638 PA R U S O U À PA R A Î T R E Nous avons lu N’oubliez pas, pour compléter cette rubrique, de consulter le serveur de l’UdPPC : http://www.udppc.asso.fr/ où vous trouverez des analyses d’ouvrages qui ne sont pas, faute de place, publiées dans « Le Bup ». Pour toute remarque ou renseignement concernant cette rubrique, s’adresser à Bruno VELAy (14, rue de Kerbezo - 44350 GUéRANdE) ou par mél. : [email protected] LIVRES Voyages dans le futur - L’aventure cosmique de l’humanité par Nicolas PraNtzos Le Pommier - Collection Poche - 2009 - 432 pages - 10 € IssN/IsBN : 978.2.7465.0425.7 Public visé : tout lecteur. Comme le souligne l’auteur dans sa préface à cette nouvelle édition (format poche à prix réduit) d’un ouvrage passionnant paru en 1998, « le rêve de la conquête de l’espace est consubstantiel à l’homme », et les difficultés techniques et économiques n’empêchent ni les scientifiques (tsIoLkovskI, von NeumaNN, sagaN, reeves…) ni bien sûr les écrivains (staPeLdoN, HoyLe, CLark, aNdersoN, asImov…) d’imaginer toutes sortes de voies qui permettront – peutêtre – un jour à l’humanité de sillonner l’univers intersidéral, voire de manipuler son environnement à l’échelle astronomique, et ainsi de se développer dans l’espace et le temps.trois grandes parties de l’ouvrage, intitulées « Futurs proches », « La route des étoiles » et « Créateurs d’étoiles », illustrent un postulat de Freeman dysoN : une civilisation technologique, à un stade donné de son développement, ne se refuse aucun projet, aussi ambitieux soit-il, du moment qu’il ne contredit pas les lois de la physique. La conquête de la Lune l’a illustré pour nous, avant que les contraintes économiques ne viennent modérer nos ambitions. mais pensons que la terre n’intercepte qu’une infime partie de l’énergie dispensée par son étoile, que la fusion nucléaire n’est pas encore maîtrisée, que nos robots ne sont que des manipulateurs… une super-civilisation plus efficace pourrait terraformer des planètes, voire les déplacer ou même les démanteler pour remodeler un nouvel espace vital… explorer la galaxie par des automates auto-reproducteurs avant de construire des voiliers interstellaires ou des vaisseaux-mondes propulsés et alimentés en énergie par des super-réacteurs nucléaires aspirant l’hydrogène le long de leur route… tout ceci est bien entendu très largement hors de notre portée, mais les prodigieuses découvertes scientifiques depuis deux siècles donnent confiance dans l’adage selon lequel « le rêve d’hier est l’espoir d’aujourd’hui et la réalité de demain ». La dernière partie, « Futurs ultimes », est d’un ton plus grave : la thermodynamique reprend ses droits et la mort thermique de l’univers est annoncée ! eh oui, les trous noirs meurent aussi ! mais pas de panique, ce ne sera que dans 10100 ans pour les plus massifs, et d’ici là, l’intelligence aura été contrainte de se dématérialiser pour survivre à la dilution de la matière et de l’énergie… Ces notions d’« eschatologie scientifique » sont passionnantes ! on se croit bien loin des visions Le Bup n° 924 UNION dES PROFESSEURS dE PHySIQUE ET dE CHIMIE 639 simplistes des pionniers de la science-fiction, pourtant c’est à WeLLs que PraNtzos laisse le dernier mot : « Notre choix est assez limité : l’Univers entier, ou rien du tout ! ». Jean dervIeuX L’atome au pied du mur et autres nouvelles par Étienne kLeIN Le Pommier - 2009 - 86 pages - 10 € - IssN/IsBN : 978.2.746504561 Public visé : tout lecteur. étienne KLEIN est professeur à l’école Centrale et directeur de recherche au CEA-Saclay. du flou quantique sous-jacent aux relations d’indétermination, on savait que l’énergie pouvait atteindre des valeurs importantes à condition que le temps consacré à cette escapade soit très bref. Le lecteur se placera dans des conditions similaires pour apprécier avec tout le plaisir qu’elles méritent, ces réalités aplaties dans les angles de concepts essentiels de la physique. Les yeux ouverts, on marche souvent sans rien voir ! ® C’est avec un Paul (LePIre) décohèrent qui, militant aux extrêmes de ses atomes constitutifs épris d’une gauche plurielle, témoigne du concept d’émergence des systèmes complexes où le tout est plus (ou autre ici) que la somme des parties. après que chaque atome ait pris la parole, suivant l’ordre du tableau de meNdeLeïev (!), le gigavote conduit à cette brisure de symétrie où un candidat est élu, telle la matière sur l’antimatière, avec une voix d’avance ! On pourrait croire qu’il est arrivé quelque chose. ® autre Paul (eLPINo), latinisé en Paulus et ami du Nolain giordano BruNo, convaincu que la matière, c’est-à-dire les atomes et le vide, épuise le tout de l’être, réfute la notion de transsubstantiation. du fond de son cachot, la force de ses convictions le pousse à opérer un transfert diffusif de ses particules vives d’avec celles inertes des parois de sa cellule. sans effet tunnel, le voilà dans son maquis où cette même force de conviction opérait sur la terre, telle une douce mélasse optique dans laquelle il finit par se fondre en poussière. et la nuit recouvre tout de son tapis troué. ® La thèse de Paul (LePLeIN) portait sur les géométries non commutatives. Il ambitionnait d’embrasser la totalité du réel dans un seul jeu d’équations où aucun paramètre d’ajustement ne s’imposait. son équation du tout, l’intégrait dans un mélange obscur de global et de local, de contenant et de contenu à l’image de la main dessinant (maurits Cornélis esCHer), au point de le faire disparaître par la fenêtre mal dessinée de son ordinateur en phase de simulation. y a-t-il encore quelqu’un ? ® sur la nature du un, saül tel tHaLès, s’est convaincu que l’eau est à la foi, élément primordial et principe universel et que tout découle d’elle. en discussion avec son pythagoricien d’ami vol. 104 - mai 2010 Parus ou à paraître ® Paul (LeseC) pointait la connaissance exacte du monde avec une exactitude pédante. Paul aime Louise, mais la saoule d’histoire de chat mort et vivant, de controverses et de paradoxes. simuler la loi de murphy sur des tartines beurrées (mais pas saoulées !) chutant du bord d’une table, voilà l’occasion de prouver que l’univers s’est structuré pour produire tout à la fois l’homme (bien sûr !) et la loi de murphy. et si la tartine tombe du côté non beurré, c’est bien qu’on s’est trompé de côté en la beurrant ! Pourquoi s’étonner de ce billet posé sur l’oreiller : « Pile, je te quitte. Face, je te quitte ». 640 PA R U S O U À PA R A Î T R E Boïdas et de sa compagne Calypso sur la réfutabilité d’une théorie, ils finissent par se jouer de « tout commence dans l’eau », dont l’anagramme sur les vingt lettres, « le commandant Cousteau » conduit à un nom qui n’existe pas et qui pourrait bien faire son chemin de damas sur de vagues océans. ® Que l’esprit puisse agir sur la matière, que le temps soit illusion, que l’intelligible a nécessairement à voir avec l’éternel, voilà de quoi alimenter l’effet de serre cutané de la jeunesse de Paul (LeBLaNC), prisonnière de son corps. Convaincu que le temps ne crée rien d’autre que sa propre permanence et que l’usure n’est qu’effet de perspective, aucune de ses équations n’avait intégré celle du Flore, avec son corps de violoncelle, et qui venait d’ouvrir l’hémorragie ridée de son présent en faim de vie, abandonné. ® sensible ou intelligible, lequel des deux mondes est le plus réel ? Pourquoi cette déraisonnable efficacité des mathématiques sur l’empirique, soufflant le voile sur de nouvelles entités tatouées de bleu ? oser sur cet axe imaginaire oz, tiré à la craie blanche, fuyant orthogonalement les deux dimensions du tableau noir euclidien. Quelles nouvelles relations ouvre-t-il sur ces étranges émotions d’un ultime Paul (LeJeuNe évidemment) épris d’une maria coincée entre la technologie d’aleph (LeP-CerN) et les symétries de Jauge de particules qui clignent des yeux sur le même trottoir, vide et silencieux ? si le savoir sans abus perd le charme, si la rigueur ne s’atteint que par l’arbitraire, alors la science se doit d’étonner le voir. ouvrage à lire pour changer d’air, couché sur des pensées fatiguées, comme on étonne l’oreille nourrie d’avec l’Estro Armonico (inspiration harmonique) ou de la Stravaganza (envol de l’inspiration), de « Paulo » vIvaLdI, évidemment ! Jacques CazeNove Matière sensible - Mousse, gel, cristaux, liquides et autres miracles par michel mItov seuil - Collection Sciences ouvertes - 2009 - 184 pages - 18 € IssN/IsBN : 978.2.02.095975.9 Public visé : tout public. Écrit par un scientifique, le style est étonnamment agréable. Le prologue commence comme un roman historique : « La vieille Napolitaine s’était agenouillée pour s’approcher du corps de l’homme décapité… ». Le dernier chapitre et l’épilogue lui répondront à la fin du livre, en traitant l’énigme de la liquéfaction du « sang de saint Janvier » (curiosité napolitaine). entre temps, de nombreux phénomènes du quotidien sont expliqués. trop familiers ils ne nous questionnent plus. michel mItov nous révèle alors leur structure à l’échelle moléculaire pour expliquer comment et pourquoi cette matière est sensible. ses propos sont systématiquement mis en perspective, retraçant l’historique des recherches dans le domaine. Le lecteur rencontrera ainsi : le cuisinier du duc de rICHeLIeu, un botaniste du XIXe siècle Friederich reINItzer, des amérindiens qui vivaient il y a deux mille ans dans la forêt amazonienne, un scribe écrivant sur du papyrus et bien sûr saint Janvier. Les sujets sont variés. Le premier chapitre explique comment l’eau et l’huile peuvent être mélangées dans la mayonnaise. on parle bien d’atomes et de molécules, mais le discours est entièrement compréhensible par tout le monde et donne l’occasion d’expliquer comment rattraper une mayonnaise mal engagée ou la réussir plus à son goût. dans le domaine culinaire, vous pourrez mettre à jour vos connaissances sur la recette de l’aïoli (et même l’étendre à des versions moins Le Bup n° 924 UNION dES PROFESSEURS dE PHySIQUE ET dE CHIMIE 641 conventionnelles), les bulles de champagne, les gels et autres curiosités de la cuisine moléculaire. au niveau de l’organisme, c’est la digestion, la respiration, le fonctionnement de la membrane cellulaire, et les dernières avancées en stratégie médicale pour tenter de délivrer un médicament au bon endroit, au bon moment, qui vous seront expliqués. Les cristaux liquides bien sûr font partie de la matière sensible et ne pouvaient pas ne pas être présents. L’historique de leur découverte est retracé, leur principe de fonctionnement est expliqué et leurs applications exposées. Le caoutchouc et le jet d’eau des lances à incendie font également partie de l’aventure, car ils doivent tous les deux leurs performances à un additif discret. enfin, le dernier chapitre clôt le livre avec le sang de saint Janvier qui, conservé dans une ampoule, a la curieuse propriété de se liquéfier à certaines occasions. attractif et bien écrit, je recommande de lire ce livre. Bruno CouraNt La science des trous noirs par Jean-Pierre Lasota odile Jacob - Collection Sciences - 2009 - 194 pages - 22 € IssN/IsBN : 978.2.7381.2008.3 Public visé : tout lecteur motivé. Jean-Pierre LASOTA est directeur de recherche émérite de l’Institut aéronautique de Paris (IAP) et professeur à l’Université Jagellon (Cracovie). sous l’impulsion de michel CassÉ, Jean-Pierre Lasota nous offre dans cet ouvrage une vision très personnelle des trous noirs, dépoussiérée de tout formalisme mathématique, mais bien centrée sur la relativité et la quantique qui font de ces objets un pont démâté entre ces deux grandes théories. La solution des équations d’einstein a permis à sCHWarzsCHILd de calculer, dans le cas d’une masse ponctuelle m, le rayon d’un trou noir : rs(km) = 3 m/msol (masse solaire prise comme référence). Il dépend aussi de sa charge et de sa rotation. La surface du trou noir correspond à un décalage vers le rouge et à une dilatation de temps infinis. À l’image de ces poissons alicieux tombant dans une chute d’eau, pour y demeurer il faut se déplacer, à la vitesse de la lumière. Cette surface formée par les trajectoires de la lumière dans l’espace-temps est donc un horizon absolu. La traversée de cette surface n’est associée localement à aucun effet physique autre que la chute libre. seules les forces de marées liées à la courbure (inversement proportionnelle au carré de la masse du trou noir) pourraient trahir l’état du mouvement. tout ce qui se trouve au-dessous devient inaccessible, l’espace lui-même s’effondre dans la singularité, les forces de marée y sont toujours énormes indépendamment de la masse du trou noir, et aucune information n’en sort. vol. 104 - mai 2010 Parus ou à paraître Les trois premiers chapitres constituent ce parcours initiatique nécessaire à placer le lecteur en situation d’ouvrir la fenêtre. Le point d’abord sur la gravitation qui agit sur tout, associée au concept de chute libre où le poids disparaît, à la notion de vitesse de libération et de corps obscur (mItCHeLL - LaPLaCe). ensuite la vitesse limite et invariante qui offre à la relativité restreinte d’écrire les lois de la physique indépendamment du référentiel inertiel et de définir le concept d’espace-temps collé à sa métrique. enfin, le principe d’équivalence, en identifiant localement l’accélération à la gravitation, permet de proposer un modèle géométrique, où la matière-énergie impose une courbure, qui en retour lui dicte son mouvement. Le lecteur appréciera l’originalité dans la présentation de certaines expériences de pensées, mais regrettera parfois quelques relations (sur l’énergie par exemple) qui auraient simplifié certaines discussions. 642 PA R U S O U À PA R A Î T R E À r = 1,5 rs, correspond le rayon de l’orbite photonique, orbite instable sur laquelle le photon se comporte comme une planète, donc en chute libre circulaire, mais sans accélération, la vitesse des photons étant constante. y est associée la sphère photonique, sphère tissée par toutes les orbites photoniques autour du trou noir et qui n’est clairement pas un horizon. sur cette sphère, la force centrifuge s’annule et un observateur ne verrait que des mouvements rectilignes. À l’intérieur de la sphère, la force centrifuge devient elle aussi attractive, justifiant l’absence d’orbites circulaires entre surface du trou noir et sphère photonique. une théorie quantique de la gravitation (cordes ou boucles) devrait répondre à certaines attentes quant à l’échelle où la gravitation devient quantique. Faut-il évoquer la longueur d’onde Compton associée à un objet purement gravitationnel (le trou noir) pour établir cette échelle, et le décréter objet quantique ? alors, un trou noir quantique aurait une masse de 2,2.10– 9 kg, pour une taille de 10– 35 m. Le lien entre trou noir et effets quantiques se manifeste pourtant à d’autres échelles ! À la notion de surface, qui ne peut qu’augmenter, sont associées l’entropie (inversement proportionnelle à sa masse m) et la température, donc un rayonnement thermique. L’évaporation des trous noirs fait intervenir la création de particules virtuelles dans le vide proche de la surfacehorizon. À ce rayonnement Hawking (type corps noir) est associée une perte d’information qui ne trouvera sa justification que dans le cadre d’une nouvelle théorie. en a-t-on vraiment besoin, aux dires de l’auteur, pour justifier les deux singularités (primordiale et des trous noirs) censurées par la gravitation ? La dernière partie de l’ouvrage, plus classique et que nous confions donc à l’attention du lecteur, témoigne des connaissances actuelles sur la formation des trous noirs avec passage obligé suivant les masses, par les intermédiaires que sont les naines blanches, les étoiles à neutrons et les pulsars, les quasars ou noyaux actifs de galaxies (Nag). au bilan, trois types de trous noirs possibles. Les trous noirs stellaires de quelques masses solaires, les trous noirs supermassifs au centre des galaxies (plusieurs millions voire milliards de masses solaires), et les trous noirs de masses intermédiaires (tNmI de quelques milliers de masses solaires) dont l’existence reste encore à confirmer et qui pourraient faire leur nid dans la formation des grandes structures observées. La recherche des trous noirs commence par l’évaluation de la masse de l’objet candidat en observant les orbites des corps influencés par sa gravitation. Le rendement des processus d’accrétion (fraction d’énergie récupérable avant passage de l’horizon), ou le flot d’accrétions dominé par l’advection (adaF, où la luminosité de l’objet est en conflit avec son alimentation en matière) permettent d’étayer les suspicions sur ces objets si discrets. La luminosité produite par l’accrétion restant toujours inférieure à la luminosité d’eddington. seule l’astrophysique gravitationnelle avec ses interféromètres (vIrgo, LIgo et bientôt LIsa dans l’espace) sera en mesure de fournir une réponse à la formation de ces monstres gravitationnels, gros émetteurs de rayons X et de flashes gamma, dont nous n’observons sur terre que leurs superbes gerbes secondaires. Beau travail sur un sujet où bien des choses ont déjà été écrites sur ces fascinants rêves noirs, grands artisans de l’espace-temps et dont seule la lumière sait en tisser les formes. si leur avenir promet d’être brillant, où passent les histoires d’autrefois quand seule la nuit monte pour sortir ? Jacques CazeNove Le Bup n° 924