE AU POINT
Figure 3. Recherche de la conduction intrinsèque déclenchée par un algorithme spécifique. Alors que la stimulation est
en mode DDD, la stimulation ventriculaire est inhibée temporairement, démasquant un bloc AV complet. Quelques
battements plus tard, la stimulation ventriculaire reprend après détection du trouble conductif.
Figure 4. Pacemaker VVI déconnecté entraînant une association de défaut d’écoute et de capture. Le rythme spontané
du patient n’inhibe pas les spikes de stimulation (défaut d’écoute) qui n’entraînent pas de dépolarisation ventricu-
laire (défaut de capture).
PL : période longue. RR : intervalle de temps calculé par le logiciel Holter entre 2 complexes QRS.
12 | La Lettre du Cardiologue n° 448 - octobre 2011
Bradycardie pathologique :
surdétections et écoutes croisées
La détection d’une activité électrique para-
site (interférence électromagnétique, myopo-
tentiels, parasites dus à une fracture de sonde)
sur une des voies du stimulateur peut provoquer
une inhibition de celui-ci. Cette surdétection
entraînera donc une bradycardie potentiellement
dangereuse (figure 5). À la différence du défaut de
stimulation, aucun artefact de stimulation n'appa-
raîtra sur le tracé pendant la pause. On précisera
l’activité du patient au moment de l’épisode (utili-
sation d’appareils électriques mal isolés). Dans la
stimulation double chambre, l’activité électrique
issue d’une cavité (atriale ou ventriculaire) peut
être détectée de manière inappropriée par l’autre
canal (ventriculaire ou atrial). Ce type particulier de
surdétection est appelé écoute croisée” ou “cross-
talk. Cette surdétection recycle la stimulation et
aboutit à un ralentissement de la FC basale. Un
contrôle du stimulateur sera nécessaire.
Interprétation des tachycardies
Les stimulateurs cardiaques peuvent augmenter de
manière “physiologique“ leur fréquence de stimu-
lation jusqu’à la FC maximale (FC
max
) programmée
dans plusieurs situations :
augmentation spontanée de la cadence atriale.
Le stimulateur cardiaque “suivra” cette augmenta-
MISE AU POINT
Figure 5. Inhibition temporaire de la stimulation ventriculaire par surdétection de myopotentiels (sonde unipolaire).
VP VP
VS
VS
VS
VS
VP VP VP VP
905
A
B
2 845
53 bpm (25 mm/s)
FC mn/24 h : 32 bpm
RR Max/24 h : 2 845 ms
Pause RR = 2 845 ms
855 725 860 860
La Lettre du Cardiologue n° 448 - octobre 2011 | 13
tion en entraînant le ventricule jusqu’à la fréquence
maximale programmée ;
mise en route de l’algorithme d’asservissement ;
algorithmes de détermination automatique du
seuil et des impédances ;
activation d’algorithmes rares : “chute de
fréquence” (employés dans le traitement des
syncopes neurocardiogéniques à réponse cardio-
inhibitrice) ; algorithmes de lissage, réponse aux
extrasystoles auriculaires (ESA), overdrive (utilisés
en prévention de la fibrillation atriale) ; algorithmes
de stabilisation du rythme en arythmie.
Les tachycardies “pathologiques” induites par le
stimulateur entraînent une cadence ventriculaire
élevée sans dépasser la FC
max
. Elles peuvent avoir
pour origines un déclenchement abusif de l’asservis-
sement, un défaut de repli lors d’une arythmie atriale,
ou une tachycardie par réentrée électronique (TRE).
Asservissement à l’effort
Tous les stimulateurs actuellement implantés
ont la capacité de détecter un effort du patient et
de l’accompagner par une accélération de la FC
stimulée. Cet algorithme d’asservissement n’est
activé qu’en cas d’insuffisance chronotrope. La
tachycardie induite par l’asservissement débute et
s’arrête progressivement. Tous les complexes sont
stimulés (modes VVIR, AAIR et DDDR). Lorsqu’il
est mal réglé (déclenchement abusif), l’asservisse-
ment peut entraîner une sensation désagréable de
tachycardie pour le patient. Plusieurs paramètres
peuvent être alors réglés (pente de début et rapidité
de déclenchement, période de récupération, etc.).
Repli devant une arythmie atriale
Lors de la survenue d’une arythmie atriale, la
fréquence augmente brutalement dans l’oreillette. En
mode DDD, cette arythmie suscitera une stimulation
ventriculaire rapide (figure 6, p. 14). Les algorithmes
de repli évitent la prolongation de cette stimulation.
Après la détection de l’arythmie atriale, la synchro-
nisation AV est désactivée (repli vers un mode VDI
ou DDI). Le repli se déclenche rapidement (en moins
de 1 minute) et s’arrête quand le rythme redevient
sinusal. Lors d’un défaut de repli, l’entraînement du
ventricule à une cadence proche de la FCmax sera main-
tenu et provoquera une gêne. Un réglage de l’algo-
rithme et/ou de la sensibilité atriale sera nécessaire.
Tachycardie par réentrée électronique
La tachycardie par réentrée électronique (TRE) a
pour mécanisme une macroréentrée impliquant un
stimulateur cardiaque double chambre et le nœud
AV (via sa conduction rétrograde) [figure 7, p. 14].
Elle est déclenchée quand une désynchronisation AV
entraîne une onde P rétrograde (par exemple, après
une extrasystole ou un défaut de stimulation atrial)
et induit brutalement une tachycardie proche de la
FC
max
. Londe P est de morphologie rétrograde (néga-
tive dans les dérivations inférieures). Non dange-
reuse, la TRE peut néanmoins être gênante pour le
patient. Des “algorithmes anti-TRE” la détectent et
l’interrompent en quelques dizaines de battements.
Si ces algorithmes ne sont pas activés ou sont défi-
cients, la TRE peut être soutenue. Un réglage du
stimulateur est alors nécessaire.
Comment interpréter unholter chez un patient porteur d’unstimulateur cardiaque ?
MISE AU POINT
Figure 6. Salve de tachycardie atriale non soutenue chez un porteur de stimulateur cardiaque double chambre.
L’arythmie atriale est détectée et conduite à une fréquence proche de la FC
max
(120 bpm). En cas d’arythmie soutenue,
l’algorithme de repli devra s’activer.
vP
780
A
B
780 795 495 610 500
vP vP vP vP vP vP
vP vP vP
500 615 800 895
PM
P
AS
TRE
A
V
NAV
VP
QRS
AS : détection atriale ; VP : stimulation ventriculaire ; NAV : nœud atrioventriculaire;
PM: pacemaker ; P : onde P.
Figure 7. Mécanisme de la tachycardie par réentrée
électronique (TRE).
Blanking (mode O)
Fenêtre de sécurité (mode T)
Hystérésis (mode I)
Délai AV (mode I)
AP VP
Figure 8. Intervalles de temps déclenchés successivement par le stimulateur cardiaque
après un événement atrial dans un mode DDD.
14 | La Lettre du Cardiologue n° 448 - octobre 2011
Mesure automatique des impédances
et des seuils de stimulation
La mesure des impédances des sondes et de la
batterie contrôle l’intégrité du système de stimu-
lation. Elle peut être mesurée automatiquement
par stimulation des deux cavités pendant quelques
battements. Or, la transition d’un cœur stimulé
peut être ressentie par le patient. La mesure peut
alors être gênante.
Afin de minimiser l’énergie utilisée pour la stimu-
lation, certains stimulateurs déterminent automa-
tiquement le seuil de stimulation. Ces algorithmes
sont à l'origine d'une série de stimulations ventri-
culaires à une cadence plus rapide que la FC basale,
et pouvant se terminer par un défaut de stimula-
tion sur un complexe (perte de la stimulation quand
l’énergie de stimulation passe sous le seuil). Une
variation dans l’amplitude des artefacts de stimu-
lation peut être observée pendant cette mesure. Si
une telle séquence est mise en évidence, il faudra
vérifier l’activation de l’algorithme afin de ne pas
méconnaître une perte de capture intermittente.
Synchronisation AV : analyse
du délai atrioventriculaire
Analyse du délai AV : blanking, fenêtre
de sécurité et hystérésis du délai AV
Dans le mode DDD, plusieurs intervalles de temps
sont successivement déclenchés après un événement
atrial modifiant la réaction du stimulateur (figure 8).
Le but de ces intervalles est de minimiser les risques
d’inhibition de la stimulation ventriculaire par sur-
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