Interleukines Les interleukines sont un groupe de cytokines, ainsi nommées car les premières observations semblaient montrer qu’elles étaient exprimées par les leucocytes comme moyen de communication. Le terme a été créé en 1979, à une époque où il n’existait que deux interleukines connues (IL1 et IL2). Il a été découvert par la suite que les interleukines étaient produites par une large variété de tissus et cellules, et que, bien que regroupées sous cette terminologie par commodité, elles ne présentaient aucune parenté de structure ou de fonction. Elles ont été classées par un nombre au gré des découvertes. Au début 2006, 31 cytokines sont connues et dénommées sous l’intitulé « IL ». Leurs sites d’action sont multiples et leurs rôles biologiques variés. Les cytokines possèdent une seule propriété en commun : leur absence de sécrétion spontanée, car ces médiateurs sont essentiellement produits lors d’une activation cellulaire. Elles peuvent être impliquées dans la réponse immunitaire, dans la stimulation de l’hématopoïèse ou dans les mécanismes de l’inflammation. Initialement, les cytokines ont été découvertes le plus souvent à cause de leurs effets biologiques ; aussi, plusieurs types de dosage coexistent : les dosages biologiques ou bioessais ; les dosages immunochimiques (Elisa ou RIA). Leurs dosages sont intéressants à partir de prélèvements de liquides biologiques : sérums, liquides de ponction pour la recherche clinique ; liquides de culture cellulaire pour la recherche fondamentale. Les résultats obtenus avec les différents types de dosages proposés peuvent être assez dispersés en l’absence de standardisation de l’étalonnage (interleukine d’origine naturelle ou recombinante). Interleukine 1 L’interleukine 1 est une cytokine sécrétée par les macrophages, les monocytes et les cellules dendritiques. Les cellules monocytaires/macrophagiques sont impliquées dans différentes réponses immunitaires grâce à leur pouvoir de phagocytose, leur rôle dans la présentation de l’antigène, leur propriété de sécréter de nombreux médiateurs dont un facteur activant les lymphocytes (LAF) dénommé interleukine 1 (IL1) depuis 1979. L’interleukine 1 (peptide de masse relative 17 kDa) existe sous deux formes moléculaires : l’interleukine 1α (159 acides aminés) et l’interleukine 1â (153 acides aminés). Ces deux peptides possèdent seulement de courtes séquences identiques et sont codés par deux gènes distincts situés sur le bras long du chromosome 2. L’IL1 joue un rôle important dans la réponse inflammatoire aux infections. Elle augmente l’expression de facteur d’adhésion sur les cellules endothéliales, afin de faciliter la transmigration des leucocytes sur les sites de l’infection. Elle reprogramme aussi le centre thermorégulateur de l’hypothalamus ; c’est pourquoi on l’appelle « facteur pyrogène endogène ». Elle joue également à forte concentration le rôle de « CRH tissulaire », libérant le cortisol, qui atténue la réponse inflammatoire et la fièvre. En l’absence de stimuli, la sécrétion d’IL1 est presque nulle. Les stimuli connus sont les micro-organismes, les endotoxines, les médiateurs de l’inflammation comme les cytokines telles que l’IL1 elle-même, le TNF (tumor necrosis factor), les neuromédiateurs, le stress… Certains inhibiteurs de la synthèse de l’IL1 sont connus : corticostéroïdes, prostaglandines. Dès la stimulation, la transcription des gènes s’effectue très rapidement, avec synthèse d’un propeptide de 31,5 kDa, ayant une faible activité biologique. Les deux formes d’IL1 se lient en général au même récepteur, lequel est composé de deux sous-unités apparentées mais non identiques, qui transmettent des signaux intracellulaires via une voie partagée par d’autres récepteurs, comme ceux de la famille Toll (récepteur de l’immunité innée) et le récepteur à l’IL18. L’IL1 peut agir par elle-même ou en synergie avec des lymphokines sécrétées par des cellules T, telles que les interleukines 2, 4, 5 ou 6. Elle amplifie la réponse en anticorps en stimulant la maturation des précurseurs des lymphocytes B, en augmentant le nombre des lymphocytes T helpers, en participant à la prolifération des lymphocytes B et à leur différenciation en cellules sécrétrices d’anticorps. Les taux d’interleukine 1 sont étudiés dans de nombreuses pathologies à composante immunologique lors de recherches cliniques : infection à VIH, mucoviscidose, lèpre, arthrite rhumatoïde, psoriasis, sarcoïdose, tuberculose. Certaines pathologies s’accompagnent d’une sécrétion accrue d’IL1, sans relation de cause à effet connue à ce jour : hémodialyse, cirrhose, etc. L’antagoniste au récepteur de l’IL1, l’IL1Ra, se lie au même récepteur membranaire que l’IL1, et empêche celle-ci d’envoyer son signal à la cellule. Il est utilisé dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, maladie autoimmune dans laquelle l’IL1 joue un rôle clé. Interleukine 2 et son récepteur L’interleukine 2 (IL2) humaine est une glycoprotéine de 15,5 kDa, produite exclusivement par les cellules T, très rapidement après leur activation. La synthèse de l’IL2 est stimulable directement par le récepteur T, par la sécrétion des interleukines 1 et 6. L’IL2 a un rôle prépondérant dans la physiologie du système immunitaire : c’est la cytokine qui agit sur le plus grand nombre de sous-populations de cellules T, quels que soient leurs fonctions ou leur état de différenciation. À l’origine, cette cytokine était nommée TCGF (T. cell growth factor), puis IL2 en 1979. De plus, elle induit la prolifération et la différenciation des cellules B activées, augmente la capacité cytotoxique des cellules NK (natural killer) et induit la cytotoxicité des cellules CD8+. Les effets de l’IL2 sont amplifiés par la présence d’interleukine 4 au cours de la prolifération des cellules T. Le clonage du gène de l’IL2 a permis l’obtention d’IL2 recombinante, glycosylée ou non. Cette cytokine peut être utilisée comme agent immunomodulateur lors des thérapies de tumeurs, d’immunodéficiences, d’infections chroniques, pour faciliter les réponses des lymphocytes. En revanche, dans les thérapies immunosuppressives, la sécrétion d’IL2 peut être inhibée par des médicaments ou les cellules activées portant les récepteurs de l’IL2 peuvent être ciblées et détruites grâce à des traitements avec des toxines associées soit à de l’IL2, soit à des anticorps spécifiques pour une des chaînes du récepteur. Le récepteur de l’interleukine 2 (IL2R) est constitué de trois chaînes membranaires : la chaîne α, connue sous le nom de l’antigène Tac, la chaîne â et la chaîne ã. Des combinaisons variées des trois entités donnent naissance aux différentes formes de récepteur IL2, chacune ayant des affinités de liaison particulières pour l’IL2. Tous les lymphocytes expriment le récepteur de l’interleukine 2 (IL2R) à un moment donné de leur différenciation et/ou de leur activation. Le récepteur de l’interleukine 2 joue un rôle crucial dans la régulation de la réponse immunitaire. La liaison de l’IL2 à son récepteur de surface déclenche une cascade de signalisation intracellulaire qui aboutit à l’activation et à la prolifération des lymphocytes T au repos. La plupart des cellules impliquées dans la réponse immunitaire (lymphocytes T, cellules NK, monocytes) possèdent le récepteur de l’interleukine 2. L’expression de ces récepteurs à la surface de ces cellules est indispensable à l’activité de l’interleukine 2. Une partie de ces récepteurs est relarguée de la membrane dans le milieu extra-cellulaire (IL2Rs). Il est présent à faible concentration dans le sérum d’un sujet sain. Des taux élevés de ce récepteur dit soluble (IL2Rs) sont observés dans certains cancers lymphoïdes et au cours de rejets aigus de greffe d’organe. Interleukine 6 et son récepteur logiques. Elle a été clonée dès 1980, révélant que l’interféron â, le BSF-2 (B. cell stimulating factor 2), le MGI.2A (myeloid blood cell differenciation inducing protein), l’HSF (hepatocyte stimulating factor), identifiés par différentes équipes, étaient la seule et unique interleukine 6. L’interleukine 6 est une glycoprotéine de 184 acides aminés (26 kDa). Le gène de l’interleukine 6 est situé sur le chromosome 7. Le récepteur de l’interleukine 6 est exprimé sur de nombreuses cellules : c’est un peptide de 468 acides aminés qui est trouvé physiologiquement sous forme soluble dans l’urine de sujets sains. L’IL6 est synthétisée par les monocytes, les fibroblastes, les cellules endothéliales, les kératinocytes, les mastocytes, les lymphocytes T ainsi que de nombreuses lignées cellulaires tumorales. Sa production est stimulée par d’autres cytokines comme l’interleukine 1, le TNF-α, le lipopolysaccharide des bactéries à Gram négatif. L’IL6 agit sur différentes cellules cibles et présente de nombreuses propriétés communes avec l’interleukine 1 et le TNF-α : • stimulation des lymphocytes B activés pour accroître la production d’immunoglobulines ; • génération des lymphocytes T cytotoxiques ; • augmentation de l’activité des cellules NK, induisant la production d’interféron ã par les cellules NK ; • action pyrogène ; • activation des hépatocytes ; • cofacteur de l’hématopoïèse ; • facteur de croissance pour les kératinocytes. Le dosage de l’interleukine 6 est immunologique (radioou enzymoimmunologique) à l’aide d’anticorps polyclonaux, monoclonaux ou oligoclonaux, permettant la mesure de l’interleukine 6 totale ou non liée à son récepteur. Par ailleurs, le dosage de son récepteur soluble (IL6Rs) peut s’avérer utile en fonction du type de dosage. En effet, l’IL6 se fixe sur une glycoprotéine de 80 kD qui est exprimée à la surface cellulaire. En l’absence de stimulation, les taux d’interleukine 6 sont bas. Des taux sériques élevés sont trouvés au cours des infections bactériennes, parasitaires, virales, de septicémies, de certaines tumeurs, lymphomes, maladies autoimmunes. Dans le liquide céphalo-rachidien, des taux élevés peuvent être trouvés au cours des méningites, des maladies neurologiques inflammatoires et des infections à VIH. Néanmoins, sa prescription relève d’études cliniques, en corrélation avec la protéine C-réactive et/ou la procalcitonine. L’interleukine 6 (IL6) est un médiateur du système immunitaire ayant une grande variété d’activités bio- ☞ Interférons, TNF-α