entretiens d`embauche

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 présente ENTRETIENS D’EMBAUCHE Castelet de marionnettes pour adultes de Jacques Jouet Avec : Edeline Blangero, Gérald Gaudau, Philippe Séclé Mise en scène et scénographie Grégoire Ingold Collaboration artistique Cyril Bourgois Création marionnettes Guillemette de Williencourt Composition piano Gérard Maimone Costumes Fabienne Jullien, Mélo Pinna Perruques Nathy Polak Construction Clément Brun Décoration Emily Cauwet Lumières Rémi El Mahmoud Régie Olivier Higelin Contact production Fabienne Jullien
Création septembre 2011 Durée du spectacle 1h – à partir de 14 ans Coproduction Balagan Système, Le Granit Scène Nationale de Belfort, Maison des Arts Thonon Evian, Théâtre des marionnettes Guignol de Lyon Avec le soutien du Département de l’Isère et de la Région Rhône-­‐Alpes. Balagan Système est conventionné par la Région Rhône-­‐Alpes. BALAGAN SYSTEME – BUREAU ET CORRESPONDANCE : 112, RUE ANATOLE FRANCE 69100 VILLEURBANNE -­‐ SIEGE SOCIAL : 30, AV. DU GENERAL LECLERC 38200 VIENNE WWW.BALAGAN-­‐SYSTEME.FR – CONTACT@BALAGAN-­‐SYSTEME.FR -­‐ 04 78 84 32 57 – 06 86 45 70 72 De la cruauté des marionnettes La scène du castelet est l’endroit mitoyen de deux mondes où les marionnettes viennent à notre rencontre pour nous dire des histoires édifiantes. Mais pas toujours. Quand le rideau est baissé, la scène, les coulisses du théâtre sont un lieu de dévergondage des imaginations. Dans ces heures où le théâtre expire ses ombres et ses réminiscences, les marionnettes jouent entre elles, sans souci de nous. À quoi jouent-­‐elles ? Elles jouent à être nous, de grands adultes empêtrés dans les affres du réel. Elles, qui se sont toujours bien gardées de mettre le petit doigt dans l’engrenage de la machine à travail, s’extasient de notre ardeur à vouloir coûte que coûte s’y faire laminer. Ces derniers temps, les marionnettes ont inventé un nouveau jeu : les entretiens d’embauche. La règle est simple et tout le monde peut jouer : n’importe qui annonce qu’il offre un travail quelconque -­‐ il prend le rôle de Mister Offre ; aussitôt, d’autres se précipitent pour tenter d’arracher le pompon -­‐ ils sont les Demandeurs. S’engage alors un duel à qui l’emportera, donnera, donnera pas… Mister Offre cherche, avidement, celui ou celle qui pourrait faire l’affaire ; comme un ogre affamé en manque de chair fraîche reniflant l’odeur de pti’poucet et de ses frères, il dévisage les candidats et les soumet à l’examen. Les Demandeurs, de leur côté, se pressent pour attirer l’attention et rivalisent de bassesses, sans très bien savoir ce à quoi les engagerait le contrat signé. En principe, Mister Offre est maître du jeu, il détermine la fin de la partie en déclarant l’entretien d’embauche terminé. Mais pas toujours. Il arrive aussi que ce soit les Demandeurs qui le bouffent tout cru. 2 « Toujours, involontairement ou non, les marionnettes représentent la violence, elles sont incapables de demi-­mesures, elles tuent, elles meurent, elles renaissent sans cesse, elles sont lubriques et perverses comme des personnages de contes de fées. Les marionnettes n’ont pas de moralité. Mais le monde tout autour d’elles est tout aussi vicieux et elles se vengent sans cesse, et nous vengent ». Ces quelques notes d’Antoine Vitez en répétition de Mister Punch se reportent tout aussi bien au théâtre des marionnettes de Jacques Jouet. Les marionnettes sont lubriques et cruelles ; c’est là le noyau de leur consistance, c’est cette matière qu’il faut leur faire rendre. Les vrais modèles de la gaine restent Père Ubu et Mister Punch. Faire jouer les marionnettes c’est au fond la même chose que jouer à la poupée. Quand les petites filles jouent à la poupée que font-­‐elles ? Elles apprennent et se livrent au plaisir de la perversité. Le jeu des marionnettes a cette fonction simple : montrer, incarner la version sadique des relations ordinaires qui en elles-­‐mêmes contiennent ce potentiel à l’état de non-­‐dit. Les marionnettes prennent sur elles de dire à voix forte et faire ouvertement ce que nous pensons à mi-­‐voix, sans même parfois nous l’avouer. Et c’est cela qui nous fait rire, la reconnaissance de notre monstruosité, notre rire est un aveu et cet aveu nous libère. Le castelet est une boîte de Pandore dans laquelle on enferme nos pulsions assassines et qu’on ouvre parfois pour s’en repaître. C’est pourquoi un castelet devrait se fermer non pas avec un rideau mais avec un couvercle. L’entretien d’embauche est la situation de l’épreuve perpétuelle à laquelle notre condition d’employé nous condamne. Le recours aux marionnettes pour en rejouer les tourments en exacerbe la monstruosité et nous délivre un instant, par le rire, de notre sujétion à la tyrannie d’une loi fratricide. 3 Scénographie Le castelet imaginé articule ensemble deux espaces : un espace fictif – donner à voir au spectateur l’intérieur de la cage de scène ; et un espace réel – le dessin de construction du castelet. Dans l’espace fictif – l’intérieur de la cage de scène, le spectateur est mis en situation de regard inversé, non plus devant le cadre pour assister à une représentation qui s’offre à lui, mais de l’autre côté du cadre, au-­‐dedans du théâtre, comme s’il se trouvait dos au mur du fond de scène regardant le plateau côté coulisses. Cette inversion du sens ordinaire de l’espace est un jeu. Les marionnettes gardant l’initiative de l’adresse au public semblent lui dire : nous vous invitons chez nous, au-­‐dedans de notre théâtre et vous allez voir ce que jamais nous ne vous montrons, notre vie à nous de marionnettes dans notre quotidien des coulisses. Tout ceci n’est qu’une fiction puisqu’en vérité le spectateur n’a pas changé de place et se trouve assis face à un castelet dans lequel vivent des marionnettes qui s’adressent à lui et se disputent entre elles. Dans le même temps, le castelet est réellement sans cadre. On ne s’en aperçoit d’abord qu’à peine puisque l’espace dans lequel évoluent les marionnettes est un espace malgré tout délimité, mais cet espace n’est pas regardé au travers d’un cadre qui trancherait le champ du hors champ, c’est un espace pris dans son volume entier, un espace de plein pied. Les deux espaces -­‐ fictif et réel -­‐ se combinent pour créer un espace qui nous soit commun, entre nous spectateurs et avec les marionnettes, et dont la formule pourrait être : ensemble au-­‐dedans d’un monde. 4 L’équipe Grégoire Ingold – metteur en scène Comédien et metteur en scène, il est élève d'Antoine Vitez à l'École du Théâtre National de Chaillot ; il joue sous sa direction dans plusieurs spectacles à Chaillot et à l'Odéon. Parallèlement, il fonde à Paris, en 1982, le Théâtre du Quai de la Gare où toute une génération de jeunes metteurs en scène produira leurs premiers spectacles. En 1988, il entreprend une série de voyages d'études sur les formes de théâtre populaire en Afrique francophone ; il est Lauréat du prix Villa Médicis hors les murs en 1989. En 1991, il crée le Festival Théâtre en Cités à Kinshasa. De retour en France, il se consacre à l’étude pratique des écoles de jeu qui fondent les grands courants du théâtre au XXème siècle – Stanislavski, Brecht, Vassiliev – et crée l'Unité d'étude des écoles de mise en scène. En 1997, il revient à la mise en scène et créé la compagnie Balagan Système. Associé au Théâtre Gérard Philipe de Saint-­‐Denis puis à La Comédie de Reims, il prend en charge une mission spécifique de décentralisation. Depuis 2004 la compagnie est implantée en région Rhône Alpes. Il a signé une vingtaine de mise en scène et s’intéresse tout particulièrement au répertoire de la dispute des idées ; il défend un théâtre populaire de qualité. Jacques Jouet – auteur Il est né en 1947 dans la banlieue de Paris. Il se veut écrivain tout-­‐terrain : poésie, nouvelle, roman, théâtre, essai. Ça ne lui fait pas peur qu’un poème puisse être imprimé sur un T-­‐shirt. Il n’aime pas la pureté : la littérature n’est pas pure ; la langue n’est pas pure ; même les origines ne sont pas pures. De plus, à ses yeux, la littérature n’est pas une activité solitaire. C’est pour cela, peut-­‐être, qu’il est si attiré par le théâtre. Depuis 1983, il est membre de l’Oulipo (Ouvroir de Littérature Potentielle fondé par François Le Lionnais et Raymond Queneau). Publications récentes : L’amour comme on l’apprend à l’École hôtelière, roman (P.O.L. 2006), Une mauvais maire, roman (P.O.L. 2007), À supposer… (Nous, 2007), Trois pontes, roman (P.O.L. 2008) , MRM, poésie (P.O.L. 2008), Bodo, roman (P.O.L. 2009), L’Histoire poèmes (P.O.L. 2010), Annette entre deux pays, théâtre (L’Amandier, 2011) Fabienne Jullien – administratrice de production Spécialisée en droit de la Propriété intellectuelle et en droit Européen, elle rejoint la Commission Européenne à Paris pour créer un programme de vulgarisation destiné à associer les citoyens aux actions européennes. Elle poursuit sa collaboration avec la Commission à Bruxelles dans L’unité Action Culturelle. Le travail institutionnel et de définition d’une politique se conjugue avec les actions sur le terrain en lien avec les professionnels et les institutionnels des pays membres. De retour en France après 10 ans passés en Belgique et en Espagne, elle suit un DESS de développement culturel et direction de projet à l'ARSEC -­ Lyon II et travaille particulièrement sur le thème de l'intercommunalité culturelle. Elle rejoint la compagnie Balagan système en 2004 et enseigne parallèlement à l’Université Lyon II, faculté de sociologie et d’anthropologie, comme maître de conférences dans le cadre du parcours « Métiers des arts et de la culture ». 5 Edeline Blangero – comédienne, marionnettiste Comédienne dès l’âge de 11 ans dans une troupe semi-­‐professionnelle d’enfants, Edeline Blangero part en tournée d’été à travers la France. Après une maîtrise en « Gestion du personnel et administration de l’emploi » elle revient au théâtre et se forme à l’improvisation avec la Ligue d’Improvisation Lyonnaise et participe à plusieurs reprise à l’Open d’Improvisation à Québec ; elle est partie prenante comme comédienne de la vie de plusieurs troupes successivement (Tridimentionnel -­‐ Grenoble, Catch Impro -­‐ Lyon, Cameleons -­‐ Compagnie d’improvisation professionnelle à Dijon). En 2008, elle rejoint la Compagnie des Zonzons -­‐ Théâtre de Guignol de Lyon et se forme à la manipulation. Gérald Gaudau – comédien, marionnettiste Il est comédien, formé au théâtre par l'improvisation, avec la Ligue d'Improvisation Lyonnaise dont il est membre depuis 2000. Il a travaillé ces dernières années en théâtre d’improvisation sous la direction de Philippe Saïd et de Cécile Giroud, et en théâtre de rue pour les Charentaises de Luxe et la Compagnie Voyages en Scène. En 2006, il crée le concept Impromario avec des comédiens de la LILy et de la Compagnie des Zonzons (Théâtre du Guignol de Lyon), qu'il intégrera en 2007, sous la direction de Philippe Auchère. Philippe Séclé -­ comédien, marionnettiste Il se forme comme comédien à la Ligue d’Improvisation de Lyon. Il participe à de nombreux spectacles de théâtre forum avec la compagnie Tenfor. Rejoint la compagnie Théâtre des Asphodèles de Lyon et participe comme comédien à plusieurs créations en commedia dell’arte. En 1999, il intègre la compagnie des Zonzons – Théâtre Guignol de Lyon. Il travail ponctuellement avec la compagnie – Théâtre Mu ; et au théâtre avec N. Veuillet, S. Zorban, D. Lefèvre, P. Heitz. 6 Extrait du texte 7. Le plus petit métier
Offre. – Qu’est-ce que vous venez foutre ici, vous ?
Demande. — Bonjour, Monsieur, je viens pour l’embauche.
Offre. – J’embauche, mais je vous préviens, c’est pour faire le pire boulot !
Demande. — Ça, c’est pas grave !
Offre. – Venez pas dire que vous n’avez pas été prévenu ! J’embauche pour que vous fassiez le pire boulot !
Demande. — De quoi ? Vider les chiottes ?
Offre. – Pire !
Demande. — Racler les chiottes ?
Offre. – Bien pire !
Demande. — Vider, racler, déboucher les chiottes à mains nues ?
Offre. – Sorti de la merde, vous connaissez quelque chose ? Pire, je vous dis !
Demande. — Voler un petit commerçant ? Violer un petit enfant ? Affoler les vieillards pour leur soutirer leurs bijoux de famille ?
Offre. – Pire !
Demande. — Tuer ?
Offre. – Ha ha ha ! Tellement pire !
Demande. — Je donne ma langue au chat.
Offre. – Justement, tirez la langue, pour voir…
Demande tire la langue.
Offre. – Très bien.
7 Demande. — Quoi, très bien ?
Offre. – Langue chargée, très bien…
Demande. — Alors ?
Offre. – Remontez vos jambes de pantalon, pour voir…
Demande. — Moi ?
Demande remonte ses jambes de pantalon.
Offre. – Oh la la ! Mais c’est très bien…
Demande. — Quoi ?
Offre. – Les scrofules, très bien, la pelade…
Demande. — Dites aussi que ça pue !
Offre. – Ça pue, mon vieux.
Un long silence.
Demande. — Alors, c’est quoi, votre boulot le pire ?
Offre. – Pauvre.
Demande. — Comment ça, pauvre ?
Offre. – Oui, pauvre, mendiant, déshérité, impécunieux, désargenté, SDF, nécessiteux… nécessitant qu’on fasse quelque chose… voilà, quoi…
Demande. — Vous voulez m’embaucher pour être pauvre ?
Offre. – Voilà. Vous avez trouvé. Vous êtes pas la moitié d’un…
Demande. — Mais c’est impossible !
Offre. – Pourquoi ? Vous avez autre chose à faire ?
Demande. — Nnn… non.
Offre. – Bah alors ?
Demande. — Faudra que je tende la main ?
Offre. – Bah oui ! Vous savez faire autre chose de vos cinq doigts ?
Demande. — Ben non…
8 Offre. – Bah alors ?
Demande. — Oui, mais… si je suis payé pour mendier… je ne mendie plus, je travaille… C’est paradoxal.
Offre. – Oui… c’est peut-être paradoxal, mais moi je m’en fous que ce soit paradoxal… J’embauche, c’est tout !
Demande. — Qu’est-ce que ça vous rapporte ?
Offre. – Je ne sais pas encore, c’est un essai.
Demande. — Hon…
Offre, didactique. – Une société riche a toujours eu des pauvres, donc elle a besoin de pauvres, donc il faut en produire, donc ça doit rapporter (je ne sais pas comment),
donc je vais m’y mettre, donc vous êtes mon homme. J’ai pensé ça. Et si je vous embauche c’est pour prouver que j’ai raison.
Demande. — Et alors… c’est…
Offre. – Quoi ?
Demande. — Heu… C’est payé combien ?
Offre. – C’est très simple… ce que vous récoltez, dans la rue, en mendiant, vous me le confiez, et je vous en redonne une part en salaire, et à partir d’une certaine somme
vous bénéficiez de la sécurité sociale. Vous ne serez pas le seul, hein… C’est d’accord ?
Un temps particulier.
Demande. — De toute façon, je n’ai pas le choix.
Offre. – Croyez-moi, ce n’est pas le plus mauvais choix.
Demande s’assied par terre et tend la main.
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