Les anomalies congénitales porcines : la génétique au service d’une préoccupation de la filière L es anomalies congénitales représentent une préoccupation majeure pour la production porcine. Elles induisent une augmentation de la mortalité des animaux et une dépréciation des carcasses à l’abattoir entraînant des pertes économiques. De plus, la présence d’anomalies dans un élevage est souvent mal perçue pour des raisons de bien-être et d’éthique. Les causes de ces anomalies sont souvent mal identifiées et d’origines diverses : facteurs génétiques, alimentaires ou sanitaires. C’est pourquoi, en 2007, la filière porcine a décidé d’inscrire l’étude des anomalies congénitales dans ses priorités : réalisation de fiches descriptives des anomalies, constitution d’une base de données anomalies congénitales en association avec une banque d’ADN, partenariat avec des équipes de recherche européennes… Les anomalies congénitales sont définies comme une modification d’un organe plus ou moins apparente, présente dès la naissance de l’animal. Cette modification peut altérer le fonctionnement de l’organe. Les principales anomalies répertoriées chez le porc sont les hernies ombilicales, les hernies inguinales/scrotales, la cryptorchidie, l’intersexualité, les atrophies ou dissymétries testiculaires, les atrophies de la vulve, les anus imperforés (atrésie anale), le prognathisme facial, le phimosis, la rétention urinaire et les tremblements. On peut y ajouter de manière non exhaustive d’autres malformations telles que le splay-leg, l’arthrogrypose, les fentes palatines, le nanisme et les porcelets sans queue. Dans le contexte de l’amélioration génétique des populations porcines, l’introduction de nouveaux critères de sélection reste d’actuali- té. Ces caractères doivent permettre de répondre à de nouvelles contraintes réglementaires ou à la prise en compte d’aspects qui apparaissaient jusqu’à présent secondaires. C’est le cas des anomalies qui font l’objet d’études génétiques depuis plus de 50 ans. Cependant, le déterminisme génétique de ces anomalies est plus complexe que la simple transmission d’un gène défectueux. Le développement des outils de génétique moléculaire ouvre de nouvelles voies pour mieux connaître les mécanismes d’apparition de ces anomalies. Les fiches techniques Dans un premier temps, les sélectionneurs porcins de BIOPORC, association ayant pour objectif de définir et coordonner des programmes de recherche prioritaires en génomique dans l’espèce porcine, ont été consultés afin de déterminer les anomalies congénitales les plus fréquemment rencontrées en élevage. A Résumé Les anomalies congénitales sont induites par une modification de la conformation d’un tissu ou organe à la naissance. Les plus souvent observées en élevage porcin sont les hernies ombilicales ou scrotales/inguinales, la cryptorchidie et l’intersexualité. Elles peuvent avoir une cause génétique mais leur déterminisme n’est pas toujours établi. Des facteurs de milieu, infectieux ou nutritionnels peuvent être impliqués. Elles ont une incidence sur le bien-être des animaux et un impact économique potentiellement important. En 2007, la filière porcine a inscrit l’étude de ces anomalies dans ses priorités. Des fiches descriptives des principales anomalies ont été réalisées pour servir d’appui aux professionnels. Les éleveurs et techniciens peuvent les identifier et décrire pour transmettre des données complètes et fiables, indispensables pour valoriser ces informations. Les anomalies observées sont enregistrées dans une banque de données et des prélèvements d’ADN sont réalisés sur les animaux porteurs et apparentés en vue d’une étude. Sandrine SCHWOB Isabelle DELAUNAY Catherine LARZUL* * INRA Jouy Vol. 30, NO1 - 2007 Synthèse 13 Les anomalies étudiées prioritairement, compte tenu de leurs fréquences, sont les hernies scrotales/inguinales et ombilicales, la cryptorchidie et l’intersexualité. partir des connaissances acquises sur le sujet et grâce à la collaboration de nombreux acteurs de la filière, des fiches techniques décrivant précisément les anomalies ont été réalisées. Les anomalies étudiées prioritairement, compte tenu de leurs fréquences, sont les hernies scrotales/inguinales et ombilicales, la cryptorchidie et l’intersexualité. Actuellement, 4 fiches techniques descriptives de ces principales anomalies (1 fiche par anomalie) ont été créées. Ces fiches sont Pour la sélection, mises à la disposition des prole but est de proposer fessionnels pour permettre une un test qui permettra description précise et homogène entre les élevages. Le projet ANOPORC La description précise des animaux porteurs d’anomalies congénitales est la première étape indispensable pour étudier plus finement les anomalies et partir à la recherche de gènes impliqués dans leur expression. La filière porcine, à travers le projet ANOPORC (ANOmalies PORCines), a décidé de se doter d’un outil d’enregistrement de cas répertoriés d’anomalies congénitales en constituant une banque de données phénotypiques et moléculaires des animaux porteurs et de leurs familles : père, mère, frères et sœurs de portées sains et atteints. d’identifier les verrats Ce projet, mené en partenariat par porteurs d’anomalies Les fiches techniques présentées l’IFIP, l’INRA et les Organisations de pour les éliminer. ci-contre sont consultables sur Sélection Porcine, a pour objectif le site de l’IFIP : http://www.ifip. asso.fr/ame/index.htm de recueillir des données sur 100 à 200 familles par anomalie. La collecte de telles données devrait tout d’abord permettre de trouver des marqueurs moléculaires des différentes anomalies. Pour la sélection, le but est de proposer un test qui permettra d’identifier les verrats porteurs d’anomalies pour les éliminer. Perspectives à travers des partenariats européens Plusieurs équipes européennes mènent également des travaux de recherche sur le déterminisme génétique des anomalies congénitales, en Allemagne mais aussi en Belgique, en Norvège et en Finlande. Des collaborations au niveau européen sur cette thématique sont d’ailleurs envisagées. Les premiers résultats obtenus ont déjà mis en évidence plusieurs zones du génome impliquées dans l’apparition d’anomalies, notamment des hernies. ■ Remerciements aux éleveurs et techniciens des Organisations de Sélection Porcine de BIOPORC pour la collecte des informations, à Annabelle Feuvrier, stagiaire de l’IFIP, pour sa synthèse bibliographique sur le sujet, et au Ministère de l’Agriculture pour son soutien financier. Contact : [email protected] [email protected] [email protected] Form Pour en savoir plus : une formation IFIP sur mesure on ati 2007 Gestion de la variabilité génétique Public Inscription par fax : 01 40 04 53 77 Renseignement par tél : 01 40 04 53 66 www.ifip.asso.fr • Les éleveurs sélectionneurs et multiplicateurs • Les membres de leur encadrement technique Objectif • Maîtriser les outils de gestion de la variabilité génétique • Être capable d’évaluer l’impact des stratégies de sélection sur la consanguinité du troupeau Durée un jour - Isabelle DELAUNAY (IFIP) 14 Synthèse Vol. 30, NO1 - 2007 La cryptorchidie ● Définition La cryptorchidie ou ectopie testiculaire est une anomalie du développement de l’appareil génital mâle qui se caractérise par l’absence de descente d’un ou des deux testicules de la cavité abdominale dans le scrotum. On distingue deux types de cryptorchidie : ➜ Si le (ou les) testicule(s) est (sont) resté(s) dans la cavité abdominale, on parle de cryptorchidie abdominale, ➜ Si le (ou les) testicule(s) est (sont) engagé(s) dans l’espace inguinal, on parle de cryptorchidie inguinale. Chez le porc, l’ectopie est plus souvent abdominale qu’inguinale. La cryptorchidie peut être unilatérale (un seul testicule est descendu normalement : mono-cryptorchidie/monorchidie) ou bilatérale (dicryptorchidie). Les vrais cryptorchidies correspondent à la non descente des deux testicules, les animaux sont alors stériles. On parle d’animaux « pif » ou « piffre » dans le cas des mono-cryptorchidies. ● Détection de l’anomalie On peut mettre en évidence une cryptorchidie très précocement étant donné que la descente des testicules dans le scrotum se produit pendant les dernières semaines de la vie fœtale. Par une simple palpation des bourses, on remarque l’absence de gonade dans le scrotum, il est facile de se rendre compte de l’existence de cette anomalie : ➜ Lorsque le testicule gauche n’est pas descendu, on parle de cryptorchidie unilatérale gauche (respectivement cryptorchidie unilatérale droite en l’absence de descente du testicule droit). ➜ Si les deux testicules sont impalpables, il s’agit d’une cryptorchidie bilatérale. Rectum Epididyme Testicule Scrotum Espace inguinal Pénis Fourreau Schéma de l’appareil génital du verrat Animal dicryptorchide Animal monorchide droit Vol. 30, NO1 - 2007 le testicule gauche n’est pas descendu Animal monorchide gauche Synthèse 15 Les hernies ombilicales ● Définition La hernie ombilicale est un renflement souple au niveau du nombril causé par une faiblesse musculaire. Une protrusion se forme alors dans un orifice naturel (anneau) qui s’affaiblit et permet la descente du contenu abdominal dans la région ombilicale. Les hernies ombilicales forment alors une masse molle au niveau du nombril. Les faiblesses musculaires proviennent d’une fermeture incomplète de la tunique musculaire de l’abdomen ou d’un retard dans la fermeture de l’anneau ombilical. ● Détection de l’anomalie Les hernies ombilicales peuvent être très peu marquées à la naissance. Elles apparaissent, dans la majorité des cas, au cours du post-sevrage ou de l’engraissement. Hernie ombilicale 16 Synthèse Vol. 30, NO1 - 2007 Les hernies inguinales et scrotales ● Définition Les hernies inguinales et scrotales sont des renflements souples au niveau de l’aine ou du scrotum. Elles correspondent à un passage de l’intestin grêle dans le canal inguinal (hernie inguinale) ou dans le scrotum (hernie scrotale). Il s’agit d’une anomalie de la paroi abdominale et non du tube digestif en lui-même : on pense que les hernies sont dues à une faiblesse musculaire ou à un canal inguinal anormalement large. ● Détection de l’anomalie Cette anomalie peut apparaître dès la naissance (mais elle est alors difficile à voir) ou après la castration (en post-sevrage). Les hernies inguinales apparaissent majoritairement chez les mâles. Les hernies peuvent être unilatérales (à droite ou à gauche) ou bilatérales. La distinction entre hernie inguinale et hernie scrotale est difficile à faire, c’est pourquoi il est important de décrire la position de la hernie : à l’aine, au scrotum (chez les mâles) ou sous la vulve (chez les femelles). Hernie gauche au scrotum (chez un mâle) Vol. 30, NO1 - 2007 Synthèse 17 L’intersexualité ● Définition Les intersexués possèdent un appareil reproducteur qui présente à la fois des éléments du mâle et de la femelle. Chaque intersexué possède des caractéristiques différentes au niveau du développement de l’appareil reproducteur. Dans le cas d’hermaphrodisme vrai, le développement du tractus génital est habituellement typiquement femelle et l’apparence externe est le plus souvent de type femelle. Mais ces animaux présentent à la fois des tissus testiculaires et ovariens. A l’inverse, les pseudo-hermaphrodites ont des gonades d’un seul sexe et des voies génitales ou organes génitaux des deux sexes ou du sexe opposé. On parle de pseudo-hermaphrodisme femelle si les gonades sont des ovaires (rare chez le porc), et de pseudo-hermaphrodisme mâle quand les gonades sont des testicules qui sont généralement retenus dans la cavité abdominale. ● Détection de l’anomalie L’intersexualité est généralement une anomalie congénitale, donc déjà présente à la naissance, mais plus l’âge avance, plus l’observation est facilitée. Pour classifier les différents types d’hermaphrodisme, chaque partie extérieure observable au niveau de l’appareil génital doit être décrite : la vulve, le clitoris, les testicules, le fourreau et la verge. Vulve absente, clitoris penniforme, testicules dissymétriques fourreau et verge absents (non visibles sur la photo). Clitoris penniforme Testicules dissymétriques Vulve atrophiée, clitoris non visible, testicules normaux (fourreau et verge non visibles sur la photo). Vulve atrophiée Testicules normaux 18 Synthèse Vol. 30, NO1 - 2007