fiche médecine du sport n°4
FICHE À DÉTACHER
34 | La Lettre du Rhumatologue • N° 350 - mars 2009
instabilité fonctionnelle chez un patient jeune ayant une activité spor-
•
tive de pivot (contact ou non) ou professionnelle à risque, pour laquelle
l’indication chirurgicale est clairement définie ;
patient sans instabilité fonctionnelle, quel que soit son âge, n’ayant pas
•
de demande sportive de pivot et n’ayant pas de lésion méniscale, pour qui
une chirurgie de reconstruction est inutile, avec toutefois une information
quant à la possibilité de recourir à la chirurgie en cas d’apparition d’une
instabilité secondaire ;
patient jeune vu précocement, même s’il n’a pas eu le temps de développer
•
une instabilité fonctionnelle, ayant une activité de pivot et présentant une laxité
significative. Dans ce cas, une reconstruction chirurgicale de principe doit être
proposée, a fortiori s’il existe une lésion méniscale associée réparable.
D’autres situations de patients dont le LCA est rompu peuvent s’envisager,
mais la notion d’instabilité fonctionnelle, la forte demande de sport de pivot
et les impératifs socio-professionnels seront autant d’arguments en faveur
de l’intervention chirurgicale.
Quels sont les bénéfices d’une
ligamentoplastie de reconstruction ?
On peut affirmer qu’il y a des bénéfices immédiats, notamment vis-à-vis de
pratiques sportives impliquant des contraintes importantes, la stabilisation
du genou étant à nouveau acquise grâce à la chirurgie, avec notamment
le verrouillage articulaire complet de la rotation en position de flexion et
d’extension du genou.
Actuellement, les plasties os-tendon-os (tendon rotulien) ou celles réalisées
avec les tendons ischio-jambiers (droit interne et demi-tendineux) ont des
résultats équivalents. Le bénéfice est évident pour le jeune sportif motivé
pratiquant un sport de pivot, a fortiori en compétition (foot, rugby, ski et,
à un moindre degré, tennis). Néanmoins, il devra attendre un délai de 8
à 9 mois avant de reprendre son activité et aura besoin d’un peu plus de
temps pour retrouver son niveau antérieur de performance.
Le bénéfice de la reconstruction ligamentaire du pivot central est un peu
moins apparent chez un patient de plus de 40 ans qui a déjà un passé
sportif derrière lui, avec de possibles lésions dégénératives du genou. Il
sera vraisemblablement plus sage pour lui d’adapter sa pratique sportive
en passant à une activité du type vélo, jogging, natation. Par ailleurs, si ce
patient subit une intervention, il devra se soumettre, comme chaque opéré,
à une rééducation longue et méthodique de plusieurs mois, qui devrait
permettre à son genou de retrouver un fonctionnement proprioceptif et
musculaire satisfaisant, dans l’optique de la poursuite de ses activités.
S’agissant d’avantages à moyen ou long terme, il est probable, mais non
démontré – en raison du manque d’études prospectives comparant direc-
tement le traitement chirurgical au traitement conservateur –, qu’une liga-
mentoplastie puisse limiter le risque de développer une gonarthrose, même
si le résultat fonctionnel (indices KOOS
[Knee outcome osteoarthritis score]
et SF-36) semble être identique chez les patients opérés et les patients
rééduqués mais non opérés avec 10 ans de recul. Ce bénéfice semble plus
pertinent s’il s’agit de patients jeunes pour qui les lésions traumatiques
du genou, notamment les ruptures du LCA, sont très fréquentes entre 20
et 30 ans. Sur le plan épidémiologique, pour S. Lohmander
(2)
, ces jeunes
patients auraient une stabilité fonctionnelle conservée pendant 7 ans de
suivi (indice KOOS douleur + fonction), mais une évolution naturelle vers
une gonarthrose se produirait passé ce délai, et on chiffrerait la prévalence
de celle-ci à 50 % à 15 ans et à 90 % à 20 ans. Si la rupture du LCA aggrave
de façon certaine la perte cartilagineuse, la reconstruction chirurgicale
n’apporte pas la preuve directe de la réduction du risque arthrogène à
long terme. Cependant, elle favorise la diminution de l’instabilité du genou
avec, à la clé, une incidence de lésions méniscales secondaires plus faible
que chez les patients non opérés
(3)
.
Quelles sont les suites
d’une ligamentoplastie du LCA ?
Les interventions stabilisatrices par reconstruction intra-articulaire du LCA
peuvent, malgré les progrès indéniables de cette chirurgie, liés notamment
à l’utilisation de l’arthroscopie, entraîner des complications et avoir une
certaine iatrogénicité
(4)
:
À moyen terme :
•
le prélèvement d’une greffe tendineuse peut être
une source de morbidité non négligeable ; c’est le cas pour la plastie du
tendon rotulien, qui génère parfois des douleurs antérieures corrélées à
un flessum. Récemment, un travail de la Société française d’arthroscopie a
mis également en évidence ces gonalgies du compartiment antérieur avec
l’utilisation des tendons ischio-jambiers. Le raccourcissement du tendon
patellaire semble plus fréquent et peut être préjudiciable immédiatement
après l’opération, mais une rééducation posturale efficace peut régler ce
problème.
À moyen terme encore :
•
on peut observer une raideur du genou induite
par le mauvais positionnement des tunnels pour réaliser la plastie. Elle
peut aussi être occasionnée par un délai trop court (inférieur à 4 semaines)
entre le traumatisme et l’intervention chirurgicale, qui ne facilite pas la
récupération de la mobilité et complique la rééducation postopératoire.
On peut également noter à distance de l’intervention un conflit entre le
transplant, les condyles fémoraux et le toit de l’échancrure. La fibrose
antérieure de l’échancrure peut notamment gêner l’extension du genou
en passif comme en actif.
À long terme :
•
la ligamentoplastie n’écarte pas le risque d’arthrose,
même si, comme on l’a vu, les patients correctement opérés n’ont plus
d’accidents d’instabilité, et que le ménisque médial est en quelque sorte
protégé. Cela n’exclut pas l’existence possible de lésions associées au
traumatisme initial, voire la présence d’autres lésions méniscales (ménisque
latéral, fracture ostéochondrale, œdème osseux sous-chondral), toutes ces
lésions évoluant pour leur propre compte et pouvant bien sûr engendrer
une arthrose…
Conclusion
La chirurgie ligamentaire de reconstruction du genou a d’abord pour but
d’obtenir un genou stable, garant du retour aux activités sportives, voire
professionnelles, avec des possibilités identiques à celles de l’état antérieur
au traumatisme. Pour autant, cette chirurgie ne peut pas réduire à coup sûr
le développement d’une arthrose et conserve quelques écueils. Ce, malgré
les progrès que constituent la chirurgie assistée par ordinateur, qui permet
de mieux positionner les tunnels, ou encore la reconstruction plus anato-
mique à double faisceau. C’est pourquoi son indication doit toujours être
discutée au cas par cas, le traitement fonctionnel restant de toute façon
une alternative possible, à la condition d’un protocole structuré et suivi
dans le temps. ■
1. HAS – Recommandations professionnelles “Prise en charge thérapeutique des
lésions méniscales et des lésions isolées du ligament croisé antérieur du genou chez
l’adulte”. Argumentaire et Synthèse juin 2008, www.has-sante.fr
2. Lohmander S. Epidemiology and risk factors in young patients with OA. Ann Rheum
Dis 2008 (communication congrès EULAR).
3. Meunier M et al. Résultats à long terme après traitement chirurgical ou non chirur-
gical d’une rupture du LCA : une étude randomisée avec un recul de 15 ans. Scand
J Med Sci Sports 2007.
4. Djian P. Ligamentoplasties du ligament croisé antérieur. In: Rodineau J, Rolland É
(eds). Séquelles des traumatismes articulaires chez les sportifs. Paris : Masson,
2007:233-7.
Références bibliographiques
Figure 3.
Jerk test : test
d’instabilité
du pivot central
LCA.