Le rôle de l`infection VIH dans les infections respiratoires aiguës

INT J TUBERC LUNG DIS 9(7): 708-715
© 2005 The Union
ETAT DE LA QUESTION
SERIE ETAT DE LA QUESTION
Infection VIH dans les contextes à faibles ressources et à prévalence élevée
Editeur J. F. Murray
NUMERO 3 DE LA SERIE
Le rôle de l'infection VIH dans les infections respiratoires aiguës
chez les enfants en Afrique sub-saharienne
P. Jeena
Department of Paediatrics and Child Health, Nelson R Mandela School of Medicine,
University of Kwazulu-Natal, Durban, South Africa
________________________________________________________________________________RESUME
Les infections respiratoires aiguës (IRA) sont responsables annuellement au niveau mondial de 1.9 million de décès, soit 20%
du taux total de mortalité avant l'âge de 5 ans. Les pays en développement supportent le fardeau principal de ces décès. En
Afrique sub-saharienne, le virus de l'immunodéficience humaine type 1 (VIH-1) joue un rôle significatif dans ce taux élevé de
mortalité. Les caractéristiques cliniques et radiologiques de ces IRA chez les enfants infectés ou non par le VIH sont similai-
res à quelques exceptions près. La distribution épidémiologique des agents étiologiques est essentielle si l'on veut élaborer des
directives standard pour la prise en charge des cas. Le rôle des nouvelles cytokines (par exemple, la procalcitonine) dans
l'établissement du diagnostic étiologique demande à être évalué davantage. La mise en œuvre d'une thérapie antirétrovirale,
de la chimioprophylaxie et des programmes de vaccination chez les enfants infectés par le VIH auront un impact favorable
sur le fardeau énorme des IRA dans les pays en développement. Les organisations gouvernementales et non-
gouvernementales doivent fournir les ressources financières et humaines nécessaires à maîtriser cet énorme défi à la santé
pulmonaire au niveau mondial.
MOTS CLE : Pneumocystis jirovecii ; pneumonie virale ; pneumonie bactérienne ; vaccination
LES INFECTIONS RESPIRATOIRES AIGUËS (IRA)
sont responsables de quatre à neuf visites pour soins de
santé par an chez les enfants âgés de moins de 5 ans et
sont la cause de 20% de la mortalité infantile globale
avant l'âge de 5 ans.1,2 On estime à 1,9 million le nombre
d'enfants de moins de 5 ans qui décèdent chaque année à
cause d'IRA.2 Douze pays, dont 11 en Afrique, signalent
encore des taux de mortalité en dessous de 5 ans supé-
rieurs à 200/1000 naissances d'enfants vivants.3 L'IRA
intervient dans 22% de tous les décès chez l'enfant en
Afrique, alors qu'en Europe elle n'intervient que pour
11% de tous les décès chez les enfants. 3 En Afrique et en
Asie, les infections aiguës des voies respiratoires inférieu-
res sont deux à dix fois plus fréquentes et connaissent une
issue trois à sept fois plus mauvaise (10-20%) que dans le
monde industrialisé (3-4%).4
L'infection par le virus type 1 de l'immunodéficience
humaine (VIH-1) continue à causer des ravages impor-
tants chez les enfants des pays en développement, parti-
Auteur pour correspondence : Prof Prakash Jeena, Department of Paediatrics and Child Health, Nelson R Mandela School of Medi-
cine, University of Kwazulu-Natal, Private Bag x7, Congella, Durban, South Africa. Tel : (+27) 31 260 4353. Fax : (+27) 31 260
4388. e-mail : [email protected]
The role of HIV infection in acute respiratory infections among children in sub-Saharan Africa
D’autres articles dans cette série Editorial Harries A D. VIH/SIDA:
l'épidémie, son impact et le reflux de la marée. Int J Tuberc Lung Dis
2005; 9 (5): 471-474. No 1 Chintu C, Mwaba P. La tuberculose chez les
enfants infectés par le virus de l'immunodéficience humaine. Int J Tuberc
Lung Dis 2005; 9 (5): 477-484. N° 2 Graham S. Les infections opportu-
nistes non-tuberculeuses et les autres maladies pulmonaires chez les
nourrissons et les enfants infectés par le virus de l'immunodéficience
humaine. Int J Tuberc Lung Dis 2005; 9 (6): 592-602.
culièrement en Afrique. Parmi les 3,2 millions d'enfants
infectés par le VIH dans le monde, 90% vivent en Afri-
que sub-saharienne et plus de 80% développeront une
maladie respiratoire à un moment ou l'autre du décours de
leur maladie.5,6 Les maladies respiratoires sont la cause
principale des admissions à l'hôpital et des décès chez les
enfants infectés par le VIH.7,8 En Afrique, la prévalence
du VIH-1 parmi les enfants admis pour une infection
sévère des voies respiratoires inférieures varie entre 35%
et 65% avec un taux de létalité des cas trois ou quatre fois
plus élevé chez les enfants infectés par le VIH que chez
les enfants non infectés (34% vs. 9%). Au cours de deux
réunions récentes de l'Organisation Mondiale de la Santé
(OMS), l'une à Harare et l'autre à Genève, ces statistiques
alarmantes ont poussé les délégués à considérer les IRA
comme une maladie prioritaire chez l'enfant.
L'objet de cet article est de passer en revue les
contributions importantes faites par l'infection VIH au
fardeau global des IRA chez les enfants en insistant sur
la situation en Afrique sub-saharienne, la région du
monde la plus sévèrement touchée. Des articles com-
plémentaires de cette série fournissent des informations
supplémentaires au sujet du rôle de la tuberculose (TB)
et d'autres complications opportunistes (non-TB) du
VIH/syndrome d'immunodéficience acquise (SIDA)
chez les enfants des pays en voie de développement.9,10
[Traduction de l'article “ .” Int
J Tuberc Lung Dis 2005; 9(7): 708-715]
2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
CLASSIFICATION DES INFECTIONS
RESPIRATOIRES AIGUËS
Le Programme de l'OMS sur les infections respiratoires
aiguës les a classifiées en pneumonies peu graves, graves
et très graves.11 Après que le programme IRA ait été
incorporé en 1992 dans le programme de prise en charge
intégrée des maladies infantiles (PCIMI), les pneumonies
graves et très graves ont été combinées en une seule caté-
gorie — les pneumonies graves — exigeant le transfert et
l'admission à l'hôpital. Par suite du fardeau croissant des
pneumonies liées au VIH, des modifications de la section
IRA du programme sont essentielles aujourd'hui. Bien
que la classification de l'OMS et de la PCIMI aient insisté
sur la pneumonie aiguë, l'épidémie du VIH a mis en évi-
dence quelques types supplémentaires importants de
pneumonies : la pneumonie persistante (infection thoraci-
que durant depuis plus de 30 jours), la pneumonie récidi-
vante (trois épisodes ou plus de pneumonie sur 2 années)
et la pneumonie aiguë compliquant une maladie pulmo-
naire chronique et toutes ces formes sont devenues plus
courantes au cours des dernières années. La pneumonie
persistante est définie par le manque de réponse à un
traitement antimicrobien standard ou par une infection
causée par des bactéries responsables de maladies pul-
monaires chroniques (par exemple, Mycobacterium tu-
berculosis). Un essai thérapeutique prolongé de n'importe
quel antibiotique (> 14 jours) ou un traitement antituber-
culeux peut s'imposer vu les difficultés de confirmation
de ces deux diagnostics.
ASPECTS CLINIQUES ET PRISE EN CHARGE DE
l'IRA CHEZ LES ENFANTS INFECTES OU NON-
INFECTES PAR LE VIH
Caractéristiques cliniques
Comme il apparaît au Tableau 1, les caractéristiques
cliniques comme toux, fièvre, tachypnée, rétraction
thoracique sont observées en cas de pneumonie tant
chez les enfants infectés que non-infectés par le VIH.
En outre, les enfants infectés par le VIH et atteints de
pneumonie à Pneumocystis jirovecii (PJP) (appelée
antérieurement pneumonie à Pneumocystis carinii
[PCP]) souffrent souvent d'une hypoxémie significative
et peuvent être cyanosés.
Clichés thoraciques
Les aspects radiologiques de la pneumonie associée à
l'infection VIH sont très semblables à ceux observés
chez les enfants non-infectés. Les caractéristiques radio-
logiques de la PJP peuvent inclure un aspect diffus en
verre dépoli, parfois accompagné de pneumatocèles et
de syndrome d'écoulement aérien thoracique, alors que
les pneumonies interstitielles lymphoïdes se présentent
avec des aspects parenchymateux réticulaires, nodulai-
res ou réticulonodulaires.12 La valeur des clichés thora-
ciques dans le diagnostic et la prise en charge des IRA
chez les enfants non-infectés par le VIH ont été esti-
mées de manière discordante selon les articles. Swingler
et coll. ont signalé que les clichés thoraciques n'aug-
mentaient pas le rendement du diagnostic de la TB ou
Tableau 1 Comparaison des caractéristiques des IRA chez les enfants non infectés et infectés par le VIH
Caractéristiques IRA chez les non-infectés
par le VIH IRA chez les infectés
par le VIH
Présentation clinique Toux, fièvre, tachypnée, rétraction thoracique,
signes de densification Comme chez les non-infectés, sauf pour la PJP
où l'hypoxémie peut être prédominante
Radiologie Non-spécifique, mais adénopathies hilaires sug-
gestives d'une TB Non spécifiques, mais adénopathies hilaires avec
ou sans images reticulonodulaires ou images
miliaires suggérant LIP ou TB
Opacification diffuse en verre dépoli avec accen-
tuation de la trame bronchovasculaire suggé-
rant la PJP
Etiologie Courantes :
Bactéries : Streptococcus pneumoniae, Haemo-
philus influenzae, Staphylocovccus aureus, My-
cobacterium tuberculosis
Virus : RSV, influenza, parainfluenza, adenovirus,
rougeole, virus humain de metapneumonie
Similaire à celle des non-infectés, plus :
Bactéries : Salmonella non-typhoïde, Bacilles à
Gram négatif courants
Virus : CMV, VZ
Mycoses : P.jirovecii, candida
Diagnostic Hémocultures, expectoration provoquée, tubage
gastrique, sérologie et PCR. Aspirations naso-
pharyngées, test cutané tuberculinique standard
Le même que pour les non-infectés, plus expecto-
ration provoquée pour P. jirovecii, ADN PCR et
culture pour CMV, test cutané tuberculinique >
4 mm
Prise en charge des IRA Régime standard de l'OMS Pour les suspects de PJP < 6 mois :
ajouter CTX et corticostéroïdes si PaO2 < 70
mmHg
Pour chaque admission : ajouter un aminoglyco-
side
Sans réponse après 48 h, suspecter Staphylo-
coccus et ajouter cloxicilline
Soins d'appui Oxygène, transfusion sanguine si Hb < 7 g/dl,
perfusions, nutrition et ventilation assistée Comme pour les non-infectés
Prophylaxie Vaccination: schéma d'immunisation de routine
Ajouter les vaccins conjugués Hib et pneumo-
coccique; vaccin influenza pour les patients à
haut risque
Chimioprophylaxie pour la TB, micronutriments en
cas de malnutrition
Vaccination: comme pour les non-infectés mais
exclure les vaccins vivants atténués dans la
maladie VIH symptomatique
Chimioprophylaxie contre PJP, TB et infection
bactérienne
Multivitamines recommandées
IRA = infection respiratoire aiguë ; VIH = virus de l'immunodéficience humaine ; PJP = pneumonie à Pneumocystis jirovecii ; TB = tuberculose ; LIP =
pneumonie interstitielle lymphoïde ; RSV = virus respiratoire syncytial ; CMV = Cytomegalovirus ; VZ = varicella zoster ; PCR = réaction de polymérase en
chaîne ; OMS = Organisation Mondiale de la Santé ; CTX = cotrimoxazole ; Hb = hémoglobine ; Hib = Haemophilus influenzae type b.
VIH dans les IRA chez les enfants en Afrique 3
n'amélioraient pas le résultat clinique chez les enfants
ayant des signes cliniques de pneumonie.13 Par contre,
deux autre études ont démontré que les clichés thoraci-
ques pouvaient être utiles au changement soit du dia-
gnostic soit du traitement, respectivement dans 30% et
34% des cas.14,15 La variabilité des protocoles des radio-
logues est un frein à l'évaluation des avantages de
l'examen radiologique. Pour tenter d'arriver à un accord
suffisant dans la définition radiologique de la pneumo-
nie comme résultat final des essais de vaccins, l'OMS a
développé une classification radiologique se basant sur
trois catégories : la densification, les autres infiltrats et
l'absence d'infiltrats.16 Cette classification devrait faire
l'objet d'une évaluation ultérieure chez les enfants infec-
tés ou non-infectés par le VIH.
Prise en charge standard des cas d'IRA (OMS)
Les avantages de la mise en œuvre de la prise en charge
standard des cas d’IRA (suggérée par l'OMS) ont été
démontrés dans une revue récente par Sawazal et Black,
qui ont signalé des diminutions des taux globaux de mor-
talité en dessous de 5 ans s'étalant entre 36% et 42%.17
Avant l'age de 5 ans, la mortalité liée à la pneumonie a
diminué également de 20% à 27%.17 Le coût estimé de la
mise en œuvre d'un traitement antimicrobien pour toutes
les formes de pneumonie se situait entre 1 et 4 US$.
Pourtant malgré ces avantages évidents, très peu d'études
ont été menées chez les enfants infectés par le VIH pour
évaluer davantage la valeur de ces directives.
Dans une étude complémentaire orientée de l'étude
multicentrique de l'OMS récemment publiée (APPIS :
Amoxilillin, Penicillin Intervention Study), 23% des
enfants atteints d'une pneumonie grave selon la définition
de l'OMS et provenant de Durban et de sites zambiens se
sont avérés séropositifs pour le VIH.18,19 Le taux d'échec
du traitement utilisant les données-standard de l'OMS a
été 2,3 fois plus élevé chez les enfants infectés par le VIH
que chez les enfants non-infectés. Un âge inférieur à 12
mois constitue un facteur de risque significatif de mau-
vais résultats et ceci encore davantage dans le groupe
infecté par le VIH. Sur la base de ces observations et de
la prévalence élevée de PJP chez les nourrissons, le
groupe conseil de l'OMS a recommandé d'ajouter du
cotrimoxazole ([CTX], trimethoprim-sulfamethoxazole)
par voie orale ou intraveineuse au traitement standard à
base de pénicilline et de gentamycine chez les enfants
entre 2 et 11 mois.20 Dans une autre étude concernant 358
enfants atteints d'une pneumonie très grave selon la défi-
nition de l'OMS, et provenant de Durban en Afrique du
Sud, 67% étaient infectés par le VIH.21 Ces enfants ont
été traités par la pénicilline soluble et la gentamycine
ainsi que par un complément de CTX chez tous les en-
fants âgés de moins d'1 an. Les résultats préliminaires ont
montré un résultat significativement plus mauvais dans le
groupe infecté par le VIH par rapport au groupe non-
infecté, particulièrement chez les enfants de moins de 12
mois. On a isolé le cytomegalovirus (CMV), P. jirovecii,
Streptococcus pneumoniae, M. tuberculosis et des orga-
nismes à Gram négatif comme pathogènes habituels dans
les cas d'échec de la thérapeutique.22
ETIOLOGIE DE LA PNEUMONIE
Plusieurs études pré- et post-mortem en Afrique ont éga-
lement confirmé que P. jirovecii, M. tuberculosis, CMV
ainsi que des pathogènes bactériens ou viraux communs
jouent un rôle important dans la morbidité et la mortalité
des pneumonies liées au VIH (Tableau 2).23-29
Pneumonie à P. jirovecii
Ce champignon est une cause habituelle de pneumonie
chez les enfants infectés par le VIH âgés de 3 à 6 mois,
mais chez des enfants âgés de plus de 12 mois, il est
moins commun et provoque des maladies moins graves.
La PJP est une maladie suggérant le SIDA chez 20 à 40%
des enfants d'Afrique du Sud.30 La prévalence de la PJP
chez les enfants souffrant d'IRA varie entre 10% et
17%.28,30 Les signes habituels comportent un enfant en
bon état de nutrition mais en état de détresse respiratoire,
des signes auscultatoires thoraciques minimaux, une
hypoxémie et une augmentation du niveau de déshydro-
génase lactique dans le sérum (LDH). Les images radio-
logiques sont variées. On voit fréquemment des infiltrats
interstitiels périhilaires bilatéraux qui peuvent d'ailleurs
progresser vers des signes compatibles avec le syndrome
de détresse respiratoire aiguë. Le diagnostic est confirmé
par l'immunofluorescence ou les colorations histochimi-
ques (Giemsa et argent methamine) réalisées sur l'expec-
toration provoquée ou sur les produits d'aspiration bron-
chique. Le traitement standard comporte l'utilisation de
CTX pendant une période de 21 jours. Le traitement
Tableau 2 Comparaison de l'étiologie des pneumonies chez les enfants infectés et non-infectés par le VIH
Infectés par le VIH Non-infectés par le VIH
Etude Pays Cas
n PJP
% CMV
% Bactéries
% TP Cas
n PJP
% CMV
% TP
% Bactéries
%
Autopsies
Lucas, 199623
Jeena, 199724
Ikeogu, 199725
Chintu, 200226
Côte d'Ivoire
Afrique du Sud
Zimbabwe
Zambie
78
36
122
180
14
52
16
29
N/A
52
7
22
N/A
N/A
87
41
1
3
5
18
77
36
62
84
0
0
0
7
N/A
6
0
4
N/A
0
3
26
N/D
N/A
74
50
Observations
ante mortem
Zar, 200127
Graham, 200228
Madhi, 200029
Afrique du Sud
Malawi
Afrique du Sud
151
93
548
10
17
N/A
N/A
13
N/A
14
14
15
8
N/A
9
99
57
N/A
4
0
N/A
N/A
N/A
N/A
8
N/A
8
14
16
7
Les bactéries isolées plus fréquemment chez les enfants infectés par le VIH que chez les non-infectés sont : Streptococcus pneumoniae, Haemophilus
influenzae type b, Escherichia coli, Staphylococcus aureus et Salmonella non-typhoïde.
VIH = virus de l'immunodéficience humaine ; PJP = pneumonie à Pneumocystis jirovecii ; CMV = cytomegalovirus ; TP = TB pulmonaire ; N/A = non appli-
cable ; N/D = non déterminé.
4 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
intraveineux peut être transformé en traitement peroral
après 5 jours si l'on observe une amélioration. La résis-
tance de P. jirovecii au CTX est difficile à mettre en
évidence vu l'impossibilité de cultiver cet organisme. Les
polymorphismes génétiques ont été utilisés pour indiquer
la présence de résistance. On a conclu à la résistance aux
sulfamides à partir de mutations ponctuelles spécifiques
dans le gène de la déhydrostéroate synthase et cette résis-
tance est en rapport avec l'utilisation préalable des médi-
caments pour la prophylaxie de la PJP. La signification
clinique de cette résistance reste encore mal définie. La
prévalence des mutants de la déhydrostéroate synthase
varie entre 70% et 80% aux Etats-Unis, 19% et 35% dans
certaines parties de l'Europe et se situe à 13% en Afrique
du Sud.31,32 Vu le manque de disponibilité de ces études
génétiques pour aider au diagnostic de la résistance, on
doit se baser sur des données comme les aggravations
évidentes clinique ou radiologique de la PJP malgré un
traitement satisfaisant au CTX ; l'aggravation ou l'absence
d'amélioration clinique après l'administration de CTX
pendant 5 à 7 jours indique une résistance probable. Des
régimes alternatifs pour la PJP progressive sont la clin-
damycine avec la primaquine, la dapsone avec le trime-
thoprim ou l'atovaquone.33 Les enfants atteints d'une
forme très sévère et d'une insuffisance respiratoire hy-
poxémique aiguë (paO2 < 70 mm Hg à l'air ambiant)
peuvent nécessiter des corticostéroïdes et une assistance
ventilatoire. Dans un essai multicentrique randomisé en
double aveugle et contrôlé par placebo, concernant les
corticostéroïdes en soutien dans la PJP, Walmsley et Coll.
n'ont pas montré le moindre effet sur les résultats clini-
ques alors que d'autres études prospectives avaient
confirmé les avantages et l'absence de risque de ce trai-
tement.34-36 On a fait une relation entre les corticostéroï-
des et la réactivation d'infections opportunistes latentes.37
Les avantages à court terme de la ventilation mécanique
chez les enfants atteints de PJP varient entre 0% et 60%.38
Virus
Le virus le plus couramment identifié chez les enfants
infectés par le VIH est le cytomegalovirus (CMV). Le
rôle pathogène exact de ce virus est incertain. P. jirovecii
et CMV se rencontrent souvent comme agents co-
infectants chez les enfants atteints de maladie grave.39 Il
est possible que le CMV ne soit qu'un compère innocent
ou encore qu'il puisse causer une réactivation de la mala-
die. Une « véritable » infection pulmonaire se manifeste
par la présence d'inflammation et d'une identification
histologique du virus dans les tissus pulmonaires prélevés
par biopsie qu'elle soit transbronchique et assistée par
radio-video ou qu'elle soit chirurgicale. En cas de maladie
clinique, il y a aussi parfois une atteinte systémique. Les
tests sérologiques et les cultures urinaires de CMV ne
sont pas suffisants pour confirmer un diagnostic. L'identi-
fication du virus en réplication active par une réaction de
polymérase en chaîne de l'ADN (PCR) est plus fiable
mais est difficile à obtenir dans la plupart des pays en
développement. Le traitement par le gancyclovir est
conseillé pour les patients atteints de rétinite, de troubles
gastro-intestinaux ou de maladie pulmonaire sévère due
au CMV. On ne les conseille pas comme traitement de
routine. Une infection active par le CMV dans une PJP
sévère a été décrite comme signe de mauvais pronostic.37
D'autres virus respiratoires tels le virus respiratoire
syncytial (RSV), le virus de la rougeole, les virus in-
fluenza et parainfluenza ainsi que l'adénovirus se ren-
contrent chez les enfants atteints de pneumonie et infec-
tés par le VIH.40 La prévalence des infections virales est
plus faible que celle des infections bactériennes chez les
enfants infectés par le VIH.41 Les taux de létalité prove-
nant de la pneumonie à RSV sont plus élevés chez les
enfants infectés par le VIH que chez les non-infectés
(8% vs. 2%).41 L'association de la rougeole et de la
pneumonie avec le VIH n'a pas été largement décrite,
bien que la rougeole soit estimée comme responsable de
800.000 décès par an au niveau mondial.42 La vaccina-
tion contre la rougeole s'avère protectrice à la fois chez
les enfants infectés et non-infectés par le VIH, mais une
maladie aiguë due à l'échec de la vaccination ou à l'ab-
sence de vaccin peut être fulminante. L'infection par le
VIH-1 n'augmente pas la sensibilité au metapneumovi-
rus humain,43 tandis que l'association entre le syndrome
de détresse respiratoire aiguë (SARS) et l'infection par
le VIH-1 n'a pas encore été décrite.
Bactéries
La pneumonie bactérienne est fréquente à tous les stades
de l'infection par VIH-1 et à tous les âges. Dans les pays
en développement, les IRA sont plus susceptibles d'être
dues aux bactéries qu'aux virus et ont une plus grande
gravité. La bactériémie est deux fois plus fréquente chez
les enfants infectés par le VIH que chez les non-infectés
(15% vs. 7%).29 Les pathogènes observés chez les en-
fants atteints de pneumonie et infectés par le VIH sont
similaires à ceux observés chez les enfants non-infectés.
S. pneumoniae est régulièrement la cause la plus fré-
quente de pneumonie bactérienne. L'incidence est esti-
mée comme étant 42 fois supérieure dans le groupe
infecté par le VIH par rapport au groupe non infecté.29
L'aspect clinique et les réponses au traitement sont simi-
laires à ceux observés chez les enfants non-infectés par
le VIH, mais les infections dues aux organismes résis-
tants à la pénicilline y sont plus fréquentes. Les taux de
rechute après traitement sont plus élevés chez les en-
fants infectés par le VIH que chez les enfants non-
infectés (6% vs. 3%).29 La pneumonie à Haemophilus
influenzae est également courante chez les enfants in-
fectés par le VIH, mais sa prévalence a pu être réduite
dans les pays où une vaccination de routine par le vac-
cin Hib a été introduite. Staphylococcus aureus et les
bactéries à Gram négatif (par exemple les salmonella
non-typhoIdes, Klebsiella pneumoniae, Escherichia coli
et Pseudomonas aeruginosa) sont également rencontrés
couramment chez les enfants infectés par le VIH.25,27
Les enfants infectés par ces pathogènes sont fréquem-
ment en état de malnutrition, répondent mal au traite-
ment de première ligne et ont des résultats médiocres.
Mycobacterium tuberculosis
Des 3,1 millions d'enfants (estimation) âgés de moins de
15 ans et atteints d'une infection tuberculeuse dans le
monde, la majorité réside dans les pays en développe-
ment où la prévalence du VIH est élevée.44 Différentes
études ont récemment confirmé que 7% à 16% de l'en-
semble des épisodes de pneumonie aiguë chez les enfants
infectés par le VIH sont dus à M. tuberculosis.45 La TB
VIH dans les IRA chez les enfants en Afrique 5
rend également compte d'environ un cinquième de tous
les décès d'enfants atteints de pneumonie aiguë.26
Infections doubles ou multiples
On a identifié chez les enfants atteints de pneumonie
aiguë, qu'ils soient ou non infectés par le VIH, une inci-
dence plus élevée d'infections par de multiples pathogè-
nes ; le résultat chez les enfants où la présence de pa-
thogènes multiples a été décelée est en relation directe
avec le nombre de pathogènes isolés. Dans une publica-
tion récente, Madhi et coll. ont signalé une réduction de
31% des pneumonies associées aux virus chez les en-
fants qui avaient bénéficié du vaccin pneumococcique
nonavalent ; 46 cette observation est cohérente avec la
notion du rôle du pneumocoque dans le développement
de l'infection virale et celle de la fréquence des infec-
tions doubles.
Pneumonie aiguë dans les maladies
pulmonaires chroniques
Quoique des études longitudinales de cohorte depuis la
naissance provenant d'Afrique aient démontré un taux
de mortalité supérieur à 60% chez les enfants infectés
par le VIH jusqu'à l'âge de 2 ans, l'incidence des mala-
dies pulmonaires chroniques chez les enfants africains a
augmenté de manière substantielle depuis le dévelop-
pement de l'épidémie de VIH.47 On observe fréquem-
ment des pneumonies bactériennes récidivantes se su-
perposant à des maladies pulmonaires chroniques.48 Les
bactéries identifiées sont semblables à celles rencontrées
dans la pneumonie aiguë, et les antibiotiques de pre-
mière ligne doivent être simplement administrés.
Procalcitonine et autres cytokines dans la pneumonie
La procalcitonine (PCT), un propeptide de l'hormone
calcitonine, sécrétée par le poumon et dont la demi-vie
est longue (24 h) convient comme marqueur pour la
détection de l'inflammation. Les niveaux de procalcito-
nine augmentent en cas d'infection systémique bacté-
rienne et mycosique et diminuent lorsque l'infection se
résorbe. On n'a pas observé d'augmentation dans les
infections virales. Les résultats préliminaires chez
l'adulte en cas de pneumonie associée au VIH montrent
des taux élevés (> 18 ng/ml) dans les infections bacté-
riennes, des taux faibles (< 2 ng/ml) dans la PJP et dans
les infections atypiques et des résultats intermédiaires
(2-7 ng/ml) chez les patients infectés par M. tuberculo-
sis.49 Des études complémentaires s'imposent pour
confirmer le rôle et la valeur diagnostique de la PCT
chez les enfants infectés par le VIH. D'autres cytokines
inflammatoires comme l'interleukine-1 (IL-1), l'IL-6 et
le facteur de nécrose tumorale alpha ont des demi-vies
plus courtes et des réponses variables dans le sérum et
dans les compartiments pulmonaires.
PROPHYLAXIE DE LA PNEUMONIE
ASSOCIEE AU VIH
Vaccination
Les vaccins bactériens conjugués ont la possibilité de
réduire le fardeau des maladies respiratoires, la coloni-
sation et par voie de conséquence, la charge microbio-
logique dans l'environnement de l'enfant infecté par le
VIH. Dans une étude sud-africaine sur près de 20.000
enfants, l'administration de vaccins conjugués d'Hémo-
philus influenzae de type b à 6, 10 et 14 semaines a eu
une efficience globale de 83% (intervalle de confiance
95% [IC] 60-93), mais son efficience est réduite à 43%
(IC 95% -76-82) chez les enfants infectés par le VIH par
rapport à 96% (IC95% 74-100) chez les enfants non
infectés.50 Comme des études récentes ont démontré que
l'immunité protectrice du vaccin Hib s'atténue avec le
temps, une dose complémentaire de relance du vaccin
est indispensable.51
Dans une autre grande étude prospective chez envi-
ron 40.000 enfants sud-africains vaccinés avec le vaccin
pneumococcique conjugué nonavalent, le vaccin admi-
nistré aux semaines 6, 10 et 14 s'accompagne d'une
réduction d'incidence du premier épisode invasif de la
maladie pneumococcique de 83% (IC 95% 39-97) chez
les enfants non-infectés par le VIH et de 65% (IC95%
24-86) chez les enfants infectés.52 Vu le fardeau global
des maladies pneumococciques dans la population, les
économistes de la santé pensent encore que l'introduc-
tion d'un vaccin pneumococcique conjugué sera à la fois
bénéfique et doué d'un rapport coût-efficacité comme
initiative de santé publique chez les enfants infectés par
le VIH. Les inquiétudes au sujet du remplacement des
souches de pneumocoques vaccinales courantes par des
souches non vaccinales identifiées dans les colonisa-
tions nasopharyngées ne se sont pas matérialisées dans
les études où le programme de vaccination est en cours
depuis quelques années.53 Les vaccins bactériens poly-
saccharidiques ne sont pas recommandés pour les en-
fants infectés par le VIH quel que soit leur âge car ils
peuvent accélérer la progression de la maladie VIH.
La vaccination contre l'influenza s'est avérée effi-
ciente pour réduire les hospitalisations chez les enfants
âgés de plus de 6 mois et dans des contextes à haut
risque, mais son rôle chez les enfants infectés par le
VIH doit encore être évalué. 54 On s'attend à ce qu'il soit
favorable. Le rôle des anticorps monoclonaux humani-
sés de souris contre le RSV n'a pas encore été testé chez
les enfants infectés par le VIH.
Chimioprophylaxie
PJP
La prophylaxie primaire au CTX à la dose de 5-10 mg/kg
et par jour devrait être instaurée chez tous les nourrissons
exposés au VIH depuis l'âge de 6 semaines et poursuivie
si le décompte de CD4 est inférieur à 15% des lymphocy-
tes totaux (ou à titre de suppléance si le décompte de
lymphocytes totaux lui-même est inférieur à 1.200 cellu-
les/mm3), ou si le patient a des symptômes de maladie
liées au VIH-1. La prophylaxie secondaire après un épi-
sode de PJP est recommandée pour toute la vie. Dans les
pays en développement où les décomptes de CD4 et les
tests PCR pour le VIH ne sont généralement pas disponi-
bles, l'OMS et le Programme Conjoint VIH/SIDA des
Nations Unies recommandent la poursuite de l'utilisation
du CTX pendant 12 mois ou jusqu'à ce que cesse l'expo-
sition liée à l'allaitement maternel et jusqu'à ce que le
nourrisson soit confirmé comme séronégatif pour le
VIH.55 Dans les pays où l'on s'inquiète au sujet du déve-
loppement d'une résistance bactérienne au CTX, la pro-
phylaxie limitée aux 6 premiers mois de la vie peut être
appropriée.56 Dans les pays où se déroulent des pro-
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