MAGAZINE } santé Cette page Magazine santé est réalisée en collaboration avec l’Hôpital du Jura et le Service cantonal de la santé publique. Directives anticipées: un testament médical à respecter V AUTODÉTERMINATION Le nouveau droit suisse de la protection de l’adulte (DPA) entre en vigueur le 1er janvier 2013. Le droit civil fédéral tient compte des directives anticipées. Elles permettent à une personne de faire connaître sa volonté en matière de soins médicaux P ar ses directives anticipées, une personne peut donner des indications et instructions aux médecins et autres professionnels de la santé sur le type de traitements et soins qu’elle accepte ou refuse. Ceci en cas où elle ne serait plus en mesure de se déterminer sur ces choix après un accident, pendant un coma ou un état de démence, par exemple. Rédigées par un individu capable de discernement, les directives anticipées (DA) ont pour fonction d’exprimer de manière contraignante le souhait médical d’une personne et assurent la continuité de ses choix. Elles entrent en application dès qu’un malade n’a plus la faculté d’exprimer ses volontés et s’imposent aux soignants qui sont obligés de les respecter. La possibilité de rédiger des directives anticipées n’est pas nouvelle. Les DA ont même été inscrites dans plusieurs législations cantonales ces dix dernières années dans le but de donner plus de liberté et d’autodétermination au patient en matière de soins. Dès le 1er janvier 2013, dans le cadre du nouveau droit suisse de la protection de l’adulte (DPA), les DA entrent dans le droit civil fédéral. L’adage: «Le professionnel propose, le patient dispose», prendra alors toute son importance. Même si pour l’heure «seuls 10% de la population suisse rédigent des directives anticipées», précise le Dr Michel Brünisholz, chef du Département médical, à l’Hôpital du Jura. L’autodétermination du patient à renforcer Seule une personne capable de discernement – y compris les mineurs – peut rédiger des directives anticipées juridiquement valables. Inversement, celles-ci ne constituent une base légitime de décision que si leur auteur a perdu sa capacité de discernement. «Cela sous-entend qu’une personne touchée par une maladie portant atteinte à son intégrité mentale (démence, Alzheimer, etc.) ou placée sous privation de liberté à des fins d’assistance (PLAFA), ne peut faire part de telles directives», explique Dr Michel Brünisholz. Qui juge de la capacité de discernement d’un Rédiger des directives anticipées n’est pas un geste anodin. D’où l’importance de se faire conseiller et aider par un spécialiste. individu? Ses proches, son médecin généraliste ou, dans des cas particuliers, une expertise psychiatrique. Pour pouvoir rédiger correctement ses directives anticipées, la personne doit être consciente de l’implication de cet acte, de son état de santé et, si elle souffre d’une maladie, de l’évolution possible de son affection afin de pouvoir l’anticiper. Le patient, libre de prendre ses décisions, n’est nullement obligé d’expliquer ses choix, même s’ils peuvent paraître déraisonnables. «Le contenu des directives anticipées dépend beaucoup de l’état de santé, des valeurs personnelles d’un individu, voire de ses convictions religieuses», note le Dr Michel Brünisholz. La Fédération des médecins suisses (FMH) propose un document type à remplir avec, éventuellement, l’aide de son médecin généraliste ou de tout autre personnel soignant compétent. Ce questionnaire explique dans quelles situations les DA sont applicables et quelles sont les motivations personnelles du patient. En terme de traitement, il mentionne les volontés en cas d’événements inattendus (accident, attaque céré- brale, infarctus), de traitement de la douleur, de refus ou d’acceptation d’une alimentation artificielle (mesure invasive), d’une réanimation, de certains modes de soins (intubation, soins intensifs, transfusions), etc. «Ces directives dépendant beaucoup de l’état de santé du patient au moment de la rédaction. Elles peuvent aussi évoluer et être modifiées à tout moment», renseigne le chef du Département médical de l’Hôpital du Jura. Y est aussi précisée l’identité d’une personne de confiance. Celleci, intitulée «représentant thérapeutique», avec ou sans lien de parenté avec le patient, fait valoir la volonté de ce dernier auprès d’une équipe soignante, lorsque le malade n’est plus capable de le faire personnellement. Enfin, le document mentionne les directives particulières en cas de décès que peuvent être le don d’organes ou l’autorisation de mener une autopsie, par exemple. Limites et volonté présumée Dans les DA, ne peuvent être exigées des soignants des actions punissables ou des mesures thérapeutiques contre-indiquées. Tout en res- Le patient a des droits Les directives anticipées personnelles ne sont qu’une partie du droit du patient, beaucoup plus large. Ce dernier peut demander à être informé de son état de santé, des traitements envisageables et de leurs risques, des pronostics, tout cela sous couvert du secret professionnel. Aucun soin ne peut lui être donné sans son consentement libre et éclairé et il ne peut subir aucune contrainte. Le patient peut choisir librement le pro- fessionnel de la santé qu’il souhaite, ainsi que l’établissement où il veut être soigné. Il peut aussi accéder librement à son dossier médical et se faire expliquer son contenu. Lors d’un séjour en établissement sanitaire, le patient peut demander assistance et conseil. Il peut disposer de son corps comme il l’entend et faire don de ses organes, même contre la volonté de ses proches. 14 | Mercredi 7 novembre 2012 | Le Quotidien Jurassien PF pectant la primauté de la volonté d’un patient, et sans lui administrer les actes de la vie quotidienne (AVQ) sous la contrainte, les mesures destinées à prévenir un état d’abandon ou de manque total d’hygiène ne peuvent être refusées (concerne particulièrement des patients en EMS). De même, comme le précise la Commission nationale d’éthique (CNE), «un patient ne peut exclure le traitement de douleurs insupportables». L’évaluation de ces situations délicates et subjectives se fait souvent en coordination avec le corps médical et les proches. Les restrictions posées au champ d’application des DA doivent être justifiées. Les cas ou l’éthique sociale, le souci de préserver l’intégrité professionnelle des soignants et celui de prévenir des dommages à autrui sont ceux qui peuvent être discutés. La valeur des DA peut aussi être mise en doute lorsqu’il est possible de prouver qu’elles ne correspondent plus à la volonté présumée du patient. Ce cas de figure peut se présenter lorsqu’un patient ne pense pas à actualiser ses directives ou lorsque celles-ci ne sont pas en rapport PEGGY FREY Le consentement libre et éclairé Le droit à l’information et à l’autodétermination est un principe fondamental de la relation entre patient et médecin. A l’Hôpital du Jura, ce principe est formalisé par un processus qui engage, d’abord le chirurgien puis l’anesthésiste à informer de manière adéquate le patient sur le diagnostic et l’opération proposée, avec les résultats escomptés et les inconvénients et risques possibles. Le patient peut solliciter un deuxième entretien. A l’issue de ce processus d’information, le patient signe un formulaire de consentement, ou de refus. PETER ANKER FLes directives anticipées en pratique – Rédiger des directives anticipées (DA) n’est pas un geste anodin. D’où l’importance de se faire conseiller et aider. Pour pouvoir exercer son autonomie en matière de soins, l’information préalable, suffisante et compréhensible du malade par un médecin praticien est indispensable. Ce dialogue permet de comprendre les situations de vie, les valeurs et les priorités des patients. Seule une personne capable de discernement – y compris les mineurs – peut rédiger des directives anticipées juridiquement valables. avec une maladie, par exemple. Subjectives, les volontés présumées peuvent être suggérées par une personne entretenant des relations bienveillantes avec le patient en faisant fi de ses propres désirs et intérêts objectifs. Chose qui n’est pas facile lorsqu’il s’agit de décider pour autrui sur des enjeux de vie ou de mort. – Dans les hôpitaux, les EMS, les cabinets médicaux, les services de soins à domicile, la question des directives anticipées peut être abordée avec les patients. – Différents organismes (en particulier la FMH) proposent des modèles de formulaires pouvant servir à préciser ses DA. L’auteur peut aus- si les rédiger individuellement et personnellement. – Les DA se présentent sous forme écrite, datées et signées. Elles sont rédigées librement par une personne capable de discernement, sans pression ni contrainte extérieure. – Les DA ne sont pas définitives. Elles peuvent évoluer et être mises à jour tout au long de la vie. Elles peuvent être révoquées à tout moment par l’auteur capable de discernement. Rédiger des DA n’est pas une obligation. Il appartient à l’auteur de veiller à ce que l’existence de ses DA soit connue en cas de besoin. Il peut les porter sur lui, les déposer chez son médecin généraliste ou son représentant thérapeutique, etc. PF