Au XXIe siècle, nous observons ce que Huntington appelle « le choc des civilisations »[1]
qui force les démocraties libérales à s’engager dans un débat qui divise les tenants du
multiculturalisme (la protection des cultures minoritaires) et du féminisme : l’égalité des sexes
doit-elle primer sur la liberté religieuse?
Un cas récent illustrant cette confrontation s’est déroulé en France alors qu’une jeune marocaine,
Faiza Silmi, s’est fait refuser la citoyenneté française car le port du niqab indiquerait qu’elle
pratique sa religion d’une façon radicale et contraire aux valeurs françaises[2]. Or, est-il légitime
d’invoquer l’égalité des genres pour justifier une pratique nuisant à la liberté religieuse? À noter
que le préambule de la Constitution française stipule que « la loi garantit à la femme, dans tous
les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme »[3]. L’article 10 de la Déclaration française
des droits de l’Homme (1789) mentionne, pour sa part, que « nul ne doit être inquiété pour ses
opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par
la Loi »[4]. En ce sens, la Cour de cassation française est-elle justifiée de subordonner le droit à
la liberté de conscience au droit à l’égalité des sexes?
Nous répondons par la négative. Cette mesure est, selon nous, discriminatoire et, même si
l’égalité entre les hommes et les femmes est un droit inaliénable, nous préconisons un processus
de délibération menant à un compromis plutôt qu’une décision arbitraire fondée sur
l’incompréhension. Nous appuierons notre argumentation sur les textes de Nussbaum[5], d’Okin
[6], de Deveaux[7] et d’Eisenberg[8] dont trois font référence aux travaux de Kymlicka[9].
La citoyenneté différenciée et la discrimination
Tout d’abord, nous considérons que la décision de la Cour de cassation française
discrimine une communauté particulière ainsi qu’un individu, portant ainsi atteinte aux principes
du multiculturalisme et au droit fondamental à l’égalité.
Dans le premier cas, nous admettons qu’un vêtement qui couvre l’ensemble du corps de la
femme apparaisse contraire à l’égalité des sexes. Or, selon Kymlicka[10], il est légitime de
permettre certaines pratiques culturelles afin que les individus issus de ces cultures se
développent en toute égalité avec les autres citoyens. Cependant Kymlicka[11] prévient que tout
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