éthique et philosophie morale en affaires publiques et internationales

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ÉTHIQUE ET PHILOSOPHIE MORALE EN AFFAIRES PUBLIQUES ET INTERNATIONALES
ÉTHIQUE ET PHILOSOPHIE MORALE EN AFFAIRES PUBLIQUES ET
INTERNATIONALES
API 5535A
PAPIER DE POSITION # 2
LE GENRE ET LA LIBERTÉ RELIGIEUSE
Par
OLIVIER BÉGIN-CAOUETTE
Travail remis à
CHRISTINE STRAEHLE
20 octobre 2009
École supérieure d’affaires publiques et internationales
UNIVERSITÉ D’OTTAWA
CULTURE, GENRE ET DISCRIMINATION
Introduction
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ÉTHIQUE ET PHILOSOPHIE MORALE EN AFFAIRES PUBLIQUES ET INTERNATIONALES
Au
XXIe
[1]
siècle, nous observons ce que Huntington appelle « le choc des civilisations »
qui force les démocraties libérales à s’engager dans un débat qui divise les tenants du
multiculturalisme (la protection des cultures minoritaires) et du féminisme : l’égalité des sexes
doit-elle primer sur la liberté religieuse?
Un cas récent illustrant cette confrontation s’est déroulé en France alors qu’une jeune marocaine,
Faiza Silmi, s’est fait refuser la citoyenneté française car le port du niqab indiquerait qu’elle
[2]
pratique sa religion d’une façon radicale et contraire aux valeurs françaises . Or, est-il légitime
d’invoquer l’égalité des genres pour justifier une pratique nuisant à la liberté religieuse? À noter
que le préambule de la Constitution française stipule que « la loi garantit à la femme, dans tous
[3]
les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » . L’article 10 de la Déclaration française
des droits de l’Homme (1789) mentionne, pour sa part, que « nul ne doit être inquiété pour ses
opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par
[4]
la Loi » . En ce sens, la Cour de cassation française est-elle justifiée de subordonner le droit à
la liberté de conscience au droit à l’égalité des sexes?
Nous répondons par la négative. Cette mesure est, selon nous, discriminatoire et, même si
l’égalité entre les hommes et les femmes est un droit inaliénable, nous préconisons un processus
de délibération menant à un compromis plutôt qu’une décision arbitraire fondée sur
[5]
l’incompréhension. Nous appuierons notre argumentation sur les textes de Nussbaum , d’Okin
[6]
[7]
[8]
[9]
, de Deveaux et d’Eisenberg dont trois font référence aux travaux de Kymlicka .
La citoyenneté différenciée et la discrimination
Tout d’abord, nous considérons que la décision de la Cour de cassation française
discrimine une communauté particulière ainsi qu’un individu, portant ainsi atteinte aux principes
du multiculturalisme et au droit fondamental à l’égalité.
Dans le premier cas, nous admettons qu’un vêtement qui couvre l’ensemble du corps de la
[10]
, il est légitime de
femme apparaisse contraire à l’égalité des sexes. Or, selon Kymlicka
permettre certaines pratiques culturelles afin que les individus issus de ces cultures se
[11]
prévient que tout
développent en toute égalité avec les autres citoyens. Cependant Kymlicka
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en accordant aux cultures minoritaires cette protection externe, il n’est pas souhaitable d’accepter
la « contrainte interne » qu’une culture pourrait imposer à ses membres afin qu’ils se soumettent
à des règles incompatibles avec les idéaux libéraux. Nous sommes donc contre l’obligation pour
les femmes musulmanes de porter le niqab. Néanmoins, madame Silmi ayant indiqué qu’elle
avait fait le choix d’affirmer son orthodoxie, nous considérons que les principes du
multiculturalisme doivent être respectés et que la décision de la Cour porte préjudice à une
religion particulière.
En outre, l’État justifie sa discrimination en expliquant que la requérante est « soumise » et
« radicale ». Or, nous considérons que cette thèse porte atteinte à la liberté de religion de cette
personne ainsi qu’à son statut de femme. En effet, la France refuse-t-elle également la
naturalisation aux hommes musulmans radicaux si aucun signe ne les identifie? La république
prévoit-elle expulser les religieuses qui se voilent et se « soumettent » à Dieu? Nous ne le
croyons pas. Cette décision vise donc spécifiquement la pratique des femmes musulmanes,
portant atteinte à la liberté de conscience ainsi qu’à l’égalité des sexes.
La primauté du droit des femmes
Selon Okin et Eisenberg, Kymlicka ne réfléchit pas aux différences de statut des membres
à l’intérieur d’un groupe et à l’impact négatif que cela peut avoir sur le développement de
certains de leurs membres. La majorité des religions et des cultures traditionnelles suivent une
idéologie où le contrôle des hommes sur les femmes est encouragé et, en ce sens, leurs demandes
pour une « protection externe » couvrent aussi une « contrainte interne ». Or, tel que le dénonce
Okin, aucune société libérale ne peut admettre que la clitoridectomie ou la violence conjugale
soient « justifiées » par la spécificité culturelle et ce même si les « victimes » sont consentantes.
Eisenberg explique que le consentement d’une femme n’autorise pas qu’on nie son humanité
puisqu’il faut prendre en compte la pression informelle que les groupes exercent sur leurs
membres. Ainsi, selon Okin, l’égalité des sexes ayant préséance sur toute autre considération
culturelle ou religieuse, la Cour française est tout à fait justifiée de condamner une pratique
dégradante à l’égard des femmes, tel le port du Niqab.
Un compromis concerté
La faille de l’argument précédent réside dans son unilatéralisme. Nous ne réfutons pas que
l’égalité des genres soit un droit inaliénable, mais peut-elle avoir préséance sur les autres droits
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fondamentaux? Les tribunaux, placés devant un tel dilemme, tentent généralement de faire régner
les deux droits conjointement. Pour ce faire, nous croyons, qu’un processus délibératif
transparent permettrait de mieux définir la liberté religieuse dans une société française laïque. Ce
dialogue, selon Devaux, doit prendre ancrage dans les normes qui transcendent les groupes
culturels. Une fois ces normes établies, Eisenberg suggère d’évaluer si la pratique culturelle est
menacée, si elle porte préjudice aux individus et si des permissions ont déjà été accordées pour
des pratiques semblables. À terme, un compromis, relevant de l’entente entre l’État et les
personnes directement concernées (les femmes voilées et non les imams ou les féministes
occidentales) pourrait être atteint, comme en Afrique du Sud où la polygamie est permise si les
[12]
trois parties signent un contrat identifiant les responsabilités de chacune
. La recherche de
cette norme minimale nous apparaît comme la manière la plus appropriée de respecter l’ensemble
des droits, contrairement à la décision unilatérale de la Cour qui en brime un au nom d’un autre.
Conclusion
Finalement, nous désapprouvons la décision de la Cour de cassation française puisqu’elle
est discriminatoire et que, même si l’égalité des sexes doit être affirmée, cet unilatéralisme ne
permet pas que les droits fondamentaux de l’égalité des genres et de la liberté de conscience
coexistent. L’État français peut promouvoir l’égalité des sexes et le principe de laïcité ainsi que
créer des programmes d’éducation destinés aux nouveaux arrivants. Toutefois, il n’est pas
légitime qu’il interdise une tenue religieuse aux citoyens s’il veut conserver son statut de
démocratie libérale.
999 mots!
[1]
Samuel Huntington (1997). Le choc des civilisations, Paris : Odile Jacob, 402 p.
[2]
Katrin Bennhold. « A Veil Closes France’s Door to Citizenship », New York Times, 19 juillet 2008, www.nytimes.
com/2008/07/19/world/europe/19france.html.
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[3]
Assemblée nationale française. Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. http://www.assembleenationale.fr/histoire/dudh/1789.asp
[4]
Ibid.
[5]
Martha C. Nussbaum, « Religion and Women’s Human Rights », Sex and Social Justice, pp.81-117
[6]
Susan Moller Okin, « Is Multiculturalism Bad for Women? », dans J. Cohen, M. Howard et M. Nussbaum (dir.),
Is Multiculturalism Bad for Women, pp.186-215.
[7]
Monique Deveaux, « Gender and Cultural Justice in South Africa » dans Gender and Justice in Multicultural
Liberal States, chapitre 7, pp.186-215.
[8]
Avigail Eisenberg, « Identity, multiculturalism, and religious arbitration : The debate over shari’a law in
Canada » dans B. Arneil, M. Devaux et R. Dhamoon (dir.), Sexual Justice/Cultural Justice, pp.211-230.
[9]
Will Kymlicka, La Citoyenneté multiculturelle, Éditions Boréal, 2001, chapitres 3 & 6.
[10]
Tel qu’expliqué dans le texte d’Okin, ibid., p.11.
[11]
Tel qu’expliqué dans le texte d’Eisenberg, ibid., p.214.
[12]
Deveaux, op.cit.
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