Suivi d’ un enfant guéri d’ un cancer Docteur Odile Richard Service de pédiatrie CHU de Saint Etienne Novembre 2007 INTRODUCTION Survie à long terme nettement augmentée 1 adulte / 1000 survit à une tumeur « pédiatrique » Problème posé est celui des séquelles des traitements anti-cancéreux Conséquences endocriniennes sont fréquentes, à surveiller et à prendre en charge au bon moment Information précise des patients et des parents Différents niveaux d’atteinte Région hypothalamo – hypophysaire (région HH) Gonades Thyroïde Surrénales Conséquences des médicaments cytotoxiques et de l’ irradiation corporelle Conséquences cliniques Petite taille Degrés variés d’hypopituitarisme Retard ou avance pubertaire Hypofertilité ou stérilité Hypothyroïdie, nodules thyroïdiens Etudions la croissance La chimiothérapie seule n’altère pas la croissance Irradiation corporelle totale (TBI) ou de la région HH: risque principal Neurochirurgie de la région HH 2 mécanismes : déficit en hormone de croissance(GH) et l’irradiation des cartilages de croissance (lésions osseuses et résistance à l’IGF1) Mauvaise nutrition, corticothérapie : facteurs surajoutés Croissance des patients greffés (TBI 12 Gy) 60% de déficit en GH partiel (le plus souvent) et transitoire dans 50% des cas . Principale hormone anté hypophysaire sensible à l’irradiation IGF1 souvent normaux et non corrélés avec le taux de GH Pas d’effet positif du fractionnement de dose En revanche effet âge : effet négatif d’une TBI avant 8 ans ( perte de 2.4DS+/-1.1/taille finale) Cf Brauner Bone Marrow Transplant.2006 sep;38(6):427-32 Croissance des patients irradiés ou opérés dans la région HH (> 30 Gy) Déficit en GH presque constant , total, et définitif ( 80 à 95 % des cas) Autres déficits anté et post hypophysaires souvent associés ( dose > 55 Gy ) Lésions des cartilages de croissance si irradiation de l’axe vertébral associée. Quand évaluer la sécrétion en GH ? 18 mois après la fin du traitement Certains déficits apparaissent >10 ans après greffe Vitesse de croissance ralentie (-1DS) Evaluation systématique si radiothérapie,même si pas d’inflexion staturale , existence de certains pièges ( VC prépubertaire correcte mais mauvais pic de croissance pubertaire, surpoids avec hyperinsulinisme maintenant une vitesse de croissance normale,puberté précoce sous jacente masquant une inflexion staturale) Comment prendre en charge la croissance de ces patients? Evaluation de la sécrétion de GH Si déficit confirmé et âge osseux compatible Traitement substitutif : 0.035mg/Kg/jour Arrêt en fin de croissance avec réévaluation de la sécrétion de GH quelques semaines après l’arrêt de ce traitement hormonal Résultats du traitement par GH chez les patients greffés(TBI) 58% ont une taille <-2DS et non corrélée avec la taille cible (Brauner) Effet âge : si TBI>10 ans moins efficace Globalement résultats moins bons que si déficit en GH idiopathique Lésions osseuses liées à la TBI sont en cause Intérêt de l’association du Décapeptyl® discuté Résultats du traitement chez les patients irradiés ou opérés dans la région cérébrale Meilleurs résultats et récupération de la taille cible sauf si irradiation spinale associée Déficit souvent complet et définitif Traitement par GH à reprendre selon AMM adulte pour les effets métaboliques de la GH (minéralisation osseuse, protection cardiovasculaire, qualité de vie) Altération de la croissance en fonction du type de cancer Diagnostic et traitement Croissance Leucémie, lymphome chimiothérapés Taille cible atteinte , ralentissement transitoire de la vitesse de croissance Leucémie, lymphome greffés Taille à -2DS chez homme Taille à -1DS chez femme Leucémie, lymphome avec irradiation du SNC Taille altérée si puberté précoce Tumeurs cérébrales sans irradiation spinale Avec irradiation spinale 80 à 95 % GHD , taille cible atteinte sous traitement Taille cible non atteinte Tumeurs solides non greffées ni irradiées Taille cible atteinte , ralentissement transitoire de la vitesse de croissance En résumé Croissance parfois altérée chez l’enfant guéri d’ un cancer selon différents mécanismes. Evaluation systématique de la GH si irradiation ou neurochirurgie. Se donner un délai de 18 mois à 2 ans en moyenne pour commencer le traitement par GH. Pas de risque de récurrence tumorale (surveiller lGF1) Etudions la fonction gonadique de ces enfants 2 mécanismes d’altération Retard pubertaire : atteinte des gonades ou de la région HH, parfois atteinte mixte Avance pubertaire : radiothérapie lésant le frein pubertaire physiologique Manifestations cliniques de l’atteinte gonadique Absence +/- complète des caractères sexuels secondaires et altération du pic de croissance pubertaire Ménopause précoce dès 20 ans Perturbation de la fertilité Irradiation pelvienne peut provoquer des lésions utérines Séquelles gonadiques chez le garçon (1) 2 unités fonctionnelles testiculaires Fonction tubulaire (spermatogénèse) Fonction leydigienne (synthèse de testostérone) Spermatogonies souches et différenciées en prolifération État prépubère non protecteur/ agents anti cancéreux car déplétion du pool de cellules en prolifération Séquelles gonadiques chez le garçon (2) Atteinte prépondérante de la fonction tubulaire (testis petits,FSH élevées, inhibine basse) Atteinte leydigienne moins importante (caractères sexuels +/- développés, LH élevées, testostérone peu augmentée) Alkylants (Cyclophosphamide,Chlorambucil Busulfan) en cause principalement et Cisplatine Radiothérapie ( après TBI ) 60 % d’atteinte tubulaire, <10% d’atteinte leydigienne une dose locale de 2.5 Gy entraine une azoospermie dans 50 % des cas Séquelles gonadiques chez le garçon en fonction du type de cancer d’après Shalet ( Cancer Inst.Monogr 2005) Séquelles gonadiques chez la fille (1) 1 unité fonctionnelle: le follicule Ovulation Sécrétion d’oestrogènes et de progestérone Diminution du stock après la naissance État prépubère protecteur / agents anti cancéreux Séquelles gonadiques chez la fille (2) Alkylants et nitrosourées surtout incriminés Déplétion folliculaire est âge dépendante Déplétion folliculaire est dose dépendante Busulfan en conditionnement de greffe provoque une insuffisance ovarienne précoce et définitive , Cyclophosphamide (200mg/kg) donne rarement une telle insuffisance Chimiothérapie conventionnelle : insuffisance ovarienne partielle mais risque de ménopause précoce Radiothérapie > 6 Gy après la puberté donne en principe une insuffisance ovarienne , l’ovaire de la fillette serait moins sensible Séquelles gonadiques chez la fille en fonction du type de cancer (3) Diagnostic Atteinte ovarienne Maladie de Hodgkin 17% (après transplantation ovarienne) Greffe de moelle avec TBI avant la puberté 40 à 50% puberté incomplète mais 70 à 80% de FSH et LH augmentées Greffe de moelle avec TBI après la puberté ostéosarcome 78 à 86% 50% Séquelles pubertaires chez les patients irradiés ou opérés au niveau de la région HH Puberté précoce d’évolution rapide pour des doses <18 ou 24 Gy Absence pubertaire pour des doses > 30 Gy ou si neurochirurgie Rôle de l’âge à l’irradiation sur la fréquence du déficit gonadotrope non évalué La séquence puberté précoce puis défaut de développement pubertaire est possible Prise en charge préventive des séquelles gonadiques Agonistes de la GnRH pas d’intêret Congélation du sperme si possible Voie de recherche : cryopréservation de tissu testiculaire puis spermatogénèse par greffe ou in vitro Transposition d’ ovaire Cryopréservation de tissu ovarien puis autotransplantation Prise en charge curative des séquelles gonadiques Traitement oestroprogestatif chez la fille Testostérone retard chez le garçon si insuffisance leidygienne Mise en route en fonction de l’âge osseux pour le développement des caractères sexuels et la croissance Récupération possible d’une certaine fonction gonadique au bout de plusieurs années (sauf Busulfan à forte dose) En résumé Atteinte gonadique variable selon les individus, le sexe et le type de cancer Atteinte prédominante de la fonction de reproduction chez le garçon Atteinte plus globale chez la fille mais état prépubère plus protecteur Poursuivre les études sur la gonadotoxicité des traitements anticancéreux ALBAN LAL à 27 mois FRALLE mais chimiorésistance Allogreffe à 2 ans 8 mois Endoxan +TBI (12gy) Déficit partiel en GH 4 ans post greffe Puberté avancée à 10 ans et demi CHARLENE LAL à 20 mois FRALLE Allogreffe à 2 ans 9 mois Aracytine,Melphalan et TBI (12Gy) Déficit partiel en GH post greffe Pas d’inflexion staturale Traitement par GH à 10 ans et demi Puberté spontanée mais règles s’espacent Déficit transitoire en GH STEPHANE Neuroblastome stade IV 2 CADO + VP16 cisplatine Autogreffe à 6 ans et demi Melphalan + TBI 12 Gy Pas de déficit en GH IGF1, IGFBP3 normaux Testostérone normale Probable insuffisance tubulaire ( FSH à 30 UI/24h, inhibine à 19 ng/L N>100 ) YANNICK Médulloblastome Exérèse incomplète Chimiothérapie (8 drogues) Radiothérapie : 55 Gy sur FCP , 36 Gy encéphale et sur axe médullaire Déficit en GH complet et définitif Puberté spontanée Pic de croissance médiocre Taille dysharmonieuse DAVID Crâniopharyngiome opéré à 6 ans et 9 mois Déficit anté et post hypophysaire complet Traitement par GH 2 ans post diagnostic Taille cible atteinte Reprise GH à dose adulte Atteinte thyroïdienne Radiothérapie en cause mais aussi le Busulfan et le Cyclophosphamide Risque plus important si enfant jeune lors du traitement < 9 ans Hypothyroïdie ou nodules Parfois association des deux problèmes Hypothyroïdie Franche avec LT4 basse et TSH élevée , délai moyen d’apparition 3 ans post greffe, 9% à 15 % des enfants greffés pour LAL ( C. Berger et Sanders) Compensée avec LT4 normale et TSH normale ou discrètement augmentée .Test au TRH révèle un pic de TSH élevé en plateau, 31%( C. Berger) , 37 % (Borgström) Traitement par hormones thyroïdiennes Nodules thyroïdiens Rarement palpables d’où une surveillance échographique 28% ( C.Berger) : délai d’apparition 7.8 ans, pas de cancer mais suivi maximal de 10 ans Schlumberger : risque de cancer maximal à 20 ans d’évolution puis diminution ensuite Si cancer : cancer papillaire Surveillance thyroïdienne préconisée LT4 / TSH : 6 mois post irradiation puis tous les ans jusqu’ à 10 ans d’évolution TRH à 2 ans post irradiation , avant si TSH augmentée ou si nodule Échographie 1 fois / an Face au cancer de l’enfant Nous sommes encore un peu dans la survie Mais surtout dans la qualité de la survie Nous sommes encore en phase de découverte des séquelles des traitements Le suivi doit être minutieux, attentif, prolongé Les compétences doivent se regrouper pour assurer une bonne qualité de vie à ces enfants déjà bien éprouvés