Permanence Des Soins en Aquitaine Les régulateurs libéraux Un état des lieux nécessaire pour une amélioration globale du système Face à la réorganisation de la Permanence des soins en cours depuis 2002, la commission « Permanence des soins et Régulation » de l’Union régionale des médecins libéraux d’Aquitaine a décidé en juin 2007 de dresser un état des lieux du système dans les différents départements aquitains. Mieux connaître l’histoire et les fonctionnements locaux est apparu indispensable pour contribuer à l’amélioration globale du système. Une première enquête, présentée ici, concerne la régulation libérale. Réalisée début mars 2008, elle a été présentée le 11 octobre 2008 à la 1e journée de la Permanence des soins en Aquitaine, avec une autre enquête, sur les responsables de secteur de PDS, qui fait l’objet d’une deuxième publication. Le mot de la Commission L’enquête auprès des médecins régulateurs libéraux En une génération, que de changements ! Naguère*, tous (ou presque) étaient de garde (urgences et PDS) tout le temps, s’organisant juste pour le dimanche et les jours fériés. Depuis, les patients sont devenus plus « consommateurs », et les médecins ont aspiré à une vie plus « normale ». Ils se sont davantage organisés, associés pour les gardes de soirée et de nuit, parfois les ont déléguées à des associations d’urgentistes apparues dans les grandes villes sur ce créneau. Malgré la réforme de la visite, la montée du « consumérisme » des patients, le reflux de la démographie médicale et la féminisation de la profession ont compliqué la donne. Que manquait-il ? À la fois une vraie reconnaissance du service rendu par l’astreinte du médecin de garde, et une régulation préalable des appels, par des médecins généralistes, pour essayer de mettre un peu de cohérence dans les demandes multiples de la population. C’est ainsi que sont apparus les médecins régulateurs libéraux, 30 à 60 volontaires pour chacun des 6 centres de régulation d’Aquitaine. À Bordeaux d’abord, parmi les premiers en France, puis dans les autres départements aquitains au fur et à mesure des besoins créés par la généralisation de la réforme de la PDS. Cette nouvelle facette de leur métier (participants au service public, et au service de l’ensemble de leurs confrères), les médecins généralistes la trouvent difficile mais exaltante. Ces médecins, nous vous les présentons dans ce document. Cette première enquête montre l’importance de la motivation des régulateurs libéraux à participer à la permanence des soins et un bilan plutôt positif de leur activité de régulation. Ce sont plus souvent des hommes, expérimentés et pour la plupart satisfaits de leurs conditions de travail malgré divers problèmes logistiques. Ils exercent un art jugé difficile par les trois quarts d’entre eux, notamment lors des afflux d’appels. La moitié d’entre eux ont déjà eu un problème notable avec un patient, un tiers avec un confrère effecteur. Ils sont satisfaits de leur formation initiale, beaucoup moins de leur formation continue, qui n’apparaît bien en place qu’en Gironde, doyenne régionale de la régulation libérale au Centre 15. La rémunération conventionnelle ne les agrée qu’une fois sur deux et ils font savoir que leur engagement à cinq ans dans la régulation reste majoritairement subordonné à l’amélioration, possible sur bien des points, de leurs conditions de travail. La commission « Permanence des soins et Régulation » * Cf. Journal de l’Urml Aquitaine N°31 – 2e trimestre 2005 « De la garde à la permanence des soins ». Union régionale des médecins libéraux d’Aquitaine 105 rue Belleville – 33000 Bordeaux www.urmla.org Les médecins régulateurs libéraux, une population plus masculine et plus âgée que celle de leurs confrères généralistes, une population très motivée Parmi les 206 régulateurs libéraux sollicités, 137 ont pu finalement participer à l’enquête, soit un taux de réponse satisfaisant de 67 %. Par rapport à l’ensemble des généralistes aquitains, les régulateurs sont plus souvent des hommes (78 % contre 72 %1) et sont en moyenne plus âgés (53 à 55 ans selon le département contre 49 à 51 ans1, soit quatre ans de plus) sauf dans le Béarn2 où ils ont 50 ans (contre environ 48). La majorité d’entre eux ont plus de vingt ans d’installation en cabinet, sauf en Béarn (43 %). Des difficultés liées à l’éloignement et à l’accès au Centre 15 mais une satisfaction globale par rapport aux moyens disponibles pour la régulation D’un point de vue logistique, le lieu de régulation est source de difficultés pour une majorité de médecins. Soit il s’agit de l’éloignement du centre de régulation, qui pose beaucoup de problèmes en Dordogne et dans les Landes (95 % des cas), également en Lot-etGaronne (74 %), en Béarn (64 %), la Gironde faisant exception à 23 % seulement. Pourcentage de régulateurs libéraux estimant que l’éloignement du centre de régulation présente une difficulté 95,2 Leur ancienneté dans le métier de régulateur libéral dépend surtout de l’ancienneté de l’existence de la régulation libérale (17 ans en Gironde, quatre ans en Béarn, trois en Dordogne, deux ans en Lot-et-Garonne et dans les Landes, aucune en Pays Basque où la régulation libérale au Centre 15 n’était pas encore en place). 73,7 La participation des médecins à la régulation est d’abord motivée par une réelle volonté de s’impliquer dans la permanence des soins (94 % des répondants). L’éducation de la population au bon usage du système de soins est aussi très souvent évoquée (83 %) tout comme l’attrait pour ce type d’exercice (81 %, notamment en Gironde et dans les Landes). Un médecin sur deux trouve aussi appréciable l’aspect complément de ressources. 1 2 Source : DRASS (fichier Adeli au 01/01/2007) Seuls les médecins au niveau de Pau sont pris en compte. 63,0 64,7 Béarn Aquitaine 22,6 Dordogne Ces médecins exercent majoritairement en groupe (81 % en Gironde et 70 % dans le Béarn), moins en Dordogne et dans le Lot-et-Garonne (47 %), très peu dans les Landes (18 %). Ils sont majoritairement installés dans l’agglomération du centre de régulation en Gironde (74 %) et en Dordogne (52 %), moins souvent dans les Landes (47 %) et peu en Lot-etGaronne (32 %) et en Béarn (24 %). 94,7 Gironde Landes Lot-etGaronne Source : Urmla, enquête régulation libérale 2008 Soit il s’agit de l’accès au Centre 15 (notamment pour le stationnement des médecins régulateurs), à Bordeaux surtout (pour 81 % d’entre eux), ainsi qu’à Périgueux (52 %), très peu dans les autres centres. Dernière difficulté notable : les régulateurs de Dordogne ont très peu accès à un plateau repas ou au self (19 % seulement), ceux du Lot-et-Garonne à peine davantage (33 %), alors que cette pratique est généralisée ailleurs. En revanche, en termes de locaux et moyens disponibles pour la régulation, une large majorité de médecins s’estiment plutôt satisfaits, tant au niveau de la disposition de la salle que du confort acoustique, de l’ergonomie du poste de travail, de l’éclairage ou encore du logiciel de régulation, quoique… Une satisfaction globale par rapport aux plages de régulation, mais des difficultés lors des afflux d’appels 86 % des médecins libéraux estiment que la durée des plages horaires de régulation est adaptée, les autres la trouvent trop longue (essentiellement 16 % de ceux de Dordogne et 28 % de ceux du Béarn). En revanche, la majorité des médecins régulateurs estime que cela se passe moyennement bien (59 %) voire mal (7 %) lors d’un afflux d’appels. Exception notable : les Landes (22 % seulement). Serait-ce parce que la PDS libérale y bénéficie d’un numéro distinct du 15 ? Lors d’un afflux d’appels, comment cela se passe-t-il ? (en %) 6,5 6,7 14,9 22,2 52,6 80,0 74,2 59,3 57,4 77,8 47,4 20,0 Dordogne Gironde bien Landes Lot-etGaronne moyennement bien Béarn Aquitaine mal Source : Urmla, enquête régulation libérale 2008 La régulation libérale, un art difficile : l’aspect médico-légal et la validité des décisions, en tête des préoccupations des régulateurs libéraux Lors du traitement des appels, les principales préoccupations des régulateurs libéraux sont l’aspect médico-légal (30 % des médecins) et la validité de leurs décisions (28 %). Le nombre d’appels en attente est également une préoccupation fréquente (21 %). La crainte de déranger le médecin effecteur sur un motif peu justifié ou le manque de temps pour réguler ou remplir la fiche sont évoqués par un médecin sur sept ou huit. Enfin, la crainte d’une éventuelle erreur d’orientation du Permanencier auxiliaire de régulation médicale (PARM) est rarement évoquée (4 %). 29,6 aspect médico-légal validité des décisions 27,9 nombre d’appels en attente 21,3 crainte de déranger le médecin effecteur sur un motif peu justifié 14,0 manque de temps pour réguler ou remplir la fiche éventuelle erreur d’orientation de la PARM 13,2 3,7 Source : Urmla, enquête régulation libérale 2008 La diversité des préoccupations des médecins reflète bien la difficulté de l’acte de régulation. Ainsi, 69 % des régulateurs estiment que l’acte de régulation est difficile et 7 % le considèrent très difficile. Les trois quarts des médecins reconnaissent même s’être déjà sentis en difficulté au cours d’une régulation. Cette proportion est logiquement plus élevée parmi les médecins qui participent à la régulation depuis au moins deux ans (81 % contre 64 % pour ceux qui participent depuis moins longtemps). 34,1 27,7 19,4 Principales préoccupations des régulateurs libéraux lors du traitement des appels (en %) De bonnes relations avec la plupart des partenaires de travail, parfois moins bonnes avec les patients Les régulateurs libéraux entretiennent globalement de bonnes voire d’excellentes relations avec leurs différents partenaires de travail (PARM, régulateurs hospitaliers, médecins effecteurs, pompiers et ambulanciers). Peu de médecins déclarent avoir eu dans l’année un problème notable avec un PARM (7 %), un régulateur hospitalier ou un autre régulateur libéral (5 %). En revanche, un médecin sur trois a dû gérer un problème avec un médecin effecteur de PDS (le plus souvent des refus de visite ou des problèmes d’absentéisme) et un sur deux avec un patient. La proportion de médecins ayant rencontré un problème avec un patient est moins élevée, dans les Landes notamment, qu’en Dordogne. Des progrès souhaités sur la formation continue et la rémunération pour améliorer la perspective à cinq ans Si la plupart des médecins sont satisfaits de la formation initiale spécifique à la régulation, les deux tiers jugent la formation continue proposée inexistante ou inadaptée. Cette proportion est beaucoup moins élevée en Gironde, où des journées de formation sont organisées depuis des années (17 %), qu’en Dordogne (65 %), Landes (69 %), PyrénéesAtlantiques (86 %) et Lot-et-Garonne (93 %). Par ailleurs, plus de la moitié (52 %).des régulateurs libéraux se déclarent insatisfaits de la rémunération conventionnelle actuelle (3C/heure, y compris le weekend et la nuit). Les médecins dressent toutefois un bilan globalement positif de leur participation à la régulation. En effet, 91 % en sont satisfaits voire très satisfaits. Plus d’un médecin sur trois (35 %) envisage d’être encore régulateur dans cinq ans et 52 % pensent qu’ils le seront uniquement sous certaines conditions : par exemple s’ils sont encore motivés, si leur santé le permet, si le planning de régulation est satisfaisant, si les conditions de travail s’améliorent ou si les régulateurs sont plus nombreux. Enfin, les médecins se sont prononcés sur différents systèmes expérimentaux ou envisagés ou en fonctionnement dans divers départements ou régions de France. Ainsi, les trois quarts des régulateurs aquitains seraient favorables à une augmentation du nombre de régulateurs libéraux ou à une régulation libérale nocturne systématique avec repos compensateur rémunéré le lendemain. Environ trois médecins sur dix seraient favorables à une régulation libérale nocturne systématique (le week-end ou la semaine) ou à un système d’appels pour la seule PDS libérale (interconnecté avec le 15). Un médecin sur cinq se déclare aussi favorable à un système de régulation informatisé interconnecté depuis le domicile ou à une dispense des astreintes d’effecteur du fait de sa fonction de régulateur libéral. Enfin, un système de régulation supra-départemental voire régional n’est évoqué que par 14 % des médecins. Pourcentage de régulateurs libéraux favorables à… (en %) une augmentation notable du nombre de régulateurs libéraux 73,4 une régulation libérale nocturne systématique avec repos compensateur rémunéré le lendemain 73,3 une régulation libérale nocturne systématique le week-end 33,3 un système d'appels pour la seule PDS libérale interconnecté avec le 15 32,0 une régulation libérale nocturne systématique la semaine un système de régulation informatisé interconnecté depuis le domicile une dispense totale des astreintes d'effecteur du fait de leur fonction de régulateur libéral un système de régulation supra-départemental voire régional 29,6 22,3 21,7 14,3 Source : Urmla, enquête régulation libérale 2008 En conclusion… Ce premier volet d’enquête a permis de mieux connaître le déroulement de la régulation dans les différents centres d’Aquitaine et de mettre en évidence les principales difficultés locales ou globales. Ce bilan constitue ainsi un outil intéressant pour guider le choix des améliorations à apporter au système de régulation de la PDS. Il devra être régulièrement reconduit dans les années futures pour évaluer l’évolution de la perception de ces médecins face aux changements structurels du système. Changements imposés et/ou négociés, la réorganisation de la Permanence des soins n’est à l’évidence pas terminée. Le comité d’organisation de la journée PDS et les intervenants de la commission Dr Kamel Hamtat (Pyrénées-Atlantiques), Dr David Chevillot (Gironde), Dr Jean-Louis Desage (Dordogne), Dr Michel Durenque (Lot-et-Garonne), Dr Philippe Moreaud (Gironde), Dr Didier Simon (Landes) Dr Claude Autran (Pyrénées-Atlantiques), Dr Nicolas Brugère (Gironde), Dr Alain Forcade (Pyrénées-Atlantiques), Dr Michel Horgue (Landes), Dr Émile Parquier (Dordogne) Document réalisé en collaboration avec l’Observatoire régional de la santé d’Aquitaine (Orsa) – Espace Rodesse – 103 ter rue Belleville – 33000 Bordeaux téléphone : 05 56 56 99 60 – site : www.ors-aquitaine.org – mail : [email protected] - Octobre 2008 -