LIBÉRALE La profession suit-elle l’évolution ? Système de santé

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LIBÉRALE
Système de santé
La profession suit-elle l’évolution ?
La santé est un “bien” qui doit être accessible à tous.
Tous les acteurs en sont convaincus. Mais on découvre
aussi qu’elle a un coût... L’intervention publique est
donc indispensable pour gérer ce bien, et pour réguler ce marché particulier de l’offre et de la demande.
Le système de protection à la française survivra-t-il ?
© P. Alix-Phanie
P
our comprendre le système de santé
français et ses dérives en cette fin de
XXe siècle, il est indispensable de revenir
à son origine.
• 1945 : fin de la Deuxième Guerre mondiale.
Nécessité de reconstruire le pays, croissance
économique importante mais ressources en
santé publique insuffisantes pour couvrir les
besoins.
Les objectifs des quatre acteurs de santé que
sont l’État, la Sécurité sociale nouvellement
créée, les professionnels de santé et les patients
convergent.
• 1970 : la croissance diminue. Les intérêts des
quatre acteurs de santé divergent.
Charges sociales de plus en plus lourdes, pénalisant les entreprises, les rendant moins compétitives sur le marché international, chômage et
nombre de cotisants qui diminue. Moins de
recettes pour la Sécurité sociale alors que les
professionnels offrent toujours une qualité et
une quantité croissantes de soins pour des
patients qui veulent être toujours mieux soignés
et remboursés comme au bon vieux temps !
Différentes conventions ont été successivement
signées entre les acteurs de santé conscients du
coût de ce bien public. Pour réguler ce marché
de l’offre et de la demande, l’intervention de
l’État est nécessaire.
Cependant, malgré les différentes conventions
signées régulièrement, les divergences demeurent. Les économistes de la santé ont montré que
l’augmentation de la population médicale n’entraînait pas une baisse de l’activité moyenne des
médecins, ni une baisse du coût des actes – ce
qui devrait se passer dans un marché régi par
l’offre et la demande – mais tout le contraire. Ils
en ont donc déduit que c’est l’offre de soins qui
induisait la demande : c’est la fameuse théorie de
L’hospitalisation à domicile fait partie des nouveaux enjeux du système de santé. La profession
libérale est au premier chef concernée.
l’offre et de la demande sur laquelle les autorités
de tutelle ont sauté, justifiant ainsi le numerus
clausus, les quotas, etc. Mais si l’on suit cette
logique, on peut aussi s’interroger : est-ce parce
qu’il y a beaucoup de cardiologues qu’il y a
beaucoup d’infarctus ? Les cancers sont-ils de la
faute des cancérologues ? Ne sommes-nous pas
dans un marché ouvert parce que le prix des
actes est imposé, tout simplement ? Enfin, les
économistes n’ont pas tenu compte du vieillissement de la population et de sa répartition, ni du
progrès des techniques médicales dont le coût
est forcément plus élevé. L’État se retrouve
aujourd’hui face à une nouvelle régulation à
mettre en place.
Jusqu’à présent, le système de santé français se
caractérise par une régulation mixte qui se traduit
par : un effacement du rôle de prix (l’augmentation ne limite pas la demande) ; une non-limitation des ressources globales (pas d’enveloppe) ;
des comportements stratégiques suivant les intérêts de chacun. Mais cette régulation mixte ●●●
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●●● qui se traduit par une courbe exponentielle
des dépenses de santé est une non-régulation.
Deux blocs face à face
Le bloc public perçoit les cotisations et rembourse les prestations des professionnels de
santé. Il est le garant de l’égalité et de l’accès aux
soins pour tous. Mais, comme le confirme le
dernier rapport de la Cour des comptes, il est
incapable de gérer les sommes astronomiques
qu’il brasse. C’est une simple tirelire qui se vide
plus qu’elle ne se remplit.
Le bloc libéral propose son savoir en matière
de santé. C’est un secteur non commercial, non
étatisé, non régi par les règles du marché puisque
c’est la tutelle qui fixe par convention les honoraires. Mais la concurrence existe bel et bien :
entre libéraux, entre secteurs public et privé.
La régulation doit se faire sur l’un ou l’autre bloc.
Sur le type de cotisations, il est impensable, en
France, de faire payer suivant le risque de l’assuré. Il est également impensable de payer un
forfait identique quel que soit son revenu. Il
apparaît donc difficile de mettre en place une
concurrence sur l’assurance elle-même, comme
pour une assurance automobile par exemple,
avec un système de bonus-malus.
L’État en vient donc tout naturellement à orienter sa régulation sur l’achat de soins, ce qui
concerne directement les libéraux. Lutter contre
la sectorisation, qui prévaut actuellement dans
le système de santé français, pour la prise en
charge du patient est une idée qui commence à
éclore et qui pourrait être source d’économie :
réseaux, filières, Agence régionale de l’hospitalisation, etc. vont dans ce sens. Cela impliquera,
pour le libéral, une remise en question de son
mode d’exercice et de sa façon de travailler.
Nous voyons apparaître des thèmes comme :
qualité, accréditation… Ce n’est pas par hasard.
Les soignants doivent s’inscrire dans une
démarche concurrentielle portant sur la qualité
de leurs prestations. N’en déplaise à certains qui
se croient les meilleurs parce qu’ils ont plusieurs
années d’exercice derrière eux. Il paraît fondamental de rester au top des connaissances et du
savoir-faire par une formation continue personnelle ou assurée par des organismes spécialisés.
Même si ces formations ne sont plus prises en
charge par le FIF-PL (les CPAM, quant à elles,
sont tenues de dédommager les soignants de par
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la Convention), il faut bien être conscient qu’il
s’agit d’un investissement.
Il faut également se rapprocher de “l’esprit d’entreprise”. Ne pouvant agir sur les honoraires, les
revenus des libéraux ne pourront augmenter ou
du moins se maintenir que s’ils agissent sur leurs
coûts de production : informatique, secrétariat,
logistique seront moins lourdes si elles sont mises
en commun... L’esprit libéral égoïste, qui nous a
tant fait de mal, va encore en prendre un coup !
Se regrouper ou se spécialiser
Pour mieux répondre à la demande, il est impératif de se regrouper ou de se spécialiser.
N’oublions pas que, sur le plan collectif, des
entreprises de soins privées sont déjà sur le
marché – SSIAD, aides ménagères, collectivités
locales, grandes entreprises qui ouvrent des
maisons de retraite clef en main... – et qui, elles,
ne sont pas soumises aux contraintes de l’exercice libéral. Les libéraux devront savoir vendre
leurs soins et prouver qu’ils sont de qualité. Et
des soins de qualité engendrent toujours des
économies. Le décret sur les interventions dans
les maisons de retraite va tout à fait dans ce
sens : la direction signera une convention avec
chaque infirmier pour une enveloppe globale de
soins. Pour un forfait unique, autant avoir la
meilleure équipe... Et qui sait si des libéraux
n’auront pas la tentation de se vendre moins
cher pour décrocher le marché, qui ira naturellement à la baisse ?
La concurrence arrive à grands pas. Y sommesnous suffisamment préparés ? C’est l’enjeu des
prochaines décennies. Il ne restera sur le marché
que ceux qui se seront regroupés ou qui proposeront des soins spécialisés. La régulation devra
en passer par là, ou le système de protection à la
française explosera. Que préférons-nous ?
Jean-Bernard Calbera
Infirmier libéral
Administrateur du CH Gaillac (81)
Un nouveau site web
L’association AIISADER
(Association des Infirmières et Infirmiers de Soins A Domicile Étude et Recherche) à la joie de vous annoncer la naissance
de son site Web : www.multimania.com/aiisader
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