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n° 4
fiche
médecine du sport
Sous la responsabilité de son auteur
P. Le Goux*
Ligamentoplastie
Quelles indications ? Quels bénéfices ?
Quels inconvénients ?
A
Ligament croisé postérieur
Ligament croisé antérieur
Faisceau postéro-latéral
Ligament croisé antérieur
Faisceau antéro-médial
B
Ligament croisé antérieur
Ménisque médial ou interne
Ménisque latéral ou externe
Figures 1A et 1B. Genou : LCA, ménisques et cartilage.
Figure 2. Signe de Lachman : recherche du tiroir antéro-postérieur en
position proche de l’extension.
* Rhumatologue médecin du sport, praticien attaché à l’hôpital Ambroise-Paré, Boulogne ;
médecin de la Fédération française de tennis, consultant à l’Institut national du sport et
de l’éducation physique.
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L
a reconstruction du ligament croisé antérieur (LCA) dans les suites d’un
traumatisme du genou part d’un principe logique chez tout sujet ayant
une activité physique ou une demande sportive importante, a fortiori
s’il pratique un sport à impact traumatique élevé, et surtout si l’instabilité
rotatoire provoquée par la rupture complète du pivot central ne permet plus
un contrôle satisfaisant de la fonction articulaire (figures 1A et 1B).
Bien sûr, plus un patient est jeune et présente des signes d’instabilité fonctionnelle (dérobement du genou), que ce soit dans le cadre de la pratique
sportive ou de la vie quotidienne, plus cette reconstruction s’impose.
Autre aspect important à prendre en compte : les lésions méniscales associées
au traumatisme du genou, qui peuvent survenir soit dans le même temps
que l’atteinte du pivot central, soit dans les suites plus tardives d’une rupture
isolée du LCA (notamment les lésions méniscales du compartiment médial,
qui sont consécutives à la laxité séquellaire due au traumatisme), ce qui
constitue une menace non négligeable pour l’intégrité du cartilage, avec le
risque de voir se développer une gonarthrose à moyen ou long terme.
Autant d’éléments pouvant justifier la réalisation d’une ligamentoplastie, qui doit
idéalement être différée et non être effectuée à un stade précoce après l’entorse
du genou. Cette intervention consiste alors en une reconstruction anatomique
par autogreffe, étant admis que les sutures du LCA sont inefficaces.
Constituant une alternative au traitement chirurgical, le traitement conservateur, dit fonctionnel, tient une place importante, surtout dans les cas
où le diagnostic clinique de rupture du LCA n’est pas évident, ou lorsque
l’instabilité ne fait pas sa preuve, quitte à prendre l’option chirurgicale par
la suite si la symptomatologie clinique l’impose.
Les indications de reconstruction du LCA sont d’ailleurs précisées et synthétisées dans les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) qui ont
été établies en juin 2008 (1) et concernent la prise en charge thérapeutique
des lésions méniscales et des lésions isolées du LCA chez l’adulte.
Les principaux critères pris en compte pour s’orienter vers une ligamentoplastie sont avant tout l’instabilité clinique du genou, avec la recherche de
positivité du test de Lachman (tiroir antéro-postérieur effectué en position
proche de l’extension), très spécifique de la rupture du LCA (figure 2), et la
mise en évidence d’un ressaut rotatoire avec le jerk test pratiqué en position
de flexion (figure 3). Cette instabilité a souvent une traduction fonctionnelle
et, selon l’importance d’autres facteurs comme l’âge, le type et le niveau
d’activité sportive, les impératifs professionnels, l’ancienneté de la lésion et la
présence éventuelle de lésions ménisco-cartilagineuses, peut conduire ou non
à la chirurgie. En pratique, trois situations ­relativement fréquentes peuvent
être rencontrées chez les patients ayant une rupture complète du LCA :
La Lettre du Rhumatologue • N° 350 - mars 2009 | 33
Les interventions stabilisatrices par reconstruction intra-articulaire du LCA
peuvent, malgré les progrès indéniables de cette chirurgie, liés notamment
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1. HAS – Recommandations professionnelles “Prise en charge thérapeutique des lésions méniscales et des lésions isolées du ligament croisé antérieur du genou chez
l’adulte”. Argumentaire et Synthèse juin 2008, www.has-sante.fr
2. Lohmander S. Epidemiology and risk factors in young patients with OA. Ann Rheum
Dis 2008 (communication congrès EULAR).
3. Meunier M et al. Résultats à long terme après traitement chirurgical ou non chirurgical d’une rupture du LCA : une étude randomisée avec un recul de 15 ans. Scand
J Med Sci Sports 2007.
4. Djian P. Ligamentoplasties du ligament croisé antérieur. In: Rodineau J, Rolland É
(eds). Séquelles des traumatismes articulaires chez les sportifs. Paris : Masson,
2007:233-7.
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Références bibliographiques
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La chirurgie ligamentaire de reconstruction du genou a d’abord pour but
d’obtenir un genou stable, garant du retour aux activités sportives, voire
professionnelles, avec des possibilités identiques à celles de l’état antérieur
au traumatisme. Pour autant, cette chirurgie ne peut pas réduire à coup sûr
le développement d’une arthrose et conserve quelques écueils. Ce, malgré
les progrès que constituent la chirurgie assistée par ordinateur, qui permet
de mieux positionner les tunnels, ou encore la reconstruction plus anatomique à double faisceau. C’est pourquoi son indication doit toujours être
discutée au cas par cas, le traitement fonctionnel restant de toute façon
une alternative possible, à la condition d’un protocole structuré et suivi
dans le temps. ■
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Conclusion
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Quelles sont les suites
d’une ligamentoplastie du LCA ?
à l’utilisation de l’arthroscopie, entraîner des complications et avoir une
certaine iatrogénicité (4) :
• À moyen terme : le prélèvement d’une greffe tendineuse peut être
une source de morbidité non négligeable ; c’est le cas pour la plastie du
tendon rotulien, qui génère parfois des douleurs antérieures corrélées à
un flessum. Récemment, un travail de la Société française d’arthroscopie a
mis également en évidence ces gonalgies du compartiment antérieur avec
l’utilisation des tendons ischio-jambiers. Le raccourcissement du tendon
patellaire semble plus fréquent et peut être préjudiciable immédiatement
après l’opération, mais une rééducation posturale efficace peut régler ce
problème.
• À moyen terme encore : on peut observer une raideur du genou induite
par le mauvais positionnement des tunnels pour réaliser la plastie. Elle
peut aussi être occasionnée par un délai trop court (inférieur à 4 semaines)
entre le traumatisme et l’intervention chirurgicale, qui ne facilite pas la
récupération de la mobilité et complique la rééducation postopératoire.
On peut également noter à distance de l’intervention un conflit entre le
transplant, les condyles fémoraux et le toit de l’échancrure. La fibrose
antérieure de l’échancrure peut notamment gêner l’extension du genou
en passif comme en actif.
• À long terme : la ligamentoplastie n’écarte pas le risque d’arthrose,
même si, comme on l’a vu, les patients correctement opérés n’ont plus
d’accidents d’instabilité, et que le ménisque médial est en quelque sorte
protégé. Cela n’exclut pas l’existence possible de lésions associées au
traumatisme initial, voire la présence d’autres lésions méniscales (ménisque
latéral, fracture ostéochondrale, œdème osseux sous-chondral), toutes ces
lésions évoluant pour leur propre compte et pouvant bien sûr engendrer
une arthrose…
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On peut affirmer qu’il y a des bénéfices immédiats, notamment vis-à-vis de
pratiques sportives impliquant des contraintes importantes, la stabilisation
du genou étant à nouveau acquise grâce à la chirurgie, avec notamment
le verrouillage articulaire complet de la rotation en position de flexion et
d’extension du genou.
Actuellement, les plasties os-tendon-os (tendon rotulien) ou celles réalisées
avec les tendons ischio-jambiers (droit interne et demi-tendineux) ont des
résultats équivalents. Le bénéfice est évident pour le jeune sportif motivé
pratiquant un sport de pivot, a fortiori en compétition (foot, rugby, ski et,
à un moindre degré, tennis). Néanmoins, il devra attendre un délai de 8
à 9 mois avant de reprendre son activité et aura besoin d’un peu plus de
temps pour retrouver son niveau antérieur de performance.
Le bénéfice de la reconstruction ligamentaire du pivot central est un peu
moins apparent chez un patient de plus de 40 ans qui a déjà un passé
sportif derrière lui, avec de possibles lésions dégénératives du genou. Il
sera vraisemblablement plus sage pour lui d’adapter sa pratique sportive
en passant à une activité du type vélo, jogging, natation. Par ailleurs, si ce
patient subit une intervention, il devra se soumettre, comme chaque opéré,
à une rééducation longue et méthodique de plusieurs mois, qui devrait
permettre à son genou de retrouver un fonctionnement proprioceptif et
musculaire satisfaisant, dans l’optique de la poursuite de ses activités.
S’agissant d’avantages à moyen ou long terme, il est probable, mais non
démontré – en raison du manque d’études prospectives comparant directement le traitement chirurgical au traitement conservateur –, qu’une ligamentoplastie puisse limiter le risque de développer une gonarthrose, même
si le résultat fonctionnel (indices KOOS [Knee outcome osteoarthritis score]
et SF-36) semble être identique chez les patients opérés et les patients
rééduqués mais non opérés avec 10 ans de recul. Ce bénéfice semble plus
pertinent s’il s’agit de patients jeunes pour qui les lésions traumatiques
du genou, notamment les ruptures du LCA, sont très fréquentes entre 20
et 30 ans. Sur le plan épidémiologique, pour S. Lohmander (2), ces jeunes
patients auraient une stabilité fonctionnelle conservée pendant 7 ans de
suivi (indice KOOS douleur + fonction), mais une évolution naturelle vers
une gonarthrose se produirait passé ce délai, et on chiffrerait la prévalence
de celle-ci à 50 % à 15 ans et à 90 % à 20 ans. Si la rupture du LCA aggrave
de façon certaine la perte cartilagineuse, la reconstruction chirurgicale
n’apporte pas la preuve directe de la réduction du risque arthrogène à
long terme. Cependant, elle favorise la diminution de l’instabilité du genou
avec, à la clé, une incidence de lésions méniscales secondaires plus faible
que chez les patients non opérés (3).
Jerk test : test
d’instabilité
du pivot central
LCA.
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Quels sont les bénéfices d’une
ligamentoplastie de reconstruction ?
Figure 3.
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fiche médecine du sport n°4
• instabilité fonctionnelle chez un patient jeune ayant une activité sportive de pivot (contact ou non) ou professionnelle à risque, pour laquelle
l’indication chirurgicale est clairement définie ;
• patient sans instabilité fonctionnelle, quel que soit son âge, n’ayant pas
de demande sportive de pivot et n’ayant pas de lésion méniscale, pour qui
une chirurgie de reconstruction est inutile, avec toutefois une information
quant à la possibilité de recourir à la chirurgie en cas d’apparition d’une
instabilité secondaire ;
• patient jeune vu précocement, même s’il n’a pas eu le temps de développer
une instabilité fonctionnelle, ayant une activité de pivot et présentant une laxité
significative. Dans ce cas, une reconstruction chirurgicale de principe doit être
proposée, a fortiori s’il existe une lésion méniscale associée réparable.
D’autres situations de patients dont le LCA est rompu peuvent s’envisager,
mais la notion d’instabilité fonctionnelle, la forte demande de sport de pivot
et les impératifs socio-professionnels seront autant d’arguments en faveur
de l’intervention chirurgicale.
34 | La Lettre du Rhumatologue • N° 350 - mars 2009
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