Quand la femme enceinte reflète «l’air du temps»...
FOCUS
Sage-femme.ch: En France, de quand
datent les premières publicités présen-
tant une femme enceinte?
Dr. Vincent Ducrotoy: En consultant
les archives, il apparaît que la présen-
ce de ventres arrondis au sein
d’images publicitaires est un phéno-
mène récent. Je n’ai rien trouvé avant
1968, si ce n’est une affiche datant
des années 60 mettant en garde les
femmes enceintes vis-à-vis de l’ab-
sorption d’alcool.: «Futures mamans,
attention! L’alcool (sous quelque forme
que ce soit) est un poison pour l’enfant
que vous attendez». Or, la publicité uti-
lise l’image depuis le milieu du XIXème
siècle! Pendant plus de 100 ans, la
grossesse a été cachée.
Pourquoi cette absence?
On peut citer deux hypothèses: d’une
part, la représentation de la grossesse
est à cette époque incongrue, donc
bannie; d’autre part, la silhouette ar-
rondie de la femme enceinte ne cor-
respondait pas à l’esthétique en cours.
Et si la grossesse est restée occultée, il
faut bien dire que la maternité elle était
en revanche largement utilisée, no-
tamment dans les publicités médicales
ou les affiches de guerre: on y découvre
des femmes accompagnées d’enfants
en bas âge, parfois même allaitantes.
Pouvez-vous préciser les débuts de la
femme enceinte dans la publicité?
La première affiche repérée dans la
presse date de mars 1970. Pourtant
pudique, elle a fait scandale à l’époque:
elle met en scène une femme enceinte
dénudée accompagnée d’une fillette
qui a l’oreille collée sur le ventre de sa
maman. Le texte est simple: «bientôt
maman... Materna».
Les débuts de l’apparition de la fem-
me enceinte se limitent à des produits
liés à son état gravide. Il faudra at-
tendre les années 80 pour apercevoir
la femme enceinte dans des publicités
n’ayant aucun rapport avec la mater-
nité (automobiles, banques, assu-
rances, immobilier, etc.). Les années
90 sont marquées par une véritable
«explosion» de son utilisation, notam-
ment dans les spots télévisés. Mais, il
faut souligner que d’une femme en-
ceinte infantilisée et immature des an-
nées 70, on passe dans les années 90 à
Entretien
Produit et reflet de notre société, la publicité utilise désormais le thème de
la maternité pour communiquer. En 1993, le Dr. Vincent Ducrotoy a soutenu
sa thèse de médecine sur ce sujet: «L’image de la femme enceinte dans la
publicité. Point de vue d’un gynécologue-obstétricien. Cette image a-t-elle
modifié notre pratique médicale?» (Université René Descartes, Paris, 95
p.). Il y analyse l’image de la femme enceinte véhiculée par la publicité, les
raisons de ce phénomène, son évolution au cours des années et son impact
sur la pratique quotidienne d’un gynécologue-obstétricien. Compte rendu
et commentaires réactualisés.
36 Hebamme.ch
12/2006 Sage-femme.ch
Quand la femme enceinte reflète «l’air du temps»...
Banque cantonale vaudoise, Suisse, 2006
e reflète «l’air du temps»...
une femme active et mobile dans la
rue, à pied ou en voiture, au travail, en
vacances, etc.
Dans votre thèse, rédigée en 1993 je le
rappelle, vous faites l’hypothèse d’un
déclin imminent de la présence de la
femme enceinte... Que s’est-t-il passé
depuis?
Le déclin n’est pas venu mais il peut
encore venir... Aujourd’hui, la femme
enceinte est toujours une grande va-
leur. Elle reste omniprésente dans la
pub écrite comme dans les spots télé-
visés... On pourrait même dire que les
«créatifs» le sont très peu aujourd’hui
et qu’ils continuent à utiliser les «fi-
celles» d’il y a dix ans.
Dans la publicité, la femme
enceinte fait partie de la vie
réelle, de la cité. Elle a sa
place tout comme l’homme
en cravate qui va au travail,
les ados qui font du skate
dans la rue ou le couple de se-
niors actifs...
Ces dix dernières années,
on s’est même permis de
«bousculer» son image, com-
me par exemple de montrer
l’intérieur de son utérus: il
contenait deux jumeaux po-
lissons qui jouaient à une console de
jeux. Ces spots «trash» n’ont pas – ou
peu – offensé l’opinion publique. La
femme enceinte n’est plus une icône
intouchable. C’est une citoyenne à part
entière. Pour me faire comprendre, je
peux vous donner un contre-exemple:
la personne paraplégique en fauteuil
roulant est absente de la publicité. Et il
serait encore plus inconcevable de se
moquer d’elle.
Que présentent donc les publi-
cités mettant en scène une femme
enceinte?
En gros, les premières publicités
s’adressaient exclusivement aux femmes
enceintes, pour elles-mêmes ou pour
leurs bébés.
Mais, très vite, sont apparues
d’autres publicités pour des produits
alimentaires (eaux minérales, laitages,
etc.) que la femme enceinte peut (ou
doit) consommer en toute quiétude et
qui suggèrent que ce qui est bon pour
elle ou pour son bébé est bon pour tout
le monde. Lentement, un glissement de
sens se fait dans les textes: «il est bon»
devient «vous devez» ou «il est indis-
pensable» pour telle ou telle raison
(scientifique évidemment). Et la culpa-
bilisation n’est pas loin: «sinon, vous
ne serez pas une bonne mère»...
Un examen attentif des publicités
révèle que la future mère mise en
scène est le plus souvent une femme
d’une trentaine d’années, souvent dé-
nudée et dans le ventre bien arrondi
témoigne d’une fin de grossesse. Les
mains posées sur le ventre, la tête flé-
chie en avant, elle adopte générale-
ment une attitude méditative.
Pourquoi dénudée
et recueillie?
Pourquoi nue? Le but est
de souligner le naturel, la pu-
reté que représente l’idée de
la maternité (les slogans éco-
logiques ne sont pas loin,
nous y reviendrons...) mais
ne soyons pas dupes: la gros-
sesse est alors un prétexte
pour accrocher le regard.
Quant au recueillement, il
n’est pas nouveau. On le re-
trouve dans l’art, notamment
dans les tableaux de la Re-
naissance. Dans la publicité, il souligne
à la fois la sérénité, la puissance et, par
contraste, la fragilité, le besoin de pro-
tection.
Notez qu’il existe une astuce inverse:
la future maman peut regarder le pho-
tographe, donc le lecteur... Son visage
est alors encore plus expressif et elle
nous fait partager des émotions. Dans
la plupart des cas, la femme enceinte
est ravie, souriante et épanouie: elle
communique son dynamisme à son
entourage. Son seul défaut: la gour-
mandise...
Et le futur père dans tout cela?
Il est venu plus tardivement et il n’est
pas souvent présent. Et, en outre, lors-
qu’il est mis en scène, il est réduit à un
personnage anxieux, naïf, voire stupi-
de, bref peu apte à assumer des res-
ponsabilités. C’est lui qu’il faut toujours
rassurer, calmer, épauler... Spectateur
d’un phénomène qui lui échappe, il
semble encore bien avoir des difficultés
à assumer sa future paternité...
Il est intéressant de noter que la fem-
me enceinte est soit présentée seule,
soit avec un conjoint du sexe opposé.
On reste dans un schéma classique. A
ma connaissance, la publicité n’a pas
encore permis à des patientes homo-
sexuelles d’avoir un enfant.
Un homme a-t-il déjà été présenté
«enceint»?
C’est à Londres, en 1975, que l’on a
vu pour la première fois un «homme
enceint» qui disait: «Auriez-vous été
37
Hebamme.ch
Sage-femme.ch 12/2006
Dr. Vincent Ducro-
toy
gynécologue-obsté-
tricien au Centre hospi-
talier du Belvédère à
Mont-Saint-Aignan (ré-
gion de Haute-Norman-
die, France),
e reflète «l’air du temps»...
Un exemple parmi tant
d’autres
La grossesse fait
aussi vendre des
voitures
Certes, l’arrivée d’un enfant est
propice à l’achat d’une nouvelle voi-
ture. Alors pourquoi ne pas utiliser la
corde sensible? On sait que l’inves-
tissement affectif passe par l’inves-
tissement financier. Le jeune couple
veut ce qu’il y a de mieux pour trans-
porter Bébé Roi. Voilà pourquoi
l’ensemble des constructeurs conti-
nuent à largement utiliser la femme
enceinte dans leur campagne.
Ce n’est pas l’unique raison. Les
qualités requises en matière d’auto-
mobile se conjuguent très bien avec
les exigences de la grossesse:
Fiabilité: la voiture de Monsieur
doit démarrer par tous les temps,
afin de pouvoir emmener Madame
de toute urgence à la maternité
Puissance: le véhicule doit être ra-
pide, Madame ne doit pas accoucher
dans la voiture
Robustesse: la voiture doit être so-
lide pour protéger maman et bébé
Modularité de l’habitacle: la famil-
le va s’agrandir
Enfin, il existe un parallèle symbo-
lique et graphique certain entre le
ventre arrondi qui protège l’enfant et
la carrosserie qui protège les passa-
gers. Mercedes a même présenté un
spot mettant en comparant le sein
maternel et... l’air bag!
plus prudent si c’était vous qui tom-
biez enceint?» (en anglais: «Would you
be more careful if it was you that got
pregnant?») pour une campagne du
Planning Familial anglais.
Y a-t-il selon vous un impact de ces
images publicitaires liées sur la pra-
tique médicale?
Le corps médical est perméable à
tous les courants de pensée, aux mou-
vements socioculturels, bref «à l’air du
temps». Il s’imprègne donc, comme
tout autre consommateur de ces
images dynamiques de femmes en-
ceintes. Et on peut imaginer que celles-
ci modifient son comportement.
Un discours lénifiant, infantilisant
entourait autrefois la grossesse. Ainsi
dans la tradition populaire, femme en-
ceinte rime souvent avec fragilité. Son
entourage attentif se doit de la couver,
de la protéger du monde extérieur de-
venu hostile. La grossesse plonge alors
la femme dans l’enfance avec ses de-
voirs et ses interdits souvent rappelés
par sa propre mère qui s’appuie sur
l’expérience familiale de la maternité.
Les idées reçues sont toujours en vogue
dans certains milieux. En témoignent:
la future maman doit manger pour
deux; sexualité, voyages ou sports lui
sont interdits.
Face à cela, les médias et en particu-
lier la publicité construisent et diffusent
de nos jours largement l’image d’une
femme enceinte plus indépendante, dy-
namique, active.
Le corps médical ne considère plus
la femme enceinte comme une malade,
mais comme une patiente à un moment
physiologique particulier. Il l’infantilise
moins, la responsabilise davantage:
prise en compte de la grossesse dans
des adaptations professionnelles qui
lui permettent de travailler plus long-
temps, persistance d’une activité socia-
le ou sportive dans une certaine limite,
développement de toutes les méthodes
de préparation à l’accouchement qui
donnent un rôle plus responsable à la
femme. Finalement, la sage-femme,
l’obstétricien découvrent que c’est
une femme normale qui est enceinte et
qu’ils peuvent laisser faire beaucoup de
choses de la normalité de la vie en don-
nent simplement quelques limites au
pathologique ou à la raison.
La maternité ne symbolise-t-elle
pas avant tout des valeurs «hors
du temps»?
Oui, d’abord la vie, mais aussi la pé-
rennité de la race, la plénitude et la fra-
gilité.
Jacques Séguéla disait: «La publicité
est marchande de bonheur». Autre-
ment dit, elle cherche désespérément
des images positives dans un monde
qui n’offre que des clichés négatifs et
violents. La présence d’une femme en-
ceinte vient «humaniser» des produits
aussi «froids» que l’informatique, l’in-
dustrie pétrolière, les finances, les
assurances...
Par ailleurs, la future mère crée un
lien entre notre lointain passé (nos ori-
gines) et l’avenir incertain (mais que
l’on espère toujours meilleur).
La candeur, l’harmonie, l’équilibre
de la femme enceinte sont là pour sé-
duire le consommateur ou la consom-
matrice qui préfèrent en fin de compte
la douceur à l’agressivité, le naturel au
tape-à-l’œil...
La femme enceinte, c’est le pilier de
la famille. On la présente alors avec son
compagnon et un premier enfant.
Enfin, elle s’inscrit très bien aussi
dans le discours du retour à la nature,
de l’écologie, de la protection de l’envi-
ronnement. On la présente alors sur
fond vert, et souvent nue.
Et pourtant, dans la vie réelle,
on assiste à une augmentation
de la médicalisation de la
naissance...
Oui, c’est un paradoxe que je souli-
gnais déjà en 1993: cet appel de la pu-
blicité au «naturel» contraste avec l’en-
semble des techniques qui aujourd’hui
entourent la grossesse (fécondation in
vitro, péridurale, déclenchement, écho-
graphie, etc.).
Propos recueillis
par Josianne Bodart Senn
38 Hebamme.ch
12/2006 Sage-femme.ch
Whisky J&B, France, 2006 Philips, France, 2005
39
Hebamme.ch
Sage-femme.ch 12/2006
Regard des autres
La femme enceinte, nouvelle star des magazines
Les femmes enceintes font une
entrée en force dans la presse
tout public. Alors que la future
parturiente fait la «une» des
people, on a du mal à croire
qu’elle osait à peine afficher
son petit ventre rond il y a seu-
lement cinquante ans... Retour
sur la perception de la femme
enceinte dans les soixante der-
nières années.
Au début du 20
e
siècle, la femme
enceinte a le choix entre deux al-
ternatives: soit elle cache son
état, soit elle se cache tout court:
vêtements amples durant les
premiers mois, et interdiction de
sortie durant les derniers, son
ventre étant tout simplement
considéré comme indécent.
Oser montrer son ventre
C’est seulement au début des
années 70 que son image com-
mence à remonter, grâce à la
lutte des féministes pour que les
femmes se réapproprient leur
corps. La femme acquiert les
moyens de maîtriser sa fécondi-
té, et la maternité peut alors
être revendiquée et assumée
comme un acte libre et voulu.
En 1991, Demi Moore, enceinte
de huit mois, fait scandale en
posant nue pour le magazine
«Vanity Fair». Pour la première
fois dans l’histoire de nos socié-
tés chrétiennes occidentales, la
femme enceinte arbore ses ron-
deurs et les assume avec classe
et sensualité. La fin des salo-
pettes informes a sonné, la fem-
me enceinte peut enfin affirmer
sa féminité et sa sensualité.
Adulée, magnifiée, transcendée,
la femme enceinte n’a plus à
rougir aujourd’hui de son état,
puisque la publicité véhicule
d’elle une image de femme belle
et sereine, icône parfaite et im-
mobile du bonheur et de la santé.
Un argument commercial
Utilisées pour vanter les vertus
d’eaux minérales ou même du
dernier IPod, les femmes en-
ceintes sont une cible directe
pour de nombreux annonceurs:
biberons, couches, poussettes,
savon pour bébé... sans oublier
les agences immobilières, les
concessionnaires automobiles....
La femme enceinte fait son nid.
Elle voit plus grand, et se dé-
couvre de nouvelles envies: du
baby cook pour préparer des
soupes de légumes, à l’appareil
photo pour immortaliser son
bout chou... La naissance est la
première raison invoquée pour
l’achat d’un appareil photo.
Un métier: photographe de ma-
ternité. Leçon n°1: arriver trois
jours après la naissance, jour
où la jeune maman est la plus
vulnérable, pour venir lui pro-
poser «l’indispensable» photo
souvenir... absolument gratuite
et livrée à domicile! Ainsi
qu’une série d’autres adorables
photos qu’il faudra payer, sou-
vent très cher, ainsi que l’ado-
rable cadre qui va avec... indis-
pensable lui aussi.
La femme enceinte a besoin de
se renseigner. Elle est en quête
d’informations. Une véritable
boulimique de données, con-
seils et statistiques. Le marché
de la femme enceinte fait une
entrée en force dans le secteur
de l’édition en général: presse,
ouvrages spécialisés, sites in-
ternet... Parents, Neufs mois,
Maman, Enfant Magazine ...
Les marques éditent des livrets
d’informations et des sites In-
ternet à destination des femmes
enceintes.
Les librairies regorgent d’ou-
vrages sur la grossesse. Pas
moins d’une trentaine de titres
sur les prénoms de bébé, X ma-
nuels sur la grossesse: exer-
cices de gym, yoga, alimenta-
tion, trucs et astuces pour
femmes enceintes, tricot pour
bébé, sans oublier la décoration
de la chambre du futur bout
chou, ni les essais divers et va-
riés sur l’éducation du petit
monstre, de Dolto à Rufo en
passant par Edwige Antier, les
ventes ne cessent de battre des
records en librairie: rayon vie
pratique, albums de naissance,
comptines, psycho et décora-
tion confondus, la femme en-
ceinte vaut son pesant d’or.
A événement exceptionnel,
offres exceptionnelles. La fem-
me enceinte représente un tel
marché qu’il existe en France
un Institut de sondage spéciali-
sé dans les femmes enceintes
ainsi qu’un Observatoire des
femmes enceintes. Entièrement
consacrés à l’élaboration de
stratagèmes marketing desti-
nés la séduire de la façon la plus
efficace possible. Et, en effet, les
marques ne sont pas en reste
d’imagination pour toucher
leur cible dans les meilleures
conditions, à savoir, dans un
milieu médicalisé, de préféren-
ce, car qui dit médical, dit mé-
dicalement reconnu.
La publicité... à l’hôpital
Dès sa première visite à l’hôpi-
tal, quelle femme enceinte n’a
pas reçu sa fameuse valise en
carton rose et bleue garnie de
bons de réductions et échan-
tillons en tous genres? Crèmes
de soins, shampooing pour bé-
bé, couches premier âge, lin-
gettes nettoyantes anti-éry-
thèmes fessiers, biberons, cé-
réales à ajouter dans le biberon,
crèmes anti-vergetures pour la
maman, masques, voire même
MOSAÏQUE
une petite crème apaisante
pour l’après-rasage du papa,
car on ne sait jamais...
À l’instar de Volvic, Aquarelle et
Mont Roucous, Evian est une
eau peu minéralisée. Ne sur-
chargeant pas les reins du
nourrisson, elle est recomman-
dée par l’Académie de médeci-
ne. Depuis les années 60, la
marque finance, par ailleurs, le
test de dépistage de la phényl-
cétonurie, une maladie tou-
chant les nouveau-nés. Une ini-
tiative qui lui a permis de nouer
des liens étroits avec le monde
médical. La relation est depuis
savamment entretenue. «Nous
organisons le Grand Prix Evian
des sages-femmes et les Ren-
contres pédiatriques d’Evian,
précise Patrick Buffard, direc-
teur marketing de la marque.
Nous participons également à
une dizaine de congrès et au sa-
lon Carrousel du bébé.» (Extrait
de Delphine Masson: Neuf mois
et plus si affinités, Stratégies,
12/02/2004, p. 39)
Joëlle Fernandes,
conceptrice-rédactrice
en publicité radio
Magazine Madame Figaro, France, 28 mai 2004
La publicité a des effets consi-
dérables sur l’image que les
jeunes mères se font d’elles-
mêmes. C’est ce qu’explique
Carole Rigaut qui, par ail-
leurs, a étudié récemment
dans un mémoire de fin
d’études (ESBA, Genève) la
place de la femme dans le
monde de l’art.
Une publicité pour une eau
minérale (Evian) montre une
mère représentée sous la for-
me la plus proche de la nature
possible: nue, féline, majes-
tueuse et dans une position
animale portant son enfant
sur son dos. Le slogan: «Une
mère sait ce qui est bon pour
elle et son petit.». Quelle belle
image idyllique de la materni-
té comme naturelle et instinc-
tive! L’observation de ce genre
de vulgarisation me conduit à
m’interroger sur la nature de
la représentation elle-même.
Comment conditionne-t-elle la
manière dont nous nous iden-
tifions vis-à-vis des autres et
de nous-mêmes?
Par mon expérience, et par les
échanges et entretiens que
nous avons pu avoir, je peux
affirmer que «être mère, ce
n’est pas naturel». L’instinct
maternel n’existe pas, seul
l’amour existe. Et ce dernier
n’est pas instinctif non plus, il
se construit. Vous me dites
«On ne se retrouve pas mère,
comme cela improvisée», ou
«c’est une sage-femme qui
m’a expliqué comment faire
sortir les rots de mon bébé» ou
bien encore «on se sent inuti-
le, désemparée, en dehors de
tout, coupée du monde car on
est focalisée sur son enfant.»
On aurait besoin de compa-
gnie, de soutien, d’aide et sur-
tout de partager avec d’autres
femmes qui sont dans la
même situation. Je me sentais
vraiment comme un être à
part qui vivait quelque chose
d’essentiel dans un contexte
social pas du tout approprié.
Être mère peut avoir des dé-
buts difficiles, il faut retrouver
40 Hebamme.ch
12/2006 Sage-femme.ch
Une jeune maman témoigne
«Être mère, ce n’est pas
naturel!»
ses marques par rapport à soi-
même, son couple et surtout
par rapport au nouveau statut
que la société nous donne.
Dans le domaine de la repré-
sentation, la femme, toujours
regardée comme objet plus
que comme sujet, a cependant
perdu de sa subjectivité et de
son pouvoir et a été fixée dans
son identité particulière. Plus
souvent représentée que re-
présentante, elle s’est toujours
retrouvée dans la position
d’objet dépossédé, maîtrisé
par le regard de l’homme.
Ainsi, nous endossons seule et
tant bien que mal, le nouveau
rôle de la mère. La maternité
est depuis des siècles une im-
mense machine à culpabiliser:
les femmes ont le rôle très
lourd... celui d’incarner la mo-
rale aux yeux des enfants et de
tout le monde. Comment est-
on contrainte de se percevoir
dans sa grossesse, son accou-
chement, son rôle de mère?
Par la surmédicalisation, la
non-information: au travers
du scientifique, qui au nom
de la responsabilité, contrôle
pour mon bien. On examine,
compare, culpabilise, médica-
lise le corps pendant la gros-
sesse: «On apprend à conce-
voir son corps comme un objet
indépendant de son être, com-
me un ensemble de pièces qui
sera jugé. On se voit de l’exté-
rieur avec les normes de ceux
qui jugent.»
Des rapports de pouvoir
On nous examine, nous pèse,
nous mesure, nous oblige à
prendre des positions favo-
risant l’acte médical: notre
corps s’habitue à prendre
des poses prescrites, à sup-
porter certains gestes caracté-
ristiques. La femme est traitée
de la même manière que
le prisonnier dont Michel
Foucault parle dans son livre
«Surveiller et punir»: «Les
rapports de pouvoirs ont
sur lui une emprise immé-
diate: ils l’investissent, le mar-
quent, l’entraînent, le tortu-
MOSAÏQUE
Dr. Oetker, Suisse 2006
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