IDENTITE ET RAPPORTS DE POUVOIR DANS LES RELATIONS ENTRE GROUPES JEAN-CLAUDE DESCHAMPS Université de Lausanne Colloque « Themes and Debates in Social and Organizational Psychology » Instituto Superior de Ciências do Trabalho e da Empresa (ISCTE) Lisboa 7 juin 1999 Lorsqu’on m’a demandé de parler de mes travaux sur l’identité et les rapports de pouvoir entre groupes dans ce colloque « Themes and Debates in Social and Organizational Psychology », j’ai été amené à retourner à quelques 30 ans en arrière, à l’époque où j’obtenais ma maîtrise en psychologie sociale. Rassurez-vous, il n’est pas question de se complaire au passé, ni de faire la part belle à quelques problèmes existentiels liés à l’âge. Mais, ce que j’aimerais faire sentir, c’est comment l’ambiance propre à une époque et probablement à certains lieux, comment de façon générale le contexte et certaines rencontres successives vont définir et baliser pour moi un parcours de recherche qui m’amènera petit à petit à travailler sur l’identité et les rapports de pouvoir. Lorsqu’on est amené à présenter une conférence, on fait en général un exposé théorico-empirique de nos travaux dans leur état actuel en visant, autant que faire ce peut, une cohérence propositionnelle, cohérence qui parfois, il n’y a pas de honte à le reconnaître, est postérieure aux recherches en question. C’est l’usage et l’on a tendance à gommer soigneusement tout ce qui peut 1 être lié aux déterminants et à l’historique de ce travail. Mais ici, puisqu’il s’agit aussi de débats, j’ai choisi une autre option, celle qui consiste à tenter de faire l’histoire d’un chantier de recherche en essayant de montrer le contexte dans lequel naissent les questions initiales, comment émergent des hypothèses, d’ailleurs souvent au départ des intuitions, comment s’articulent des recherches. J’ai pensé que ce serait peut-être plus utile que de reprendre des choses qui, après tout, sont accessibles dans des revues ou dans des ouvrages. Ayant donc terminé mes études supérieures à Paris dans la fin des années 60, j’avais suivi les cours de ceux qui avaient importé, introduit et institutionnalisé la psychologie sociale en France dans les années 50, et notamment les enseignements de Jean Maisonneuve et Robert Pagès1. Et l’on s’intéressait à l’époque aux opinions, aux attitudes et au changement d’attitudes, aux croyances (pour une présentation historique de ces domaines, voir Deschamps & Beauvois, 1996), aux groupes et aux relations intra-groupes, aux relations humaines (voir Mugny, Oberlé & Beauvois, 1995). C’était en fait des problématiques directement importées d’une psychologie sociale nord-américaine. Puis, dans la fin des années 60, la psychologie sociale s’est trouvée dotée et lestée sur le vieux continent de problématiques nouvelles et originales inaugurées par des pionniers tels que Henri Tajfel et Serge Moscovici, problématiques qui nous ont immédiatement fascinées. C’était l’étude des représentations sociales, de l’influence minoritaire, des relations entre groupes, thématiques qui vont devenir les points d’ancrage d’une psychologie sociale européenne alors en train d’émerger quand bien même que, de l’autre côté de l’Atlantique, après la révolution cognitiviste des années 50, nos collègues s’engageaient peu à peu mais de façon résolue dans la voie de ce qu’on appellera par la suite la cognition sociale. Et pour comprendre les questions que j’ai été amené à me poser et qui ont été à l’origine d’un ensemble de recherches qui va peu à peu se développer et se sédimenter autour du thème de l’identité et des rapports de domination, il faut commencer par mentionner un premier point. Très vite en France, dès la fin de ces années 60, d’abord Willem Doise (Doise, 1969 ; Doise, 1973 ; Doise et al., 1972), puis dans les premières recherches que j’ai été amené à effectuer dans la mouvance du Laboratoire de psychologie sociale de la Sorbonne - recherches qui n’auraient pas vu le jour sans des gens comme André Duflos et Gérard Lemaine - nous avons été conduit à nous intéresser aux travaux de Tajfel sur la catégorisation, la catégorisation sociale, et à l’approche qu’il proposait des relations entre groupes (Tajfel, 1959 ; Tajfel, 1969 ; Tajfel, 1970 ; Tajfel, 1972; Tajfel, Sheikh & Gardner, 1964 ; Tajfel & Wilkes, 1963). Evidement, cette problématique n’était pas nouvelle. On pense à Sumner qui, dès 1906, introduit les notions de in-group et de out-group (voir la seconde édition de « Folkways » publiée en 1913, une révision de l’ouvrage de 1906). Les relations entre groupes, les préjugés, les stéréotypes, les discriminations sont des thèmes qui ont préoccupé les chercheurs depuis l’émergence de la psychologie sociale en tant que discipline. Mais, dans un premier temps, ce sont des théories qui partaient de l’idée d’un déterminisme psychique et d’un niveau d'analyse individuel qui ont prédominé (des théories basées sur la personnalité, l’apprentissage ou sur un apport de la psychanalyse). Pour comprendre les rapports intergroupes, on pensait qu'il suffisait de connaître les processus psychologiques individuels et généraux, indépendamment des contextes, des 1 Comme le note Jean Stoetzel qui fut le premier à avoir donné un enseignement régulier de psychologie sociale en France à partir de 1947, les licences de psychologie et de sociologie furent créées respectivement en 1948 et 1957 dans ce pays (Stoetzel, 1978). 2 interactions, indépendamment des rapports que peuvent entretenir individus et groupes ou groupes entre eux. C'est la position de Floyd Allport (1961). Les travaux sur la personnalité autoritaire (Adorno, Frenkel-Brunswick, Levinson & Sanford, 1950) et la théorie du bouc émissaire (Dollard, Doob, Miller, Mowrer & Sears, 1939) se basent aussi sur une perspective individualiste pour rendre compte des rapports entre groupes. Bien sûr, certains prédécesseurs avaient déjà mis l'accent sur un «esprit de groupe» dont les propriétés étaient pensées comme indépendantes des propriétés mentales des individus (Le Bon, 1895/1963 ; McDougall, 1920). Mais il faudra attendre la pénétration d'un courant gestaltiste pour qu'un groupe soit défini comme quelque chose de plus que la somme des individus qui le compose (Lewin, 1951), comme une totalité dynamique. Et Sherif dans la fin des années 40, avec sa théorie du conflit objectif d'intérêt, nous fournira les développements les plus féconds en la matière (Sherif, 1951 ; Sherif, 1966 ; Sherif, 1967 ; Sherif, Harvey, White, Hood & Sherif, 1961). Mais pour revenir à Tajfel, il nous disait que, contrairement à ce que pensait Sherif dans sa théorie du conflit objectif d’intérêt, la compétition n’est pas une condition nécessaire pour qu’on obtienne des préjugés et des stéréotypes négatifs entre les groupes (Tajfel, 1972). Tajfel fait tout d’abord appel à un processus cognitif très général pour étayer cette prise de position. Il se réfère alors à Bruner (Bruner, 1958) et c’est le processus de catégorisation dont les effets sur la perception vont être double. D'une part, le classement d'éléments différents dans une même catégorie accentue la similitude perçue entre ces éléments. Il s'agit là d'un phénomène d'assimilation qui conduit à la stéréotypie cognitive et qui consiste à attribuer aux éléments toutes les propriétés supposées caractériser l'ensemble de cette catégorie. D'autre part le classement d'éléments différents dans des catégories distinctes accentue la différence perçue entre ces objets. Il s'agit alors d'un phénomène de contraste qui est un facteur de différenciation cognitive. On est très proche des processus à l’œuvre lors de la formation des concepts et les effets de la catégorisation, liés à la simplification qu'elle opère sur les objets, vont être l'augmentation des différences perçues entre les catégories et des ressemblances perçues à l’intérieur des catégories. Il faut ajouter que lorsque les éléments en question sont des personnes, lorsque les catégories sont sociales, la différenciation entre catégories ou entre groupes renvoie souvent à de la discrimination, ce qui se traduit au niveau des valeurs (les « bons groupes » auxquels les sujets appartiennent et les « mauvais groupes », les autres groupes). A partir de là, Tajfel va avancer d'autres propositions, s'inscrivant dans une perspective motivationnelle celles-là, qui lui permettent de rendre compte que, dans le domaine des relations entre groupes, la discrimination est fréquemment conjuguée avec la différenciation. Il formule certaines propositions qui lui permettent d'intégrer théoriquement identité sociale et catégorisation sociale (Tajfel & Turner, 1979 ; 1986). Pour aller vite, disons que, dans cette perspective : - c'est à travers son appartenance à différents groupes que l'individu acquiert une identité sociale qui définit la place particulière qu'il occupe dans la société ; - les gens cherchent à avoir une identité sociale positive ; - l'appartenance à un groupe donné ne contribue à l'élaboration d'une identité sociale positive que si les caractéristiques de ce groupe peuvent être comparées favorablement à celles d'autres groupes, autrement dit, que si une différence évaluative existe en faveur de son groupe d'appartenance ; - les individus tentent alors d'établir (ou de préserver) dans la comparaison entre groupes une différence en faveur de leur propre groupe et sont donc amenés à discriminer les autres groupes. 3 Autrement dit, à partir du moment ou les gens ont dans la tête la représentation d’un environnement social en termes de groupes, il y a discrimination. Et ce sont les fameuses recherches sur ce qu’on a appelé le « paradigme minimal », recherches dans lesquelles la simple représentation de l’appartenance à deux groupes disjoints entraîne de la discrimination entre les groupes (Tajfel, 1970 ; Tajfel, Billig, Bundy & Flament, 1971). La toile de fond est tissée. Et alors que les héritiers directs de Tajfel – dans ce qu’on va appeler l’Ecole de Bristol - poursuivaient les travaux qui lient la discrimination à la recherche d’une identité positive (voir par exemple Turner, Hogg, Oakes, Reicher & Wetherell, 1987), lorsque j’ai rejoint Doise à Genève en 1973, nous avons mis d’emblée l’accent sur les contextes et les représentations intergroupes. I. QUELQUES LIMITES DE LA DIFFERENCIATION ENTRE GROUPES En fait, et malgré mon enthousiasme par rapport à ce que nous apportait Tajfel à cette époque, malgré la nouveauté de ses perspectives relativement à ce que j’avais pu aborder durant mes études, un certain nombre de choses me laissaient néanmoins perplexe. Tout d’abord la généralité de ce phénomène de discrimination entre groupes. Et je me souviens à ce propos d’une discussion avec Robert Pagès qui me rappelait l’adage selon lequel « l’herbe de l’autre côté de la rivière paraît toujours beaucoup plus verte ». Ensuite, certains biais que pouvaient introduire le fait de se situer par rapport à des groupes minimaux, entretenant entre eux des relations symétriques. C’est à partir de ces interrogations que j’ai réalisé mes premières recherches dans ce domaine. Je m’interrogeais donc sur les limites de la généralité du favoritisme du groupe d’appartenance et il me semblait que la division en groupe ne dégénère pas inexorablement en une discrimination entre groupes. Et à cet égard, le paradigme minimum, pour séduisant qu’il pouvait paraître à l’époque, me posait tout de même quelques problèmes. I.1. L’effet du croisement des appartenances catégorielles Dans le paradigme minimal, l’appartenance simultanée des gens à différents groupes est exclue à priori. Or, il ne fait pas de doute que l’insertion des gens dans nos types de sociétés – sinon dans la plupart des sociétés - ne saurait se réduire à une appartenance unique ou privilégiée à une seule catégorie sociale. Les relations concrètes entre groupes ne peuvent pas être envisagées que dans le cadre d’une stricte dichotomie entre le « Nous » et le « Eux ». De multiples clivages découpent le monde social en entités collectives différentes. De plus, les frontières entre ces entités collectives se croisent plus quelles ne se superposent. Comme le mentionne Lemaine (1999), « il existe du Eux dans le Nous ». En 1971, dans une première recherche dans laquelle j’abordais la catégorisation sociale en la plaçant dans le domaine de l’attribution de caractéristiques aux groupes et à leurs membres, je montrais que le croisement des appartenances catégorielles diminue la différenciation et la discrimination entre groupes (Deschamps, 1972-1973). En effet, il est facile d’envisager des situations dans lesquelles, pour chaque personne (du moins au niveau de la représentation que les gens se font de cette situation), une distinction entre sa catégorie d’appartenance et une catégorie de non-appartenance selon une première catégorisation ne se recouvre pas mais se croise avec sa catégorie d’appartenance et une autre catégorie selon une seconde catégorisation. C’est ce qu’on appelle une situation de catégorisation croisée dans 4 laquelle, pour chaque personne, une partie des membres de sa catégorie d’appartenance (par exemple « Portugais ») et de l’autre catégorie (par exemple « Suisses ») se retrouvent dans une même catégorie d’appartenance (par exemple « Femmes ») selon une autre catégorisation qui est entrecroisée avec la première. Dans une situation de ce type, il devrait y avoir accentuation des différences entre les deux catégories selon la première catégorisation mais également accentuation des différences entre les deux catégories selon la deuxième catégorisation. En même temps, il devrait y avoir accentuation des différences à l’intérieur d’une même catégorie car elle est composée de deux catégories différentes selon le second critère. De la même façon, il devrait y avoir accentuation des ressemblances à l’intérieur d’une même catégorie et avec une partie des membres de l’autre catégorie. On peut donc s’attendre à ce que des effets opposés affaiblissent la différenciation / discrimination entre les groupes. Et c’est bien ce qu’on a pu mettre en évidence (voir aussi Deschamps et al., 1992 ; Deschamps & Doise, 1978). On voit donc déjà là que la discrimination n’est pas une fatalité mais qu’elle risque d’apparaître avant tout lorsque l’environnement social est dichotomisé de façon radicale. I.2. Positions sociales et différenciation entre groupes De plus, dans ce paradigme minimal, les groupes en présence sont interchangeables : par définition les groupes ou catégories utilisés ont un même statut. Or, dans une recherche publiée en 1972, Doise met en évidence que si des collégiens – occupant une position privilégiée par rapport à des apprentis dans nos types de sociétés – valorisent leur groupe par rapport à celui des apprentis, les apprentis ne manifestent pas une telle discrimination et manifestent même dans certaines conditions un favoritisme à l’égard des collégiens (Doise, 1972). Une autre recherche réalisée en 1973 – dans laquelle on a retrouvé par ailleurs les effets du croisement des appartenances catégorielles – permet aussi de mettre en évidence l’impact des appartenances sociologiques sur la discrimination (Deschamps, 1977, expérience 2). Ce qui retiendra notre attention ici, ce sont les différences observées entre les sujets masculins et féminins. Le rapport entre sexe deviendra d’ailleurs ultérieurement un objet privilégié de l’étude des relations de domination alors qu’il est d’ailleurs intéressant de remarquer que les sujets des premières expériences sur les groupes minimaux étaient exclusivement des garçons. Dans cette recherche, les sujets devaient évaluer les membres de leur groupe d’appartenance sexuelle, les membres de l’autre groupe et s’auto-évaluer. Les garçons, membres du groupe socialement dominant, discriminent davantage les filles que les filles le font à l’égard des garçons. De plus, les garçons s’auto-évaluent encore plus favorablement que les membres de leur groupe (les autres garçons) alors que les filles s’auto-évaluent de la même façon qu’elles évaluent les autres filles (à savoir les membres de leur groupe). Pour le dire vite, si les garçons manifestent un biais de favoritisme à l’égard de leur groupe d’appartenance (une sorte de sociocentrisme) ils montrent simultanément un biais de favoritisme à l’égard d’eux-mêmes (une sorte d’égocentrisme) alors que les filles manifestent moins cette tendance sociocentrique et nullement d’égocentrisme. Toute une série de recherches réalisées dans les années 70 vont nous permettre de retrouver ces résultats (voir par exemple Doise, Deschamps & Meyer, 1978). Dans la perception sociale, l’existence de groupes et la représentation d’un univers composé de groupes n’entraîne donc pas forcément de la discrimination et, notamment, la référence à des catégories naturelles (telles que le sexe, la nationalité, la filière de formation…) induit des comportements et des évaluations des groupes qui ne renvoient pas nécessairement à un favoritisme du groupe d’appartenance. Et, résultat qui n’était pas prévu, la différenciation du soi par rapport aux membres d’un groupe 5 d’appartenance peut, dans certains cas, aller de pair avec une différenciation entre groupes. C’était une remise en cause aussi bien de l’effet d’accentuation des différences entre groupes prédit dans le modèle de la différenciation catégorielle, mais aussi de l’effet d’accentuation des ressemblances intra-groupes. Et les modèles développés dans la ligne de l’école de Bristol, que ce soit la théorie de l’identité sociale de Tajfel ou, par la suite, la théorie de l’auto-catégorisation de Turner (Turner, 1985 ; Turner et al., 1987 ; Oakes, Haslam & Turner, 1999) se montrent incapables de rendre compte de ces observables. Sherif non plus ne nous est pas d’un grand secours dans la mesure où il prédisait que lorsqu’il y conflit entre deux groupes, non seulement il y a établissement d’attitudes méprisantes et de stéréotypes négatifs envers le out-group, mais aussi augmentation de la solidarité à l’intérieur de chaque groupe et donc de la similitude perçue à l’intérieur de chaque groupe. L’impact de l’appartenance sociologique sur la catégorisation sociale de même que l’apparition dans certaines conditions - d’un favoritisme du soi par rapport au groupe d’appartenance qui vient en quelque sorte redoubler ou redonder un favoritisme du groupe d’appartenance demandait à ce qu’un travail théorique soit entrepris. Il devenait urgent de réfléchir à des modèles qui permettent d’intégrer ces apports au niveau empirique. II. IDENTITE ET RAPPORTS DE DOMINATION C’est ce qui m’a conduit – à la suite des précurseurs en la matière - à utiliser la notion d’identité. Cependant, contrairement à la perspective tajfelienne, je n’en ai pas fait un moteur motivationnel. Mais, de façon plutôt assez classique, j’ai envisagé l’identité comme une variable dépendant des statuts relatifs des groupes dans un rapport intergroupes et, simultanément, peut être de façon moins canonique, j’ai assigné à l’identité un statut de représentation sociale - hégémonique si l’on se réfère à la typologie des représentations sociales que nous propose Moscovici en 1968. En fait c’est une hypothèse et un principe explicatif que je vais être amené à mettre au point et à formuler pour rendre compte des résultats que l’on avait pu obtenir au cours de ces années 70. Il faut revenir brièvement sur les modèles élaborés au sein de l’école de Bristol. Tajfel et ses héritiers directs postulaient donc que les gens cherchent à acquérir et à maintenir une identité positive. La catégorisation sociale entraîne une discrimination évaluative qui vise à satisfaire cette recherche de positivité. On valorise les attributs des groupes d’appartenance au détriment de ceux des groupes de non-appartenance et on minimise le favoritisme de soi par rapports aux membres de son groupe lorsqu’on se situe au niveau d’une comparaison intergroupes. Lorsque c’est une comparaison à l’intérieur de son groupe qui est rendue saillante ou pertinente, c’est un autofavoritisme par rapport aux membres du groupe d’appartenance qui est prédit et une absence de différenciation entre groupes. En fait, pour Turner, à l’auto-favoritisme ou à la différenciation de soi par rapport à autrui correspond l’identité personnelle, au biais de favoritisme en faveur de son groupe d’appartenance ou à la différenciation entre groupes correspond l’identité sociale. Et ces deux aspects de l’identité seraient dans un rapport de dépendance négative : plus il y a une forte identité personnelle, plus l’identité sociale est faible et inversement. En gros, les prédictions sont donc les suivantes : on passe graduellement de l’identité personnelle à l’identité sociale au fur et à mesure qu’on s’identifie à son groupe d’appartenance dans un rapport entre groupes. II.1. L’hypothèse de la covariation 6 Or, la construction de l’identité dans les rapports entre groupes peut prendre des formes plus complexes. Comme on l’a vu, la différenciation interindividuelle dans le groupe d’appartenance peut aller de pair avec une différenciation inter-catégorielle : il peut y avoir une discrimination simultanée entre soi et son groupe d’appartenance et entre celui-ci et un groupe de non appartenance. Autrement dit, l’hypothèse qui a alors été formulée est que la catégorisation, plutôt que de fonctionner de façon alternative et exclusive soit au niveau d’une catégorisation entre soi et autrui, soit au niveau d’une catégorisation entre groupes, peut aussi opérer de façon simultanée et conjointe au niveau intra-groupe et intergroupes. Elle mène alors, dans certaines circonstances, à une exacerbation à la fois des différences interindividuelles à l’intérieur du groupe d’appartenance et des différences intergroupes. Dans d’autres cas, c’est à un affaiblissement aussi bien des différences interindividuelles et intergroupes que l’on assiste. C’est l’hypothèse de la covariation (Deschamps, 1979, voir aussi Deschamps & Devos, 1999) qui a pu être illustrée dans de nombreuses recherches dans les années 80 (Deschamps, 1983-1984 ; Deschamps, 1984 ; Deschamps & Lorenzi-Cioldi, 1981). Maintenant, il est temps de passer au principe explicatif qui pourra nous permettre de rendre compte des observables que j’ai évoqué rapidement. II.2. Identité et rapports entre groupes asymétriques Au niveau structurel, les rapports entre groupes sont, la plupart du temps des rapports asymétriques. Les groupes disposent de capitaux matériels et symboliques différents (Deschamps & Personnaz, 1979). Les rapports entre groupes vont alors se doubler d’un rapport de domination qui fait que l’appartenance groupale n’aura pas la même saillance dans la pensée des personnes et des groupes (Deschamps, 1980 ; Deschamps, 1982). Les individus interpellés du côté du pôle dominant d’une relation entre groupes vont se concevoir chacun comme un tout, comme des êtres singuliers et uniques. Plus, ils se concevront comme des êtres libres, autonomes, responsables de leurs choix et activeront une norme d’internalité qui les renvoient à des déterminismes personnologiques et les font se considérer comme les sujets de leur action, de leur énonciation, voir même de l’histoire. Les travaux sur l’attribution et les révisions qui ont pu être effectués en termes d’attribution sociale (Deschamps, 1983) et de norme d’internalité (Beauvois, 1984 ; Dubois, 1994) que je n’ai pas le temps de développer ici étayent cette perspective. Mais en bref, ces individus sont perçus en termes de causalité interne, ils sont conçus comme des acteurs auto-déterminés et leur groupe va être perçu comme une collection d’individus (ce que Lorenzi-Cioldi (1988) appellera les groupes-collection quelques dix années plus tard). Cette émergence d’une identité personnelle en termes de sujet singulier rend aussi possible l’émergence d’un sujet pluriel et d’une identité sociale grâce à l’association volontaire avec autrui car ces individus sont objectivement solidaires dans leurs pratiques du pouvoir et dans la défense de leurs intérêts de groupe. On voit pourquoi nous avions besoin de passer par l’hypothèse de la covariation pour rendre compte de l’émergence simultanée d’une identité personnelle et d’une identité sociale. De l’autre côté, du côté du pôle dominé dans la relation, les individus sont beaucoup moins internes que les premiers, ils sacrifient beaucoup moins à cette norme d’internalité qui pour JeanLéon Beauvois (1984) est avant tout la norme des nantis. Ils se conçoivent beaucoup plus en termes d’hétéro-détermination, de détermination de l’extérieur et se pensent plus comme des agents, comme des objets plutôt que comme des sujets. Ils se perçoivent comme appartenant à un 7 ensemble d’éléments indifférenciés et ont moins de spécificité en tant qu’individu, d’unicité, de singularité, d’individualité. Les caractéristiques de leur groupe suffisent à les définir. Ils se voient comme faisant partie d’un tout et comme n’ayant que peu de caractéristiques personnelles. Comme le dit Colette Guillaumin (1972), une fois désigné comme enfant (ou vieillard) par rapport aux adultes, comme noir par rapport aux blancs, comme femme par rapport aux hommes, etc, l’individu est défini par ces termes. Ils sont alors définis comme des éléments relativement indifférenciés d’un ensemble d’éléments impersonnels. Et ce n’est pas parce que les dominés subissent ensemble une même situation d’oppression et se parlent en tant que tels qu’il y a nécessairement solidarité, sentiment d’un « nous », d’un sujet collectif. Ce que disent généralement les discours des dominés, c’est leur appartenance à un objet collectif. Plutôt qu’une collection d’individus comme chez les dominants, on assiste beaucoup plus à la formation d’un agrégat d’éléments indifférenciés ou comme le dira Lorenzi-Cioldi dans la fin des années 80, à l’émergence d’un groupe agrégat. Donc, on aurait à la fois une moindre identité personnelle et une moindre identité sociale et l’on voit là encore pourquoi on avait besoin de l’hypothèse de la covariation pour penser en ces termes au niveau des identités dont sont plutôt nantis les protagonistes dans un rapport entre groupes. Mais jusqu’à maintenant, on s’est situé au niveau de ce que j’appelle une identité de fait, à savoir une identité qui émerge dans la relation et dont sont dotés ou lestés les protagonistes en fonction de leurs places respective dans ces rapports entre groupes. Il s’agit en fait d’une définition du soi et du nous qui émerge dans la relation. Mais comme je l’évoquais précédemment, l’identité renvoie aussi à une représentation sociale hégémonique dans nos types de sociétés. C’est ce que j’appelle le niveau d’une identité imaginaire (Deschamps, 1982). Et là, ce qui se joue, c’est une norme générique ou un univers symbolique partagé qui renvoie à l’idée que tout un chacun se fait de ce qu’est et de ce que doit être une personne. Et cette idée, cette représentation renvoie à une figure historiquement datée et qui émerge en gros au siècle des lumières en occident et qui est celle du citoyen qui dénote des individus libres et égaux en droit. Cette représentation, cette définition d’un sujet abstrait, de droit, est la référence à laquelle chacun est censé pouvoir s’identifier. Mais il est bien évident que cette définition en termes de sujet présente une grande homologie avec l’identité de fait des dominants (au niveau des sujets concrets). Pour eux, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais, par ce fait, les dominants sont en quelque sorte condamnés à la reproduction. Par contre, cette définition en termes de sujet abstrait au niveau de l’identité imaginaire est non congruente avec l’identité de fait des dominés qui fonctionnent beaucoup plus dans le registre de l’objet. Les dominés, ne pouvant échapper à cette norme générique du citoyen, vont donc avoir une beaucoup plus grande incertitude sur eux-mêmes, sur leur identité dans la mesure où ils sont obligés de prendre en compte la définition d’eux-mêmes qui leur est fournie – voir imposée - dans la relation (en termes d’objet), et qu’ils ne peuvent pas se penser – comme le font les dominants – comme de purs sujets comme le voudrait la représentation dominante de ce que sont – et doivent être - les personnes. Incertains sur eux-mêmes, ils vont être amenés à tenter de résoudre ce conflit. Les seuls qui peuvent éventuellement être agents de changement sont les dominés (et on ne peut s’empêcher de penser à ce propos aux travaux initiés par Moscovici sur l’influence des minorités). Je ne développerai pas certaines des possibilités qui s’offrent aux dominés pour résoudre ce conflit. Disons simplement que plusieurs solutions sont envisageables. Par exemple, au niveau de l'identité de fait, ils peuvent rejoindre le pôle dominant en privilégiant les situations dans 8 lesquelles ils sont interpellés en tant que tels et en occultant celles dans lesquelles ils sont du côté du pôle dominé (car il n'y a pas de pur pôle dominant ou dominé, on passe sans arrêt d'un pôle l'autre en fonction des situations). Il peut aussi y avoir fuite dans l'imaginaire, à savoir se situer imaginairement niveau d'un sujet abstrait (c’est ce que nous dit Franz Fanon dans « Peau noire masques blancs » lorsqu’il relate le rêve d'un de ses patients noirs qui se voit « blanc poursuivi par un méchant ‘nègre’ »). Il peut encore y avoir dissociation du moi, folie. Ou encore, centration sur la relation à l'origine de la place qu'on occupe, prise de conscience et tentative de changer les choses (ce qui peut déboucher sur une inversion du rapport de pouvoir ou un une tentative de changer le type de relation, de rapport). *** Je terminerai par un certain nombre de constatations qu’on peut tirer de ce chantier de recherche : - tout d’abord, le biais de favoritisme à l’égard des groupes d’appartenance est moins général qu’on a pu le penser à une certaine époque, ce que par ailleurs de nombreuses recherches issues d’autres horizons théoriques illustrent (voir les travaux inaugurés par Amélie Mummendey dans les années 80 (par exemple Mummendey & Schreiber 1983)) ; - ensuite, il n’y a pas forcément relation de dépendance négative entre identité sociale et identité personnelle (ce serait du côté du pôle dominant qu'il y aurait émergence simultanée de l'identité sociale et personnelle au niveau de l'identité de fait) ; - il faut aussi bien sûr ajouter qu’il n’est pas question d’envisager qu’il existe de « purs » dominants et de « purs » dominés : on passe sans arrêt d'un pôle dominant à un pôle dominé en fonction des capitaux matériels et symboliques relatifs dont on dispose dans les relations intergroupes dans lesquelles on est inséré (mais à des degrés divers) ; - il faut dire aussi que des identités multiples peuvent être mobilisées en fonction des places qu'on est amené à occuper dans une relation ; - enfin, que c'est du côté du pôle dominé que les êtres peuvent, éventuellement, s'engager dans la voie du changement. Du côté du pôle dominant, il n'y a pas de conflit entre identité de fait et identité imaginaire ; le changement est difficilement envisageable et les individus vont simplement essayer de préserver leur position. Pour finir, je dirais que le chantier de recherche dont je n’ai fait qu’esquisser ici les grandes lignes est loin d’être clos. Beaucoup reste à faire dans ce domaine de l’articulation entre facteurs « objectifs » ou structurel de la domination et facteurs « subjectifs » ou identitaires. Il eut aussi fallu articuler ces différents éléments avec d’autres repères théoriques, notamment ceux qui renvoient à l’étude de la variabilité perçue à l’intérieur des groupes (Devos, Comby & Deschamps, 1996). On voit aussi pointer des articulations plus fortes que celles qui ont été mentionnées de façon allusive entre cette problématique de l’identité et des rapports de domination d’un côté et certains travaux sur les représentations sociales ou sur l’influence minoritaire de l’autre. Ce sont des tâches qui restent à accomplir. Références 9 Adorno, T. W., Frenkel-Brunswick, E., Levinson, D. J. & Sanford, R. N. (1950). The authoritarian personality. New York : Harper Brothers. Allport, G. W. (1961). Pattern and growth in personality. New York : Rinehart & Winston. Beauvois, J.-L. (1984). La psychologie quotidienne. Paris : Presses Universitaires de France. Bruner, J. S. (1958). Les processus de préparation à la perception. In J. S. Bruner, F. Bresson, A. Morf & J. Piajet (Eds.), Logique et perception . Paris : Presses Universitaires de France. Deschamps, J.-C. (1972-1973). Imputation de la responsabilité (de l'échec ou de la réussite) et catégorisation sociale. Bulletin de psychologie, 26, 794-806. Deschamps, J.-C. (1977). L'attribution et la catégorisation sociale. Berne : Peter Lang. Deschamps, J.-C. (1979). Différenciation catégorielle et différenciation de soi par rapport à autrui. Recherches de Psychologie Sociale, 1, 29-38. Deschamps, J.-C. (1980). 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