ETUDES et TRAVAUX n° 19 Les systèmes de culture à base de couverture végétale et semis direct en zones tropicales Synthèse bibliographique rédigée par Isabelle DOUNIAS ________________________________________________ CNEARC CIRAD-CA ________________________________________________________ Janvier 2001 CNEARC Centre National d’Etudes Agronomiques des Régions Chaudes 1 TABLE DES MATIERES AVANT-PROPOS 6 INTRODUCTION 10 PARTIE 1 : HISTOIRE DU SEMIS DIRECT SUR COUVERTURE VEGETALE 16 I. Les SCV traditionnels anciens sous les tropiques humides II. Mise au point et diffusion des SCV "modernes" en zone tempérée 2.1. L'expérience américaine 2.2. L'Australie du Sud-Ouest : une expérience comparable à celle des Etats-Unis 2.3. Bilan III. Retour sous les tropiques des SCV sous leurs formes modernes 3.1. Cas des systèmes de production motorisés et orientés vers le marché : rôle du Brésil 3.2. Cas des petites exploitations agricoles familiales IV. Conclusion 17 18 18 21 22 22 23 24 24 PARTIE 2 : DIVERSITE DES SITUATIONS ET DES MODALITES DE MISE EN ŒUVRE DES SCV : ETUDES DE CAS EN ZONE TROPICALE 25 A. GRANDE CULTURE MOTORISEE ET PETITE AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE SUBTROPICALE HUMIDE : L’ETAT DU PARANA AU BRESIL 27 I. LE Nord-Parana : exemple du site de Rôlandia 1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 1.2. Le semis direct sur couverture végétale : un système développé par les producteurs de soja et de blé, appuyés par la recherche-développement 1.3. Conclusion II. Le Sud-Parana : exemple du site de Ponta Grossa au Centre-Sud 2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 2.2. Le semis direct sur couverture végétale : un système développé par la recherche III. Conclusion 28 28 32 36 37 37 38 39 B. GRANDE CULTURE MOTORISEE EN ZONE TROPICALE HUMIDE : 40 I. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production Agricole. 41 1.1. Le milieu naturel 41 1.2. Les unités de production 42 1.3. Les conduites techniques conventionnelles mises en œuvre par les entrepreneurs privés 42 1.4. Conclusion 43 II. Le semis direct sur couverture végétale : un nouveau système d'exploitation du milieu proposé par la recherche 44 2.1. Les grands principes des SCV dans les cerrados 44 2.2. Fonctionnement des principaux SCV dans les cerrados 47 2.3. Récapitulatif 53 III. Performances et impacts des SCV sur le milieu agricole 53 IV. Conclusion 54 2 C. PETITE AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE TROPICALE HUMIDE 55 I. Le littoral atlantique dans le nord du Honduras 1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 1.2. Le semis direct de maïs sur couverture végétale de Mucuna : un SCV développé spontanément par les petits agriculteurs 1.3. Conclusion II. Les zones forestières d’Afrique de l’Ouest 2.1.En Côte d'Ivoire 2.2. Au Bénin 2.3. Bilan sur les cas d’Afrique de l’Ouest III. Conclusion 55 56 57 64 64 65 68 70 71 D. AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE SEMI-ARIDE 72 I. L’Ouest mexicain 72 1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 73 1.2. Le semis direct de maïs avec paillis de résidus : un système développé par la recherche 78 1.3. Conclusion 81 II. Le Sud-Ouest de Madagascar 84 2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 85 2.2. Le semis direct sur couverture végétale : un nouveau système d’exploitation du milieu 88 III. Quelques compléments à partir des travaux menés dans le Nord de Côte d’Ivoire 90 3.1. La plante de couverture est semée au même moment que la culture principale. 90 3.2. La plante de couverture est semée de façon décalée, au moment du premier sarclage manuel de la culture, sarclage qui permet d’enfouir les graines. 91 91 IV. Conclusion PARTIE 3 : PROCESSUS AGROBIOLOGIQUES MIS EN JEU PAR LES SCV 92 A. EFFETS DES SYSTEMES SCV SUR LES ENNEMIS DES CULTURES : CONTROLE DE LA FLORE ADVENTICE ET DES ORGANISMES PARASITES 93 I. Impacts sur la flore adventice 1.1. Les principaux mécanismes de contrôle mis en jeu 1.2. Avantages et inconvénients 1.3. Bilan II. Impacts sur les maladies et sur les parasites des cultures 2.1. Avantages 2.2. Inconvénients 93 93 94 95 96 96 96 B. EFFETS DES SCV SUR LES ETATS PHYSIQUES DU SOL ET LE STOCKAGE DE L'EAU 97 I. Impacts sur l’état structural du sol 1.1. Conséquences du non-travail du sol avant semis 1.2. Actions en profondeur du sol des plantes de couverture 1.3. Actions en surface du sol de la couverture végétale 1.4. Bilan II. Impacts sur le stockage de l'eau dans le sol 2.1. Meilleure valorisation des eaux de pluie 2.2. Evolution des pertes en eau 2.3. Bilan 97 97 97 100 101 102 102 102 103 3 C. EFFETS DES SCV SUR LES CARACTERISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES ET L'ACTIVITE BIOLOGIQUE DU SOL 106 I. Impacts sur les caractéristiques physico-chimiques du sol 1.1. Conservation, voire amélioration du taux de matière organique dans le sol 1.2. Evolution de la disponibilité des éléments minéraux dans le sol 1.3. L'acidité du sol II. Impacts sur l’activité biologique du sol 2.1. Les micro-organismes du sol (microflore et microfaune) 2.2. La faune du sol 2.3. Conséquences sur les propriétés du sol 2.4. Conclusion 106 106 107 109 109 110 110 110 110 PARTIE 4 : CONDITIONS D’ADOPTION ET DE DIFFUSION DES SCV EN MILIEU AGRICOLE 112 A. LES BESOINS EN EQUIPEMENTS, EN INTRANTS ET EN MAIN D’ŒUVRE 113 I. Les équipements spécifiques 113 1.1. Cas des systèmes de production où semis et sarclages sont réalisés manuellement 113 1.2. Cas de systèmes de production où semis et sarclages sont réalisés en traction animale 114 1.3. Cas des systèmes de production où semis et sarclages sont réalisés en motorisation 115 1.4. Bilan 115 II. Les intrants spécifiques 116 III. Les besoins en main d’œuvre et les temps de travaux 116 3.1. Cas des systèmes de production où les interventions sont réalisées manuellement 116 3.2. Cas des exploitations familiales du sud du Parana qui travaillent en traction animale 116 3.3. Cas des grandes exploitations motorisées au Brésil (Parana et cerrados) 117 3.4. Bilan 117 IV. Conclusion 118 B. PERFORMANCES ECONOMIQUES 118 I. Le système maïs-Mucuna au Nord-Honduras 118 1.1. Analyse comparée pour une année moyenne de la rentabilité en semis conventionnel et en semis direct sur couverture de Mucuna 118 1.2 Analyse comparée de la rentabilité des deux systèmes sur l’ensemble de la rotation 122 1.3. Conclusion 123 II. les scv et les grandes exploitations agricoles motorisées 123 2.1. Cas de la culture du cotonnier dans les cerrados au Brésil 123 2.2. Autres exemples 124 III. Conclusion 126 C. CONDITIONS D’INTEGRATION DANS LES SYSTEMES DE PRODUCTION ET LES SYSTEMES AGRAIRES 127 I. Les activités d'élevage 1.1. Introduction 1.2. Etudes de cas II. Les facteurs socio-économiques d’adoption 127 127 128 129 4 CONCLUSION 131 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 135 TABLE DES MATIERES 142 LISTE DES FIGURES 146 SIGLES 147 ANNEXES 148 RESUME 164 5 AVANT-PROPOS Du fait de la nature de leurs sols et du régime des précipitations, les milieux tropicaux sont, pour l'essentiel, des milieux fragiles, rapidement dégradables si les modes de culture sont inadaptés. Ce sont aussi les régions où la population croît le plus vite et où la pauvreté affecte le plus grand nombre. C'est donc dans ces régions que le défi de concilier production agricole et protection de l'environnement paraît le plus important mais aussi le plus difficile à relever. Parmi les différentes voies qu'agronomes et agriculteurs ont exploré pour relever ce défi, les systèmes de culture à base de couverture végétale et semis direct (SCV), apparaissent comment un des modes de culture les plus appropriés pour assurer à la fois production et protection de la ressource en sol, et permettre ainsi une gestion durable des milieux tropicaux. Alors que pendant longtemps la recherche agronomique tropicale n'a pas accordé à ces systèmes toute l'attention qu'ils méritaient, on note depuis une dizaine d'années un développement important des recherches les concernant et un intérêt croissant des agences de coopération bi et multilatérales pour la mise en oeuvre de ces systèmes de culture. Dans plusieurs régions du monde tropical le CIRAD a joué et joue un rôle majeur dans la mise au point et la diffusion de ces systèmes. Dans le même temps, le CNEARC a intégré dans ses enseignements l'analyse de ce mode de gestion agro-écologique des zones tropicales.C'est pourquoi il est apparu opportun à ces deux institutions de collaborer pour faire le point sur les connaissances acquises sur les systèmes de culture à base de couverture végétale et semis direct. Ce n'est pas une entreprise aisée compte tenu de la très large gamme de situations où ces systèmes sont ou pourraient être pratiqués et de l'abondance des données bibliographiques qu'heureusement Michel Raunet a commencé à rassembler. En dépit de ces difficultés, une première tentative de synthèse bibliographique sur les SCV a été faite en 1999 dans le cadre d'un travail collectif d'étudiants du CNEARC (cf. note jointe) Ce premier travail a été ensuite repris dans le cadre d'une collaboration plus formalisée entre le CNEARC et le CIRAD-CA et son programme GEC (gestion des écosystèmes cultivés). C'est à Isabelle Dounias qu'a été confiée la tâche de reprendre cette première synthèse en vue de la compléter et d'en améliorer la cohérence et les bases scientifiques et bibliographiques. Le présent document qui en a résulté est organisé de la façon suivante: • une présentation générale de l'histoire de la mise au point et de l'extension des SCV à travers le monde est faite en première partie. • sont analysées dans une deuxième partie les différentes modalités d'application de ces systèmes dans différentes régions du monde tropical. • la troisième partie est consacrée à l'étude des mécanismes et processus agrobiologiques mis en jeu par les SCV. Dans cette partie sont analysés les effets de ces systèmes sur les états physiques, les caractéristiques physico-chimiques et l'activité biologique du sol, le contrôle des adventices et plus généralement l'état phytosanitaire des cultures. 6 ! enfin la dernière partie aborde les problèmes posés par la faisabilité de ces systèmes en mettant l'accent sur les conditions économiques et sociales de leur adoption par les agriculteurs. Nous sommes conscients que compte tenu du temps imparti pour élaborer ce document et du développement rapide des recherches sur les SCV, cette synthèse est loin d'être exhaustive. Elle doit être considérée comme une étape vers l'élaboration d'un ouvragede référence sur les connaissances relatives aux SCV. Mais en attendant, nous pensons que la publication de cette synthèse bibliographique peut être utile à la fois pour la formation des agronomes tropicalistes mais aussi pour les chercheurs travaillant sur les SCV, ainsi que pour tous ceux qui s'intéressent à leur mise en pratique. Pour terminer, nous voudrions souligner que l'élaboration de cette synthèse constitue une bonne illustration du bénéfice mutuelqu'institutions de recherche et d'enseignement peuvent retirer de leur coopération. Nous espérons que dans le cadre de la volonté partagée par le CIRAD et le CNEARC de renforcer les synergies entre recherche et enseignement supérieur, cette collaboration pourra se poursuivre sur les SCV et s'étendre à d'autres thématiques. Enfin, nous tenons à remercier tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce document et en particulier tous les chercheurs du CIRAD qui ont bien voulu partager avec les étudiants et Isabelle Doumias leur expérience et leur savoir. Alain Capillon Directeur du CIRAD-CA Philippe Jouve Directeur scientifique du CNEARC 7 Comme indiqué dans l’avant propos, cette synthèse bibliographie a été rédigée en partie, sur la base d’un travail collectif des étudiants de la spécialisation AGIR du Master of Science Développement Agricole Tropical (DAT) du CNEARC, effectué en mars 1999. Ce premier travail a consisté, à partir de documents bibliographiques, à faire le point sur les connaissances acquises en matière de systèmes de culture à base de couverture végétale en zones tropicales. Il a fait l’objet d’une restitution lors d’un séminaire auquel ont participé des partenaires de la recherche et du développement. Les contributions des étudiants ont été ensuite rassemblées et publiées dans le document intitulé « les systèmes de culture à base de semis direct sur couverture végétale » que l’on peut se procurer auprès du secrétariat du Master DAT. Etudiants ayant participé à la réalisation de la première étude bibliographique BERNET Cédric BERTHOMME Pascale DANGE Guillaume ENONE EDJANG Mathieu FERRATON Nicolas GOMEZ François HAUSWIRTH Damien JOET Maguelone KURTZ Carine LE POMELEC Marion LIENHART Pascal MAURY Sandra MOUSSA Mahamane PEIGNE Alain PRAK Sereyvath ROCA Carlos SCOTTO di RINALDI Hélène TALON Marie-Pierre WIRT Nathalie Participants au séminaire de restitution AFFHOLDER F. (CIRAD/CA) MALEZIEUX E.(CIRAD/AGER) BOURGEON G. (CIRAD/AMIS) MARAUX F. (CIRAD/AMIS) FOREST F.(CIRAD/CA) REBOUL J.L. (CIRAD) TREBUIL G. (CIRAD/CA) TRIOMPHE B. (CIRAD-CIMMYT) SEZNEC A. (A.F.D) Responsable de la formation et de l’organisation du séminaire : - Philippe JOUVE (CNEARC), assisté de Pierre CLAVIER. Les travaux des étudiants qui ont plus particulièrement contribué à la synthèse bibliographique de janvier 2001 sont les suivants : Partie 1 : Histoire du semis direct sur couverture végétale Contribution de P. LIENHART, D. HAUSWIRTH diffusion des SCV « moderne » en zone tempérée (1) sur la mise au point et Partie 2 : Diversité des situations et des modalités de mise en œuvre des SCV : études de cas en zone tropicale. C.Petite agriculture familiale en zone tropicale humide. Contribution de M. LE POMMELEC et M.P. TALON sur : les SCV sur le littoral atlantique dans le nord du Honduras (1) 8 Partie 3 : Processus agro-biologiques mis en jeu par les S.C.V Contributions de F. GOMEZ et C. KURT sur les effets des systèmes S.C.V sur les ennemis des cultures : contrôle de la flore adventice et des organismes parasites (1) S. MAURY, S. PRAK et N. WIRT sur les effets des S.C.V. sur les états physiques du sol et le stockage de l’eau : Figures 3.1, 3.2, tableau 3.1 (1) C. BERNET, M. ENONE EDJANG, D. HAUSWIRTH et C. ROCA sur les Effets des S.C.V sur les caractéristiques physico-chimiques et l’activité biologique du sol. – Impact sur l’activité biologique du sol (1) Partie 4 : Conditions d’adoption et de diffusion des S.C.V Contributions de . P. BERTHOMME et N. FERRATON sur Les besoins en équipement, en intrants et en main d’œuvre (1) P. LIENHART et H. SCOTTO di RINALDI sur les Performances économiques des SCV (1) ; G. DANGE et M. JOET sur les conditions d’intégration dans les systèmes de production et les systèmes agraires (1) Enfin l’annexe de la synthèse bibliographique de 2001 reproduit la description des principales plantes de couverture utilisées qui avait été faite par M. LE POMMELEC et M.P. TALON (1) Ces contributions ont fait l’objet d’un exposé oral lors du séminaire de mars 99 et ce sont elles qui ont été rassemblées par Pierre CLAVIER dans le document intitulé « les systèmes de culture à base de semis direct sur couverture végétale. Etude bibliographique mars 1999 ». 9 INTRODUCTION De la défriche brûlis aux systèmes à base de couverture végétale Avant de présenter les caractéristiques principales des systèmes de culture à base de couverture végétale et semis direct (SCV), il nous a semblé utile de replacer ce mode de culture dans le cadre de l'évolution générale des systèmes agraires et par une approche d'agriculture comparée de le resituer par rapport aux autres grands modes d'exploitation agricole des milieux tropicaux. Avant leur mise en culture, la grande majorité des zones intertropicales comme des zones tempérées était recouverte de forêts. Leur mise en culture a donc commencé par la suppression de la forêt et le système le plus généralement adopté pour cultiver les terres a été, au départ, le système de défriche-brûlis, entraînant dans la plupart des cas l'itinérance des cultures. Ce système, dans sa forme originelle, peut se caractériser par un temps de culture court, un à trois ans, alternant avec un temps de jachère long, dépassant généralement la dizaine d'années, et permettant la reconstitution d'un couvert forestier. Ainsi, ce système sans assurer le maintien de la forêt primaire, permet toutefois la régénération d'un couvert forestier. Il n’est donc pas juste, comme on a trop souvent tendance à le faire, de l'accuser d'être la cause principale de la déforestation des milieux tropicaux, en ne considérant que la phase d'abattis-brûlis qui précède la mise en culture et en occultant la phase de recrû forestier qui lui succède. Si ce système a été longtemps décrié, c'est aussi parce que les bases agronomiques de son fonctionnement et les avantages qu'il représentait pour les agriculteurs étaient mal connus. Si l'on veut bien considérer que les SCV constituent en fait une alternative au système de défriche-brûlis plus qu'à la forêt primaire, il n'est donc pas inutile de s'arrêter un instant sur les caractéristiques de ce système et les avantages qu'il représente pour les agriculteurs. En effet, sa substitution par un système à base de couverture végétale ne sera acceptée que si les bénéfices que peuvent en retirer les agriculteurs sont supérieurs à ceux que leur procurait le système de culture précédent. Les travaux, d'un certain nombre de chercheurs (1), nous permettent de mieux comprendre le fonctionnement des systèmes de défriche-brûlis. L'abattage et le brûlis du couvert forestier ont comme premier intérêt de concentrer dans les horizons de surface et donc de mettre à la disposition des futures cultures une partie des éléments minéraux (P et K) accumulés par le couvert forestier, en provenance des couches profondes du sol.Cette opération favorise également la correction du pH du sol et de son acidité par la libération des bases alcalines. L’amélioration des caractéristiques physicochimiques se prolonge durant plusieurs années et on ne peut donc expliquer, comme cela a été (1) Outre les publications de Ruthenberg, on peut mentionner les travaux de R. Moreau sur l'effet de la défriche- brûlis sur les sols forestiers tropicaux, ceux d'A. de Rouw sur les conséquences de l'allongement du temps de culture sur la végétation de la jachère qui suit ainsi que les publications d'H. Cochet sur les performances économiques des systèmes de défriche-brûlis. 10 longtemps fait, la brièveté du temps de culture par la baisse de fertilité des sols. En fait, l'analyse des pratiques des agriculteurs montre que ce qui les amène à abandonner leurs champs pour en défricher de nouveaux, c'est avant tout la pression des mauvaises herbes. Le développement d'un couvert forestier durant le temps de jachère entraîne l'extinction des adventices. Après la défriche, le sarclage est donc inutile ou très sommaire. L'absence quasi générale d'instruments de sarclage dans l'outillage des agriculteurs pratiquant la défriche brûlis témoigne de cet avantage de la défriche. Mais cet avantage est de courte durée et c'est la rapide infestation des champs par les adventices qui est la cause principale de la brièveté du temps de culture dans les systèmes de défriche-brûlis. Ces caractéristiques agro-écologiques se traduisent par des performances économiques qui, elles aussi, n'ont pas toujours été évaluées à leur juste valeur. Ces systèmes assurent une bonne productivité des surfaces cultivées pouvant atteindre deux tonnes de grains (riz ou maïs) par hectare . Cependant rapportée à la totalité des surfaces nécessaires au bon fonctionnement du système (surfaces cultivées plus jachère), cette productivité de la terre devient médiocre (moins de 2 quintaux de riz / ha) et on peut à juste titre considérer ce mode de culture comme extensif. Quant à la productivité du travail, elle est généralement bonne du fait de la simplification des façons culturales (pas de travail du sol, pas ou peu de sarclage qui est la charge en travail la plus importante en agriculture manuelle). Ces différentes caractéristiques expliquent que ces systèmes aient été pratiqués dans la plupart des régions du monde et continuent de l'être partout où les densités de population le permettent. En effet, les exigence en terre de ces systèmes font qu'ils ne sont reproductibles qu'en deçà d'un seuil de population rurale qui se situe entre 10 et 20 habitants par km2. Au delà de ce seuil, on observe un allongement du temps de culture et une diminution du temps de jachère qui fait perdre au système la plus grande partie de ses avantages. En effet, l'allongement du temps de culture entraîne le développement des mauvaises herbes et l'accroissement du temps de travail. Cet accroissement joint à la diminution des rendements consécutive à la baisse de fertilité du sol provoque une chute de la productivité du travail. Mais les conséquences de l'allongement du temps de culture au détriment du temps de jachère, qui ruine définitivement le système, est la non reconstitution du couvert arboré et son remplacement par une végétation herbacée. C'est à ce phénomène de "savanisation" auxquels on assiste dans les régions où l'accroissement démographique ne permet plus la reproduction des systèmes de défriche-brûlis. On voit donc que ces systèmes ont une faible marge d'adaptation. Se pose alors le problème des alternatives qui peuvent être mises en oeuvre pour assurer le relais des systèmes de défriche-brûlis une fois que la pression foncière leur a fait perdre l'essentiel de leur intérêt et que les risques de dégradation des sols deviennent importants. 11 L'analyse comparée des modes d'exploitation agricole pratiqués dans les milieux tropicaux montre qu'il existe quatre grands types d'alternative à la défriche-brûlis. • La première est la plantation de cultures pérennes. Rentrent dans cette catégorie les différentes systèmes de plantation d'espèces tropicales : palmier à huile, hévéa, café, cacao, thé, canne à sucre, etc. D'une certaine manière, ces plantations viennent se substituer au couvert forestier original. • La deuxième alternative est le pâturage. C'est ce mode d'exploitation du milieu qui est en train de s'étendre sur de très vastes superficies en Amazonie, succédant à la "roca" , c'est-à-dire à un système de culture à base de cultures vivrières mis en place après la défriche de la forêt. La trypanosomiase explique qu'une telle alternative n'ait pas été adoptée en Afrique sub-tropicale. • La troisième alternative à la défriche-brûlis que l'on observe en zones tropicales est la riziculture irriguée. C'est un système qui nécessite des conditions particulières : Il faut des ressources en eau importantes et une main d'oeuvre suffisante pour aménager les rizières et les cultiver, conditions qui se sont trouvées réunies, depuis longtemps, dans de nombreux pays d'Asie. • Enfin la dernière grande alternative à la défriche-brûlis adoptée par les agriculteurs des zones tropicales est l'association de cultures. Cette association peut prendre plusieurs formes : association de cultures annuelles sur la même parcelle comme ce que l'on observe dans les champs vivriers des femmes Bamiléké au Cameroun ; association de cultures annuelles et pérennes souvent pratiquées durant la phase d'installation des plantations arbustives ; enfin l'agroforesterie associant l'arbre et la culture. Chacune de ces alternatives correspond à des situations agro-écologiques et socioéconomiques particulières. Mais ce qui constitue en quelque sorte le dénominateur communde ces différents modes d'exploitation du milieu c’est qu’ils assurent tous, sous des formes diverses, une couverture quasi permanente du sol. C'est cette caractéristiques comune qui explique la durabilité agro-écologique de ces systèmes de culture, leur durabilité sur le plan économique et social dépendant d'autres facteurs et conditions. Dans cet inventaire des grands modes d'exploitation des milieux tropicaux, comment se situent les "systèmes de culture à base de couverture végétale et semis direct” ? En première approximation, on peut les assimiler aux systèmes de cultures associées en ce sens que dans ces systèmes la couverture du sol est assurée à la fois par l'association de différentes espèces sur la même parcelle et par des successions culturales qui ne laissent pratiquement jamais le sol nu. C'est ce même objectif qui est recherché dans les SCV et qui en constitue la caractéristique principale, le semis direct n'étant qu'une conséquence du maintien d'une couverture végétale permanente du sol. 12 Dans les SCV, cette couverture permanente vivante ou morte peut être assurée de différentes manières : par la présence de végétation naturelle, par le maintien sur le sol des résidus de la culture précédente ou par l'installation délibérée de plantes cultivées dont la principale et parfois l'unique fonction est d'assurer la couverture du sol comme c'est le cas de la culture du Mucuna dans les systèmes de culture maïs-mucuna pratiqués par les agriculteurs du NordHonduras. Les conditions climatiques qui différencient les zones tropicales humides des zones plus sèches et tempérées jouent un rôle déterminant dans la nature de ces types de couverture végétale. Pour comprendre pourquoi le maintien de cette couverture végétale est une condition essentielle de la durabilité de l'agriculture, particulièrement en zones tropicales, il faut en analyser soigneusement les différents effets. C'est ce qui sera fait par la suite. Mais dès à présent, on peut en souligner les principaux bénéfices. Tout d'abord, cette couverture constitue une protection contre les différentes formes de dégradation physique du sol. En limitant l'impact des gouttes de pluie et en freinant le ruissellement, la couverture supprime pratiquement les risques d'érosion hydrique. La simplification des façons culturales liées au semis direct diminue la compaction qui affecte de nombreux sols en culture mécanisée en zone intertropicale. La présence d'une couverture végétale permanente limite également la baisse du taux de matière organique du sol que l'on observe habituellement après sa mise en culture. Dans certains cas, ce taux de matière organique peut même être augmenté. Cet effet se répercute sur l'amélioration de la structure du sol, favorisant l'infiltration de l'eau et l'enracinement des cultures et donc améliorant leur alimentation hydrique. Par ailleurs, à l'image de la forêt, ce type de système peut favoriser un recyclage d'éléments minéraux et leur concentration dans les horizons de surface du sol. L'utilisation de légumineuses comme plantes de couverture contribue également à l'amélioration du statut azoté du sol. Il résulte de ces différents mécanismes que les SCV permettent une bonne gestion de la fertilité du sol qui est une des conditions premières de la durabilité des systèmes de culture. Enfin, la couverture végétale permanente, lorsqu'elle est correctement assurée, empêche le développement des adventices. Les bénéfices qui en résultent sont à la fois agronomiques (suppression de la compétition avec les cultures) et économiques par la réduction des opérations de désherbage même si le contrôle de la couverture végétale nécessite dans certains cas le recours aux herbicides. Sur le plan écologique, les systèmes de culture à base de couverture végétale présentent deux avantages particuliers : en assurant une bonne productivité de la terre grâce à un bon entretien voire une amélioration de la fertilité du sol les SCV peuvent limiter la déforestation et l’explotation de la rente se situation éphémère que constitue la fertilité naturelle des sols forestiers. Certes ces SCV, comme tous les autres modes d'exploitation agricole des milieux 13 tropicaux, ne permettent pas de conserver la biodiversité propre à ces milieux mais en offrant une alternative économiquement acceptable à la déforestation, ils peuvent indirectement contribuer au maintien de cette biodiversité. L’autre avantage écologique des SCV est d’augmenter la production de biomasse et l'accumulation de matière organique dans le solet de jouer ainsi un rôle positif dans la fixation du carbone et son bilan à l'échelle de la planète. On voit donc que les bénéfices que l'on peut attendre des systèmes de culture à base de couverture végétale sont importants et justifient l'intérêt qui leur est porté. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour que ces systèmes occupent la place qu'ils méritent, notamment sur le continent africain, ce qui constitue un véritable challenge pour la recherche agronomique tropicale. Au vu des résultats déjà acquis par la recherche sur les SCV et que ce document s'efforce de synthétiser, il apparaît que les domaines dans lesquels la recherche doit être poursuivie et approfondie sont les suivants : • Valoriser les expériences par les agriculteurs à l'image de ce qui a été fait au NordHonduras. On a vu que les systèmes à base de couverture végétale participaient de la grande famille des systèmes de cultures associées. Ces systèmes, longtemps négligés voire interdits, méritent d'être étudiés et améliorés pour leur faire bénéficier de l'ensemble des avantages propres aux SCV. • Améliorer la connaissance des mécanismes biophysiques qui sont à la base du fonctionnement de ces systèmes. Le CIRAD s'est engagé résolument dans cette voie. Une des difficultés à surmonter est d'intégrer ces différents mécanismes afin d’appréhender de façon globale le fonctionnement des SCV et leurs effets sur le milieu. Cette recherche sur les mécanismes n'a pas seulement comme but de conforter le statut scientifique des recherches sur les SCV mais de permettre l'extrapolation des résultats expérimentaux et références obtenus localement. • L'autre champ de recherche qui nous paraît essentiel de développer concerne l’étude des conditions d'adoption de ces systèmes par les agriculteurs. Cette recherche sur la faisabilité des SCV nécessite tout d'abord d'étudier les conditions et modalités de leur intégration dans les systèmes de production pratiqués par les agriculteurs afin d'évaluer leur compatibilité avec ces systèmes et proposer les modifications à y apporter pour favoriser l'adoption des SCV. L'autre volet de ce type de recherche, complémentaire du précédent, est l'étude des conditions d'intégration des SCV dans les systèmes agraires. Ces conditions concernent, entre autres, la gestion du foncier, l'organisation de l'espace, les relations entre agriculture et élevage et les formes concurrentielles d'utilisation de la biomasse. 14 Ces recherches sur les conditions d'adoption des SCV concernent en fait l'étude des processus de l'innovation technique et la prise en compte des conditions sociales, économiques et écologiques de cette innovation. Cela nécessite, comme nous y invite Ismaèl Sarageldin (1) que la recherche agronomique ne limite pas ses ambitions à la seule production de modèles technique : "le repositionnement de la recherche dans le processus de l'innovation technique repose sur une profonde mutation de notre vision et de nos concepts... L'innovation technique est un processus éminemment complexe dans lequel le "paysan" occupe une place centrale. Le paysan gère un système qui doit à la fois produire un revenu et reproduire un capital, notamment un capital biologique.. C'est donc en rapport avec ces systèmes et dans le cadre de leurs possibilités d'évolution et donc en rapport avec les producteurs et leurs organisations que la recherche agronomique doit être construite et conduite. L'ère de la recherche qui produit des technologies, de la vulgarisation qui les diffuse et des producteurs "passifs" qui appliquent les recettes est derrière nous". On ne saurait mieux dire les perspectives nouvelles qu'offrent à la recherche agronomique tropicale la mise au pont et la diffusion des systèmes de culture à base de couverture végétale. Philippe Jouve (1) I. Sarageldin, président du GCRAI. "La révolution doubleùent verte ; un nouvel horizon pour la recherche agronomique" in Vers une révolution doublement verte. CIRAD, Fondation Prospective et Innovation. Séminaire Futuroscope, Poitiers, 8-9 novembre 1995. 15 PARTIE 1 : HISTOIRE DU SEMIS DIRECT SUR COUVERTURE VEGETALE 16 Le principe du semis direct sur couverture végétale est loin d'être nouveau. Déjà, le semis direct existe depuis le début de l'histoire de l'agriculture et reste la base des systèmes agricoles sous les tropiques. Les associations de cultures sont aussi des pratiques très répandues. Concernant spécifiquement le semis direct sur couverture végétale, il existe aussi des modalités ancestrales, développées pour l'essentiel en zone tropicale humide, dont certaines ont perduré avec ou non des adaptations. Parallèlement, à partir des années 40, la recherche agronomique des pays modernes en zone tempérée, avec comme chef de file les Etats-Unis, a réinventé ce principe en introduisant de nouvelles technologies (semoirs de précision, herbicides...). Ces nouveaux systèmes d'exploitation du milieu ont alors connu un développement considérable dans certains de ces pays (Etats-Unis, Canada, Australie, Argentine...). Depuis, le semis direct sur couverture végétale sous ses formes modernes se diffusent en zone tropicale, soit de façon spontanée, soit sous l'égide de la recherchedéveloppement, avec des succès très variables selon les contextes. I. Les SCV traditionnels anciens sous les tropiques humides Dans la zone tropicale humide, il existe des modalités très anciennes de semis direct sur couverture végétale du sol. Ces systèmes sont connus sous la dénomination espagnole tapado (couvert) ou anglaise slash and mulch, par opposition au slash and burn (défriche-brûlis). Le slash and mulch consiste à cultiver un abattis sans utilisation du feu (cf. la synthèse de D.H. Thurston, 1997, sur ces systèmes). Le slash and mulch est plus particulièrement décrit dans des zones très humides, où le brûlis est difficile (côte Pacifique de l'Amérique Centrale et de la Colombie, bassin amazonien, Papouasie Nouvelle Guinée...). Les plantes cultivées (maïs, haricots, riz, bananiers, manioc...) sont semées ou repiquées dans une forêt primaire ou une jachère. Une fois le matériel végétal en place, la végétation est abattue, in situ, ce qui forme un mulch au travers duquel les plantes cultivées vont se développer. La présence du mulch permet d'éviter tout sarclage, et sa décomposition rapide sous ces climats fournit les éléments minéraux nécessaires aux plantes cultivées. Ce système n'implique pas d'outils de travail spécifiques : la machette suffit. Un type particulier de slash and mulch consiste à exploiter des jachères herbacées : c'est apparemment le système slash and mulch le plus répandu actuellement. Il concerne le maïs et surtout le haricot (frijol tapado). Les plantes cultivées sont semées à la volée dans des jachères courtes, dont la composition floristique sert d'indicateur pour décider de la remise en culture. Les rendements sont faibles (400 à 500 kg/ha en moyenne), mais ils sont obtenus avec peu de travail (aucune intervention entre la fauche de l'herbe après semis et la récolte) et sans intrants. De plus, le mulch limite la propagation de maladies fongiques. Ce système permet une production agricole durable sur des sols très pentus, souvent les seuls disponibles pour les petits agriculteurs d'Amérique Centrale (Ehret, 1999). En effet, on a observé ce système sur des sites où il se perpétue depuis plusieurs générations. Il est basé sur la succession suivante : une à quelques années de culture / une à quelques années de jachère, les périodes variant selon les cas. En 1992, le système tapado concernait près de la moitié de la production de haricots au Costa Rica. En dehors de l'Amérique Centrale, il a également été observé dans le sud du Cameroun. Nous verrons ultérieurement que dans certains sites d'Amérique Centrale, des agriculteurs ont mis au point spontanément des SCV en introduisant des plantes de couverture (cf. le système maïs-Mucuna au Nord-Honduras décrit plus loin). Nous pouvons nous demander dans quelle mesure ces agriculteurs ne se sont pas inspirés des systèmes tapado traditionnels, l'innovation consistant à introduire une plante de couverture choisie afin d'améliorer la jachère herbacée. 17 II. Mise au point et diffusion des SCV "modernes" en zone tempérée Nous qualifions les SCV de « modernes » à partir du moment où ils font intervenir au moins un des trois éléments suivants : implantation d'une plante de couverture spécifique, épandage d'herbicides, utilisation d'un semoir spécifique pour semer à travers la couverture. L’essentiel des informations concernant l’historique de ces SCV provient d’un travail bibliographique de M. Raunet, en cours de réalisation. 2.1. L'expérience américaine C'est aux Etats-Unis, en 1962, que les nouvelles techniques de semis direct sur couverture végétale ont commencé à être pratiquées en vraie grandeur, après une phase expérimentale et pionnière de vingt ans. 2.1.1. Emergence des nouvelles techniques de semis direct sur couverture végétale (de 1900 aux années 60) Plusieurs facteurs sont à l'origine de ces techniques. - Le premier facteur est d'ordre environnemental. Dès le début du vingtième siècle, les principales zones de production agricole des Etats-Unis, (le Nord-Est, la Corn Belt et les Grandes Plaines semi-arides), sont affectées par de très graves problèmes d'érosion hydrique et éolienne, consécutifs à une utilisation intensive de la motorisation agricole, avec des passages répétés d'outils à disques de travail du sol. Ainsi, dans les années 30, l’érosion éolienne a provoqué un nuage de poussières spectaculaire (le Dust Bowl), résultat de la destruction de 400 000 hectares de terres cultivées. Ce phénomène s'est reproduit dans les années 50 (1955-57), et demeure une menace encore aujourd'hui. Dans le même temps, le pays a souffert de dégâts considérables par ravinements, dans les Appalaches, l'ouest du Tennessee, le nord de la Louisiane et du Mississipi. Face à ces problèmes et tenant compte d’une opinion publique particulièrement sensibilisée, le gouvernement américain prend des mesures pour la préservation des sols. En 1935, le Soil Conservation Service de l'USDA (Ministère de l'agriculture) est institué. Des primes incitatives à l'adoption de mesures anti-érosives (comme la confection de banquettes), ainsi qu'à la mise en jachère des terres les plus dégradées sont créées. Ces mesures se révèlent néanmoins insuffisantes. En 1937, le Conservation Service de l'Etat du Nebraska dans les Grandes Plaines met au point un ensemble de techniques qui consistent à laisser entre les périodes de culture un mulch de résidus de récolte, et à ne travailler le sol que légèrement en surface pour préparer le semis de la culture suivante : c'est le stubble mulch farming. Baptisé depuis mulch-tillage, ce système marque le début d'une nouvelle façon d'exploiter le milieu : le conservation tillage. Le conservation tillage se définit comme l'ensemble des techniques de travail minimum du sol qui permettent de conserver au moins 30% de la surface du sol couverte par des résidus végétaux lors de la mise en place de la culture suivante (Allmaras et al., 1994 ; Uri, 1999). - Le second facteur est l'apparition des herbicides chimiques : leur sortie sur le marché permet de remettre en question l'utilité d'un labour, dont l'une des premières fonctions est justement le contrôle des adventices. 18 La recherche sur les herbicides a débuté dès 1922, en Allemagne et au Pays Bas. Mais elle n’a commencé à affecter les techniques d'implantation des cultures qu'à partir de 1944. Le coup d'envoi est donné par la mise sur le marché du 2-4 D amine par la firme anglo-saxonne Imperial Chemistry Industry (ICI) : c'est un herbicide qui élimine les dicotylédones, à caractère non rémanent, qui permet de rénover chimiquement les pâturages sans effectuer de retournement par labour. On commence alors à parler de labour chimique. En 1958 sort l'atrazine, herbicide sélectif du maïs et du sorgho, à caractère rémanent cette fois. Mais l'étape décisive a été la commercialisation par ICI en 1960 du paraquat (gramoxone) et du diquat (reglone), herbicides totaux de contact (desséchants). En effet, s'inactivant au contact du sol, donc sans effets résiduels, ces herbicides permettent la réalisation très rapide d'un semis après leur épandage. Par la suite, les innovations dans le domaine des herbicides ont été nombreuses, avec notamment la mise au point du glyphosate (round up) dont le coût est peu élevé, et l'apparition de nouveaux herbicides de post-levée de plus en plus sélectifs qui permettent de perfectionner la lutte contre les adventices. - Le troisième facteur est la création en 1961, par la firme Allis-Chalmers, du premier semoir pour semis direct en traction motorisée : il permet de couper le mulch en ouvrant un sillon, avant de déposer les graines dans le sol. Parallèlement, pendant la période 1944-60, les recherches agronomiques sur l'emploi des herbicides se multiplient, dans les institutions publiques comme dans l'industrie (secteurs de l’agrochimie et des équipements). Des expérimentations sont réalisées en association avec les agriculteurs en Grande Bretagne et aux Etats-Unis. Les premières recherches importantes sont menées par des agropastoralistes, sur le thème de la rénovation de pâturages sans labour (de 1947 à 1952). Puis les travaux s'orientent sur le semis direct de maïs dans des pâturages détruits chimiquement (1952, 1960). L'idée de mettre en place une couverture vivante dans laquelle on sème directement le maïs est étudiée en Nord Caroline en 1967 : il s'agit d'un gazon de fétuque affaibli avec de l'atrazine. Des recherches concernent aussi d'autres cultures que le maïs. 2.1.2. Diffusion de ces nouvelles techniques A partir de 1962, date qui correspond à l'arrivée du paraquat sur le marché américain, le semis direct avec conservation des résidus connaît une très grande expansion aux Etats-Unis. Initiée par Harry Young Jr., agriculteur du Kentucky encadré par un agronome (Shirley Phillips), la diffusion de ces nouvelles techniques en milieu agricole passe par la Virginie, avant d'atteindre tout le pays. D'abord appliqué au maïs, le semis direct avec conservation de résidus gagne d'autres cultures, à commencer par le soja et les céréales à petites graines (blé d'hiver, orge...), puis le cotonnier, le sorgho, le tabac, les légumes et l'arachide. Concernant le cotonnier, le semis direct derrière des cultures d'hiver (blé, trèfle, vesce, seigle) n'a vraiment démarré qu'à la fin des années 80. Le no-tillage (semis direct) figure dorénavant parmi les techniques de conservation tillage. Sa diffusion est facilitée par un effort de communication très important : organisation de nombreuses conférences à partir de 1972, rédaction d'un journal de vulgarisation agricole, création d'associations, ouverture d'un centre d'information destiné aux agriculteurs, foisonnement de conférences et de publications scientifiques... Il en résulte une augmentation remarquable des superficies cultivées en no-tillage, comme le montre le tableau 1.1. 19 Tableau 1.1 : Evolution des superficies cultivées en semis direct avec conservation de résidus (no-tillage) aux Etats-Unis Date 1972 1978 1985 Superficie en no-tillage (ha) Type de culture semée 1 200 000 Maïs soja sorgho 3 000 000 Idem + blé 5 000 000 Idem + cotonnier, arachide... 18 000 000 (15% de la Idem surface en cultures annuelles) Source : M. Raunet (en cours) 1997 Il faut remarquer qu'aux Etats-Unis, entre le semis direct (le no-tillage) et le travail du sol conventionnel, d'autres formes de conservation tillage sont pratiquées (cf. encadré), qui concernent environ 30% des superficies de cultures annuelles du pays en 1997. Conservation tillage : définitions (d’après Uri, 1999) Conservation tillage : ensemble des techniques de travail minimum du sol qui permettent de conserver au-moins 30% de la surface du sol couverte par des résidus végétaux lors de la mise en place de la culture suivante, pour contrôler l'érosion hydrique et éolienne. Il existe plusieurs techniques : - No-tillage : semis direct. - Ridge-tillage : idem, mais semis sur billon. Les résidus de culture sont accumulés entre les billons. - Mulch-tillage : semis sur mulch. Le sol est légèrement travaillé avant le semis. - Strip-tillage : travail du sol en bande. Les résidus de culture sont repoussés pour former une bande de sol nu où le semis est effectué. - Minimum tillage : réalisation d'un labour réduit. Il faut noter qu'aux Etats-Unis, notamment dans la région Centre-Nord et dans l’Est, des recherches portent sur d'autres types de SCV, avec cette fois l'implantation de plantes de couverture spécifiques. Le principal problème réside dans la survie de ces plantes pendant l'hiver, sans parler de la nécessité de précipitations suffisantes (au-moins égales à 500 mm par an) (Allmaras et al., 1994). 20 2.2. L'Australie du Sud-Ouest : une expérience comparable à celle des Etats-Unis C'est au sud du continent, à climat méditerranéen (pluviométrie moyenne de 550 mm), que l'agriculture australienne a fait ses débuts, avec pour modèles la Grande Bretagne puis les Etats-Unis. Les systèmes agricoles actuels reposent sur de grandes exploitations motorisées, centrées sur des activités d'élevage. Au début, l'utilisation de la charrue à socs anglaise, à traction équine, était généralisée. Mal adaptée aux sols argileux ou caillouteux et aux conditions sèches, elle a été supplantée par les disques, comme aux Etats-Unis, à partir de 1900. D'une monoculture de blé sans jachère au début du siècle, les agriculteurs sont passés à la pratique du dry farming de 1910 à 1930. Cette pratique consiste à installer une jachère de quinze mois, nue et travaillée (pulvérisée ou hersée) afin de conserver l'humidité sous un mulch de terre et empêcher la germination des adventices. Un labour y est préalablement réalisé en début d'automne, pour les semis d'automne de l'année suivante. Dans les années 30, ce système a été en partie remplacé, d'abord par une jachère travaillée plus courte de huit à dix mois avec brûlis des résidus, puis par des rotations céréales/pâturages à légumineuses avec travail du sol, appelées ley farming, adaptées à l'élevage de moutons. C'est en 1950 que le rôle bénéfique des résidus de récolte est enfin reconnu : la pratique du brûlis disparaît. A partir de 1960 le stubble mulch farming (mulch-tillage) se développe progressivement, annonçant le semis direct avec conservation des résidus. Comme aux Etats-Unis, la société ICI (actuellement ZENECA) a joué un rôle majeur dans le développement du semis direct. La commercialisation du paraquat par l'entreprise en 1964 avait déjà ouvert de nouvelles perspectives à la recherche agronomique publique, et à quelques agriculteurs précurseurs. Ensuite, les expérimentations en association avec les agriculteurs se sont multipliées, dont certaines sont prises en charge directement par ICI. L'adoption réelle par les agriculteurs du semis direct sur sol couvert n'a cependant démarré qu'en 1971, dans le sud-ouest, avec la commercialisation, toujours par ICI, du Spray Seed, mélange de paraquat et de diquat. En 1980, la commercialisation du glyphosate permet au semis direct sur couverture végétale de se diffuser de façon très rapide sur les cultures d'hiver (céréales). En quatre ans, de 1979 à 1983, les superficies concernées passent de 260 000 à 3 079 000 hectares pour les quatre Etats à climat méditerranéen de l'Australie méridionale. Mais il ne faut pas oublier que le boom du semis direct a été permis aussi grâce à la mise au point de semoirs spécialisés en traction motorisée. Cette avancée du semis direct a marqué l'abandon progressif des jachères travaillées, et a permis de perfectionner le système du ley farming : le blé est implanté en semis direct dans la légumineuse (luzerne, trèfle ou lupin), après un épandage de glyphosate. Pendant le cycle du blé, en saison des pluies, les moutons sont dans les pâturages naturels. Une fois le blé récolté, en saison sèche, la légumineuse repart rapidement en ressemis naturel pour être mise en pâture un à trois ans, et ainsi de suite... Avec la luzerne, ce système peut fonctionner quinze ans. A partir des années 80, le ley farming sous sa forme moderne s'est également diffusé dans la partie tropicale semi-aride de l'Australie septentrionale, zone d'élevage extensif, le maïs ou le sorgho remplaçant le blé. 21 2.3. Bilan Le semis direct sur couverture végétale avec des techniques nouvelles s’est développé également dans d'autres pays de la zone tempérée (Canada et Argentine), ce que nous ne développerons pas ici. Signalons simplement que dans le cas de la France, on parle surtout de techniques culturales simplifiées, sans préciser si le sol est oui ou non couvert par des résidus (cf. les travaux de l'ITCF, Institut technique des céréales et des fourrages, et de l'Ademe, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). Le non-labour est pratiqué depuis les années 70 par des agriculteurs du bassin parisien dans le cadre de rotations maïs/blé, et constitue depuis cette période un objet de recherche et d'expérimentation. Les objectifs affichés sont pour l'essentiel une réduction des coûts de mécanisation, et non une lutte contre l'érosion. Les succès rencontrés en milieu agricole sont pour le moment limités. En revanche, l'expérience américaine a eu un très grand impact, d'abord auprès des agriculteurs du pays même, mais surtout à l'extérieur : les techniques mises au point aux Etats-Unis vont se diffuser dans d'autres pays de la zone tempérée comme le Canada (pour la culture du blé), mais vont gagner aussi les pays de la zone tropicale, notamment le Brésil. Les SCV développés aux Etats-Unis impliquent, outre l'épandage d'herbicides et l'utilisation d'un semoir spécifique, la conservation des résidus de la récolte précédente, avec l’adoption de rotations permettant d'augmenter la masse de résidus produite. L'expérience australienne, avec la mise au point des systèmes modernes de ley farming, utilise les mêmes moyens (herbicides, semoirs spécifiques) mais explore d'autres modalités : utilisation d'un pâturage comme couverture végétale, qui se reproduit par ressemis spontané après la récolte de la céréale. A partir de ces deux expériences, Etats-Unis et Australie, nous pouvons dégager les facteurs qui sont à l'origine du succès de ces nouvelles techniques d'exploitation du milieu : - Des problèmes d'environnement forts entraînant une sensibilisation de l'opinion publique ; Un environnement technique favorable (mise au point de nouvelles technologies comme les herbicides) ; Un environnement scientifique dynamique, privé et public ; Une implication forte des pouvoirs publics, notamment aux Etats-Unis (primes incitatives, campagnes médiatiques...). III. Retour sous les tropiques des SCV sous leurs formes modernes A partir des pays de la zone tempérée, les nouvelles techniques de semis direct sur couverture végétale vont gagner les tropiques. Cette diffusion se réalise principalement dans les systèmes de production motorisés qui génèrent les mêmes problèmes de dégradation des sols qu'aux Etats-Unis (aggravés par les conditions climatiques tropicales), avec des ressources financières suffisantes pour adopter cette nouvelle technicité. Mais pas seulement : la diffusion de ces SCV concerne aussi les agricultures familiales des tropiques, avec des succès d'ailleurs très variables. 22 3.1. Cas des systèmes de production motorisés et orientés vers le marché : rôle moteur du Brésil Le Brésil, où se trouvent de nombreuses exploitations agricoles motorisées de grande taille, est un lieu privilégié d'application des SCV. D'une superficie de 8 512 000 km², traversé par l'équateur et le tropique du capricorne, ce pays, de la taille d'un continent, présente une large gamme de végétation naturelle et de climat, du type équatorial au type subtropical. Fortement marqué par l'immigration, le Brésil connaît une grande diversité de populations. Les systèmes de production agricoles sont très hétérogènes : de petites structures familiales sous-équipées cohabitent avec de grandes exploitations motorisées tournées vers l'exportation. Le développement de ces grandes exploitations a été favorisé par la politique menée par les gouvernements militaires au pouvoir de 1964 à 1984. En effet, en vue d'obtenir rapidement une agriculture performante tournée vers l'exportation, des mesures particulières ont été prises : crédit rural qui proposent aux producteurs des taux d’intérêt très bas sur garanties foncières, soutien financier des grandes filières d'exportation comme celle du soja... Le développement agricole induit a été fulgurant : essor d’un secteur agro-industriel d’amont et d’aval, augmentation de l’utilisation de machines agricoles et de produits issus de l’industrie chimique... Cette politique de modernisation n'a touché qu'une partie de la population, ceux qui pouvaient investir. En revanche, les petits agriculteurs se sont trouvés fragilisés. Cependant, par la taille des exploitations concernées, cette politique a touché une part considérable des terres agricoles du Brésil. On estime en effet que les grandes exploitations motorisées représentent environ 30% des unités de production du Brésil, mais 70% des superficies cultivées. Cette politique agricole a également favorisé l'extension des superficies cultivées dans la partie tropicale humide du pays, avec l'avancée des fronts pionniers en Amazonie et dans les cerrados à la fin des années 70. L'importation d'Europe, à partir de 1967, de la mécanisation avec des outils à disques a provoqué très rapidement des dégâts catastrophiques sur les sols, obligeant les entrepreneurs agricoles à trouver des alternatives sous peine de disparition. C'est ainsi que les SCV sous leurs formes modernes ont fait leur apparition au Brésil, dès les années 70. Depuis s'est ajouté un autre objectif pour la mise en place des ces nouvelles modalités d'exploitation du milieu : la diminution des coûts de production. En effet, avec la montée des taux d'inflation, la situation agricole du Brésil s'est progressivement dégradée à partir des années 80 : augmentation des taux d’intérêts des crédits, blocage des prix des produits agricoles de première nécessité, augmentation du coût du matériel et des intrants, suppression des prix agricoles garantis depuis 1994. C'est dans la zone subtropicale du Brésil, au Sud, dans l'Etat du Parana, que la diffusion des SCV a débuté (cf. plus loin). En effet, avec son relief en pente, cette région est particulièrement affectée par l'érosion. La diffusion du semis direct sur couvert végétal s'est faite sur l'initiative des entrepreneurs agricoles du Nord-Parana, appuyés par la recherche nationale et internationale ainsi que par les structures d'Etat. Etant donné les conditions climatiques, elle est inspirée directement des acquis des Etats-Unis. En 1997, 1,7 millions d'hectares sont concernés dans tout le Parana, avec une concentration des superficies dans le Nord. Cette diffusion touche également les Etats voisins. 23 Après les systèmes de production motorisés du Sud du Brésil, les nouvelles techniques de semis direct gagnent la partie tropicale humide du pays à partir des années 80. Mise en valeur plus tardivement, cette région se caractérise par un milieu plus fragile, des conditions climatiques "agressives", ce qui accélère encore les phénomènes de dégradation des sols. Le semis direct sur couverture végétale sous ses formes modernes est pratiqué principalement par le même type d'exploitations que précédemment, quoique de taille beaucoup plus importante : il s'agit des grands entrepreneurs privés des cerrados, dans les Etats du Centre-Ouest et de l'Ouest. Etant donné la différence de climat, de nouvelles modalités sont créées. Dans ce processus de mise au point-diffusion, la recherche joue-là un rôle essentiel, comme nous le verrons plus loin. En 1998, près de 7,5 millions d'hectares sont concernés par le semis direct sur couvert végétal au Brésil, (dont 4,5 millions en zone subtropicale et 3 millions en zone tropicale), soit 19% de la surface emblavée en cultures annuelles (Raunet, en cours). 3.2. Cas des petites exploitations agricoles familiales Toujours à partir de l’expérience du Nord-Parana, les SCV s'étendent pour atteindre cette fois des exploitations familiales non motorisées. C'est le cas au Sud-Parana, dans la zone subtropicale du Brésil. La diffusion de ces systèmes, très encadrée par des structures de recherche-développement, a débuté dans les années 80 et semble pour le moment assez limitée (cf. partie 2). Mais des modalités "modernes" de semis direct sur couverture végétale adaptées aux structures familiales d'exploitation apparaissent un peu partout en zone tropicale, dans les parties humides comme dans les parties semi-arides, formant un ensemble très diversifié . Dans certains endroits, des systèmes sont créés spontanément par les agriculteurs. C'est le cas en zone humide d'Amérique Centrale, au Nord-Honduras, avec le développement dans les années 70 de l'association maïs-Mucuna, dérivée fort probablement des techniques frijol tapado. Ailleurs, la recherche joue un rôle essentiel dans le processus de création-diffusion, avec des succès variables. Les terrains d'expérimentation sont nombreux, avec des objectifs variables, et touchent l'Afrique, l'Asie, Madagascar, La Réunion, l'Amérique Latine... IV. Conclusion A côté des systèmes anciens de type slash and mulch, de nouvelles formes de semis direct sur couvert végétal appliquées aux cultures annuelles se sont développées dans le monde tropical. Concernant une large gamme de milieux agroécologiques et de types de systèmes de production, les modalités de ces systèmes sont très variables. Certaines modalités sont déjà largement appliquées en milieu agricole, qu'elles s'inspirent des systèmes traditionnels slash and mulch ou des systèmes mis au point en zone tempérée. D'autres ne sont qu'au stade de l'expérimentation, ce qui augmente encore la diversité. Dans la partie qui va suivre, nous proposons d'illustrer cette grande diversité par l'analyse de quelques cas particuliers, se différenciant par : (1) les types de systèmes de production concernés (industriels/familiaux) ; (2) le climat (tropical humide/tropical semi-aride) ; (3) le type d'acteur-créateur de l'innovation (agriculteurs/chercheurs). Nous traiterons en premier le cas du Parana, zone de transition par excellence, que ce soit au niveau climatique, structures d'exploitation agricole ou acteurs à l'origine de l'innovation. La situation géographique des cas étudiés et leurs caractéristiques climatiques figurent en annexe 3. 24 PARTIE 2 : DIVERSITE DES SITUATIONS ET DES MODALITES DE MISE EN ŒUVRE DES SCV : ETUDES DE CAS EN ZONE TROPICALE 25 Figure 2.1 : Brésil – Régions, Etats et localisation du Parana Les 5 régions du Brésil, les Etats et leur capitale (H. Thery et al., 2000) Etats et localisation du Parana 26 A. GRANDE CULTURE MOTORISEE ET PETITE AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE SUBTROPICALE HUMIDE : L’ETAT DU PARANA AU BRESIL Traversé au nord par le tropique du Capricorne, l'Etat du Parana se situe dans la partie méridionale du Brésil (cf. figure 2.1). Avec une superficie de 199 362 km², il représente seulement 2,4 % de la superficie totale du pays, mais 25 % de la production de grains et un tiers des produits d'exportation du Brésil. On peut diviser le Parana d'est en ouest en cinq zones géomorphologiques : la zone littorale, la zone montagneuse, puis trois plateaux successifs (cf. figure 2.2). Sur ces plateaux, on observe une prédominance de reliefs fortement ondulés, avec une pente moyenne de 9 % dans les zones cultivées. Les surfaces planes n'existent quasiment pas au Parana, excepté le long des cours d'eau. Figure 2.2 : Carte géomorphologique du Parana Source : R. Derpsch et al. (1991) Le climat est influencé principalement par les anticyclones atlantique et polaire. Mis à part la frange littorale où le climat est de type tropical humide, la grande majorité du pays connaît un climat subtropical humide, mésothermique, sans période sèche définie, avec une pluviométrie annuelle moyenne comprise entre 1100 et 1900 mm. Les pluies sont irrégulières : elles peuvent être d'une très grande intensité, ce qui favorise l'érosion. 27 Il existe un gradient nord-sud positif pour la pluviométrie, mais négatif pour la température : au nord-ouest les mois d’hiver (de mai à septembre) sont assez chauds et les gelées peu fréquentes ; au sud-est, ils sont froids et connaissent de fréquentes et sévères gelées. Les conditions climatiques permettent de cultiver une grande diversité d'espèces au Parana, aussi bien tropicales que tempérées, avec plusieurs cycles de culture par an. Cependant, les risques de gelée en hiver, qui s'accentuent vers le sud de l'Etat, limitent l'extension de certaines cultures. Le café est ainsi cantonné au nord de l'Etat (cf. plus loin figure 2.4). Au Parana, la plupart des habitants actuels descendent d'immigrants allemands, italiens, suisses et est-européens, installés dans la région depuis la fin du 19ème siècle. La mise en valeur agricole de l'Etat est relativement récente, comparativement au reste du Brésil, mais elle a connu une progression rapide (Daverat, 1996). Après l'exploitation de l'or, du bois, du maté, et des grandes aires de pâturage par de l'élevage extensif, la colonisation agricole systématique du Parana commence dans les années 1920, avec l'apparition d'une agriculture à des fins commerciales. Au nord, le développement de la culture de café, débordant des Etats voisins, donne une formidable impulsion à l’agriculture locale, et entraîne une explosion de la population : le Nord-Parana regroupe maintenant les deux tiers des habitants de l'Etat (Rachou, 1997). A l’ouest et au sud-ouest, des migrants originaires des Etats du Sud, attirés par les terres disponibles, mettent en place des petites exploitations familiales de polyculture élevage (maïs, haricot, porcs). La mise en valeur agricole gagne rapidement tout le Parana : encore recouvert de forêts à la fin du 19ème siècle, l'Etat ne présente plus qu'une superficie forestière de 7 % en 1984 (Bousquet et Holveck, 1996). Dès 1950, le Parana devient un des Etats agricoles les plus dynamiques du Brésil. Cependant, le Parana ne présente pas du tout un ensemble homogène. Nous pouvons notamment distinguer deux régions bien contrastées : le Nord, où une agriculture motorisée s'est développée, avec comme cultures principales le soja et le blé, qui ont succédé à la caféïculture ; au Centre-Sud, on observe une agriculture familiale basée sur l'utilisation de la traction animale, avec comme cultures principales le maïs, le haricot et le tabac. Dans la suite du texte, nous illustrerons le cas Parana à l'aide de deux exemples, pris dans ces deux régions contrastées. I. Le Nord-Parana : exemple du site de Rôlandia Cet exemple est traité à partir des écrits de E. Bousquet et S. Holveck (1996), M. Daverat (1996), O. Micos (1999), B. Palmans et E. Van Houdt (1998). 1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 1.1.1. Le milieu naturel Juste au nord du tropique du Capricorne, le site de Rôlandia se trouve dans la partie nordouest du troisième plateau (Planalto de Guarapuava), à une altitude comprise entre 600 et 800 m. La pente moyenne (sud-ouest/nord-est) est de 7%, avec une partie presque plane en hauteur, suivie d'une pente plus prononcée (22 %) (cf. figure 2.2). 28 La pluviométrie moyenne annuelle est comprise entre 1300 et 1500 mm. Les pluies se répartissent tout le long de l'année, mais se concentrent durant les mois d'été, de décembre à février (cf. annexe 3). La pluviosité est très irrégulière, avec des orages souvent violents (plus de 100 mm en 24 heures). La température moyenne annuelle varie entre 20 et 22°C. Les maxima surviennent pendant le mois de janvier (température moyenne de 25°C), et les minima pendant le mois de juillet (moyenne de 17°C). Il y a des risques de gelées nocturnes durant l'hiver, pendant les mois de juin et juillet, et surtout en bas de versant : c'est la contrainte majeure pour les cultures de café et de canne à sucre, et dans une moindre mesure, pour celle du blé. On distingue deux substrats géologiques : du grès, avec la formation de sols plus légers en haut de bassin ; du basalte en aval, avec des sols argileux et riches en éléments minéraux. Les sols sont de type ferrallitique (oxisols et alfisols sur basalte, ultisols sur grès). 1.1.2. Histoire agricole de la région Les terres sont restées recouvertes de forêts, propriété de l'Etat, jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle. Plusieurs vagues de pionniers se sont alors succédées, les uns venant de l'Etat de Sao Paulo suite au déclin de la culture de café, les autres de Minas Gerais, chassés par l'épuisement des mines. L'objectif essentiel de ces pionniers était d'installer de nouvelles plantations de café. Au début des années 1920, se déclenche une nouvelle vague de peuplement, mais planifiée cette fois, et toujours organisée autour de la production de café. Une ligne de chemin de fer est construite pour faciliter la commercialisation de la production. La majorité des migrants provient des exploitations caféières de l'Etat de Sao Paulo, employés et propriétaires, descendants de colons italiens et allemands. Des immigrants viennent également du Japon et d'Europe : il existe une importante communauté allemande à Rôlandia, qui a fui le nazisme et qui se trouve être à l'origine de la création de la commune en 1932. La culture de café dans la région a connu un essor important dans les années 40, pour décliner au début des années 60, suite à une crise économique et à de fortes gelées. La grande gelée de 1975 a marqué la fin de la caféïculture. Accompagnée d'un exode rural important, la reconversion est rapide : à partir des années 70, les superficies cultivées en soja destiné à la transformation industrielle explosent. L'utilisation de la motorisation se généralise, ainsi que l'emploi des engrais chimiques et des pesticides au début des années 80. Culture d'été, le soja est cultivé en séquence avec une céréale d'hiver (blé, avoine, triticale). Actuellement, les grandes cultures annuelles, soja et blé, prédominent dans la région : ce sont les deux seules cultures dont la commercialisation est organisée. Mais on trouve aussi de la canne à sucre et du maïs, cultivé en été et/ou en hiver (cf. figure 2.3). Des activités d'élevage bovin pour la viande se sont également développées, les terres les plus mauvaises étant laissées en pâturages. L'aire de culture s'étend sur toutes les surfaces mécanisables, du haut en bas de pente. On observe un ordre de répartition des cultures d'hiver le long de la toposéquence : en bas près des cours d'eau, là où les risques de gelée sont plus forts, on trouve surtout les pâturages et l'avoine ; à mi-pente, c'est le blé et le maïs. Le café résiduel et la canne à sucre, sensibles au gel, sont localisés en haut de la toposéquence. 29 Figure 2.3 : Calage des cycles de culture dans le Nord-Parana Maïs safrinha = maïs en culture dérobée Périodes de semis optimales : - Le maïs d’été connaît une période de risque de stress hydrique pendant la floraison : il faut le semer le plus tôt possible, de septembre à fin octobre. - Le soja est photopériodique : il faut le semer plus tard, d’octobre à mi-décembre, de façon à ce qu’il bénéficie au maximum des jours les plus longs. - Le blé doit être semé entre le 1er mai et le 10 juin pour que la floraison n’ait pas lieu au moment des gelées les plus fortes. er - L’avoine peut être semée du 1 avril au 31 juillet, selon les objectifs de production (en avril pour le grain, en juin pour le pâturage, en juillet pour l’engrais vert). Source: E.Bousquet et S.Holveck (1996), M.Daverat (1996), B.Palmans et E.Van Houdt (1998) 1.1.3. Les unités de production La région regroupe actuellement plusieurs types d'unité de production. - - - T1 : petites exploitations où s’est maintenue la caféïculture traditionnelle. La superficie cultivée va de 10 à 20 hectares. La main d'œuvre est essentiellement familiale, complétée ou non par des salariés. T2 : petites exploitations de 1 à 10 hectares. Les chefs d’exploitation exercent une double activité, à proximité des villes (production de fromage, vente de fruits...) ou pratiquent une petite agriculture très intensive. T3 : exploitations dont l'activité principale est l'élevage bovin extensif. T4 : exploitations de taille moyenne (autour de 20 hectares), où se pratique un élevage intensif diversifié, avec une monoculture de maïs pour produire des grains et/ou de l'ensilage. Les chefs d'exploitation sont propriétaires du matériel de travail du sol. La main d'œuvre est familiale ou salariée. 30 - - - T5 : exploitations de taille moyenne (entre 15 et 30 hectares en propriété), associant l'élevage laitier sur terres caillouteuses au système de culture soja/blé. Descendants d'Européens, les chefs d'exploitation ne sont pas toujours propriétaires du matériel de travail du sol. T6 : grandes exploitations où se pratique essentiellement un système de culture à base de soja et de blé destinés à la vente. Les agriculteurs allemands prédominent dans cette catégorie d'unité de production. Les superficies cultivées sont supérieures à 100 hectares, en propriété exclusive. La main d'œuvre est mixte (familiale et salariée). En plus du soja et du blé, on peut trouver de la culture de canne à sucre (qui n'entre pas en rotation avec les précédentes), de l'arboriculture fruitière et de l'élevage extensif pour la viande. C'est dans ce dernier type d'unité de production que l'on rencontre le plus haut degré de technicité, avec achat du matériel agricole en Europe. T7 : grandes exploitations de 80 à 300 hectares, dont une grande partie des terres est louée. Elles appartiennent à des descendants de producteurs de café, immigrants européens, qui ne logent pas sur l'exploitation. La main d'œuvre est uniquement salariée. Les principales cultures sont le blé et le soja. Les exploitations de type T6 sont très largement majoritaires dans la région. De façon plus générale, ce sont les systèmes de culture soja/blé qui sont les plus répandus (70% des superficies), et qui posent le plus de problèmes d'érosion. En effet, ils nécessitent deux préparations du sol par an, avec une faible production de paille, contrairement aux systèmes basés sur le maïs. Toute l'histoire du semis direct sur couvert végétal au Parana a pour acteurs principaux les agriculteurs de type T6. Pour toutes ces raisons, dans la suite de l'ouvrage, nous nous limiterons à l'étude des systèmes soja/blé, qui concernent les trois derniers types d'exploitation définis précédemment (T5, T6, T7). 1.1.4. Description des conduites techniques conventionnelles des systèmes soja/blé Chaque année, le soja est cultivé l'été, et le blé l'hiver. Les modalités de préparation du sol sont inspirées directement des pratiques développées en Europe. Elles comprennent les interventions suivantes : - Brûlage des résidus de récolte ; - Passage d'une charrue à disques, plus facile d'emploi sur sols argileux que la charrue à socs, ou passage d'une déchaumeuse qui travaille plus vite ; - Passage d'un pulvériseur à disques afin de niveler le sol et de rompre les mottes de terre pour faciliter la germination ; - En cas de sol tassé, passage d'un scarificateur pour décompacter. Si on replace les interventions techniques mécanisées dans le cadre de la succession annuelle soja en été puis blé en hiver, on observe l'ordre suivant sur une même parcelle : - En été, un travail profond du sol systématique, avec la charrue ou le scarificateur ; Un ou deux passages du pulvériseur (il peut y avoir jusqu'à cinq passages en cas de retard de semis) ; Semis du soja, puis traitements phytosanitaires et désherbages (plusieurs passages de pulvérisateur) ; Récolte du soja (avec une moissonneuse batteuse) ; Un ou deux passages du pulvériseur ; Semis du blé, puis traitements et épandage d'engrais ; Récolte du blé. 31 Ce système nécessite deux semoirs conventionnels : un pour les cultures d'hiver (blé, avoine, triticale) qui pose les graines en lignes continues, un pour les cultures d'été (soja, haricots) et pour le maïs, qui dépose les graines à intervalles fixes. 1.1.5. Performances des systèmes de culture soja/blé Les rendements moyens observés sont d’environ 2 à 2,5 tonnes par hectare pour le soja ainsi que pour le blé. Les systèmes techniques mis en œuvre ont provoqué des problèmes d'érosion catastrophiques. Les premières manifestations sont survenues dans les années qui ont suivi la déforestation. En effet, les plantations de caféiers n’étaient pas réalisées en courbes de niveau, sans compter que les plants de café ne permettent pas un bon recouvrement du sol par rapport à l'intensité des pluies. Puis les phénomènes érosifs se sont particulièrement aggravés avec la généralisation de la mécanisation et le développement des cultures annuelles et des pâturages : dès le début des années 70, des ravines de plus de deux mètres de profondeur pouvaient être observées. On assiste également à une forte compaction des sols argileux. Ces phénomènes entraînent des baisses de rendements, et par conséquent, un appauvrissement des producteurs. Rappelons que si ces problèmes sont particulièrement accrus sur les surfaces cultivées en soja/blé, ils touchent aussi les systèmes à base de maïs et aussi de pâturages, rénovés par un travail profond à la charrue, suivi de plusieurs passages de pulvériseur... Dès le début des années 70, l'Institut Agronomique du Parana (IAPAR) a fait des recherches sur les techniques de conservation du sol. Parallèlement, les institutions d'Etat se sont mobilisées, en association avec les coopératives agricoles, très importantes dans la région. Ces actions ont abouti à la construction d'aménagements antiérosifs, qui structurent aujourd'hui le paysage du Nord du Parana. Mais ces aménagements n’ont pas résolu les problèmes de tassement du sol. C'est alors que le semis direct sur couverture végétale est apparu comme l'alternative la moins dommageable pour le milieu. 1.2. Le semis direct sur couverture végétale : un système développé par les producteurs de soja et de blé, appuyés par la recherche-développement Le semis direct sur couverture végétale a été introduit au Nord-Parana au début des années 70. Les premiers travaux de recherche ont débuté en 1970 avec l'IAPAR et la GTZ (Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit) en 1977. Les structures d'Etat, les firmes privées, les coopératives, les agriculteurs regroupés en fondation, tous se sont mobilisés. Mais l’adoption du semis direct sur couverture végétale en milieu agricole s'est faite à l’initiativemême de quelques producteurs, notamment ceux du type T6. En effet, conscients de la gravité du problème, ils importèrent le matériel nécessaire au semis direct d'Europe et des Etats-Unis. Dans cette histoire, Herbert Bartz joua le rôle de pionnier : en 1972, il part en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, rencontre Harry Young, ramène au Parana un semoir américain (Allis Chalmers) et un semoir anglais (Rotocaster). Dès son retour, il met en pratique dans sa propriété à Rolândia ce qu'il a vu, bientôt suivi par d'autres agriculteurs. En 1976, 500 agriculteurs adoptent le semis direct sur couverture végétale, puis la diffusion se ralentit, freinée par le manque de matériel et d'herbicides. Une progression importante a lieu en 1979, avec l'apparition de nouveaux herbicides et de nouveaux semoirs plus performants. 32 Mais le véritable boom du semis direct sur couverture végétale a lieu au début des années 90. En 1999, on estime que 90% des agriculteurs soja/blé de Rolândia l'ont adopté, partiellement ou totalement. 1.2.1. Principes et description des SCV Il s'agit de semer la culture d'été et la culture d'hiver sans travailler le sol au préalable, en maintenant une couverture du sol en inter-culture. L'avantage de la période froide est qu'elle entraîne une décomposition lente des résidus de récolte, d'où la possibilité de former un mulch avec ces résidus. Par rapport aux systèmes conventionnels, le semis direct sur couverture végétale implique donc de ne plus brûler les résidus de récolte, de remplacer les travaux du sol par l'épandage d'herbicides, et de semer à travers un mulch. Mais de plus, il implique une modification des rotations afin d'augmenter la biomasse de résidus "produite", trop faible dans le système soja/blé pour recouvrir le sol. De nouvelles rotations sont construites sur les bases suivantes : (1) remplacement du soja par du maïs, du mil ou du sorgho ; (2) remplacement du blé par de l'avoine blanche, du maïs en culture dérobée (safrinha), ou par la culture d’engrais verts (avoine noire, navet fourrager, colza, millet...). Outre le fait de recouvrir le sol, les engrais verts présentent plusieurs intérêts : ils sont source de matière organique, ils limitent l'évaporation directe du sol, diminuent les amplitudes thermiques à la surface du sol (préjudiciables au développement des bactéries des nodules), et ont un effet allélopathique sur les adventices (exemple de l'avoine noire). Le maïs safrinha est une variété de maïs qui produit beaucoup de matière organique. Cette culture ne peut être semée qu'en février : pas plus tôt car elle succède à la culture d'été, ellemême récoltée début février (soja, maïs) ; pas plus tard à cause des risques de gelées (cf. figure 2.3). Cette culture est récente dans le Nord-Parana, où elle a été introduite depuis la baisse de rentabilité du blé. Afin de la semer tôt, il est nécessaire de sélectionner des variétés de soja et de maïs d'été plus précoces, récoltées en janvier, à moins de la semer après un engrais vert. La répétition chaque année des séquences soja l'été/blé l'hiver serait avantageusement remplacée par la rotation suivante, sur quatre ans : soja/engrais vert - maïs/blé ou avoine soja/blé ou avoine - soja/blé ou avoine. 1.2..2. Performances et faisabilité en milieu agricole des SCV De façon générale, le semis direct sur couverture végétale permet : - de réduire les pertes du sol par érosion ; - de mieux retenir l'eau dans le sol ; - de favoriser la vie biologique dans le sol ; - de limiter la fertilisation ; - de gagner du temps sur les travaux d'implantation, d'où une augmentation des jours disponibles pour semer, ce qui est essentiel pour caler les cycles de culture par rapport aux contraintes climatiques ; - de limiter le nombre de passages avec le tracteur, d'où une diminution des charges en carburant et une limitation du tassement du sol. 33 Dans la littérature, on parle de différence non significative à propos des rendements obtenus avec semis direct sur couverture végétale. Mais les agriculteurs sur sols basaltiques parlent d'une augmentation de rendement de 30% après quelques années. De plus, le semis direct sur couverture végétale permet de cultiver 10% de terre supplémentaire, gagnée sur des sols très pentus. Compte tenu des problèmes d'érosion qu'il permet de réduire, le semis direct sur couverture végétale évite la dégradation des rendements au cours du temps et représente un moyen essentiel pour pérenniser cette agriculture. Cependant, outre les avantages que nous avons cités précédemment, le semis direct sur couverture végétale présente des contraintes que nous allons présenter. 1.2.2.1. Besoins en intrants et équipements Les unités de production concernées par les SCV utilisaient déjà les herbicides en systèmes conventionnels. Dorénavant, la suppression du travail du sol nécessite une utilisation renforcée de ces herbicides, donc un coût plus élevé, et surtout, une bonne connaissance des produits et de leur utilisation. Cette maîtrise de la lutte chimique n'est pas acquise par tous les agriculteurs, et certaines parcelles sont fréquemment envahies par les adventices. Le semis à travers un mulch nécessite un semoir de précision spécifique, adapté aux terres argileuses, ce qui n'était pas le cas des premiers équipements utilisés. Les semoirs les plus récemment développés dans le Nord-Parana sont capables de couper la végétation en place avec les restes de la culture antérieure (avec des disques coupants), et de tracer un sillon où sont placées les graines. Pour le soja, il est nécessaire d'ouvrir la terre avec un couteau monté entre les disques coupants et les disques "déposeurs de graines". Afin d'améliorer le contact entre les graines et les sols argileux, les semoirs sont équipés de roues de compaction qui se trouvent derrière les disques "déposeurs". Il semblerait que le poids excessif de ces semoirs favorise un tassement du sol, phénomène que le semis direct sur couvert végétal est censé justement limiter. Pour les agriculteurs qui se lancent dans le semis direct sur couverture végétale, il faut acquérir deux semoirs spécifiques, un pour les cultures d'hiver, un pour les cultures d'été. De plus, introduire du maïs dans la rotation nécessite un matériel de récolte supplémentaire. L'investissement à réaliser au départ est donc important. Etant donné les conditions de crédits plus restrictives depuis quelques années, seuls les agriculteurs les plus riches peuvent se le permettre. Remarquons qu’en pratique, les agriculteurs utilisent souvent un seul semoir qu'ils adaptent selon la culture. 1.2.2.2. Les débouchés économiques des cultures introduites dans les rotations La construction de nouvelles rotations posent aussi des problèmes d'ordre économique. - Les engrais verts, malgré tous leurs avantages, ne fournissent pas de produits commercialisables. 34 - Les grains du maïs safrinha, bien que de cycle court, n'arrivent pas à sécher correctement dans les conditions climatiques du Nord-Parana (hiver froid et saison des pluies qui peut commencer tôt). Ils ne répondent pas aux normes des coopératives, et posent un problème de commercialisation. De manière plus générale, les agriculteurs pensent que le maïs est une culture exigeante au regard des conditions climatiques de la région (risque de stress hydrique pendant la floraison en décembre et janvier...). Il existe de plus un blocage d'ordre social au développement de la culture du maïs, considérée comme la production des pauvres. - L'avoine blanche n'a pas de marché. L'avoine noire était anciennement une culture de rente, mais aujourd'hui elle est fortement concurrencée par la production du Rio grando do Sul. 1.2.3. Quels agriculteurs sont concernés, et dans quelle mesure ? Dans la région, la majorité des producteurs de soja et de blé ont adopté le semis direct sur couverture végétale. Mais la réalité est plus complexe : dans certains cas, le semis direct ne concerne qu'une partie du parcellaire, et n'est pas pratiqué chaque année, voire ne concerne qu'un cycle de culture sur les deux pour une seule année. L'introduction de nouvelles cultures dans les rotations n'est pas systématiquement pratiquée : le maïs reste sous-utilisé, et l'usage des engrais verts se résume à l'implantation d'avoine. Ces faits se déclinent différemment selon les types d'unité de production. - Les agriculteurs des exploitations moyennes avec élevage (type T5) ont très peu adopté le semis direct sur couverture végétale, faute de moyens pour acquérir l'équipement. Créer des CUMA, ou emprunter les semoirs à d'autres producteurs seraient des solutions envisageables, mais le matériel doit être disponible pour des périodes de semis réduites. Ces producteurs pratiquent des rotations annuelles soja/blé ou avoine en systèmes conventionnels, l'avoine étant fauchée ou ensilée pour l'élevage. Le maïs est très peu cultivé faute de matériel de récolte. - Les agriculteurs novateurs du type T6 ont bien sûr majoritairement adopté le semis direct sur couverture végétale. Cependant, ils continuent à pratiquer un sous-solage sur les sols les plus tassés. De plus, ils réalisent souvent un passage de pulvériseur avant d'implanter l'avoine, par souci d'économie. C'est dans ce type d'unité de production que l'on retrouve les rotations les plus diversifiées. Toutefois, en hiver, l'avoine est préférentiellement cultivée (80 % des superficies) pour nourrir les troupeaux bovins, avec un peu de navet fourrager. En été, le soja prédomine toujours. Le maïs d'été concerne 40 à 50 % des superficies, proportion jamais dépassée étant donnés les risques de sécheresse encourus à la floraison. - Les agriculteurs des grandes exploitations de type T7 ont adopté le semis direct sur couverture végétale de façon récente (depuis 1993), sur au moins une partie des superficies cultivées. Cependant, ils n'ont que peu modifié les rotations, et réalisent une préparation traditionnelle du sol de façon périodique pour le décompacter et lors de la réalisation d’un chaulage. En hiver, ils cultivent essentiellement du blé (80 % des superficies), ou de l'avoine, suivant l'évolution du prix du blé. En été, le soja recouvre 70% des surfaces, et le maïs 30%. 35 En définitive, on retrouve deux grands types de semis direct sur couverture végétale dans les systèmes soja/blé : - semis direct avec introduction dans les rotations de cultures productrices de biomasse ; - semis direct avec une modification mineure des rotations soja/blé, et un travail mécanique périodique du sol. C'est le type le plus répandu. Et si on reprend les statistiques régionales sur les systèmes soja/blé à la fin des années 90 : en été, le soja occupe 60 à 80% des superficies, le reste étant cultivé en maïs ; en hiver, le blé occupe 80% des superficies, et l'avoine 20%. Ces proportions évoluent selon la conjoncture économique. 1.3. Conclusion Le semis direct sur couverture végétale a eu un impact formidable dans la région de Rôlandia, et plus généralement dans tout le Nord du Parana, ainsi que dans les Etats voisins (Sao Paulo, Rio Grande do Sul, Santa Catarina). Rappelons-en les facteurs principaux : des problèmes d'érosion catastrophiques, des agriculteurs novateurs qui disposent de moyens financiers importants, le transfert d’une technologie déjà existante, importée pour l'essentiel des EtatsUnis avec des adaptations mineures, un environnement institutionnel favorable avec des programmes de recherche-développement actifs... Cependant, les modalités d’application des SCV varient selon les agriculteurs, un des problèmes étant la trop faible diversification des cultures, très dépendante de la conjoncture économique. Le semis direct sur couverture végétale permet de limiter efficacement l'érosion. Cependant, suivant la façon dont il est pratiqué, il peut engendrer lui aussi des phénomènes de tassement des sols. Ceux-ci seraient dus, outre le poids des semoirs de précision, à des quantités de résidus insuffisantes, suite à la faible introduction de plantes productrices de biomasse. D'où la nécessité de réaliser un sous-solage tous les trois ou quatre ans, ce qui induit un surcoût. Cependant, il est nécessaire de replacer le Nord-Parana dans le contexte plus large du Brésil. Les changements économiques récents (baisse du prix du blé) et à venir (baisse du prix du soja prévisible) risquent d'entraîner une modification profonde des assolements et des rotations. Le Nord-Parana a connu un développement basé sur le café, puis sur le soja industriel. Or, il se trouve actuellement en concurrence directe avec les nouveaux fronts pionniers du Centre-Ouest du Brésil, où des exploitations de très grande taille cultivent également du soja (cf. la situation des cerrados développée plus loin). Deux perspectives s'offrent donc aux agriculteurs du Nord-Parana : soit ils migrent, comme d'autres l'ont fait avant eux, vers le nord, soit ils réorientent leurs activités agricoles vers le marché intérieur. L'adoption du semis direct sur couverture végétale par les exploitations agricoles motorisées du Nord-Parana (ainsi que des Etats voisins) a été une étape essentielle à sa diffusion dans le monde tropical. En effet, de là il va toucher les grandes exploitations agricoles des zones tropicales humides du pays, sur l’initiative de chercheurs qui se sont inspirés des systèmes du Parana, mais il va également se diffuser dans des exploitations plus petites à structure familiale : c'est le cas dans le Sud-Parana, que nous allons maintenant aborder. 36 II. Le Sud-Parana : exemple du site de Ponta Grossa au Centre-Sud Cet exemple est traité à partir des écrits de M. Rachou (1997). 2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 2.1.1. Le milieu naturel La zone est située sur le premier et le deuxième plateau du Parana (cf. figure 2.2). Le relief est plus accidenté que dans le nord, avec 19% de la superficie en forte pente. La pluviométrie moyenne annuelle est comprise entre 1500 et 1700 mm. La température moyenne annuelle quant à elle varie entre 14 et 16°C. Les mois d'été les plus chauds connaissent une température moyenne inférieure à 22°C (décembre, janvier), et les gelées sont fréquentes l'hiver (cf. annexe 3). Généralement, les sols sont de texture plutôt sableuse, de faible profondeur et sensibles à l'érosion. Les cultures se concentrent sur les pentes, où les sols sont moins acides. Les vallées sont réservées à l'habitat, à la collecte du bois et à l'élevage. 2.1.2. Les systèmes techniques de production agricole La région a été colonisée par des immigrants de l'Est de l'Europe (ukrainiens et polonais), à la fin du dix-neuvième siècle. Ces populations ont apporté avec elles la pratique de la traction équine, et ont mis en place une agriculture familiale diversifiée : les unités de production de moins de vingt hectares cultivent 50% des terres agricoles de la région. Les cultures principales sont d'abord le haricot, puis le maïs. On trouve aussi du riz pluvial, du cotonnier, de l'oignon, de la pomme de terre, ainsi que du tabac, des petits élevages de porcs, de bovins lait et de volaille. La main d'œuvre est essentiellement familiale. L'utilisation des chevaux et des mules pour la traction est très répandue. Les systèmes de culture les plus fréquemment mis en œuvre se caractérisent de la façon suivante : - - Un cycle de culture par an seulement, pendant l'été. L'hiver, les parcelles sont généralement laissées en jachère courte ; Avant l'implantation de la culture d'été, les agriculteurs réalisent un débroussaillage-brûlis, puis un labour en attelé, puis un passage de herse, toujours en attelé ; Les semis sont effectués avec un semoir à un rang, en attelé ; En cours de culture, des sarclages manuels ou en attelé sont réalisés ; Les récoltes sont manuelles. Sur les sols très en pente de la région, ces systèmes de culture entraînent des phénomènes d'érosion, même s'ils sont moins importants que dans le Nord. Suite à la diffusion du semis direct sur couverture végétale dans le Nord-Parana, l'IAPAR s'est attaché à développer depuis 1985 ces nouvelles modalités d'exploitation du milieu dans les conditions du Sud. Cette fois, ce ne sont pas les agriculteurs qui en ont eu l'initiative. 37 2.2. Le semis direct sur couverture végétale : un système développé par la recherche 2.2.1. Principes et description Depuis 1985, l'IAPAR travaille à l'expansion du semis direct sur couverture végétale dans une trentaine d'exploitations pilotes. Les nouveaux systèmes mis au point reposent sur les principes suivants : - - Introduction de cultures d'hiver, notamment des plantes fourragères comme l'avoine, le radis fourrager, le ray grass, la vesce, le lupin... Correction des carences des sols (amendement calcaire, épandage d'engrais) ; Implantation des cultures sans travail du sol, à travers un mulch. A la place du labour mécanique et du passage de la herse, on emploie un herbicide (gramoxone ou round up) pour sécher la couverture, qui est ensuite cassée et semi-hachée avec un rouleau spécial ; Vulgarisation d'herbicides pour remplacer les sarclages en cours de culture. Pour la réalisation du semis direct, l'IAPAR a mis au point en 1985 un semoir distributeur d'engrais adapté à la traction animale (bovins, ânes ou chevaux), à la fois pour le maïs et le haricot : c'est le "Grahal-Azul / IAPAR". Ce semoir dispose d'un disque tranchant à l'avant, entraîné par une roue via un système de transmission à chaîne. Ce disque coupe la paille afin de faciliter l’action des éléments semeurs en évitant le bourrage de la machine. En 1995, on a dénombré 704 semoirs de ce type dans le Parana. Pour produire le mulch, un rouleau à couteaux (rolo-faca) a également été mis au point, qui lacère la couverture morte La diffusion du semis direct sur couverture végétale n'a réellement commencé qu'au cours des années 90 dans le Sud-Parana. 2.2.2. Performances et impacts auprès des agriculteurs En comparaison avec les systèmes conventionnels, le semis direct sur couverture végétale présente les caractéristiques suivantes : - - - Un contrôle efficace de l'érosion ; Une augmentation des rendements de la culture d'été, notamment après une légumineuse cultivée en hiver. Sur une culture de haricot, l’IAPAR a pu obtenir des rendements en moyenne supérieurs de 42%, et de 63% pour le maïs. Par contre, pour le tabac, l'absence de labour aurait plutôt un effet négatif sur le développement de la culture (asphyxie racinaire...) ; Une diminution des temps de travaux l'été, avec la suppression des travaux de préparation du sol et de désherbage. Par contre, la charge en travail augmente l'hiver, puisqu'il faut implanter et gérer les plantes de couverture pendant cette période ; Une augmentation des charges, avec l'achat d'herbicides, d'engrais, sans oublier les semences pour les plantes de couverture ; L’achat d'un équipement spécialisé (semoir, rouleau) ; Une bonne maîtrise technique de la lutte chimique contre les adventices. 38 Concernant l'achat du semoir à traction animale, les agriculteurs ont pu bénéficier d'une subvention dans le cadre d'un programme de conservation des sols "Microbacias" de l'Etat brésilien. Quant au rouleau pour produire le mulch, certains agriculteurs l’ont simplement remplacé par un tronc de bois ou des branches. Notons aussi que l’on peut semer manuellement à travers un mulch en utilisant une canne planteuse. Les gains de rendement obtenus pour les cultures d'été en SCV semblent compenser les charges opérationnelles supplémentaires induites. Par contre, la difficulté d'accès à des crédits pour acheter le semoir constituerait un frein à la diffusion de ces systèmes en milieu agricole. En 1996, dans le sud du Brésil, on estime à 15 000 hectares la superficie en semis direct sur couverture végétale dans les systèmes de production utilisant la traction animale. III. Conclusion Le semis direct sur couverture végétale est bien représenté dans l'agriculture du Parana. Cependant, sa diffusion touche essentiellement les grandes exploitations agricoles en motorisation, productrices de soja et de blé, qui sont aussi les plus touchées par l'érosion. Notons également que si ces exploitations sont les moins nombreuses sur l’ensemble de l’Etat (un tiers environ des unités de production), elles représentent 70% des superficies cultivées. Toutefois, la diffusion de semis direct sur couverture végétale dans le Sud-Parana, même si elle n'a pas l'ampleur que connaît le nord de l'Etat, représente une étape décisive dans l'histoire de ces systèmes : leur adoption par des petites structures familiales utilisant la traction animale. Rappelons que, d'après M. Rachou (1997), la traction animale est utilisée par 55% des unités de production du Parana en 1980. Nous allons maintenant aborder la zone intertropicale, en commençant par les grandes exploitations, toujours au Brésil, qui évoquent, en les amplifiant, les caractéristiques des unités de production porteuses de l'innovation au Nord-Parana. 39 B. GRANDE CULTURE MOTORISEE EN ZONE TROPICALE HUMIDE : LES CERRADOS AU BRESIL En Amérique latine, le terme cerrados désigne les savanes humides sur sol acide. Celles-ci y occupent près de la moitié des terres cultivables, soit environ 243 millions d'hectares, concentrés au Brésil, en Colombie et au Venezuela. Au Brésil, les cerrados sont localisées dans l’Etat du Centre-Ouest et sont comprises entre 11 et 20° de latitude sud, 45 et 60° de longitude ouest (cf. figure 2.4). Figure 2.4 : Régions et limites naturelles du Brésil Source : H. Thery et al. (2000) La région Centre-Ouest du Brésil est en zone tropicale humide, avec une saison sèche marquée d'environ quatre mois, relativement fraîche, et une saison humide chaude. A la fin des années 70, des entreprises privées ont commencé à prendre en charge l'exploitation agricole de cette région : grandes entreprises qui diversifiaient leurs investissements, coopératives agricoles du sud et entreprises de colonisation venant des Etats du sud (Parana, Rio Grande do Sul, Sao Paulo). Motivées dans un premier temps par la spéculation foncière, elles ont développé une agriculture industrielle motorisée qui a entraîné une dégradation rapide du milieu. 40 Par la suite, nous allons analyser deux situations caractéristiques de l'agriculture industrielle de la région : - les fronts pionniers au nord avec une monoculture de soja (au centre-nord de l'Etat du Mato Grosso) ; - la zone de production cotonnière au sud (au sud de l'Etat de Goias). Cette analyse repose sur les écrits de L. Séguy et al. (1996), L. Séguy et S. Bouzinac (1997, 1998, 1999), L. Séguy et al. (1998), L. Séguy et al. (1999). I. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production Agricole. 1.1. Le milieu naturel Les deux régions présentent quelques différences : contrairement au Mato Grosso, le sud de l'Etat de Goias se trouve en limite de la zone tropicale humide du Brésil, et correspond plutôt à un climat de type subtropical humide d'après R. Labrousse (1996)1. Cette région présente aussi un relief plus accentué. Dans les deux situations, les unités de paysage sont des plateaux et des collines à pentes très longues. Dans la partie nord, l'altitude est d'environ 400 m, et les pentes sont de 1 à 5 %. Dans la partie sud, l'altitude est de 700 m, et les pentes sont supérieures à 15% en bas de relief. Toutes ces caractéristiques sont favorables à l'érosion. Les pluies s’étalent d’octobre à mai, et sont plus ou moins abondantes selon la localisation. La pluviométrie est plus importante dans la partie septentrionale avec un total annuel compris entre 2 000 et 3 000 mm, des intensités de pluie élevées (souvent plus de 100 mm par heure) avec un fort pouvoir érosif. Le drainage profond est important (supérieur à 750 mm par an) et peut provoquer la lixiviation de grandes quantités d’éléments minéraux. Dans la partie sud, la pluviométrie moyenne annuelle fluctue entre 1000 et 1700 mm (moyenne annuelle de 1500 mm sur les dix dernières années) (cf. annexe 3). Les sols sont de type ferrallitique. Dans la partie nord, ils sont profonds, rouges jaunes, développés sur un matériau acide gréseux. De texture généralement argileuse à argilosableuse, ils sont sableux en bas de pente. Dans la partie sud, les sols sont rouge foncé, dérivés du basalte. Avant la mise en culture, ces sols sont généralement bien pourvus en matière organique et bien structurés. Ils sont par contre carencés en calcium, magnésium, phosphore et potassium. Dans la partie nord, ils présentent un fort taux de saturation en aluminium, toxique pour la plupart des cultures hormis le riz pluvial. Ils ont de plus des propriétés physiques limitantes pour l’enracinement. 1 Les zones tropicales humides ne connaissent pas de période sèche de plus de quatre mois et reçoivent plus de 1500 mm de pluie par an (Labrousse, 1996). 41 1.2. Les unités de production Les unités de production auxquelles nous nous intéressons ont développé des systèmes de grande culture à vocation commerciale. Ces systèmes se caractérisent par une utilisation importante d’intrants, une motorisation de grande puissance permettant un travail rapide et une recherche de rentabilité à court terme. Sur les fronts pionniers, les terres nouvellement défrichées sont emblavées en riz pluvial, puis une monoculture de soja est pratiquée afin de produire des excédents exportables. Plus au sud, la culture cotonnière représente une spéculation attractive pour les investisseurs. Dans le nord, on observe également des activités d'élevage : l'Etat du Mato Grosso possède 15 millions d'hectares de pâturages naturels et cultivés, avec un troupeau de l'ordre de 10,5 millions de têtes (race zébu dominante). L'élevage est extensif, avec moins de 0,5 unité de gros bovin par hectare. Les activités de production de grains et d'élevage sont totalement séparées. Sur les fronts pionniers au nord, les exploitations agricoles étudiées exploitent de 200 à plus de 2000 hectares chacune. Depuis le début des années 80, la culture cotonnière s’est développée dans de grandes exploitations motorisées, qui peuvent exploiter jusqu'à plusieurs milliers d'hectares. Rappelons que le Brésil, au sixième rang mondial de la production cotonnière, est aujourd’hui le plus important pays producteur de coton en Amérique latine. Le groupe MAEDA est le premier producteur privé de coton au Brésil : il contribue pour 7% à la production nationale. Il cultive 33 000 hectares (dont 22 000 hectares en cotonnier, le reste en maïs, soja et pâturages) répartis dans plusieurs exploitations (les fazendas). Le groupe assure l’égrenage du cotongraine de ses fazendas et d’une partie de la production régionale, ainsi que la transformation et la commercialisation des produits et sous-produits. Il faut noter que ces exploitations agro-industrielles dans les cerrados cohabitent avec de petites structures familiales, majoritaires en nombre mais minoritaires en terme de superficies cultivées. Ces dernières ont des activités agricoles orientées vers la production de riz et/ou l'élevage bovin. Leur cas n'est pas du tout traité ici : pour en savoir plus à leur propos, on pourra consulter, entre autres, la thèse de S. Bainville (2000). 1.3. Les conduites techniques conventionnelles mises en œuvre par les entrepreneurs privés 1.3.1. Description et performances en terme de rendement Les grandes exploitations des fronts pionniers sont majoritairement tenues par des migrants venus du sud du Brésil, qui ont apporté avec eux leurs modalités d’exploitation du milieu : (1) La première année, défrichement au câble d’acier, mise en andains de la végétation arbustive et brûlis ; (2) Culture pure de riz pluvial pendant deux ou trois ans (culture la moins sensible à l’acidité), avec un amendement calcomagnésien broyé (2,5 tonnes/ha) et un apport réduit d’engrais minéral. 42 Intervient alors, selon les cas : (31) une monoculture de soja avec travail du sol à l’offset (pulvériseur à disques) et amendement calcomagnésien (1,5 à 2,5 tonnes/ha complété ensuite si nécessaire) ; (32) ou l’implantation, en mélange avec le riz, d’un pâturage de Brachiaria decumbens pour les exploitations extensives d’élevage (moins d’un bovin pour deux hectares). Sur ces types de système, les rendements en soja grain sont de l’ordre de 1700 kg/ha après plus de dix ans de culture continue. La culture cotonnière est classiquement conduite en monoculture, avec brûlis des résidus de récolte et travail du sol avec des outils à disques. Dans ces conditions climatiques très fluctuantes (importantes variations pluviométriques inter-annuelles) avec des risques importants d’excès d’humidité, les rendements obtenus sont très irréguliers d’une année à l’autre, malgré les quantités élevées d’engrais et de pesticides, et pour une même année selon les dates de semis. De 1987 à 1997, les rendements moyens en coton-graine obtenus par les fazendas du groupe MAEDA dans l’Etat de Goias ont varié entre 2000 et 2800 kg/ha. 1.3.2. Conséquences pour le milieu Les techniques de culture employées après défriche ont provoqué une dégradation rapide des sols. En effet, après sept ou huit ans de culture, les sols ferrallitiques de la région sont systématiquement compactés en surface et déstructurés : c'est le résultat de l'emploi exclusif des outils à disques, soit en conditions trop humides pour les travaux de préparation des sols, soit en conditions trop sèches lors de l'enfouissement des amendements calcomagnésiens. Sous forte pluviosité, ces terres compactées induisent la formation d’un horizon réduit et asphyxiant entre cinq à trente centimètres de profondeur. Cet horizon à faible capacité de rétention hydrique et minérale expose les cultures aux accidents climatiques (sécheresse ou asphyxie). De plus, le compactage en surface provoque une érosion hydrique rapide et catastrophique. A l'état sec cette fois, les sols, pulvérulents, sont soumis à une forte érosion éolienne. En outre, l'utilisation des outils à disques, associée à la monoculture, favorise la prolifération des adventices, ainsi que le développement des nématodes Meloidogyne sp. et des maladies cryptogamiques. 1.4. Conclusion Après plusieurs années de mise en culture, les rendements obtenus ont diminué malgré une augmentation des coûts de production (augmentation des doses d'engrais et de pesticides), ce qui expose les producteurs à des risques économiques élevés : la pérennité d'une agriculture nouvelle et fortement motorisée a été mise en cause. Dans le nord de la région, les fronts pionniers ont continué à avancer sur la forêt. Plus au sud, la production cotonnière s’est trouvée menacée. Dans ce contexte, il s'est agi d’identifier des solutions à la fois préservatrices de la ressource sol pour pérenniser les systèmes de production, mais aussi garantes d'une baisse significative des coûts de production. La recherche agronomique a d'abord travaillé sur des techniques de décompaction des sols en introduisant le labour avec des outils à socs et en mettant en place des rotations culturales. 43 Cependant, il s'est avéré que la pratique permanente du travail profond du sol accélère fortement la minéralisation de la matière organique, ce qui compromettait les objectifs recherchés. Ainsi, depuis 1989, ce sont de nouvelles modalités d'exploitation du milieu à base de semis direct et de couverture végétale permanente du sol qui ont été proposées, inspirées de l’expérience du Parana. En cultivant autrement dans les mêmes conditions naturelles et sociales, on cherche à : (1) protéger totalement le sol contre l'érosion, (2) préserver la matière organique, (3) permettre des revenus comparables ou supérieurs à ceux obtenus avec les systèmes intégrant le travail du sol. II. Le semis direct sur couverture végétale : un nouveau système d'exploitation du milieu proposé par la recherche Dans les conditions humides et chaudes des cerrados, la minéralisation des résidus de récolte est trop rapide pour assurer une couverture permanente du sol. Aussi, par rapport à la situation des pays tempérés et du Parana, de nouvelles modalités de semis direct sur couverture végétale ont-elles dû être mises au point, ce que la recherche s’est efforcée de faire. Les résultats présentés ci-dessous sont issus de travaux de recherche menés par le CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement), en collaboration avec différents partenaires. Dans les fronts pionniers, les travaux ont débuté en 1983. On peut citer comme appuis et partenaires : EMBRAPA (Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuaria), RHODIA AGRO, filiale de RHONE POULENC, SULAMERICA AGRO, VARIG AGROPECUARIA, des coopératives, préfectures et agriculteurs-pilotes de l'Etat du Mato Grosso, le Ministère français des Affaires Etrangères. Dans la zone cotonnière, les travaux sont plus récents (1994) et menés en partenariat avec le groupe MAEDIA sous tutelle de RHODIA AGRO. Dans les fronts pionniers, la majorité des modalités proposées sont déjà diffusées et pour la plupart adoptées par les producteurs, alors qu'elles sont en cours de mise au point dans la zone cotonnière. 2.1. Les grands principes des SCV dans les cerrados Le grand principe des nouveaux systèmes mis au point par la recherche est de produire, avant et/ou après chaque culture commerciale, une biomasse la plus importante possible, au moindre coût, dont le premier rôle est de remplacer le travail mécanique du sol. Plus généralement, les plantes productrices de biomasse ont les fonctions suivantes : protéger le sol contre l'érosion, aussi bien en saison des pluies qu'en saison sèche ; amortir les amplitudes de température et d'humidité ; maintenir une forte porosité et une structure stable du profil cultural ; limiter le développement des adventices les plus compétitives pour les cultures ; permettre de gérer au moindre coût les problèmes phytosanitaires ; recycler vers la surface les éléments fertilisants lixiviés en profondeur, puis fournir à la culture principale les éléments minéraux par la minéralisation de leur propre biomasse. Par cette dernière fonction, les plantes de couverture s'apparentent à des pompes biologiques pour les éléments minéraux : leur efficacité se mesure d'une part par le volume et la qualité de biomasse recyclable audessus du sol, d'autre part par la puissance de leur système racinaire au-dessous de la surface du sol. 44 Les systèmes proposés dans les cerrados reposent sur une diversification des cultures, la construction de séquences annuelles, des associations, des rotations, en intégrant ou non la gestion des pâturages. Ils sont fondés sur l’emploi raisonné d’herbicides pour contrôler les plantes de couverture. Le sol n'est plus travaillé : les cultures sont toutes implantées pratiquées en semis direct. Suivant les modalités de gestion de ces systèmes, on peut les répartir en deux grands types (cf. figure 2.5) : - Le type T1 repose sur des séquences de deux (voire trois) cultures gérées sur une seule année climatique, que l'on combine pour construire des rotations. Les séquences annuelles ne comprennent que des cultures commerciales, ou une plante dont la fonction principale est de couvrir le sol avant ou après la culture commerciale ; - Le type T2 fait intervenir une plante de couverture spécifique, gérée sur au-moins deux années consécutives. Après la saison sèche, les plantes de couverture colonisent de nouveau les parcelles, grâce au ressemis spontané pour les annuelles ou après reprise végétative pour les vivaces. On distingue trois sous-types pour T2 : - - - (T21) la plante de couverture est détruite après sa reprise en deuxième année, avant l’implantation de la culture commerciale, et on retombe alors sur un système de type T1 ; (T22) la plante de couverture est gérée en association avec la culture commerciale, et le système se reproduit d'année en année. La plante de couverture est une plante fourragère, annuelle à ressemis spontané ou vivace. En effet, ce système a été mis au point pour obtenir des pâturages en succession annuelle avec une culture commerciale ; (T23) la plante de couverture est laissée trois ou quatre années consécutives pour le pâturage. Elle est alors détruite pour implanter des séquences de cultures commerciales pendant un à quatre ans, et ainsi de suite. Dans ces systèmes, la culture commerciale est implantée dans un épais mulch végétal, constitué des résidus de la culture précédente qui forment une couverture morte. Seul le soustype T22, s'il fait intervenir une plante vivace, met en jeu une couverture vivante. Nous allons maintenant détailler le fonctionnement des ces différents systèmes. 45 46 2.2. Fonctionnement des principaux SCV dans les cerrados 2.2.1. Les systèmes de type T1 Le mil et le sorgho sont capables de produire de fortes biomasses sous des conditions climatiques marginales. Ils sont donc particulièrement utilisés pour encadrer le cycle de la culture principale dans les conditions générales des cerrados au Brésil. 2.2.1.1. Exemple 1 : séquences de mil - soja - sorgho et mil (Mato Grosso, Goias) Le mil est utilisé en ouverture : il est implanté en semis direct au début de la saison des pluies. Après 45 à 80 jours de croissance (après la floraison qui a lieu au 45ème jour), le mil est desséché sur pied par un herbicide total, épandu par voie terrestre ou aérienne (720 grammes/ha de glyphosate + 1000 grammes/ha de 2-4 D amine en mélange). Cinq jours après l'application de l'herbicide, le soja est semé directement dans la paille de mil sur pied, couchée au sol par le semoir. En fin de saison des pluies, au fur et à mesure de la récolte de soja, sorgho puis mil sont implantés en semis direct. En début de saison sèche, sorgho et mil sont récoltés normalement pour les productions qu'elles peuvent offrir (grain, ensilage, fourrage...), avec une coupe à un mètre au maximum au-dessus du sol. Les résidus ainsi laissés forment une importante biomasse en saison sèche, pendant laquelle elle ne se décompose pas : une couverture totale du sol est assurée. Ajoutons qu'une fertilisation minérale d'entretien ou de correction est appliquée sur la culture de mil en ouverture, puis sur la culture du soja (cf. figure 2.6). Dans ces systèmes, les performances du soja sont toujours très significativement supérieures à celles obtenues avec une préparation mécanique du sol, quelle que soit la modalité. La correction phosphatée de haut niveau garantit les productivités les plus élevées et les plus stables. Les coûts d'installation du mil précédant le soja sont équivalents ou un peu inférieurs à ceux de la préparation des sols à l'offset ou aux socs. 2.2.1.2. Autres séquences possibles Sans être exhaustif, voici d'autres exemples de séquences possibles : - On limite le nombre de séquences à deux (culture principale avec une plante de couverture en ouverture ou en succession) - La culture principale peut être le soja, le riz ou le cotonnier - La plante de couverture peut être une légumineuse (crotalaire, stylosanthes...), seule ou en association avec des graminées ; - On met en place deux séquences de cultures commerciales (soja, riz pluvial, maïs, cotonnier). 47 Figure 2.6 : Cerrados (Brésil) – Conduite technique des séquences mil – soja - sorgho et/ou mil en semis direct sur couverture végétale Source : L. Séguy et al. (1996) 2.2.1.3. Exemple 2 : séquences mil ou sorgho - cotonnier (Goias) Aux premières pluies, on implante en semis direct du sorgho guinea ou du mil dans les résidus du précédent cotonnier. Les repousses de cotonnier et des adventices dicotylédones sont éliminées à 20-30 jours après semis, par une application de 2-4 D amine. 45 à 60 jours après le semis, la culture de sorgho ou de mil est desséchée par un traitement au glyphosate (540 g/ha). On sème alors directement le cotonnier dans le mulch ainsi obtenu, tout en appliquant un herbicide de pré-émergence sur la ligne de semis, là où le semoir a perturbé la couverture. Sur l'interligne, le mulch empêche le développement des adventices jusqu'à 45 jours après dessiccation des pailles. Passé ce délai, des herbicides totaux bon marché sont appliqués entre les lignes, grâce à un équipement spécial constitué de tunnels applicateurs protégeant totalement la culture. Ces traitements sont réalisés jusqu'à 60 jours après le semis, moment où la culture cotonnière recouvre complètement le sol. Concernant la fertilisation, un épandage d’azote de 20 kg/ha est réalisé avant semis du cotonnier. Au semis, une fumure minérale (3-3-15) est apportée à raison de 100 kg/ha (pour 330 kg/ha en semis conventionnel). En cours de développement, un apport de 250 kg/ha d’engrais 18-0-20 est réalisé, comme pour le semis conventionnel. Au total, le coût de l'itinéraire technique proposé est à peu près équivalent à celui du système conventionnel (cf. tableau 4.5 dans la partie 4). Par contre, les rendements de coton-graine augmentent de 10 à 40%. Cette augmentation s’explique par un poids moyen capsulaire plus élevé de 4 à 21%. Ainsi, au bout du compte, le SCV proposé permet de dégager une marge bien supérieure à celle du système conventionnel. 48 2.2.1.4. Exemple 3 : séquences crotalaire - riz pluvial (Mato Grosso) Dans ce système, des cycles courts, moyens et longs de riz peuvent être utilisés au choix afin de mieux gérer le risque climatique de fin de saison des pluies et d’étaler la récolte. Après un précédent "soja - sorgho guinea ou mil", un épandage d'herbicides est réalisé aux premières pluies en octobre, après le départ de la végétation (1,5 l/ha de glyphosate + 1,5 l/ha 2-4 D amine ou 40 g/ha de flumioxazin). On implante alors en semis direct du Crotalaria spectabilis qui renforce rapidement la macroporosité du sol. A partir de début décembre, la crotalaire est séchée par l'épandage de 2 l/ha de reglone (diquat). Cinq jours après, on sème directement le riz pluvial avec de l'herbicide résiduel mélangé à 1 l/ha de gramoxone (paraquat). L'engrais est apporté au même moment, sous forme soluble, sur la ligne de semis. Une fertilisation est ensuite réalisée au cours du cycle. Pour éviter le risque toujours possible de déficit hydrique en fin de cycle, il est recommandé d'effectuer le semis direct du riz aux périodes suivantes : entre le 25 novembre et le 10 décembre pour les cycles de 125-130 jours ; entre le 10 et le 25 décembre pour les cycles de 115-120 jours ; entre le 25 décembre et le 6 janvier pour les cycles de 90-105 jours. Ce système permet de produire entre 4500 et 6000 kg/ha de riz avec des cultivars de haute productivité. Avec des variétés très productives de riz pluvial implantées en décembre, une forte fumure et des traitements fongicides de fin de cycle, on peut obtenir des marges nettes de plus de 200 $/ha, même en année climatique défavorable, marges qui peuvent doubler voire tripler en année normale où les rendements peuvent atteindre 8000 kg/ha. 2.2.1.5. Exemple 4 : séquences soja - riz pluvial cycle court (Mato Grosso) Dans ce système, le riz joue le rôle de culture secondaire, culture de succession annuelle du soja de cycle court. Les cultivars de riz utilisés sont de qualité technologique supérieure, de cycle court (90-105 jours), et conduits avec un minimum d'intrants pour minimiser à la fois le risque climatique de fin de cycle et le risque économique. Après un précédent "soja - sorgho guinea ou mil associé à Brachiaria ruziziensis", un épandage d'herbicides est réalisé aux premières pluies en octobre, après le départ de la végétation. On implante alors le soja en semis direct. Fin janvier, au fur et à mesure de la récolte du soja, on applique 1 l/ha de gramoxone si nécessaire, et on sème directement le riz, cultivé avec un minimum d'intrants. Une production de riz de 2000 kg/ha permet de dégager des marges brutes comprises entre 130 et 300 US$/ha, avec un risque économique très limité. 2.2.2. Les systèmes de type T21 2.2.2.1. Avec du cotonnier (Goias) Le système que l’on va présenter a été mis au point pour lutter contre Cyperus rotondus : il s'agit de garantir un ombrage permanent du Cyperus afin de contrôler son développement en surface pour qu’il ne concurrence pas le cotonnier, tout en gardant vivants ses organes sousterrains qui possèdent la propriété de supprimer les autres adventices par allélopathie (cf. figure 2.7). 49 Figure 2.7 : Cerrados (Brésil) - Fonctionnement d’un SCV en culture cotonnière pour contrôler Cyperus rotondus Source : L. Séguy et al., 1999 Ce système repose sur une rotation triennale : "soja - sorgho associé à Brachiaria ruziziensis" en première année, cotonnier la deuxième année et "mil ou sorgho - cotonnier" la troisième année. En première année, après un épandage d’herbicides vers le 20 octobre, on implante le soja en semis direct. Au fur et à mesure de la récolte du soja, on implante le sorgho également en semis direct, associé à Brachiaria ruziziensis (vers le 10 février). Cette association produit une très forte biomasse (supérieure à 8 t/ha de matière sèche en surface et à 5 t/ha de racines réparties entre la surface et plus de 1,5 m de profondeur). Après la récolte du sorgho, le sol reste couvert par un mulch épais pendant toute la saison sèche. 50 Aux premières pluies de la saison pluvieuse suivante, le sorgho et le Brachiaria repartent par multiplication végétative, mais aussi par germination des graines laissées à la récolte pour le sorgho. L'ensemble produit une forte biomasse additionnelle jusqu'au moment de l’implantation en semis direct du cotonnier entre le 10 et le 30 novembre. Le semis est réalisé huit à dix jours après le dessèchement complet de cette biomasse par épandage d'herbicides (1,5 l/ha de glyphosate + 40 g/ha de flumioxazin). En troisième année, les séquences "mil ou sorgho - cotonnier" que l'on a déjà décrites prennent le relais. Ce système permet le contrôle total du Cyperus tout en conservant son pouvoir de lutte contre les adventices, ceci à moindre coût et avec une réduction significative du nombre des interventions. En fait, les coûts de l'ensemble des opérations sont inférieurs de 17% à ceux du système conventionnel : les marges nettes par hectare permises par le semis direct sont pratiquement le double de celles du système conventionnel, quel que soit le niveau de fumure. 2.2.2.2. Avec du riz pluvial (Mato Grosso) Ce système repose sur une succession "soja - mil ou sorgho associé à Brachiaria r." en première année, et "riz - cotonnier ou maïs ou sorgho ou mil (les céréales pouvant être associées à Brachiaria r.)" la deuxième année. L'implantation du riz en deuxième année climatique se fait de la même façon que pour le cotonnier (cf. précédemment), entre le 15 et le 25 octobre. Les cultivars employés sont de cycle court (90-105 jours). Avec ce système, la récolte du riz a lieu en janvier, sous la pluie, mais correspond à un moment où les prix sur le marché sont élevés. La production du riz obtenue a pu atteindre en grande culture 5400 kg/ha. 2.2.3. Les systèmes de type T22 : pâturage en succession annuelle avec une culture commerciale sur les fronts pionniers (Mato Grosso) Les plantes fourragères servent à la fois de pâturage et de plantes de couverture. Les systèmes mis au point permettent de réaliser des pâturages sans immobiliser de surface productive. 2.2.3.1. Pâturages à plantes vivaces (exemple du Paspalum notatum avec soja) La plante fourragère est implantée dans la culture commerciale. La compétition précoce entre la culture et le tapis herbacé en voie d'installation est contrôlée par l'emploi d'herbicides ou d'inhibiteurs de croissance sélectifs, jusqu'à ce que la culture recouvre complètement le sol. Sous l'ombrage de la culture, la compétition est réduite au minimum. Après la récolte, la plante fourragère recouvre rapidement le sol et peut être pâturée par les animaux ou exploitée sous forme de foin. L'année suivante, après la saison sèche, la plante fourragère repart par multiplication végétative. On applique alors de l'herbicide paraquat en deux fois à cinq jours d'intervalle (200 g/ha puis 100 à 200 g/ha). Puis le soja est semé directement et l'herbicide fluazitop P butyl est utilisé en post-émergence à doses faibles (72 g/ha de matière active) de manière à ne pas détruire les rhizomes de la plante fourragère, jusqu'à ce que le soja recouvre complètement le sol. Après récolte du soja, la plante fourragère re-colonise le sol, et ainsi de suite (cf. figure 2.8). Dans ce système, le maïs et le sorgho peuvent remplacer le soja. De plus, avant le semis de la plante commerciale, un régulateur de croissance peut être utilisé à la place de l'herbicide de contact. 51 Figure 2.8 : Cerrados (Brésil) – Exemple de SCV avec un pâturage à plante vivace (soja et Paspalum notatum cv. Pensacola) Source : L. Séguy et al. (1996) 2.2.3.2. Pâturages à plantes annuelles (exemple du Calopogonium mucunoides avec maïs, sorgho ou riz de cycle court) Le Calopogonium n'est pas pâturé, mais il peut être consommé en sec. Son intérêt essentiel réside dans son efficacité à réduire les coûts de production pour les systèmes à base de céréales (diminution des doses d'engrais). Le Calopogonium est semé à la volée avant ou en même temps que la culture principale, mélangé à l'engrais. Des herbicides sélectifs sont utilisés pour contrôler le développement de la plante fourragère. Après la récolte des céréales, la plante fourragère recouvre complètement le sol (masse de 8 à 10 T/ha de matière sèche ajoutée aux résidus de récolte). Ses grains tombent à maturité et assurent sa reprise l'année suivante aux premières pluies. Avant le semis direct de la culture commerciale, un herbicide de contact (diquat) peut être éventuellement utilisé. Les mêmes itinéraires peuvent être pratiqués avec des légumineuses. 2.2.4. Les systèmes de type T23 : trois à quatre ans de pâturage, un à quatre ans de culture sur les fronts pionniers (Mato Grosso) - Installation du pâturage : le soja ou le riz sont semés de façon précoce en octobre et récoltés fin février. Au fur et à mesure de la récolte, le pâturage est implanté en semis direct (Panicum maximum ou Brachiaria brizentha). - Passage du pâturage à la culture : en fin de saison des pluies vers la mi-avril, une forte charge animale est appliquée sur le pâturage pour le réduire au maximum. On applique alors un traitement à l'herbicide total (glyphosate à la dose de 1440 g/ha). Aux premières pluies suivantes, on épand de nouveau du glyphosate sur les repousses et les levées (720 g/ha), puis on sème directement le soja, dans lequel le contrôle des repousses éventuelles est effectué avec un herbicide graminicide sélectif du soja. 52 Une variante à ce système consiste à rénover des pâturages dégradés en semant du riz sur un cycle cultural. Deux options sont possibles : - - Le pâturage dégradé est desséché avec de l’herbicide fin novembre ou début décembre. Le riz est semé dix jours après, en semis direct, et le nouveau pâturage est implanté en semis direct 20 à 25 jours après, dans l’interligne. La culture du riz bénéficie d’une fertilisation, au semis et 30 à 40 jours après le semis ; Le pâturage dégradé est desséché par de l’herbicide entre le 10 et le 25 octobre. Un riz de cycle court est semé dix jours après, en semis direct, (avec les mêmes niveaux de fumure que précédemment), puis, au fur et à mesure de la récolte du riz, le nouveau pâturage est implanté en semis direct. 2.3. Récapitulatif La figure 2.5 représente les principaux SCV construits par la recherche pour les grandes exploitations agricoles des cerrados. Il faut noter que la mise au point de ces systèmes s’accompagne d’une recherche active sur l’amélioration variétale des plantes cultivées, de façon notamment à obtenir des longueurs de cycle adaptées. Les premiers systèmes construits ont concerné le soja. Les travaux sur le riz pluvial, très exigeant en terme de gestion du profil cultural, n’ont débuté qu’en 1993 : ils ont nécessité la création de cultivars améliorés (différentes longueurs de cycle, puissance racinaire, résistance aux principales maladies cryptogamiques, fort potentiel de productivité) et des rotations spécifiques pour obtenir une forte macroporosité (riz semé après des légumineuses à enracinement pivotant profond, ou après une à trois années de « soja – mil ou sorgho ou maïs » à forte biomasse, ou encore après un pâturage de longue durée…). III. Performances et impacts des SCV sur le milieu agricole Les différents SCV dans les cerrados présentent de nombreux avantages : - Protection des sols contre l’érosion hydrique et éolienne Maintien du stock de matière organique, recyclage d’éléments minéraux lessivés Contrôle des adventices Intégration agriculture-élevage avec les successions « pâturage – culture commerciale semée directement » Diminution du temps de travail pour l’implantation des cultures. A moindre coût ou à coût équivalent, ils permettent d’améliorer et de stabiliser les rendements des plantes cultivées. Le semis direct sur couverture végétale est aussi et surtout un moyen d’assurer la durabilité de l’agriculture industrielle des cerrados qui, rappelons-le, est soumise à des conditions pédoclimatiques contraignantes (risques d’érosion, sols ferrallitiques rapidement dégradés…). Cependant, ils impliquent les conditions suivantes : - Utilisation d’herbicides et de régulateurs de croissance Nouvel équipement de précision (semoirs, pulvérisateurs à épandage localisé…) Nouvelles variétés pour les plantes cultivées Implantation de plantes de couverture qui n’ont pas de débouchés commerciaux. Une production de semences est nécessaire, certaines de ces plantes étant détruites avant la production de graines. 53 Certains des SCV décrits précédemment ne sont encore qu’au stade de l’expérimentation, expérimentation qui se fait d’ailleurs directement en collaboration avec les agriculteurs. Les autres, et notamment ceux à base de soja, ont un impact considérable auprès des grandes exploitations des cerrados, où ils se diffusent très rapidement. En 1999, on estime à 4 millions d’hectares les superficies cultivées en semis direct sur couverture végétale dans les cerrados au Brésil (Raunet, en cours). IV. Conclusion Les SCV se sont bien développés en conditions tropicales humides. Etant donné les conditions climatiques, nous avons vu que les modalités peuvent être extrêmement diverses. Cependant, dans les cerrados, ils concernent essentiellement les grandes exploitations agricoles à haut niveau d’équipement et capables de maîtriser une technicité de pointe. Dans la suite du document, nous allons aborder le cas de petites exploitations familiales, dans d’autres parties du monde, en restant dans un premier temps en zone tropicale humide. 54 C. PETITE AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE TROPICALE HUMIDE Nous allons traiter deux grandes situations bien contrastées : (1) une première dans le nord du Honduras en Amérique Centrale, région marquée par les systèmes traditionnels frijol tapado, où les agriculteurs ont mis au point spontanément sur des sols en pente des SCV en utilisant Mucuna sp. ; (2) une seconde en zone forestière d’Afrique de l’Ouest (sud de la Côte d’Ivoire et sud du Bénin), où des SCV ont été expérimentés par la recherche comme alternative à la défriche–brûlis, toujours pratiquée par les agriculteurs. I. Le littoral atlantique dans le nord du Honduras Ce cas est traité à partir des écrits de D. Buckles et al. (1994), D. Buckles et al. (1998), G. Sain et al. (1994) et de B. Triomphe (1996a, 1996b, 1999). Situé environ à 15° de latitude nord et à 88° de longitude ouest (cf. figure 2.9), le littoral atlantique du Nord-Honduras est composé de deux ensembles bien distincts : une cordillère très humide culminant à près de 2500 m, qui domine une plaine côtière très étroite et allongée dans la direction est-ouest. La région concernée est localisée sur les premiers contreforts de la cordillère, domaine privilégié de la petite agriculture de subsistance, par opposition à la plaine, zone de production de cultures d'exportation (bananes, palme africaine, ananas) et d'élevage bovin extensif. La zone climatique considérée est de type tropical humide, ses caractéristiques résultant de l'influence des alizés (Labrousse, 1996). Elle est marquée par une longue période humide, une pluviométrie abondante et une répartition bi-modale des pluies (cf. annexe 3). Figure 2.9 : Honduras – Localisation de la zone étudiée Source : D. Buckles et al. (1994) 55 1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 1.1.1. Le milieu naturel Située entre 500 et 600 mètres d'altitude, la région se caractérise par des pentes fortes (de 25% à plus de 100%) : elles sont souvent peu stables, sensibles à l'érosion. Les glissements de terrain sont fréquents, surtout en saison des pluies. La pluviométrie moyenne annuelle est comprise entre 2000 et 3000 mm. La répartition des pluies permet deux cycles agricoles par an : (1) de juin à janvier, le cycle estival (primera) est calé sur la longue saison des pluies, avec des précipitations mensuelles qui culminent autour de 300 à 500 mm entre septembre et décembre, et des précipitations journalières maximales de 100 à 200 mm ; (2) de février à mai, le cycle d’hiver (postrera) est centré autour d'une période relativement sèche (environ 100 à 150 mm de pluies par mois). La température moyenne annuelle avoisine les 26°C. Les minima thermiques s'observent en janvier (15-17°C), et les températures maximales en mai (30-32°C). Les amplitudes thermiques annuelle et journalière demeurent modérées. Quant au vent, il est assez faible (à l'exception des cyclones occasionnels) : il ne provoque que peu de dommages sur les cultures. Il en résulte une évapotranspiration modérée en saison des pluies (3 à 4 mm par jour), plus élevée en saison sèche (jusqu'à 5 mm par jour de mars à mai). Développés sur un substrat micro-cristallin basique, les sols sont des alfisols (classification USDA) : ils sont profonds (plus de 60-80 cm) et riches en éléments minéraux, avec un pH proche de 6. 1.1.2. Histoire agricole et unités de production concernées Le littoral atlantique du Nord-Honduras est une zone de frontière agricole : elle reçoit par milliers des familles en provenance des régions plus pauvres du pays. Sous la pression des éleveurs, ces familles se voient contraintes, à peine arrivées, d'occuper des terres toujours plus en pente, toujours plus éloignées des axes de communication. Dans la région qui nous concerne, 30% des agriculteurs obtiennent des revenus confortables grâce à un bon accès à la terre. A l'inverse, 70 à 80% disposent de moins de cinq hectares et pratiquent une petite agriculture de subsistance. Ce sont celles-ci que nous allons étudier. 1.1.3. Les systèmes de culture mis en œuvre Etant donné les fortes pentes et la pluviométrie abondante, la majorité des terres de la région présentent une importante sensibilité à l'érosion : la culture continue est difficile. L'agriculture manuelle de défriche-brûlis, en partie itinérante, reste le système dominant, ce qui accélère la déforestation d'une région encore très boisée. Les cultures vivrières de maïs et de haricot sont de loin majoritaires dans l'assolement des petites exploitations. Les systèmes de culture à base de maïs fonctionnent de la façon suivante : (1) défriche de la forêt et brûlis ; (2) un à trois ans de culture de maïs, à raison de deux cycles de maïs par an. En général, plus de la moitié du maïs d'hiver est vendu (période de prix élevé sur le marché), tandis que le maïs d'été est exclusivement autoconsommé ; (3) trois à vingt années de jachère ; (4) un à trois ans de culture de maïs, avec semis du maïs sur jachère fauchée ou brûlée, et ainsi de suite... Le maïs peut aussi être implanté après une jachère arborée pour introduire un pâturage, ou après un vieux pâturage pour le rénover. 56 Depuis la fin des années 70, les agriculteurs des petites exploitations familiales ont adopté de nouvelles pratiques qui leur permettent de cultiver le maïs de façon continue, à raison d'un cycle cultural par an. Le système repose sur une association maïs-Mucuna sp., le Mucuna jouant le rôle de couverture végétale dans laquelle le maïs est implanté en semis direct. Alternative à la défriche-brûlis, c'est ce système que nous allons détailler maintenant. 1.2. Le semis direct de maïs sur couverture végétale de Mucuna : un SCV développé spontanément par les petits agriculteurs 1.2.1. Principes et origine du système Le système est basé sur l'association du maïs et du Mucuna (Mucuna deeringianum notamment), plante annuelle à ressemis spontané. Les deux plantes se développent de façon décalée sur l'année : le Mucuna pendant la grande saison des pluies, le maïs pendant la petite saison des pluies. En décembre, à la fin de son cycle naturel (après production de graines), le Mucuna est fauché, puis le maïs est implanté en semis direct dans le mulch ainsi créé. Le Mucuna repart grâce à la germination de ses graines restée dans le sol, mais son développement ne devient agressif qu'après la récolte du maïs, en mai. La succession des cycles se répète ainsi chaque année de manière identique, et ce depuis vingt ans pour les champs les plus anciens (cf. figure 2.10). Figure 2.10 : Nord-Honduras - Association maïs/Mucuna (années 1 et 2) Source : D. Buckles et al. (1998), P. Ehret (1999) Le Mucuna a été introduit en Amérique centrale dans les années 20, par les compagnies bananières multinationales. Les graines provenaient du sud-est des Etats Unis, où le Mucuna était massivement cultivé comme engrais vert et comme aliment pour bétail depuis les années 1800. D'abord introduit pour nourrir avec ses graines les mules qui travaillaient dans les 57 plantations de banane, le Mucuna, dans les années 30, commence à être utilisé au Guatemala pour améliorer les sols et en tant que culture fourragère. Dans les années 50, la plante est utilisée pour ses effets sur le contrôle des mauvaises herbes. Elle se diffuse ensuite dans l'ouest du Honduras, où elle est probablement introduite sur la côte nord au début des années 70 par des migrants. Une fois sur le littoral atlantique, l'utilisation du Mucuna dans les systèmes de culture d'altitude se développe d'abord lentement. Puis, dans les années 80, le taux d'adoption croît pour atteindre 5% par an. La diffusion se fait par bouche à oreille, sans aucun appui institutionnel. Il convient de noter que le système maïs-Mucuna n'est pas arrivé avec la plante de couverture, mais a été mis au point progressivement par les agriculteurs, de façon locale. Son adoption massive s'expliquerait par la nécessité de trouver une alternative aux systèmes traditionnels de production de maïs, trop consommateurs en terre et concurrencés par l'expansion de l'élevage bovin extensif. La forte saisonnalité des prix du maïs aurait joué un rôle considérable sur la décision des agriculteurs : le Mucuna remplace le maïs d'été, vendu à bas prix, et permet d'améliorer la production de maïs d'hiver, au prix élevé, en diminuant les coûts. 1.2.2. Le matériel végétal 1.2.2.1. Le Mucuna Mucuna sp. est une légumineuse agressive, grimpante, produisant un feuillage abondant (cf. annexe 2). Elle se sert des tiges de maïs comme tuteur, sa canopée pouvant atteindre 1 à 1,5 mètres de hauteur. Le Mucuna perd ses feuilles au fur et à mesure de son cycle, qui dure de 100 à 300 jours selon l'altitude et la date de plantation. Plante de jours courts, sa floraison intervient à la mi-octobre. Le Mucuna dépérit après avoir produit ses graines, soit 45 à 60 jours après la floraison. La plante produit cinq à douze tonnes de matière sèche par hectare, et jusqu'à deux tonnes de gousses par hectare. Elle se caractérise par des effets nématicides, insecticides et allélopathiques sur certaines adventices. 1.2.2.2. Le maïs Les variétés locales (Olotillo, Tuza morada, Raque) sont multipliées dans les exploitations agricoles. De haute taille (supérieure à trois mètres), elles produisent beaucoup de feuilles et de biomasse verte en général. Leur cycle dure environ 120 jours, et leur rendement potentiel est de quatre à cinq tonnes par hectare. Les raffles sont bien couvrantes. La variété commerciale Honduras Planta Baja (hauteur 2,5 m) est également utilisée. Bien que son rendement potentiel soit élevé (cinq à six tonnes par hectare), elle n'est guère appréciée des agriculteurs. En effet, les raffles couvrent mal les épis, ce qui peut entraîner des problèmes de conservation. 58 1.2.3. La conduite technique de l’association (cf. figure 2.10) 1.2.3.1. Des cycles complémentaires Les cycles du Mucuna et du maïs sont très complémentaires sous les conditions climatiques du Nord-Honduras. Les plantes se développant de façon décalée, les interventions techniques pour contrôler la plante de couverture sont réduites. Le maïs est semé en décembre. Pour le premier cycle du système, le Mucuna est implanté 40 à 60 jours après le maïs. Par la suite, le Mucuna se ressème spontanément, avec une germination des graines en février. Les différents stades des plantes s'observent aux dates suivantes : - - En décembre, germination des graines de maïs ; En février, germination des graines de Mucuna, semées (pour le premier cycle) ou laissées dans le mulch. Le développement de la plante est lent, jusqu'en avril ; En mars, floraison du maïs ; En avril, maturité du maïs ; Après la récolte du maïs, recouvrement de la parcelle par le Mucuna, avec incorporation des tiges de maïs et étouffement progressif des adventices. A partir de juin, le Mucuna recouvre totalement le sol par son épais feuillage ; En octobre, floraison du Mucuna ; En décembre, maturité des graines de Mucuna. La plante, en fin de cycle, dépérit. Remarquons que la culture d’hiver du maïs est rendue possible par les importantes réserves en eau dans le sol. Celles-ci se sont constituées grâce aux fortes précipitations entre octobre et décembre. Par ailleurs, le mulch de Mucuna permet de limiter les pertes hydriques. 1.2.3.2. Les opérations culturales Une fois le Mucuna introduit dans une parcelle, les principales opérations à mener sont la fauche du Mucuna et la conduite du maïs. - Introduction du Mucuna : L’implantation du Mucuna a lieu pendant un cycle de maïs d'hiver, 40 à 60 jours après le semis de ce dernier en décembre. On sème un mélange de plusieurs espèces de Mucuna dans l'inter-rang de maïs, au bâton-fouisseur, à raison de deux à trois graines par trou (un à deux mètres entre les trous). La dose de graines avoisine les 10 à 15 kg par hectare. Certains agriculteurs sèment le Mucuna à la volée dans le champ de maïs : l'économie de travail est manifeste, mais l'efficacité d'implantation est nettement moindre. D'autres, très rares, sèment le Mucuna directement dans une jachère. L'établissement total et homogène de Mucuna nécessite deux, voire trois années. Il faut souvent replanter le Mucuna la deuxième année. 59 - Ressemis annuel et fauche du Mucuna : La capacité du Mucuna à se ressemer spontanément constitue un très gros avantage pour les agriculteurs. Pour que le ressemis soit correct, le Mucuna doit avoir produit suffisamment de gousses viables, d'où l'importance de la période de fauche. La fauche est l'opération culturale principale. Elle s'effectue manuellement, à la machette, lorsque le Mucuna atteint la maturité et commence à dépérir en décembre. Les agriculteurs s'aident également d'un bâton en forme de fourche pour arracher le Mucuna du sol. La fauche est grossière, de façon à ne pas détruire les gousses, ainsi que pour limiter le travail (et donc les frais de main d'œuvre). Certains agriculteurs répandent alors les résidus, afin d'assurer l'homogénéité de la couverture du sol, de la croissance du maïs, et du peuplement du Mucuna l'année suivante (meilleure répartition des gousses). La date de la fauche n'est pas uniquement conditionnée par la présence d'un nombre suffisant de gousses et de graines viables : elle dépend de la date-limite que les agriculteurs se fixent pour semer le maïs par rapport aux risques de sécheresse, ainsi que de la disponibilité en main d'œuvre. Le contrôle des rats intervient à ce moment : les faucheurs travaillent par équipe de trois à cinq personnes, de façon à regrouper les rongeurs dans un "îlot" de Mucuna, puis à les chasser vers une zone ouverte, non fauchée, où il est facile de les exterminer. En se desséchant, les gousses de Mucuna éclatent, projetant les graines, ce qui assure une bonne répartition dans le champ. Il faut cependant parfois ressemer le Mucuna si le peuplement n'est pas suffisamment homogène. En effet, lorsque le Mucuna n'est jamais ressemé, une hétérogénéité se crée au sein du peuplement, laissant la place à des adventices qui concurrencent son développement. - Semis du maïs : Il a lieu après la fauche du Mucuna et se réalise au bâton fouisseur, à travers le mulch ainsi créé. Le semis du maïs doit suivre la fauche du Mucuna le plus rapidement possible, pour les raisons suivantes : (1) synchroniser les besoins en azote du maïs et la libération de l'azote par la litière, (2) éviter la compétition des adventices. En effet, l'absence de mauvaises herbes après la fauche de Mucuna ne dure pas, et doit être mise à profit par le maïs. L'implantation du maïs peut s'étaler sur quelques jours à quelques mois, selon la capacité de l'agriculteur à mobiliser de la main d'œuvre. Mais le plus souvent, elle s'effectue au fur et à mesure de l'avancement de la fauche : un à deux jours de fauche, puis semis de la zone correspondante. Le semis se fait en ligne, en respectant 80 à 100 cm de distance entre les rangs, 50 à 80 cm entre les poquets, à raison de trois à quatre graines par poquet. Les graines sont parfois traitées contre les fourmis, et peuvent être pré-germées pour rendre le maïs plus compétitif face aux adventices. - Désherbage du maïs : Il s'agit d'une pratique fondamentale, qui influe à la fois sur le rendement du maïs et sur le développement du Mucuna. Les objectifs sont : (1) d'empêcher la compétition des adventices avec le maïs pour les éléments minéraux et la lumière, (2) d'éclaircir le sol pour que le ressemis spontané de Mucuna se déroule dans de bonnes conditions. 60 Un premier désherbage a généralement lieu entre 20 à 30 jours après le semis du maïs, puis un second dix jours plus tard. Cependant, on observe une grande variabilité des pratiques : certains agriculteurs désherbent une seule fois, à la houe ; d'autres le font deux à trois fois, en combinant l’utilisation de la machette avec l’épandage d'herbicides (paraquat, avec un pulvérisateur à dos). L'utilisation du 2-4 D amine est proscrite, car préjudiciable au Mucuna émergent. Quel que soit le type de désherbage, les mauvaises herbes demeurent sur le sol et viennent grossir le mulch. Ces pratiques différentes dépendent de la nature et de la vigueur des adventices, mais aussi de facteurs sociaux, en relation avec les lieux d’origine divers de ces agriculteurs issus de migrations. On peut remarquer que le Mucuna, lorsqu'il est particulièrement vigoureux, peut entrer en compétition avec le maïs : il convient alors de l'éclaircir, voire de le tailler pour ralentir son développement. - Fertilisation du maïs : La plupart des agriculteurs n'utilisent pas d'engrais commerciaux, en raison de leur coût prohibitif et de leur faible disponibilité. Selon eux, les éléments minéraux apportés par le mulch de Mucuna suffit largement aux besoins du maïs. Notons que sur les parcelles avec peu ou pas de Mucuna, la moitié des agriculteurs utilisent 25 à 50 kg/ha d'urée, qu'ils épandent 40 à 60 jours après le semis du maïs. Quelques-uns uns utilisent des engrais 12-24-12 ou 15-1515. - Récolte du maïs : Elle a lieu entre mi-avril et début juin, juste après la maturité des grains de maïs, afin de bénéficier des meilleurs prix sur le marché et d'éviter les pluies pouvant entraîner des problèmes de conservation (humidité des grains, maladies...). Certains agriculteurs plient le plant de maïs juste avant la récolte, afin de faciliter celle-ci et de protéger les épis à la fois contre les pluies éventuelles et les oiseaux. Les tiges du maïs demeurent dans le champ après la récolte : elles servent de tuteur au Mucuna qui commence dès lors à se développer de façon très rapide. - Protection du Mucuna au cours de son développement : Les parcelles de Mucuna ne sont jamais pâturées et ne subissent aucune intervention jusqu'à la fauche. La "culture" de Mucuna peut donc être assimilée à une jachère courte améliorée (l'unique objectif des agriculteurs étant de protéger et d'enrichir le sol en éléments minéraux pour le maïs à venir). En outre, les graines ne peuvent pas être utilisées pour la consommation humaine sans un traitement préalable, en raison de la présence d'une substance toxique (Ldopa). Afin d'éviter le pâturage du Mucuna, les agriculteurs mettent en place des haies vives de Gliricidia sepium, qui sont taillées au début du cycle du maïs. Les résidus sont laissés au sol et enrichissent le mulch de Mucuna. 61 1.2.4. Les performances du système maïs-Mucuna 1.2.4.1. Besoins en travail et en matériel spécifique Le système maïs-Mucuna nécessite peu de main d’œuvre. En comparaison avec le système traditionnel de production de maïs avec jachère, il y a diminution nette des temps de travaux grâce à un contrôle facilité des adventices. En effet, le Mucuna élimine la plupart des espèces d'adventices (1) en empêchant leur germination, (2) en concurrençant celles qui parviennent à germer, (3) par action allélopathique. De plus, les mauvaises herbes qui survivent sont enracinées beaucoup moins profondément en raison du mulch, et la partie superficielle du sol est plus friable et plus humide. Par conséquent, l'arrachage des adventices est plus facile et plus rapide. Ce système ne nécessite pas d'investissement initial élevé. En effet, il ne requiert pas de matériel spécifique, les graines de Mucuna sont faciles à obtenir, et l'installation de la culture demande peu de travail. Par la suite, le système s'auto-entretient grâce au ressemis spontané du Mucuna, dont il suffit de contrôler la croissance en début de cycle pour éviter une compétition trop forte avec le maïs. 1.2.4.2. Performances agronomiques Ce système permet la culture en continu d’une même parcelle pendant de longues années : certaines sont en association maïs-Mucuna depuis vingt ans sans diminution du rendement du maïs. L’association maïs-Mucuna peut être considérée comme une forme d'intensification par rapport au système traditionnel maïs/jachère. Ce système assure une gestion conservatoire de l'eau et des sols. En effet, il permet : - - Une minimisation de l’érosion par couverture continue du sol ; Une diminution de l’évaporation du sol pendant l'hiver ; Une augmentation de l’infiltration de l’eau des pluies (elle double en douze ans) pendant l'été, par augmentation de la porosité totale et du taux de matière organique dans le sol ; Un accroissement de l’activité biologique du sol (substrat riche et microclimat protégé). De plus, le Mucuna permet de maintenir à des niveaux très bas l'incidence des principaux parasites et des maladies du maïs. Le Mucuna produit une biomasse importante (10 à 12 t/ha de matière sèche). Cette quantité de biomasse varie peu d’une année à l’autre : le cycle de la plante est calé sur la grande saison des pluies et s’étale sur de longs mois, ce qui permet de gommer les accidents potentiels de croissance. La décomposition de cette biomasse fournit des quantités appréciables d'éléments minéraux pour la culture de maïs. Le mulch de Mucuna est un engrais vert homogène dans l'espace (bien couvrant) mais pas dans le temps : il est constitué de deux compartiments (cf. détails en partie 3), dont l'un se décompose à partir de la fauche et l’autre durant toute l’année. Ceci détermine le cycle des éléments minéraux : on observe un pic d’azote minéral 20 à 30 jours après la fauche (une centaine de kg/ha), suivi d’un déclin rapide (jamais en dessous de 30 à 50 kg/ha). Il y a donc synchronisation entre la libération d’azote par la litière en décomposition et l’absorption par le 62 maïs. Le mulch libère également du calcium, du potassium en grande quantité, et du phosphore qui compense les exportations annuelles. L'enrichissement en matière organique est notable dans les cinq premiers centimètres. Au-delà de dix centimètres, on n'observe pas de changement apparent. En définitive, le système maïs-Mucuna n'induit ni la dégradation de la fertilité chimique des sols à long terme, ni l’acidification du profil. Ce système présente néanmoins certains inconvénients : il ne remplace pas les arbres, et des glissements de terrain sont toujours observés. De plus, le Mucuna favorise l'invasion des parcelles par les rats et les serpents. Les rendements du maïs postrera obtenus en association avec Mucuna sont très supérieurs à ceux observés dans les systèmes traditionnels maïs/jachère (cf. tableau 2.1). Ils sont multipliés par deux, quelles que soient les conditions climatiques de l'année, pour culminer à six tonnes par hectare. Ils augmentent dès la première année, puis demeurent stables à partir de la troisième année (cf. partie 4). Tableau 2.1 : Rendements de maïs (t/ha) dans plusieurs villages du Nord-Honduras en fonction du système de culture LOCALITE ANNEE 92-93 ANNEE 93-94 San Francisco de Saco : Témoins sans Mucuna 1,9 +- 0,6 2,0 +- 0,4 Parcelles avec Mucuna 3,3 +- 1,0 3,5 +- 1,0 Las Mangas : Témoins sans Mucuna 2,5 +- 0,2 1,4 +-0,8 Parcelles avec Mucuna 4,5 +- 0,8 3,1 +-1,0 Piedras Amarillas : 2,3 +-0,8 2,5 +-0,6 Parcelles avec Mucuna Rio Cuero : / 1,9 +-0,8 Parcelles avec Mucuna SOURCE : B. TRIOMPHE (1996A) 1.2.4.3. Performances économiques (cf. les détails de l’analyse en partie 4) La niche commerciale est avantageuse pour le maïs d'hiver. En effet, la saisonnalité des prix du maïs est telle que les prix en mai et juin sont supérieurs de 50 à 100% à ceux que l'on trouve en été. Cependant, le coût d'opportunité de ce système n'est pas négligeable : le meilleur prix de vente pour le maïs de contre saison ne permet pas, dans un premier temps, de compenser l’absence de culture pendant la saison des pluies. Par contre, le système Mucuna permet une augmentation des rendements telle, qu’à partir de la troisième année de culture avec la plante de couverture les marges dégagées deviennent supérieures à celles du système traditionnel. De plus, mis à part le manque à gagner des deux premières années, le système Mucuna n'induit pas de surcoût : l'investissement initial en capital est faible, le coût d’apprentissage est réduit, et l'impact sur la productivité du travail et de la terre se révèle positif à très court terme. Il faut noter que s'il ne requiert pas l'acquisition de foncier, le système maïs-Mucuna influe sur son prix : ses effets bénéfiques, reconnus, sur la qualité des terres se traduisent par l’augmentation du prix de location des parcelles. 63 1.3. Conclusion Au début des années 80, seuls 10% des agriculteurs pratiquaient le système maïs-Mucuna. Au début des années 90, leur nombre a atteint 10 000, soit les deux-tiers de la population agricole. Cependant, même les agriculteurs ayant adopté le système maïs-Mucuna continuent à cultiver le maïs selon des modalités traditionnelles : le système maïs-Mucuna n'est qu'une méthode de production de maïs parmi d'autres. L'association maïs-Mucuna a été mise au point et adoptée par les agriculteurs pour intensifier la production de maïs : elle est pratiquée dans des parcelles fertiles, et n'est pas considérée comme une mesure de restauration d’urgence de la fertilité dans des terres déjà dégradées. Tirant parti au mieux de l'écologie naturelle du Mucuna, le système fonctionne d'ailleurs de façon tout à fait satisfaisante : les rendements sont bons, les coûts de production modérés, et l'environnement physique est préservé, voire amélioré, permettant la culture continue sur une même parcelle. Et ceci ne nécessite pas d'investissement initial en capital, ni un coût élevé d'apprentissage de nouvelles techniques, avec de plus une observation immédiate de l'impact positif sur la productivité. Ces éléments expliquent certainement la diffusion massive et rapide de ce système dans le milieu agricole, sans appui officiel. Cependant, étant donné les évolutions du prix du maïs, il semblerait que l'association maïsMucuna soit actuellement remise en cause d'un point de vue économique. Son principal défaut est de limiter la production de maïs à un seul cycle annuel, alors que le climat en autorise deux, et que le Mucuna ne trouve pas d’utilisation économique. Avec une seule entrée d’argent au lieu des deux permises par le système traditionnel, la gestion de la trésorerie est plus difficile. Quelle qu’en soit la raison, l’association maïs-Mucuna semble être délaissée par certains agriculteurs au profit d’activités plus rentables (élevage mixte, cultures commerciales à forte valeur ajoutée comme le piment). L'enjeu est désormais de diversifier le système maïsMucuna, et de l'améliorer. Il s'agit notamment : (1) de proposer d'autres légumineuses (Canavalia, Dolichos…) à la place du Mucuna, légumineuses pouvant être valorisées économiquement (alimentation humaine ou animale) ; (2) d'intégrer d'autres cultures que le maïs ; (3) de considérer les interactions possibles avec les activités d'élevage. II. Les zones forestières d’Afrique de l’Ouest Dans les zones tropicales humides d'Afrique de l'Ouest, l'agriculture itinérante sur défrichebrûlis a occupé jusqu’ici une place importante. Or ces zones ont connu des bouleversements importants dus au développement des plantations, à l'exploitation forestière et à l'accroissement continu de la population rurale : les forêts régressent et les temps de jachère diminuent. Un changement des modes d’exploitation du milieu doit donc être envisagé. L'objectif de la recherche agronomique dans ces zones est de fixer l’agriculture, d’assurer sa durabilité et sa rentabilité pour les petites exploitations familiales. Le recours aux moyens de production comme la mécanisation, les pesticides et les engrais doit donc être limité. Dans ces régions où les pentes sont généralement faibles et où les sols présentent une bonne structure avec une bonne disponibilité en éléments minéraux après la défriche des jachères longues, la principale contrainte à gérer est l'enherbement. Aussi, la recherche s'est-elle orientée vers la mise au point de systèmes alternant culture principale et jachère de courte durée (6 à 18 mois), jachère améliorée par la présence d’une plante de couverture qui permet de contrôler la prolifération des adventices. 64 Nous allons prendre l'exemple de deux pays où ces travaux de recherche ont été développés. Il s'agit de la Côte d'Ivoire et du Bénin. Dans les deux cas, le climat est de type tropical humide avec une saison sèche marquée (Labrousse, 1996) et une répartition bi-modale des pluies (cf. annexe 3). 2.1.En Côte d'Ivoire Les résultats présentés proviennent de travaux de l'IDESSA (Centre national de recherche agronomique de Côte d’Ivoire) et du CIRAD, et sont issus des écrits de P. Autfray (1994, 1997), P. Autfray et H. Gbaka Tchetche (1999). Ces travaux ont été menés dans la région de Gagnoa de 1990 à 1993, en région forestière (cf. figure 2.11), et ont débuté dans la région d'Oumé en 1994 (au nord-est de Gagnoa). Figure 2.11 : Zones agroclimatiques de la Côte d’Ivoire Source : H. Charpentier (1999) 2.1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole Les sites d'expérimentation étaient situés en zone de forêt semi-décidue. Avec une roche mère de type granitique ou schisteux, le relief est peu accentué. Les sols sont ferrallitiques moyennement ou peu désaturés, généralement non acides. Les sols ferrallitiques gravillonnaires sont fréquents en haut et en milieu de versant. La température moyenne annuelle est de 25°C. La pluviométrie est modérée : la moyenne annuelle varie entre 1200 et 1500 mm, avec une grande saison sèche qui s'étale sur deux à quatre mois, entre novembre et février. La principale saison des pluies dure quatre mois (de mars à juin) et la seconde saison des pluies deux mois (de septembre à octobre), séparées par une petite saison sèche de deux mois (cf. annexe 3). Deux périodes de production sont donc possibles pour des cultures à cycle court. Les cultures pérennes dominent dans les activités agricoles, notamment la cacaoculture, en culture pionnière (la Côte d'Ivoire est depuis près de vingt ans le premier producteur mondial de cacao). Les cultures vivrières ne concernent que 10 % des terres mises en valeur, et sont principalement destinées à l'autoconsommation. Implantées après défriche-brûlis, elles sont 65 cultivées sans intrant. Après deux ou trois ans de culture, les parcelles sont mises en jachère de longue durée (quinze ans). En général les agriculteurs distinguent deux ensembles de cultures : celles de la grande saison des pluies et celles de la petite saison des pluies. Mais ces deux ensembles sont implantés sur des parcelles différentes. Sinon, chaque grand groupe social a sa culture de base : le riz pluvial pour les autochtones, l'igname pour les migrants du sud et le maïs pour ceux originaires du nord. Le manioc est souvent cultivé en culture dérobée dans les parcelles de maïs. Ajoutons que le maïs est la culture vivrière la plus couramment commercialisée. Le système agricole de la région est peu à peu remis en question : les forêts sont en régression, ce qui limite l'ouverture de nouvelles cacaoyères. L'augmentation de la pression démographique nécessite une nouvelle gestion des terroirs agricoles. 2.1.2. Les SCV créés par la recherche comme alternative à la défriche-brûlis 2.1.2.1. Principes et historique Une première solution consistait à utiliser Chromolaena odorata, ou herbe du Laos, comme plante de couverture. Vivace arbustive, celle-ci domine en effet très largement dans les jachères de la région. Originaire d'Amérique latine, elle a été introduite dans les plantations industrielles de Côte d’Ivoire en tant que plante de couverture essentiellement amélioratrice de la structure des sols. Cependant, hors de tout contrôle, C. Odorata s'est rapidement disséminée dans l'ensemble de la zone forestière de Côte d'Ivoire, où elle est devenue très envahissante. Dans un premier temps, des programmes de recherche ont été engagés en vue de l'éradication biologique de ce fléau. Puis les intérêts que présente cette plante ont été redécouverts, notamment son action sur le contrôle d'adventices majeures (graminées, cypéracées), mais aussi son rôle sur le maintien de la fertilité du sol. Certains agriculteurs l'ont même intégrée avantageusement dans leurs pratiques : sans diminution des rendements et sans augmentation des travaux de sarclage, ils sont passés du système « jachère de quinze ans – brûlis - deux ou trois années de culture » au système « jachère de C. odorata de deux ou trois ans – brûlis avec conservation des souches de C. odorata – un à deux ans de culture » (de Foresta, 1996). Le double mode de reproduction de C. odorata par souches et graines (akènes) et une forte croissance en milieu ouvert permet un recouvrement très rapide du sol après une culture sur nouvelle défriche. Même après quatre années de culture, cette plante reste très présente sur les parcelles, sous forme de touffes vivaces ou de jeunes plants. Cette particularité, ainsi que son cycle très long, ont été mis à profit pour tester des systèmes où la culture de maïs ou de riz, pendant la petite saison des pluies, alterne avec le développement de C. odorata pendant la grande saison des pluies (Ehret, 1999). La céréale est implantée en semis direct après la fauche de C. odorata, soit tous les ans (après une jachère de 6 mois), soit une fois tous les deux ans (après une jachère de 18 mois). Après la récolte de la céréale, C. odorata re-colonise la parcelle. Dans ce système, le contrôle de la plante de couverture est très contraignant : il nécessite des travaux à très forte pénibilité (fauche de la plante qui est ligneuse), ainsi que l'emploi d'herbicides (épandage de 2-4 D amine pour contrôler les repousses de C. odorata dans la céréale). De plus, l'effet de couverture sur une jachère de courte durée est insuffisant pour éliminer les graminées adventices, ce qui nécessite des sarclages de plus en plus longs et nombreux au fil des ans, ou l'emploi d'herbicides. Ces éléments ont conduit à abandonner C. odorata au profit d’une autre plante de couverture : Pueraria phaseoloides. 66 2.1.2.2. Description des systèmes à base de Pueraria phaseoloides Caractéristiques de P. phaseoloides (cf. annexe 2) Légumineuse originaire du Sud-Est asiatique, P. phaseoloides est largement utilisée comme plante de couverture dans les plantations de palmiers à huile en Côte d'Ivoire. C'est une plante vivace à port grimpant qui se propage par stolons. Sa vitesse de croissance est rapide, sauf dans la phase initiale. Elle concurrence donc peu la culture associée. Elle est utilisée comme couverture vive, et permet un recouvrement du sol trois années consécutives. Cette plante a été sélectionnée par la recherche pour les essais en Côte d'Ivoire, car, parmi les plantes testées, elle est la seule capable de dominer C. odorata dans les jachères. Conduite de l'association maïs-Pueraria (cf. figure 2.12) - La première année, après brûlis d'une jachère longue, il est conseillé d'éliminer les souches de C. odorata manuellement ou par traitement au 2-4 D amine à très forte dose en traitement localisé des souches (4320 g/ha). - Le maïs est implanté en semis direct à partir des premières pluies en mars. - Le semis de Pueraria peut être réalisé au même moment, ou 20-30 jours après, juste avant le premier sarclage, après une pluie : semis à la volée à la dose de 20 kg/ha, puis mise en contact des graines avec le sol lors du sarclage manuel. - La croissance initiale de Pueraria est lente et ne gène pas le maïs. Puis, à partir de la floraison du maïs, la légumineuse se développe rapidement en utilisant les tiges de la céréale comme tuteurs. Cependant, obtenir une couverture régulière de Pueraria demande un certain soin. En effet, il peut être nécessaire d'éliminer les repousses d'adventices par un fauchage après la récolte du maïs. - L'année suivante, avant le semis direct du maïs, on effectue deux rabattages manuels successifs de Pueraria. - Après récolte du maïs, Pueraria re-colonise la parcelle par multiplication végétative, et ainsi de suite. Eventuellement, au début du cycle du maïs, les repousses précoces de Pueraria sont contrôlées avec du 2-4 D amine. Figure 2.12 : Sud Côte d’Ivoire – Association maïs/Pueraria en semis direct (années 1-2) Légende : = Grande saison des pluies ; = Petite saison des pluies ; = Saisons sèches Source : P. Autfray (1997) et P. Ehret (1999) 67 D'après les résultats des essais, il y aurait une bonne corrélation entre le poids du mulch de Pueraria et les rendements obtenus en maïs. De façon générale, le système maïs-Pueraria occasionne un surplus de travail et d'intrants par rapport au système traditionnel, surplus qui n'est pas forcément compensé par les gains de rendement en maïs. Une comparaison des marges obtenues avec les deux systèmes sur plusieurs années devrait être effectuée. Variantes testées - Dans le système maïs-Pueraria, on peut implanter le maïs qu'une année sur deux, ce qui fait passer de 6 à 18 mois le temps de jachère améliorée avec Pueraria. - Toujours dans le même système, on peut remplacer le maïs par du riz. - Il est possible d'associer le Pueraria avec un tubercule (manioc, igname), ce qui donne un cycle annuel de tubercule suivi d'une jachère de Pueraria de 12 mois, et ainsi de suite… 2.1.3. Impacts de ces systèmes sur le milieu agricole Les systèmes qui viennent d’être décrits et qui associent une culture principale avec une plante de couverture, en sont au stade de l'expérimentation et ne sont pas pratiqués par les agriculteurs. Les recherches qui mettent en œuvre les tubercules sont les plus récentes. Elles ne permettent pas encore de proposer des modalités de conduite performantes. Contrairement au cas du Mucuna au Nord-Honduras, les systèmes à base de Pueraria (pourtant les plus prometteurs) ne bénéficient pas d'une coïncidence entre la période d'arrêt de végétation de la plante de couverture, et le début de la croissance de la culture principale. En effet, la culture de céréale est conduite pendant la première et la principale saison des pluies, la seconde paraissant trop aléatoire. Plante de couverture et culture principale sont donc en croissance pendant la même période, lors de cette première saison. En conséquence, la conduite de l'association est complexe : une fois Pueraria installé, son développement doit être contrôlé soit par l'emploi d'herbicides, soit par un supplément de travail manuel. Ce contrôle est certes favorisé par la croissance initiale lente de Pueraria, mais du coup, la couverture de Pueraria est plus difficile à installer que la couverture de Mucuna dans le nord Honduras (concurrence des adventices). Cette situation réduit l'intérêt des systèmes à base de Pueraria, et limite leur adoption par les agriculteurs. En effet, si ces systèmes peuvent intéresser les paysans les moins bien dotés en foncier, ils paraissent peu compétitifs pour ceux qui disposent encore de jachères à base ou non de C. odorata, leur permettant de continuer le système de défriche-brûlis (Bouchez, 1998 ; Erhet, 1999). 2.2. Au Bénin Les résultats présentés ici sont issus de travaux menés dans le cadre d'un projet de recherchedéveloppement du Ministère du Développement Rural du Bénin, en coopération avec l'Institut International Tropical et l'Institut Tropical Royal des Pays Bas. Les premiers essais ont été mis en place en 1986/87, dans la province du Mono au sud du Bénin (cf. figure 2.13). 68 Figure 2.13 : Carte du Bénin Source : http://www.mapquest.com 2.2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole La pluviométrie est abondante : la moyenne annuelle est de l'ordre de 1500 mm, avec une grande saison des pluies d'avril à juillet, suivie d'une petite saison des pluies de septembre à novembre. Comme pour la Côte d'Ivoire, la répartition des précipitations permet deux cycles de culture par an. Les systèmes de culture vivriers présentent beaucoup de similitudes avec celui décrit précédemment pour la Côte d'Ivoire, à savoir : défriche-brûlis, mise en culture deux à trois ans, mise en jachère quinze ans, et ainsi de suite... De la même façon, ce fonctionnement est remis en question par l'augmentation de la population et la diminution des temps de jachère qui a entraîné l'infestation des parcelles par Imperata cylindrica. 2.2.2. Les SCV avec Mucuna expérimentés par la recherche comme alternative à la défriche-brûlis Au Bénin, la recherche a sélectionné Mucuna pruriens comme plante de couverture (Vissoh et al., 1998). Pour les terres peu infestées par Imperata, elle a mis au point un système qui associe le maïs avec le Mucuna. Rappelons que Mucuna est une légumineuse annuelle qui se ressème spontanément (cf. annexe 2). Si les plantes de couverture sont différentes, le système maïsMucuna développé au Bénin présente beaucoup de similitudes avec l’association maïsPueraria expérimentée en Côte d’Ivoire : le cycle de développement du maïs correspond à la grande saison des pluies, contrairement au cas Nord-Honduras. 69 Le système maïs-Mucuna proposé au Bénin fonctionne de la façon suivante : - La première année, défriche-brûlis d'une jachère pluriannuelle, et semis direct de maïs en avril ; - Six semaines après, à la fin du premier sarclage de maïs, implantation de Mucuna par semis direct. Les pieds de Mucuna sont "coupés", sans toutefois tuer la plante, de manière à ce qu'elle-ci n'entre pas en compétition avec le maïs, jusqu'à ce que la céréale soit suffisamment développée ; - Après la récolte du maïs, le Mucuna se développe rapidement et couvre suffisamment le sol pour stopper le développement de l'Imperata. Le Mucuna finit son cycle à la fin de la seconde saison des pluies et dépérit. Les graines tombent sur le sol ; - L'année suivante, juste avant le semis direct du maïs en avril, on fauche les résidus de Mucuna ; - La plante de couverture repart à partir de la germination de ses graines. Après la récolte du maïs, elle re-colonise la parcelle, et ainsi de suite. Sur les terres infestées par Imperata, le Mucuna est installé en culture pure au début de la grande saison des pluies, après la fauche de la graminée. Pour permettre au Mucuna de bien se développer, une fauche des repousses d'Imperata peut être nécessaire. A partir du moment où Mucuna parvient à recouvrir complètement le sol, la plante détruit la quasi-totalité des rhizomes d'Imperata. Pour optimiser son action, il faut éviter le passage du feu, car la mise à nu du sol favorise la reprise de l'Imperata. L'année suivante, une fois la couverture de Mucuna obtenue, le maïs est semé directement dans le mulch produit après la saison sèche en avril (Ehret, 1999). 2.2.3. Impacts de ces systèmes sur le milieu agricole Les deux systèmes mis au point par la recherche ont rencontré du succès auprès des agriculteurs de la province du Mono. De là, les systèmes à base de Mucuna se sont diffusés dans le reste du pays (Versteeg et al., 1998 ; Vissoh et al., 1998). Des enquêtes montrent que le principal moteur de l'adoption du Mucuna par les agriculteurs est l'infestation des parcelles par Imperata (Galiba et al., 1998 ; Houndékon et al., 1998). En effet, les systèmes à base de Mucuna se sont très vite répandus dans les zones très peuplées, afin de réhabiliter des parcelles envahies. Il reste à savoir si l'utilisation du Mucuna perdure, une fois Imperata contrôlé. Ailleurs, tant que le sol le permet, les agriculteurs préfèrent conserver la seconde saison des pluies pour une culture productive. 2.3. Bilan sur les cas d’Afrique de l’Ouest Actuellement, en Afrique de l'Ouest, les nouveaux systèmes d'exploitation des zones forestières mis au point par la recherche n'ont pas eu l'impact escompté : en Côte d'Ivoire, les systèmes à base de Pueraria semblent trop complexes et peu compétitifs face à l'exploitation des jachères de C. odorata après brûlis ; au Bénin, l'adoption du Mucuna permet avant tout de lutter contre Imperata. Cependant, ces nouveaux systèmes semblent prometteurs : il faut encore les améliorer, et les conditions de leur extrapolation à d'autres localités doivent être étudiées. A ce propos, le comportement des possibles plantes de couverture est très variable selon les écologies, même lorsque celles-ci paraissent relativement proches : les espèces les mieux adaptées diffèrent d'une zone à l'autre, comme on l'a vu avec les deux exemples présentés. Plus encore, la gestion des plantes de couverture doit être différente dans les zones plus humides à pluviométrie monomodale (Becker et al., 1998). Il est donc nécessaire : (1) de 70 disposer d'une large gamme de plantes de couverture afin de choisir les mieux adaptées à chaque zone ; (2) de faire varier les techniques de gestion, avec durée minimale de jachère, en fonction des conditions pédo-climatiques. Dans certains cas, il peut s'avérer intéressant d'intégrer des plantes arbustives (Cajanus cajan, crotalaires, Thintonia diversifolia) dans des jachères courtes remises en culture après brûlis (Ehret, 1999). III. Conclusion Les modalités de mise en œuvre des SCV varient beaucoup selon les caractéristiques agroécologiques particulières des milieux concernés : l’association maïs-Mucuna du NordHonduras n’est pas directement transposable dans les conditions de la Côte d’Ivoire et du Bénin. La gestion des systèmes actuellement mis au point dans ces deux pays d’Afrique de l’Ouest est plus complexe, ce qui, ajouté à des contextes socio-économiques différents, peut suffire à expliquer la différence d’impact auprès des agriculteurs : des adoptions spontanées d’un côté au Nord-Honduras, un stade essentiellement expérimental de l’autre en Afrique de l’Ouest. Cependant, le semis direct sur couverture végétale sous ses formes modernes peut être d’un grand intérêt pour les petites exploitations familiales des tropiques humides. Nous allons maintenant changer de milieu, et aborder dans différents pays le cas d’exploitations familiales en zone tropicale semi-aride. 71 D. AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE SEMI-ARIDE Deux situations contrastées sont abordées dans cette partie : une dans l’Ouest mexicain et une dans le Sud-Ouest de Madagascar. Etant donné les similitudes agroécologiques et socioéconomiques, nous complèterons la présentation du deuxième cas avec des résultats de travaux de recherche menés dans le Nord de la Côte d’Ivoire. I. L’Ouest mexicain Cet exemple est traité à partir des écrits de P. Clavier (1998), J. Glo et N. Martin (1995), E. Scopel (1994, 1999), E. Scopel et al. (1999), A. Stéphan (1996). La région concernée (zone de San Gabriel, anciennement appelée Venustiano Carranza, dans le district de Ciudad Guzman) fait partie de l’Etat de Jalisco dans l’Ouest du Mexique, dans la région Pacifique-Centre. Elle se situe à 19,5° de latitude nord, sur le versant pacifique du pays, à 150 km environ de la côte (cf. figure 2.14). Localisée aux pieds des volcans de Colima, il s’agit d’une zone de piémont. Entourée par des massifs volcaniques élevés, elle se caractérise par son enclavement : les voies de communication sont récentes et encore peu développées. Figure 2.14 : Présentation géographique de l’Etat de Jalisco au Mexique Source : E. Scopel et al. (1999) 72 Le climat est de type tropical semi-aride à subhumide, avec une saison sèche marquée et une seule saison des pluies concentrée sur six mois de l’année, de mai à novembre (cf. annexe 3). L’élevage bovin (pour la viande, accessoirement pour le lait) et la culture de maïs pluvial (pour l’autoconsommation et la vente) sont les deux principales spéculations agricoles de la région. 1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 1.1.1. Le milieu naturel La pente du relief est régulière d’est en ouest, de l’ordre de 5 à 10%, entrecoupée par quelques volcans de taille réduite (< 300 m). La zone étudiée présente des conditions physiques assez contrastées. On distingue deux grandes parties : - Une partie haute, de 1300 à 1500 m d’altitude, avec des conditions pluviométriques relativement favorables, la moyenne annuelle des pluies allant de 600 à 800 mm ; - Une partie basse, de 900 à 1300 m d’altitude, plus sèche, avec une moyenne pluviométrique annuelle comprise entre 400 et 600 mm. La répartition des pluies est irrégulière, et les périodes de plus de dix jours sans précipitations pendant la saison pluvieuse sont fréquentes. Les pluies se présentent aussi le plus souvent sous la forme d’événements orageux courts mais de grande intensité. La température moyenne annuelle est de l’ordre de 20°c. Les maxima ont lieu pendant la saison des pluies (en mai). En janvier, pendant la saison sèche, il y a des risques de gelée dans les parties hautes. Durant la saison des pluies, les minima sont de l’ordre de 10°c, pour des maxima d’environ 40°c. Même s’il n’y a pas de gros écarts, les températures sont systématiquement plus fortes dans les zones basses que dans les zones hautes. Les sols sont d’origine volcanique ou sédimentaire, plus ou moins remaniés. En fonction de leurs caractéristiques agronomiques, on peut distinguer deux grands types de sols sur l’ensemble partie haute et partie basse : - Des sols noirs riches en argile (> 30%), à pH alcalin (7-8) et à teneurs faibles en P, Zn, Fe et Cu (chernozems et vertisols) ; Des sols bruns à plus faible teneur en argile (5 à 20%), plus acides (pH de 5 à 6) et plus riches en P, Zn, Fe et Cu (feozems et cambisols). 1.1.2. Histoire agricole Avec une production de 19,1 millions de tonnes en 1994, le Mexique est le troisième producteur mondial de maïs après les Etats-Unis et le Brésil. Le maïs a une importance culturelle indéniable au Mexique : il a toujours constitué la base de l’alimentation, et depuis les années 40, l’Etat mexicain a largement subventionné la filière (achat de la production à prix garanti élevé, subvention de crédits…). Essentiellement cultivé en pluvial, il tient une place prépondérante dans tous les types de systèmes de production, des plus traditionnels au plus modernes. Autrefois cultivé pour l’autoconsommation familiale, le maïs représente dorénavant une part importante du budget des exploitations agricoles et constitue une des sources principales de leurs revenus. 73 Cependant, au niveau national, la production de maïs est fréquemment déficitaire face à une demande sans cesse croissante. Plus grave, la récession économique que traverse le Mexique depuis 1994 remet en question la politique de soutien de l’Etat et touche les agriculteurs de plein fouet : les taux de crédit ont augmenté, comme la TVA, ainsi que les prix du carburant et des intrants. Le Mexique prévoit, dans son nouveau programme d’aide à l’agriculture (le PROCAMPO), une diminution progressive sur quinze ans du prix garanti pour s’aligner sur le prix mondial. Cependant, les coûts de production du maïs sont trop élevés : en 1995, ils étaient pratiquement le double de ceux des Etats Unis et du Canada. Or, le Mexique a signé un traité de libre échange avec ces pays (ALENA), qui doit se mettre en place progressivement sur quinze ans. Au Mexique, on observe deux principales formes d’accès au foncier : (1) la propriété directe ; (2) la dotation ejidale, issue de la réforme agraire de 1915 qui a consisté progressivement à exproprier les grands propriétaires et à redistribuer les terres. « L’ejido est une terre collective, attribuée par l’Etat à un groupe de cultivateurs qui s’engage à la mettre en valeur et à respecter les règles établies par la communauté villageoise afin d’éviter son démantèlement » (Musset, 1994, cité par J. Glo et N. Martin). Chaque membre de la communauté reçoit une parcelle, appelée dotation ejidale, d’une superficie de six à huit hectares, qui lui est attribuée jusqu’à sa mort. Cette dotation peut se transmettre par héritage, mais ne peut pas se vendre, ni se louer. Le statut des bénéficiaires est modifié par la nouvelle loi agraire datant du 26 février 1992 : la dotation des terres devient une appropriation individuelle qui peut être vendue, louée ou léguée à une personne de son choix. Le secteur privé est aussi conditionné par les lois de la réforme agraire : à l’origine, la superficie des propriétés privées ne devait pas excéder 100 hectares de terres irriguées ou son équivalent en autres types de terres, avec des élevages bovins limités à 500 têtes. Ces limitent n’existent plus depuis la nouvelle loi de 1992. La région de San Gabriel est assez représentative du contexte de production de maïs du Mexique. Les activités sont essentiellement liées au secteur agricole qui touche près de 70% de la population active. L'accès au foncier est majoritairement de type ejidal (cas de 77% des exploitations). Les productions végétales sont en très grande majorité pluviales (93% des superficies cultivées), et elles concernent essentiellement le maïs (70 à 90%), plus marginalement le sorgho, les piments, la tomate verte ou le mezcal (variété d'agave). Les quelques parcelles irriguées sont généralement consacrées au maraîchage. Parallèlement, à l’instar de la zone Pacifique du Mexique, l’élevage bovin extensif est en pleine expansion. Il représente le principal mode de capitalisation et alimente le commerce de viande. La généralisation de cette spéculation pose des problèmes de gestion des parcours en saison des pluies, et de disponibilité de ressources fourragères durant la saison sèche. Les parcours se situent à la fois sur les terres incultes de la plaine, et sur les flancs des collines et des montagnes avoisinantes. Les élevages caprins et ovins sont peu présents dans la zone. A l’inverse, les équidés (et notamment les mules) sont très répandus (trois têtes par unité de production en moyenne). Ils sont utilisés pour le travail de la terre et le transport. Avec la crise économique de ces dernières années, les organismes d'appui à l'agriculture créés par l'Etat dans le cadre de la réforme agraire sont en perte de vitesse. De ce fait, tous les services de crédit, d’assurance, d’appui technique, de vente d'intrants, sont peu ou mal assurés dans la région. Seul l'achat du maïs grain à prix garanti est maintenu. 74 1.1.3. Les unités de production Les unités de production qui exploitent la plaine de San Gabriel ne forment pas un ensemble homogène. Le principal facteur de cette hétérogénéité est l’accès au foncier. Déjà, le secteur privé regroupe des exploitations allant de quelques hectares à plusieurs centaines d’hectares. Mais dans le secteur ejidal-même, on note des inégalités. En effet, la redistribution des terres s’est faite en plusieurs vagues, et certaines familles ont pu cumuler des dotations. La nouvelle loi agraire de 1992, qui permet les ventes et les locations de terres, a encore accentué la diversité des exploitations agricoles. Il est possible de distinguer trois grands types d’unité de production dans la région de V. Carrenza (cf. tableau 2.2), dont la représentativité a été estimée à partir des résultats d’enquête de J. Glo et N. Martin. - T1 = petites exploitations avec ou sans élevage bovin (disposant de dix hectares de terres arables en moyenne, bénéficiaires pour la plupart de la réforme agraire). On peut distinguer deux sous-groupes à peu près équivalents en nombre : (T1a) les exploitations qui ne produisent que du maïs ; (T1b) les exploitations qui produisent du maïs avec une petite activité d’élevage bovin extensif (sept têtes en moyenne) mixte (lait et viande), dont les revenus agricoles sont issus principalement de la vente du maïs. Les chefs de ces exploitations travaillent essentiellement avec de la main d’œuvre familiale. Ils ne sont pas propriétaires de tracteurs : ils utilisent encore beaucoup la traction animale, même si une bonne partie d’entre eux accède à la motorisation par location. Ils se caractérisent par des difficultés de trésorerie, plus accentués chez les non-propriétaires de bœufs. Ils accèdent difficilement aux crédits bancaires, et les revenus extérieurs permettent de faire vivre l’exploitation (appui financier de parents émigrés aux Etats Unis, vente de la force de travail…). Ils représentent environ 60% des exploitations agricoles de la région, et environ 20% des superficies cultivées en maïs. - T2 = exploitations moyennes mixtes, avec cultures et élevage bovin extensif (25 hectares en moyenne de terres labourables, 26 têtes de bovins en moyenne, bénéficiaires pour la plupart de la réforme agraire). Les trois quarts des superficies sont cultivées en maïs. La main d’œuvre familiale est importante, même si elle est souvent complétée par des salariés. La moitié des chefs d’exploitation sont propriétaires d’un tracteur avec charrue et/ou cover crop. Les autres font appel à des prestataires de services, ou, plus rarement, continuent à utiliser la traction animale. Les revenus agricoles sont diversifiés (vente maïs, viande et accessoirement lait…). L’accès aux crédits bancaires reste difficile, et les revenus extérieurs sont toujours importants (émigrations aux Etats Unis, vente force de travail…). Ce type représente environ 25% des exploitations agricoles de la région, et environ 30% des superficies cultivées en maïs. - T3 = grandes exploitations avec ou sans élevage bovin (70 hectares de terres labourables en moyenne), où une grande partie des terres travaillées peut être en location. On peut distinguer deux sous-groupes : (T3a) les agriculteurs qui ne produisent que du maïs et qui sont pour la plupart issus du secteur privé ; (T3b) les exploitations où se combinent productions végétales (principalement le maïs) et élevage bovin viande extensif (76 têtes en moyenne). Les chefs de ces exploitations font appel à des ouvriers permanents et temporaires. Ils sont tous très bien équipés en tracteur(s) et outils de préparation du sol, et louent souvent leurs services aux agriculteurs non-équipés. Ils accèdent facilement aux crédits bancaires, et la plupart ont des activités secondaires (commerce…). 75 De façon générale, on note : (1) une difficulté d’accès aux crédits bancaires pour les petits producteurs ; (2) l’importance des revenus extérieurs à l’agriculture pour tous les types d’exploitation ; (3) l’accès à la traction motorisée pour tous via la propriété ou la location. 1.1.4. Les systèmes techniques de production en plaine et en pluvial La gestion des parcelles en pluvial est assez homogène : c'est en très grande majorité une monoculture de maïs, avec un cycle de maïs par an pendant la saison pluvieuse. Le maïs est parfois associé à de la courge-semence ou plus souvent à du haricot. Durant la saison sèche, juste après la récolte, les parcelles sont pâturées par les troupeaux bovins qui redescendent des parcours où ils étaient maintenus durant la saison des pluies. Les agriculteurs qui ne possèdent pas de têtes de bétail (exploitations de type T1a) vendent ce droit de pâture aux autres. Le chargement peut varier considérablement d'une parcelle à l'autre, d'où la variabilité de la quantité des résidus présents sur le sol au retour des pluies. Les parcelles sont mises en jachère de façon périodique, avec une fréquence et une durée variables selon les sols et les conditions pluviométriques. Ces jachères peuvent être pâturées. Elles sont plutôt peu fréquentes, étant donné la pression exercée sur le foncier. A l’intérieur de ce système, le maïs est cultivé avec des degrés d’intensification variables, qui se traduisent par une large gamme de rendements obtenus. Les itinéraires techniques conventionnels pratiqués par les agriculteurs présentent néanmoins quelques grandes caractéristiques communes. - Préparation du sol Après un nettoyage rapide à la machette, les résidus sont rassemblés puis brûlés sur place. Autrefois (jusqu'au début des années 80), tous les sols étaient labourés en traction animale avec une charrue à socs. Aujourd'hui, plus de 70% des parcelles sont travaillées avec le tracteur et des outils à disques de type cover-crop, en un ou plusieurs passages. Les charrues à disques sont utilisées pour une remise en culture après jachère, ou pour des sols jugés indurés en surface. Le labour est alors suivi d’un ou de plusieurs passages de cover-crop. - Semis Les semis s'étalent en général de début juin à fin juillet. Ils débutent dans les parties hautes, que leur plus fort potentiel de production rend prioritaires (plus forte pluviométrie). Les variétés sont différentes selon l'altitude, avec une prédominance de variétés traditionnelles, moins sensibles à la sécheresse, dans les parties basses. L'utilisation d'un semoir tracté par les animaux est peu répandue (semoirs rares et peu performants). La pratique la plus fréquente (dite tapapie) est la suivante : (1) ouverture d'un sillon en traction animale avec la charrue (écartement des sillons d'environ 70 cm) ; (2) placement des graines à la main dans les sillons et recouvrement avec le pied. Par contre, pour les agriculteurs qui ont un niveau d'équipement élevé (exploitations de types T3), l'utilisation d'un semoir conventionnel s'est généralisée. Les densités observées à la récolte sont très variables et plutôt faibles (inférieures ou égales à cinq plants par m²). 76 - Contrôle des adventices Le contrôle des adventices par la traction animale est encore très largement répandu. Il consiste en la réalisation d’un ou deux sarclo-buttages avec une charrue à double versoir. Parallèlement, depuis le début des années 80, l’utilisation des herbicides s’est généralisée. En 1995, plus de 85% des agriculteurs y ont recours. Le plus souvent, il ne s'agit que d'un contrôle supplémentaire en cours de cycle, ciblé contre les dicotylédones, avec un herbicide de type 2,4 D amine. Moins fréquemment, on observe l’emploi d'herbicides de prélevée à base d'atrazine, appliqués au semis. L’application est réalisée avec des pulvérisateurs à dos. Des sarclages manuels en cours de culture ont parfois lieu chez les petits producteurs. Dans cette région, les agriculteurs cherchent à contrôler les adventices en début de cycle. Par contre, ils ont tendance à les laisser croître en fin de cycle pour les utiliser comme fourrages. - Fertilisation et traitements phytosanitaires La fertilisation minérale est généralisée, mais les doses et les dates d’apport sont très variables d’un agriculteur à l’autre. Dans cette région du Mexique, l’infestation par les insectes du sol est courante. Mais seulement 46% des agriculteurs traitent de façon préventive et/ou curative. Le brûlis des chaumes est lié à cette présence des insectes : elle permet de stopper les infestations de la campagne précédente. - Récolte Elle est presque exclusivement manuelle. En définitive, en se focalisant sur les opérations d’implantation et de sarclage, on peut distinguer quatre grands groupes d’itinéraires techniques, avec des niveaux de rendements obtenus différents (cf. tableau 2.3). On peut croiser ces groupes avec les différents types d’unité de production identifiés, plusieurs catégories d’itinéraire technique pouvant être présentes dans une même exploitation (cf. tableau 2.2). 1.1.5. Performances des systèmes techniques Au niveau national, nous avons déjà vu que la production du maïs est fréquemment déficitaire, et que les coûts de production sont trop élevés. Etant donné la pression exercée sur le foncier, un double enjeu se présente au Mexique : augmenter les rendements tout en diminuant les coûts. Dans la région de San Gabriel, la préparation du sol en motorisation avec des outils à disques est quasiment systématique avant le semis du maïs. Or, près de 50% des superficies emblavées en maïs sont conduites par des chefs de petites et moyennes exploitations agricoles (types T1 et T2), qui louent pour la plupart le tracteur à l’extérieur. 77 Ces faits ont trois principales conséquences : - Un risque d’érosion important face au caractère agressif des pluies. Déjà, le travail du sol avant semis se fait en conditions humides, avec un fort risque de lissage. De plus, un travail répété avec des outils à disques entraîne une forte pulvérisation du sol. La proportion de terre fine en surface est importante, ce qui accélère la formation d'une croûte de battance ; - Une augmentation des coûts de production due à la surfacturation des tracteurs loués ; - Une difficulté d’accès aux outils de préparation du sol qui induit des risques de retard pour l’implantation du maïs, d’où une réduction des rendements potentiels. Il faut ajouter à cela l’importance du risque de déficit hydrique constaté dans les parties basses de la région, avec des rendements qui fluctuent d’une année à l’autre selon les conditions climatiques. En conséquence, le semis direct du maïs avec paillis des résidus est apparu comme une alternative intéressante aux chercheurs et aux décideurs mexicains, qui ont tenté de l’introduire en milieu paysan. 1.2. Le semis direct de maïs avec paillis de résidus : un système développé par la recherche La diffusion dans le milieu agricole du semis direct avec paillis de résidus a été entreprise depuis la fin des années 80 par le gouvernement mexicain dans le cadre du programa de Labranza de Conservacion, avec la participation du SARH (Secretaria de Agricultura y de Recursos Hidricos), du SRDE (Secretaria de Desarollo Rural y Ecologia) et du FIRA (Fideicomisos Instituidos en relacion con la Agricultura). Des paquets techniques ont été définis, et des crédits pour y accéder mis en place. Cependant, les recommandations étaient sophistiquées et coûteuses, ne pouvant être adoptées que par des agriculteurs disposant d’un large capital. Par ailleurs, les résultats techniques obtenus ont été inégaux et souvent décevants. En 1992, des organismes nationaux comme l’INIFAP (Instituto Nacional de Investigaciones Forestales y Agropecuarias), le FIRA, et internationaux comme le CIMMYT (Centro Internacional de Mejoramiento del Maiz y Trigo), ont entrepris un projet de recherche sur le semis direct en monoculture de maïs pluvial. Parallèlement à la réalisation de travaux d’expérimentation, une dizaine d’études socio-économiques relatives à cette technique ont été menées dans neuf Etats de la région Centre et Pacifique Centre du Mexique. Depuis 1994, dans le district de Ciudad Guzman et plus particulièrement dans la zone de San Gabriel, le CIMMYT, l’INIFAP et le CIRAD ont effectué une série d’études et d’expérimentations en milieu paysan sur le semis direct avec paillis de résidus dans le cadre d’un projet commun. Ce projet a pour objectifs (1) d’étudier les effets réels de cette technique sur la production de maïs pluvial, (2) de permettre son application dans les différentes conditions de milieu et avec les différents niveaux techniques rencontrés, (3) d’en faciliter la diffusion auprès des agriculteurs de la région. Ce sont les résultats de ce projet que nous allons présenter. 78 1.2.1. Principes et description Il s’agit de semer le maïs sans aucun travail du sol, en présence d’un paillis de résidus de la récolte antérieure protégeant, même partiellement, la surface du sol. En effet, l’élevage bovin et la culture de maïs sont deux activités très liées : durant la saison sèche, les résidus de maïs constituent une des principales ressources fourragères pour l’alimentation du bétail. Il n’est donc pas possible d’utiliser la totalité de ces résidus pour créer un mulch. Aussi, les travaux de recherche ont-ils porté sur l’analyse des effets du semis direct avec paillis de résidus avec de très faibles quantités de matière sèche. Par rapport aux systèmes de culture traditionnellement pratiqués par les agriculteurs, le semis direct sur paillis implique les conditions suivantes : - Conserver la monoculture de maïs Ne pas brûler les résidus après le pâturage Epandre des herbicides avant le semis du maïs au lieu d’effectuer un travail du sol Semer le maïs à travers le mulch formé par les résidus du maïs précédent Contrôler chimiquement les adventices en cours de culture. 1.2.2. Performances et faisabilité en milieu agricole 1.2.2.1. Performances agronomiques Les expérimentations montrent que le SCV avec paillis de résidus est très efficace pour diminuer les pertes en eau (augmentation des quantités d'eau infiltrée dans le sol, diminution du ruissellement, diminution de l'évaporation directe du sol, ce qui sera développé dans la partie 3). Cet avantage peut s'exprimer pleinement lorsque surviennent de longues périodes sèches durant le cycle de culture : cela diminue l'impact du manque de pluie sur la formation et le remplissage de grains. Ainsi, dans les zones basses de San Gabriel où les risques pluviométriques sont importants, on observe un gain de production de maïs conséquent avec le SCV. Plus les quantités de résidus sont fortes, plus la production en grain et en paille est élevée. Même des quantités assez réduites de résidus (1,5 tonnes par hectare) donnent des résultats tout à fait satisfaisants (gain d’une tonne de maïs grain par hectare en 1995, comparativement à une préparation du sol conventionnelle). Dans les parties hautes à pluviométrie plus favorable, les résultats obtenus avec le SCV sont équivalents aux résultats obtenus avec une préparation conventionnelle du sol, et ceci avec des quantités faibles de paillis (deux tonnes par hectare). Cependant, certains effets défavorables ont pu être constatés avec des quantités plus importantes de résidus (quatre et six tonnes par hectare). En effet, avec un paillis plus épais, les semoirs mécaniques disponibles posent des problèmes de répartition des semences et de profondeur de semis. Dans ces zones, le semis direct avec paillis de résidus en faible quantité constituerait la meilleure solution pour diminuer la dégradation des sols par érosion. 79 1.2.2.2. Besoins en travail, intrants et équipements Introduire le semis direct sur paillis de résidus permet de réduire le temps de travail, puisque les travaux de préparation du sol et de sarclages sont supprimés. Cela devrait également offrir plus de souplesse dans la gestion des calendriers de travail, et notamment dans la gestion de l'implantation du maïs. Cependant, cela implique d'une part l'accès à un semoir spécialisé pour semer à travers le mulch, et d'autre part l'utilisation systématique d'herbicides. Pour les chefs des grandes exploitations de types T2 et T3, adopter le semis direct sur paillis de résidus implique l'achat d'un semoir de précision à traction motorisée, ce qui représente un investissement important. Si les agriculteurs de type T3 accèdent facilement à des crédits bancaires, la solution pour les chefs d'exploitation de type T2 serait plutôt la location d'un semoir. Pour les chefs des petites exploitations de type T1, l'adoption du semis direct peut difficilement passer par l'achat d'un semoir de précision. Or louer un semoir à traction motorisée ne permettrait pas de résoudre leur dépendance vis à vis de l'extérieur pour la gestion de l’implantation du maïs, ce qui est un des objectifs recherchés avec le SCV. Il existe cependant une alternative : un équipement adaptable à la traction animale, une pièce peu onéreuse que l'agriculteur peut ajouter à sa charrue à socs et qui permet d'effectuer un semis efficace à travers le paillis (cf. cas du Sud-Parana). Les expérimentations menées sur les parcelles des agriculteurs montrent que l’introduction du semis direct sur paillis de résidus pose le problème essentiel de contrôle des adventices au cours du cycle du maïs. Les expérimentations réalisées chez les agriculteurs montrent qu'un seul traitement herbicide au semis ne permet pas une protection suffisante. Ce problème se manifeste encore plus fortement en traction animale, où les densités de semis sont extrêmement faibles (autour de trois plants par m²). Cette insuffisance dans le contrôle des adventices, due au passage à une lutte complètement chimique, remet en question les avantages présentés par le semis direct sur paillis en terme de bilan hydrique. 1.2.2.3. Intégration dans les systèmes de production La conservation des résidus de maïs pour la constitution du paillis nécessaire à la campagne suivante est un problème important, puisque ces résidus sont normalement pâturés par les troupeaux bovins. Sur les parcelles des agriculteurs, la quantité de résidus présents au moment du semis après la pâture des animaux est très variable. Il semble toutefois que ces quantités soient généralement supérieures au seuil à partir duquel de bons résultats peuvent être obtenus dans les essais (1,5 t/ha). Seules quelques situations de la zone sèche présentent des quantités de paillis insuffisantes, quand la production de biomasse a réellement était déficiente et/ou la pression du bétail élevée. Cependant, la nature des résidus peut être elle aussi variable : quand il ne reste que des cannes de maïs, leur aptitude à diminuer l'évaporation directe du sol est faible. 1.2.2.4. Performances économiques L'introduction du semis direct du maïs avec paillis de résidus entraîne un surcoût par rapport aux itinéraires techniques traditionnels, à système technique équivalent. Entre l'itinéraire technique conventionnel le moins coûteux (en traction animale = IT0) et l'itinéraire semis direct le moins coûteux (toujours en traction animale), il y a une différence d'environ 500 pesos par hectare (cf. tableau 2.5). Cette différence est moindre pour les systèmes en motorisation, où les dépenses sont aussi plus importantes. 80 Cependant, les travaux récents de D. Jourdain et E. Scopel (2000) montrent que les gains de rendement obtenus avec le semis direct sur paillis permettent de compenser cette différence de coût, et d’obtenir des revenus supérieurs. 1.2.2.5. Bilan Le tableau 2.4 présente un bilan des avantages et des inconvénients entraînés par l'adoption du semis direct sur paillis de résidus par type d'unité de production. 1.3. Conclusion En définitive, le semis direct avec paillis de résidus permet (1) de stabiliser, voire d'augmenter, le rendement du maïs dans les zones à déficit hydrique, (2) de protéger les sols contre l'érosion, (3) de diminuer le temps de travail et surtout de mieux organiser les implantations du maïs dans le temps. Cependant, cette innovation entraîne (1) une augmentation de l'utilisation des herbicides et (2) un problème d'accès à des semoirs spécialisés par achat ou par location. Elle induit donc, même si les revenus sont meilleurs, une augmentation des investissements dans un contexte où le crédit est peu accessible, et une remise en question de la souplesse de gestion des implantations de maïs. On pourrait ajouter la contrainte que pose, dans certaines conditions, la conservation d'une quantité suffisante de résidus pour constituer le mulch. Le problème de la lutte contre les insectes, traditionnellement éliminés par le brûlis des pailles après la récolte, doit aussi être pris en compte. En ce qui concerne les herbicides, l'élargissement des gammes de produits disponibles, et la baisse récente du prix de certains produits systémiques plus efficaces comme le glyphosate, les rendent plus accessibles. Cependant, dans le contexte économique actuel (augmentation du prix des intrants et diminution prévue du prix du maïs), un contrôle des adventices uniquement chimique n'est peut-être pas une solution satisfaisante d'un point de vue à la fois économique et écologique. Il faudrait plutôt envisager un contrôle intégré des mauvaises herbes en semis direct sur paillis en jouant sur les dates de semis, la densité et l’arrangement spatial du maïs, les rotations avec d'autres cultures... Devant la diversité des unités de production en présence, il apparaît nécessaire de diversifier les itinéraires techniques pouvant inclure le semis direct avec paillis des résidus, afin d'avoir des solutions applicables aux différentes logiques et contraintes des producteurs. A l'heure actuelle, cette innovation reste essentiellement au stade expérimental. Bien qu’elle soit connue par les agriculteurs et que certains la testent sur quelques-unes de leurs parcelles, sa diffusion semble pour le moment assez limitée. 81 Tableau 2.2 : Caractérisation des différents types d'unité de production (UP) dans la région de San Gabriel (Mexique) Type d'UP T1 : petites Elevage bovin T1a UP T1b 0 UP Main d'œuvre 2 à 32 ha Famille +/- 1 à 15 têtes (M = 10 ha) (M = 7) T2 : UP moyennes, mixtes T3 : grandes Superficie labourable 15 à 40 (M = 26) T3a 0 T3b > 40 têtes (M = 76) Journaliers 4 à 58 ha (M = 25 ha) Famille + journaliers 15 à 310 ha Ouvriers permanents +/- (M = 75 ha) Journaliers Equipement Financement Attelage(s) en propriété + location tracteur Attelage(s) + tracteur en propriété ou par location Tracteur(s) en propriété Prestataires services - 0 crédit bancaire - Vente force de travail + émigration USA Idem Rendement moyen en maïs Environ 2 t/ha Environ 3 t/ha - Crédits bancaires - Négoce ou commerce 3,6 t/ha M : moyenne Tableau 2.3 : Les différents types d'itinéraire technique pour le maïs en fonction des modalités d'implantation et de contrôle des adventices (région San Gabriel au Mexique) Type itinéraire Technique IT0 Préparation du sol avant semis 1 ou 2 passages charrue à socs attelée 1 ou 2 passages cover-crop avec tracteur Semis Technique tapapie Contrôle des adventices Sarclo-buttage en attelé Sarclo-buttage en attelé +/application 2,4-D Sarclo-buttage Technique 1 labour + 1 tapapie ou avec avec tracteur +/passage cover crop application 2,4semoir en avec tracteur D, atrazine location Sarclo-buttage 1 labour + 2 ou 3 Avec semoir en avec tracteur +/passages cover propriété application 2,4crop avec tracteur D, atrazine IT1 IT2 IT3 Technique tapapie T1a Types UP concernés T1b T2 T3a T3b X X X X X X X X X X X X X X X Tableau 2.4 : Réflexion sur les conditions d'adoption du semis direct maïs avec paillis par type d'UP (région San Gabriel au Mexique) Type d'UP Facteurs limitants Facteurs favorables Comment accéder au semoir de précision T1a - Résidus = revenus - Trésorerie et accès aux crédits Attelage(s) en propriété Achat semoir adapté à traction animale T1b - Résidus = fourrages - Accès aux crédits - Attelage(s) - Trésorerie non nulle T2 - Résidus = fourrages - Accès aux crédits T3a et T3b Résidus = revenus ou fourrages - Tracteur(s) - Bonne trésorerie - Tracteurs - Bonne trésorerie et accès aux crédits Achat semoir pour traction animale ou location semoir en motorisation et tracteur Location semoir en motorisation Achat semoir en motorisation Source : J. Glo et N. Martin (1995) 82 Tableau 2.5 : Ouest Mexique Coûts partiels de différents itinéraires techniques pour le maïs Semis direct sur paillis de résidus en traction animale (semoir acheté), avec une application d'herbicide Interventions 1 épandage herbicide Semis Détail des modalités - 2-3 l/ha Faena - 4-5 l/ha Primagram - Main d'œuvre : 1 adulte (famille) - Main d'œuvre : 2 adultes (famille) pour 2 jours - Semoir en propriété Coût 160-240 pesos/ha 320-400 pesos/ha 30 pesos/ha 120 pesos/ha Total : 630 - 790 pesos/ha Semis direct sur paillis de résidus en motorisation (semoir loué), avec deux applications d'herbicide Interventions 1er épandage herbicide 2ème épandage herbicide Semis Détail des modalités - 2-3 l/ha Faena - Main d'œuvre : 1 adulte (famille) - 2-3 l/ha Faena - 4-5 l/ha Primagram - Main d'œuvre : 1 adulte (famille) Location semoir de précision avec main d'œuvre Coût 160-240 pesos/ha 30 pesos/ha 160-240 pesos/ha 320-400 pesos/ha 30 pesos/ha 350 pesos/ha Total : 1050 - 1290 pesos/ha Itinéraire technique traditionnel en traction animale avec équipement en propriété (IT0) Interventions 1 labour Semis tapapie 1 sarclo-buttage Détail des modalités 1 adulte (famille), 1 à 2 jours/ha 2 adultes (famille), 1 à 2 jours/ha 2 adultes (famille), 1 à 2 jours/ha Coût 30-60 pesos/ha 60-120 pesos/ha 60-120 pesos/ha Total : 150 - 300 pesos/ha Itinéraire technique traditionnel en traction motorisée (IT1) avec équipement en location Interventions 2 passages de cover crop Semis 1 application herbicide Détail des modalités Semoir conventionnel - 4,5 l/ha Primagram - 1 adulte/jour/ha 1 sarclo-buttage Coût 300 pesos/ha 170 pesos/ha 320-400 pesos/ha 30 pesos/ha 60-120 pesos/ha Total : 880 - 1020 pesos/ha Source : P. Clavier (1998) 83 II. Le Sud-Ouest de Madagascar L’étude de ce cas repose sur les écrits de D. Rollin (1997), D. Rollin et H. Razafintsalama (1999, 2000), L. Séguy (1997). La région concernée se trouve dans la province de Tuléar, entre 21 et 24° de latitude sud. Elle est délimitée par le fleuve Mangoky au nord et le fleuve Onilahy au sud (cf. figure 2.15). Le climat est de type tropical semi-aride, avec deux saisons marquées. La saison sèche dure sept à dix mois (avril-novembre) (cf. annexe 3). En effet, par sa situation géographique, la région ne bénéficie pas des pluies d’alizés. De même, les influences cycloniques y sont généralement faibles. Dans cette région subsistent des forêts denses sèches, constituées lors de périodes climatiques plus favorables il y a quelques milliers d’années. Bien que traditionnellement tournée vers les activités d’élevage et de pêche, cette région présente des potentialités agricoles élevées (disponibilités en eau d’irrigation, potentiel du sol non négligeable). Aujourd’hui, on observe plusieurs types d’agriculture : exploitation (1) des forêts, (2) des bas fonds, (3) des savanes herbeuses ou arborées d’origine anthropique. Les systèmes de culture pratiqués sont agressifs pour l’environnement, entraînant la destruction de la forêt qui ne peut se reconstituer, des phénomènes d’érosion, l’envasement des lagons… Figure 2.15 : Les grandes zones du Sud-Ouest à Madagascar Source : D. Rollin (1997) 84 2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 2.1.1. Le milieu naturel La région présente des paysages très contrastés. L’altitude varie de 0 à 1320 m, avec une zone littorale de 0 à 300 m relativement plane, une zone de plateaux et des reliefs montagneux. Les isohyètes sont compris entre 400 et 800 mm, avec un gradient pluviométrique positif dans le sens sud-ouest/nord-est. L’origine convective des précipitations confère un caractère très variable à la pluviosité d’un point à un autre de la région et, pour une même localité, d’une année sur l’autre. Les sols sont de plusieurs types : on observe des sols ferrallitiques, des sols ferrugineux évolués sableux (sables roux, sables jaunes) et des sols hydromorphes à tendance vertique dans les bas-fonds. 2.1.2. Histoire agricole Cette région se caractérise par une grande diversité de milieux, mais aussi de groupes ethniques, de moyens d’accès aux ressources et de systèmes de production, ce qui s’explique par son histoire. C’est traditionnellement une zone d’élevage, avec une petite agriculture d’autosubsistance dans les bas-fonds. A la faveur d’opportunités économiques, d’opérations de développement et sous l’influence de l’évolution de son peuplement, la région a connu une extension progressive de l’agriculture pluviale. C’est en effet une zone d’accueil de migrants, dont l’arrivée récente en plusieurs vagues a contribué à modifier considérablement les activités et les paysages. Les autochtones, ou les populations les plus anciennes, sont à l’origine des pasteurs du sud-est du pays, qui, à la recherche de nouveaux pâturages pour leurs troupeaux bovins, se sont installés progressivement au cours de plusieurs siècles. Parallèlement à des activités d’élevage extensif, ils ont développé une agriculture de bas-fonds pour l’autoconsommation (rizières irriguées et/ou cultures de décrue). C’est la situation que les Européens ont trouvée à leur arrivée à la fin du 19ème siècle. Dans cette zone très peu peuplée, les administrateurs coloniaux ont œuvré à la mise en place de grandes exploitations agricoles gérées par des Européens. A la recherche de main d’œuvre, les colons ont déclenché la première vague importante de migrations d’agriculteurs venus des régions voisines. Ces courants migratoires se sont ensuite poursuivis, et les migrants constituent dorénavant une part importante de la population (plus de 30% dans certaines zones). Actuellement, la région se caractérise par une dichotomie autochtones/migrants et des problèmes fonciers complexes. Schématiquement, les autochtones sont propriétaires des terres et sont en général peu tournés vers les activités agricoles. Ils sont aussi les principaux propriétaires de bœufs. Les migrants quant à eux, alors qu’ils sont plus dynamiques sur le plan agricole, ont des difficultés d’accès au foncier. La densité de population est globalement faible, avec une moyenne de 10 habitants au km². Les cultures traditionnelles sont principalement le riz, le manioc, le pois du Cap et le maïs, mais aussi le haricot, la patate douce… Le cotonnier, le maïs, et dans une moindre mesure l’arachide, ont connu ces dernières décennies une extension importante. La culture du cotonnier (et de l’arachide) s’est développée principalement en pluvial et en savane, dans le cadre d’une filière structurée, avec un encadrement agricole qui favorise l’utilisation 85 d’intrants, le travail du sol avant semis et le désherbage. La production de maïs s’est développée spontanément dans le cadre d’une agriculture itinérante sur défriche- brûlis, aux dépens de la forêt. En 1998, les surfaces cultivées de la région représentent environ 100 000 hectares, sur lesquels prédominent le maïs, le cotonnier, le manioc, le riz, l’arachide et le pois du Cap. Mis à part le coton, les productions sont destinées à la fois à l’autoconsommation familiale et à la vente. En dehors des zones d’élevage extensif dans l’est et des zones de pêche sur le littoral, on observe actuellement quatre grands types de système de culture, liés aux caractéristiques des différents milieux exploités : 1 - systèmes itinérants sur défriche-brûlis dans les forêts sèches, pratiqués à la fois par les autochtones et par les migrants. L’objectif principal recherché est la production de maïs à faible coût, sans intrant et sans désherbage, après la vente du bois et du charbon de bois ; 2 - systèmes en pluvial dans les savanes d’origine anthropique, avec les cultures de cotonnier, d’arachide, mais aussi de manioc. Pour le cotonnier et l’arachide, le respect des recommandations techniques des structures d’encadrement conditionne l’obtention d’avantages matériels (semences, intrants, crédits, écoulement de la production à un prix assuré…) ; 3 - systèmes sur décrue le long des fleuves et de leurs affluents. Les cultures sont le pois du Cap, le maïs, le haricot et différents légumes comme l’oignon. La fertilisation des terres et la lutte contre l’enherbement sont assurées par les crues ; 4 - systèmes irrigués avec une maîtrise de l’eau plus ou moins efficace. Les principales cultures irriguées sont le riz et le cotonnier, mais aussi le maïs, le manioc, le pois du Cap… Les activités d’élevage tiennent toujours une place essentielle. Mais les relations agricultureélevage sont loin d’être complémentaires. Il existe une forte compétition, notamment en ce qui concerne l’utilisation de l’espace : l’extension des cultures pluviales a réduit les pâturages, l’aménagement des rizières limite l’accès des bas-fonds aux troupeaux en saison sèche. On n’observe pas d’utilisation de fumier, ni de liens entre le troupeau traditionnel et les bœufs de trait. Ajoutons qu’en dehors des filières organisées comme celle du coton, les structures de crédit, d’approvisionnement et de commercialisation sont quasiment inexistantes. 2.1.3. Les unités de production Depuis le départ des colons européens, il reste quelques grands exploitants qui utilisent des moyens motorisés et une main d’œuvre salariée importante. Mais la plus grande partie de la production agricole de la région est maintenant le fait de petits agriculteurs qui cultivent en moyenne moins de trois hectares, en manuel et/ou en traction animale, ou encore en louant de l’équipement motorisé. On observe une grande diversité d’unités de production agricoles, que l’on peut classer en différents types. Ces types sont principalement déterminés par l’origine ethnique et la dichotomie migrant/autochtone. 86 - Parmi les autochtones, on observe : - des unités de production où se pratique d’abord un élevage extensif, avec en complément des cultures de bas-fond et/ou des cultures en pluvial. Les chefs d’exploitation emploient souvent des migrants comme salariés pour les grands travaux agricoles ; - des éleveurs qui se déplacent avec leurs troupeaux, et qui complètent leurs activités d’élevage extensif avec des cultures pluviales ; - des unités de production qui pratiquent essentiellement une agriculture de bas-fonds ; - des pêcheurs en mer pratiquant un peu d’agriculture dans les dépressions interdunaires. - Les migrants louent des terres, pratiquent l’agriculture sur brûlis forestier, font de l’élevage extensif et ont toutes sortes d’activités secondaires, dont le salariat agricole et le métayage. On observe un sous-équipement généralisé en matériel attelé : en 1991, on comptait en moyenne dans la région une charrue pour 3,61 exploitations agricoles. Par contre, il existe des prestataires de services en motorisation. 2.1.4. Description et performances des systèmes techniques de production en zones pluviales Nous allons maintenant nous intéresser plus particulièrement aux systèmes techniques de production en pluvial. 2.1.4.1. En forêt Après défriche-brûlis, en général, du maïs est semé directement à faible densité au milieu des souches. Après deux ou trois ans de culture de maïs sans sarclage et sans intrant, la pression des adventices devient trop forte. Succèdent alors un ou deux cycles de manioc, puis la parcelle est mise en friche, destinée au pâturage. 2.1.4.2. En savane anthropique Les systèmes de culture observés se caractérisent principalement par les éléments suivants : - - - Utilisation de la traction animale et de la motorisation pour la préparation des sols avant semis. L’usage de la charrue en motorisation a été promu dès l’arrivée des colons européens. Jusqu’à la campagne 1989-90, la société cotonnière (Hasyma) a eu une politique de prestation de service en fournissant des tracteurs pour le labour. C’est seulement à partir de 1990 que la société a incité les agriculteurs à s’équiper en attelage. En 1994, 73% des superficies cultivées en cotonnier sont préparées en culture attelée, contre 59% en 1989 ; Mise en place des cultures le plus rapidement possible, de façon à exploiter le mieux possible les faibles précipitations. Cela se traduit par des labours rapides, peu profonds, réalisés dans des conditions climatiques défavorables ; Faiblesse de la fertilisation minérale et absence d’utilisation de fumier ; Gestion des adventices très contraignante, qui se fait en général manuellement ;peu d’associations de cultures et absence de rotations. En ce qui concerne le cotonnier, 63% des parcelles sont en monoculture, 5% sont en rotation avec une jachère, et 32% intègrent tous les quatre ou cinq ans une culture vivrière dans la rotation. En dehors des périodes de culture, l’usage de la vaine pâture est généralisé. De plus, les feux de brousse sont pratiqués pour renouveler les pâturages. 87 2.1.4.3. Bilan Après défriche, la forêt ne peut se reconstituer. Quant aux systèmes pluviaux en savane, ils entraînent une compaction généralisée des sols avec formation de semelles de labour, une diminution du taux de matière organique et une augmentation de la pression des adventices. Les phénomènes d’érosion provoquent l’envasement des lagons. Les rendements obtenus sont irréguliers, dépendants des déficits hydriques. Du point de vue économique, la valorisation de la journée de travail devient de plus en plus faible. Les sociétés d’encadrement proposent comme solution l’augmentation des surfaces cultivées ou des doses de fertilisation minérale. Mais les faibles performances de ces systèmes (500 à 1000 kg de coton-graine ou d’arachide-coque par hectare) incitent plutôt les agriculteurs à privilégier la culture sur défriche-brûlis en forêt, ce qui accélère le processus de destruction de cette dernière. Face à cette situation, la recherche agronomique s’est intéressée au semis direct sur couverture végétale, afin d’assurer la durabilité des systèmes de culture en pluvial mis en œuvre dans la région. 2.2. Le semis direct sur couverture végétale : un nouveau système d’exploitation du milieu proposé par la recherche Différents SCV ont été testés depuis 1994 par le CIRAD, en collaboration avec l’organisation non gouvernementale malgache TAFA (Tany si Fampandrosoana). 2.2.1. Principes et description Les systèmes testés par la recherche reposent sur deux principes : (1) introduction d'autres espèces dans les systèmes de culture existants, soit traditionnelles (niébé, dolique, maïs pour les systèmes cotonniers), soit nouvelles (sorgho, mil, soja) ; (2) construction de rotations et d’associations de cultures. Dans les zones de savane, si les sols sont compactés, un décompactage préalable est nécessaire. Il peut se faire soit par un sous-solage ou un labour profond, soit biologiquement en mettant en place une culture de sorgho ou de mil, ou encore de dolique, de Macroptilium, de crotalaire, de Mucuna, de Brachiaria. A la fin du cycle de ces plantes, un fauchage est réalisé, suivi d’un roulage et d’un épandage d’herbicides. A la saison des pluies suivante, la culture principale est alors semée directement dans les résidus qui recouvrent le sol. 88 A partir de là, il s’agit : - - D’implanter simultanément en semis direct une céréale (maïs, sorgho, mil) associée à une légumineuse (dolique, niébé), ce qui permet de produire à la fois des grains et de la biomasse végétale. Seuls les grains sont exportés à la récolte ; De mettre en place un gardiennage des parcelles et/ou des haies arbustives pour empêcher la pâture des résidus de récolte ; d’implanter le cotonnier en semis direct en rotation avec l’association céréalelégumineuse ; Eventuellement, d’introduire en rotation une sole fourragère tous les trois ou quatre ans. Dans ces systèmes, comme dans le cas Ouest mexicain présenté précédemment, ce sont les résidus de récolte qui permettent de recouvrir le sol pendant l’interculture. Dans le cas malgache, la recherche propose en plus d’adopter des rotations et des associations qui permettent d’augmenter la biomasse de résidus produite. 2.2.2. Performances et faisabilité en milieu agricole 2.2.2.1. Performances Ces SCV présentent de nombreux avantages. - L’absence de labour permet une mise en place rapide de la culture, d’où une bonne valorisation des premières précipitations de la saison des pluies. Ceci est très avantageux pour les agriculteurs non-propriétaires d’équipements de travail du sol qui sont habituellement obligés d’attendre que le matériel en location soit disponible. De plus, la disparition de la semelle de labour permet un enracinement des cultures plus profond, et la présence du mulch augmente la disponibilité de l’eau dans le sol (le ruissellement est réduit, l’eau s’infiltre mieux, l’évaporation diminue), d’où une meilleure valorisation des précipitations. - Dans un sol plus humide, avec des variations de température moins marquées, la vie des microorganismes du sol est plus intense. - Les temps de travaux sont diminués (pas de préparation du sol, moins de sarclages). - Les phénomènes d’érosion sont réduits, la matière organique est conservée dans les sols. Les SCV testés entraînent une augmentation et une stabilisation des rendements des cultures : - - après défriche sur forêt, il est possible de cultiver de façon continue avec des associations céréale-légumineuse (par exemple maïs-niébé), sans complément d’engrais, avec une valorisation du travail toujours positive ; en savane, le rapport « rendement obtenu sur nombre de jours de travail hors récolte » est toujours supérieur en semis direct sur couverture végétale pour maïs, arachide et cotonnier, comparativement aux itinéraires classiques avec labour et sarclages. 89 2.2.2.2. Faisabilité et impacts en milieu agricole Les avantages que nous avons présentés sont d’autant plus intéressants que ces nouveaux systèmes ne nécessitent pas le recours à du matériel spécifique : les agriculteurs sèment avec la houe à travers le mulch. Par contre, ils impliquent l’utilisation d’herbicides. Il s’avère pourtant que ces systèmes ne rencontrent pour le moment qu’un faible impact auprès des agriculteurs. Il existe en effet plusieurs obstacles à son adoption, dont les principaux sont les suivants : (1) difficulté de conserver les résidus de culture pendant la longue saison sèche, du fait des feux de brousse et de la divagation des animaux ; (2) les réactions négatives de la société cotonnière qui juge le semis direct comme une pratique déviante par rapport aux recommandations qu’elle formule aux agriculteurs. III. Quelques compléments à partir des travaux menés dans le Nord de la Côte d’Ivoire Dans les zones tropicales semi-arides, les modalités des SCV expérimentées sont moins diversifiées que dans les zones tropicales humides : la conservation des résidus de récolte pendant la longue saison sèche en est le principe essentiel. Cependant, il est possible de faire des associations culturales pour produire plus de biomasse, comme la recherche le propose dans le Sud-Ouest de Madagascar. Etant donné les contraintes climatiques, les plantes en association sont semées simultanément. Dans le Nord de la Côte d’Ivoire (région de Korhogo, représentée sur la figure 2.11 dans le chapitre C-II), dont le contexte socio-économique est assez proche de celui du Sud-Ouest malgache, la recherche a travaillé sur d’autres modalités de semis direct sur couverture végétale. Avec une pluviométrie un peu supérieure (1000 mm de moyenne annuelle) (cf. annexe 3), il est possible d’associer la culture principale avec une plante de couverture spécifique (Pueraria phaseoloides, Cassia rotundifolia, Stylosanthes guianensis, Arachis pintoï) (Charpentier et al., 1999). Cependant, pour que la plante de couverture puisse fournir suffisamment de biomasse en une seule saison pluviale, elle doit être implantée au même moment que la culture. Partant de ce principe, deux options ont été mises au point. 3.1. La plante de couverture est effectivement semée au même moment que la culture principale. - C’est possible pour les plantes de couverture à petites graines qui démarrent lentement. Leur développement est ensuite contrôlé les premières semaines, si nécessaire, avec un herbicide de post-levée à faible dose, sélectif de la culture. - Une fois la culture principale développée, la plante de couverture ne fait que végéter par manque de lumière, et ne colonise la parcelle qu’après la récolte. - Après la saison sèche, les plantes de couverture forment un mulch « mort » au travers duquel on implante la culture. Si la plante de couverture est annuelle, il est alors nécessaire de détruire les plantules issues des graines qui germent dès les premières pluies. 90 Pour les plantes de couverture vivaces, leur reprise se fait à partir des organes de réserve. Dans ce cas, on détruit complètement la plante avec un herbicide, ou on contrôle son développement avec un herbicide à faible dose jusqu'à ce que la culture forme un ombrage suffisant. Le système se pérennise alors sans autre intervention. Pour limiter les doses d’herbicide, un rabattage est nécessaire, soit à la machette, soit avec un petit rouleau de type Landais en traction animale. 3.2. La plante de couverture est semée de façon décalée, au moment du premier sarclage manuel de la culture, sarclage qui permet d’enfouir les graines. Il est alors nécessaire de laisser la plante de couverture en place seule l’année suivante. Cette modalité ne peut concerner que les plantes vivaces, les plantes annuelles ne pouvant fructifier suffisamment pour assurer leur reprise l’année suivante. Après cette jachère améliorée d’environ 16 mois, la plante de couverture est détruite ou son développement contrôlé pour pérenniser le système, comme nous l’avons vu dans le cas précédent. Mais ces différents SCV n’ont encore que très peu d’impact en milieu agricole. IV. Conclusion La figure 5.1, située en conclusion de cet ouvrage, reprend les différentes modalités de SCV que nous avons présentées pour les zones à climat tropical semi-aride. Outre la limitation des phénomènes d’érosion, couvrir un sol par un paillis permet de réduire considérablement les pertes en eau, ce qui est avantageux compte tenu des conditions climatiques. Par contre, implanter une plante de couverture en association avec une plante cultivée pose des problèmes de compétition pour l’eau, ce qui nécessite une bonne gestion des densités de semis, des périodes d’implantation et du contrôle du développement de la plante de couverture. Les SCV mis au point par la recherche dans les situations que nous avons présentées n’ont pour le moment que peu d’impact auprès des agriculteurs. Au Mexique, dans le cadre d’une agriculture à base de traction animale et motorisée, se pose le problème d’accès aux semoirs de précision. Ce problème ne se pose pas à Madagascar et en Afrique soudanienne, où les semis sont presque toujours réalisés manuellement. En revanche, dans toutes les situations, deux types d’obstacle sont à considérer : (1) l’accès aux herbicides, leur coût et leur maîtrise technique ; (2) l’importance de l’élevage, dont le mode de conduite s’oppose à la conservation des résidus de récolte pendant l’inter-culture. Ce dernier point est un obstacle majeur. Pour le reste, il ne faut pas oublier que le semis direct, les rotations et les associations de cultures sont déjà des pratiques bien connues des agriculteurs des zones soudaniennes africaines. * * * Après avoir présenté plusieurs modalités d’application des SCV dans différentes zones agroécologiques et dans différents contextes socio-économiques, nous allons aborder des aspects plus généraux concernant l’étude de ces systèmes. Nous allons commencer par une analyse des processus agrobiologiques qui permettent de comprendre le fonctionnement agronomique et la spécificité des SCV. 91 PARTIE 3 : PROCESSUS AGROBIOLOGIQUES MIS EN JEU PAR LES SCV 92 Cette partie a pour objectif essentiel de donner des éléments d’information et des pistes de réflexion sur les processus agrobiologiques mis en jeu par les SCV. En effet, de nombreux travaux de recherche sur ces aspects sont en cours, et la recherche bibliographique réalisée est loin d’être exhaustive. A. EFFETS DES SYSTEMES SCV SUR LES ENNEMIS DES CULTURES : CONTROLE DE LA FLORE ADVENTICE ET DES ORGANISMES PARASITES La lutte contre les adventices constitue un des principaux problèmes auxquels sont confrontés les agriculteurs des régions chaudes. Jachère longue, labour et sarclage sont les moyens de lutte les plus couramment utilisés. Dans les SCV, c'est la plante de couverture qui doit permettre le contrôle des mauvaises herbes. Hormis la gestion des résidus de récolte en paillis, certains de ces systèmes consistent en fait à implanter ou à sélectionner une adventice principale, la plante de couverture, qui exerce, entre autres, des effets régulateurs sur le développement des autres mauvaises herbes. En retour, il faut parvenir à contrôler la plante de couverture, soit par des moyens mécaniques soit par des produits chimiques, afin qu'elle ne concurrence pas elle-même la culture principale. En plus des adventices, les plantes de couverture agissent sur d’autres ennemis des cultures, les parasites et les agents pathogènes, ce que nous allons également aborder. I. Impacts sur la flore adventice 1.1. Les principaux mécanismes de contrôle mis en jeu 1.1.1. Compétition pour la lumière La plante de couverture morte ou vivante gêne le développement des adventices en faisant écran au passage de la lumière. Dans le cas d'une couverture morte, plus le mulch est épais, plus le contrôle des adventices est efficace (Derpsch et al., 1991). Dans le cas d'une couverture vivante, un bon contrôle des mauvaises herbes nécessite une plante à développement rapide et à fort pouvoir couvrant. 1.1.2. Allélopathie L'allélopathie est "l'ensemble des phénomènes dus à l'émission ou la libération de substances organiques par divers organes végétaux vivants ou morts et qui s'expriment par l'inhibition ou la stimulation de la croissance des plantes se développant au voisinage de ces espèces ou leur succédant sur le même terrain" (Caussanel, 1975). Dans les cas de contrôle par allélopathie, les plantes de couverture émettent des substances qui gênent la germination, la croissance ou le développement des adventices. Ces substances peuvent être des exsudats provenant des racines, des produits résultant du lessivage des tiges et des feuilles, ou encore des toxines issues de la décomposition de parties de la plante (De Raissac et al., 1998). 93 1.1.3. Exemples Dans la plupart des cas, les deux mécanismes de régulation entrent en jeu de façon simultanée. Il est d'ailleurs difficile de faire la part des choses, les mécanismes allélopathiques restant encore assez mal connus. Comme exemples particulièrement illustratifs de régulation des adventices par une plante de couverture, nous pouvons citer parmi les cas développés dans la partie 2 du document : - Le système Mucuna au Honduras qui limite les sarclages au cours du cycle du maïs ; Les systèmes à base de Mucuna pour lutter contre Imperata au Bénin ; Les systèmes à base de Pueraria pour lutter contre Chromolaena en Côte d'Ivoire ; Les systèmes mis en place pour lutter contre Cyperus rotondus dans les cerrados. Les travaux de Chou et al. (1987, 1989), cités par X. Fontar et L. Thomas (1992), montrent un effet allélopathique significatif d’une couverture végétale de kikuyu (Pennisetum clandestinum) sur le nombre et la croissance des adventices en vergers à Taiwan. En moyenne, cette graminée diminue de moitié la croissance des adventices. Le kikuyu a été utilisé également comme plante de couverture à la Réunion et à Madagascar 1.2. Avantages et inconvénients Il s’agit ici de dégager quelques pistes de réflexion à partir des cas étudiés précédemment. - Cas des systèmes de production itinérants et manuels en zone tropicale humide Le labour est déjà peu pratiqué dans ces agricultures : la véritable innovation des SCV réside dans l'utilisation des plantes de couverture. Dans la lutte contre les adventices, l'utilisation du Mucuna au Honduras, associé à la culture du maïs, représente un cas idéal. En effet, les cycles du Mucuna et du maïs sont bien synchronisés : non seulement la présence de la plante de couverture diminue le nombre de sarclages pendant le développement du maïs, mais en plus le contrôle de Mucuna se fait sans herbicide, avec un minimum de travail manuel. En revanche, les systèmes à base de Mucuna et de Pueraria en Afrique de l’Ouest sont plus complexes, et impliquent des interventions chimiques et/ou un surplus de travail pour contrôler les plantes de couverture. Cependant, ces plantes permettent de lutter contre des adventices très envahissantes. - Cas des systèmes de production avec un labour en traction animal et des sarclages manuels ou en attelé (certaines UP au Parana, Mexique, Madagascar) Dans ces cas, le passage au semis direct sur couverture végétale entraîne le remplacement du labour et des sarclages par l’utilisation systématique d’herbicides, ce qui met en question le caractère « écologique » de ces nouvelles modalités d’exploitation du milieu. 94 - Cas des systèmes de production en motorisation où les herbicides sont déjà employés Les labours motorisés sont là aussi remplacés par des labours chimiques. Par la suite, les herbicides sont épandus de façon ciblée (sur la ligne…), ce qui limite les quantités apportées. Cependant, on constate que ces systèmes nécessitent en définitive un nombre de traitements herbicides ou une quantité par hectare de produits épandus plus élevés qu’avec les itinéraires techniques conventionnels (cf. L. Séguy et al., 1999, lorsqu’ils détaillent les traitements herbicides réalisés en système conventionnel et en SCV pour le cotonnier dans les cerrados). De même, il a été montré que les quantités d’herbicides épandues, lorsque le travail du sol est simplifié, sont supérieures à celles apportées en labour conventionnel de 15 à 60%, ce qui dépend du degré de simplification, du type de culture et de la nature des adventices (Barriuso et al., 1994). 1.3. Bilan Dans la bibliographie en général, les avis sont partagés en ce qui concerne l’efficacité du contrôle des adventices par une couverture végétale permanente. Si certains auteurs sont convaincus des avantages présentés par les SCV pour lutter contre l’enherbement des parcelles, il existe certaines limites à l’origine de polémiques. P. Clavier (1998) analyse trois implications majeures des SCV sur les peuplements de mauvaises herbes dans des parcelles au Mexique (Jalisco) : - le non travail du sol, comparativement à un travail conventionnel avec labour, favorise le développement de certaines adventices vivaces, car leur système racinaire n’est pas détruit et peut donc former des bourgeons végétatifs. Ainsi, en France, des infestations importantes de graminées vivaces (chiendent rampant, avoine à chapelets) ont été observées en monoculture de céréales implantées en semis direct (Debaeke et Orlando, 1994) ; - la présence d’une couverture végétale provoquerait une augmentation du stock de semences d’adventices en les retenant, alors qu’elles ont tendance à être emportées par les pluies quand le sol est nu. En France, P. Debaeke et D. Orlando (1994) précisent que la concentration des graines semble se faire dans les cinq premiers centimètres du sol. La couverture végétale aurait également l’inconvénient de faire écran lors des traitements herbicides, et donc d’empêcher leur action : un mulch peut intercepter jusqu’à 60% du pesticide appliqué (Barriuso et al., 1994) ; - en semis direct, toutes les opérations de contrôle chimique des adventices interviennent dans une période de quatre à six semaines après l’implantation de la culture, d’où une sélection des adventices tardives (Derksen, 1997, cité par P. Clavier, 1998). Une polémique beaucoup plus générale semble exister à propos des SCV : ils sont certes présentés comme offrant une solution naturelle et écologique aux problèmes de protection de l’environnement (érosion, baisse de fertilité des sols…), mais les traitements herbicides qu’ils impliquent, ne seraient-ils pas justement en contradiction avec une solution naturelle et écologique ? 95 II. Impacts sur les maladies et sur les parasites des cultures Les SCV présentent différents avantages et inconvénients par rapport aux ravageurs et maladies des cultures. 2.1. Avantages # Avec certaines plantes de couverture ou lors de la dégradation de résidus de récolte, il peut se produire une stimulation de la germination, puis une lyse des tubes germinatifs de certains champignons pathogènes du sol par des phénomènes d’allélopathie. On peut citer les exemples suivants : - La pourriture des racines de cotonnier due à Phymatotrichum omnivorum peut être contrôlée par la présence de résidus de culture ; La pourriture noire des racines de haricots due à Thielaviopsis basicola est contrôlée à 90% en mettant sur le sol de la paille d’avoine, des résidus de maïs ou de la paille de luzerne (Abawi et Thurston, 1994). # Les plantes de couverture peuvent constituer une barrière physique à la dissémination d’un inoculum primaire du pathogène. Par exemple, à la Réunion, une couverture de kikuyu sur culture de géranium empêche les éclaboussures de terre et donc l’infestation du géranium par l’anthracnose (Glomerella vanillae Zim.) (Michellon, 1996). De même, une couverture morte d’avoine ou de canne à sucre peut constituer un leurre pour les larves de vers blancs (Haplochelus marginalis) qui ne sont plus concentrées uniquement sur les racines de géranium (Michellon, 1996). # La couverture végétale peut servir de réservoir de parasitoïdes et donc constituer une forme de contrôle biologique contre les ravageurs et les pathogènes des cultures. 2.2. Inconvénients # Une couverture végétale permanente (par exemple un paillis de tige de blé) peut maintenir une humidité idéale dans les dix ou quinze premiers centimètres du sol pour le développement de Rhizoctonia solani et Pythium sp en culture de blé (Abawi et Thurston, 1994). De même, l’humidité est propice à la prolifération des limaces et escargots qui attaquent la culture et la plante de couverture. # Dans l’association maïs–Mucuna au Honduras, les agriculteurs notent une concentration de rongeurs et serpents sous la couverture végétale qui constitue un abri très favorable à leur prolifération (Triomphe, 1999). # Comme dans le cas des herbicides, le couvert végétal permanent forme un écran lors des traitements insecticides et fongicides. Avec l’augmentation de l’infiltration de l’eau dans le sol, et par conséquent l’entraînement en profondeur des pesticides interceptés par le mulch, les risques de pollution sont augmentés. 96 B. EFFETS DES SCV SUR LES ETATS PHYSIQUES DU SOL ET LE STOCKAGE DE L'EAU Comme nous l'avons vu en introduction, l'érosion et ses conséquences souvent spectaculaires, observées dans des systèmes agricoles intensifs et fortement mécanisés, ont été des facteurs déterminants pour la mise au point des techniques "modernes" de semis direct sur couverture végétale (nuages de poussière aux Etats-Unis, sols compactés au Parana...). C’est pourquoi, lutter contre les phénomènes de dégradation de l'état physique des sols d'une part, et régénérer la structure des sols dégradés d'autre part, sont deux objectifs essentiels attendus dans la mise en œuvre de ces techniques. Concernant les caractéristiques physiques des sols, nous verrons que ces techniques jouent également un rôle sur le stockage de l'eau dans le sol. I. Impacts sur l’état structural du sol (cf. figure 3.1) 1.1. Conséquences du non-travail du sol avant semis Un des objectifs principaux du travail du sol avant semis est l'amélioration de l'état structural du sol. Cependant, si les travaux du sol sont effectués dans de mauvaises conditions (trop sèches ou trop humides), les effets obtenus sont contraires à ceux attendus : apparition d'une semelle de labour, sol émietté en surface… De plus, en agriculture motorisée, des passages répétés du tracteur favorisent le tassement du sol. Dans ces conditions, pratiquer le semis direct permet de limiter les interventions qui participent à la dégradation de la structure du sol. Cela suppose aussi d'améliorer la structure du sol d'une autre manière que par le labour : c'est l'un des rôles de la couverture végétale, ce que nous allons détailler. 1.2. Actions en profondeur du sol des plantes de couverture - Amélioration de la stabilité structurale du sol En enrichissant le sol en matière organique, la couverture végétale participe à l'amélioration de sa stabilité structurale. - Amélioration de la structure du sol Les plantes de couverture permettent de fragmenter le sol grâce à l'action de leurs racines qui s'introduisent dans les fissures et les agrandissent. Nous pouvons citer le rôle particulièrement actif des graminées comme le sorgho et le mil, à enracinement profond, ainsi que des plantes à racines pivotantes comme les crotalaires. De plus, l'enrichissement en matière organique favorise la vie biologique dans le sol, ce qui participe à l'augmentation de la porosité (creusement de galeries...) (cf. plus loin). 97 Figure 3.1 : Effets des SCV sur les phénomènes de dégradation de l’état physique du sol. 98 Comparativement au labour conventionnel, les SCV entraînent : (1) Une augmentation de la proportion des pores moyens (de 0,2 à 50 µm) dans les couches superficielles du sol (< 20 cm) au détriment des macropores, ceci sans augmentation de la porosité totale ; (2) Une augmentation de la porosité totale par contre en profondeur (<30 cm) (cf. les résultats des travaux au Parana de R. Derpsch et al., 1991, après 7 ans d'expérimentation). 1.3. Actions en surface du sol de la couverture végétale Nous venons de voir que les plantes de couverture contribuent à l'amélioration de la structure du sol et de sa stabilité. Mais en recouvrant la surface du sol, elles limitent également l’impact des phénomènes climatiques sur l’état physique du sol. - Protection du sol contre l'impact des pluies et du vent La présence d'une couverture végétale permet de diminuer l'impact de la pluie sur le sol (effet splash) en interceptant les gouttes de pluie. Une expérience conduite au Parana montre que pour un sol donné et pour une pluie d'une intensité de 60 mm/h, les SCV permettent de réduire de 92% la quantité de sol érodée comparativement à la pratique d'un labour conventionnel (Derpsch et al., 1991). De la même façon, la couverture permet de réduire les effets du vent à la surface du sol et empêche la formation de nuages de poussière. - Réduction du ruissellement et des pertes en sol La couverture végétale, morte ou vivante, retient l'eau des pluies sur le sol et augmente son infiltration. Outre ce rôle de barrage physique, nous avons vu que les plantes de couverture augmentent la porosité du sol, ce qui favorise encore l'infiltration de l'eau (cf. les observations au Honduras de B. Triomphe, 1996b, avec l’association maïs-Mucuna). D’autres travaux montrent que plus le taux de recouvrement du sol est élevé, plus le taux d'infiltration (exprimé en pourcentage des précipitations) est important (Derpsh et al., 1991). Cette augmentation de l'infiltration se traduit par une réduction du ruissellement. Une expérience menée dans l'Etat de Jalisco au Mexique montre que le ruissellement est quasiment inversement proportionnel à la quantité de matière végétale qui recouvre le sol (Scopel et al., 1999). La réduction du ruissellement enlève à l'eau sa fonction de transport des particules minérales, d'où une diminution des pertes de sol. Des résultats d'expérimentations menées au Nigeria montrent que l'érosion, exprimée en quantité de terre par hectare, diminue considérablement quand on passe d'un labour conventionnel à une combinaison semis direct et couverture végétale (Osuji, 1984). 100 1.4. Bilan Dans le tableau 3.1 sont rappelés les principaux facteurs favorisant les phénomènes de dégradation de l'état physique du sol, ainsi que les moyens de lutte offerts par les SCV. De façon générale, les SCV améliorent non seulement l'état structural du sol, ce qui le rend moins sensible à l'érosion, mais le protègent également physiquement contre les facteurs climatiques de dégradation (vent, pluie). Ils limitent de plus les actions anthropiques qui entraînent une dégradation du sol (travail du sol en mauvaises conditions). Ils permettent donc une lutte efficace contre l'érosion. La figure 3.1 fait un bilan sur les mécanismes de lutte contre les phénomènes de dégradation du sol qui interviennent dans les SCV, en détaillant ce qui est dû au non-travail du sol d'un côté, et à la couverture végétale de l'autre. Tableau 3.1 : Facteurs défavorables influençant l'état structural du sol et effets escomptés des SCV Facteurs défavorables Effets escomptés 1. Effets sur les caractéristiques physiques du sol Améliorer la stabilité structurale - Texture limoneuse ou argileuse de type - Enrichissement en matière organique par kaolinite + un faible taux de matière décomposition de la couverture végétale organique Régénérer une structure dégradée - Actions des racines des plantes de couverture et augmentation des activités biologiques dans le sol, d'où augmentation de la porosité des sols 2. Effets sur les facteurs de dégradation des sols et sur l’érosion Actions anthropiques : - Passages de machines lourdes en conditions - Limitation du nombre de passage des humides : création d'une semelle de labour machines en cours de culture limitant l'infiltration et favorisant les - Sol non travaillé avant semis glissements de terrain - Sol pulvérisé en surface Vent et érosion éolienne : - Vents violents - Protection par couverture végétale - Sol nu pulvérisé Pluie et érosion hydrique : - Pluies violentes (densité et répartition) - Réduction de l'impact (effet splash) par - Pentes fortes ou pentes faibles mais longues couverture végétale - Sol nu - Augmentation de l'infiltration par couverture végétale, donc diminution du ruissellement et de son énergie cinétique 101 II. Impacts sur le stockage de l'eau dans le sol (cf. figure 3.2) Les SCV influent sur la quantité d'eau utile stockée dans le sol, ce qui est dû essentiellement à l'action des plantes de couverture. Celles-ci agissent d'une part sur les mécanismes de constitution des réserves en eau dans le sol, et d'autre part sur les facteurs de pertes en eau. (Pour compléter les données qui vont suivre, il est conseillé de consulter les travaux de E. Scopel, 1994, et E. Scopel et al., 1999). 2.1. Meilleure valorisation des eaux de pluie - Amélioration de l'infiltration de l'eau dans le sol et diminution du ruissellement Les mécanismes d'action mis en jeu ont été développés précédemment. - Augmentation de la capacité de stockage en eau du sol L'enrichissement du sol en matière organique améliore la capacité de rétention en eau du sol, ce qui est particulièrement intéressant pour les sols sableux. - Amélioration de l'enracinement des cultures En augmentant la porosité des sols en profondeur (cf. précédemment), les plantes de couverture favoriseraient un meilleur développement en densité et en profondeur de l'enracinement de la culture principale. L'eau stockée dans le sol serait ainsi mieux valorisée. La recherche bibliographique sur ce thème ne permet pas de confirmer ces hypothèses sur l'enracinement (Maurya et Lal, 1980 ; Lal, 1995 ) 2.2. Evolution des pertes en eau De façon générale, les SCV permettent : - de limiter les pertes en eau occasionnées par les adventices. En effet, nous avons vu précédemment les effets des plantes de couverture sur les adventices. Or, en diminuant la pression des mauvaises herbes, la couverture réduit leur consommation en eau ; - d’augmenter les pertes en eau par drainage en profondeur. En favorisant l'infiltration de l'eau dans le sol, les plantes de couverture doivent également augmenter les risques de drainage de l'eau en profondeur, eau qui devient alors inaccessible aux cultures. Par contre, ce risque doit être compensé par un meilleur enracinement de ces cultures (nous n’avons pas trouvé dans la bibliographie des données chiffrées permettant de quantifier). 102 Mais des nuances sont à faire selon le type de couverture végétale : - une couverture morte permet de limiter l'évaporation du sol. En effet, la présence d’un mulch limite la remontée par capillarité de l’eau contenue en profondeur du sol. Les résultats des travaux au Kentucky de Philips (1980), cité par J. Guérif (1994), montrent effectivement que l'évaporation du sol en semis direct avec mulch est bien inférieure comparativement à un labour sans couverture, et qu'elle reste faible (< 50 mm) quelles que soient les conditions climatiques ; - une couverture vivante augmente les pertes en eau du sol par transpiration. En effet, les plantes de couverture vivantes sont elles-mêmes consommatrices d'eau. 2.3. Bilan Il est nécessaire de raisonner en terme de bilan hydrique. Dans les conditions climatiques du Parana, les travaux menés par R. Derpsch et al. (1991) montrent que, comparativement au labour conventionnel, le semis direct sur mulch permet d'augmenter la quantité d'eau disponible pour le blé pendant sa période végétative (de mai à septembre). Cependant, dans d'autres contextes, avec d’autres modalités, les pertes en eau qui découlent de la transpiration de plantes de couverture vivantes peuvent contrebalancer tous les aspects positifs que nous avons cités précédemment. Les plantes de couverture entrent alors en compétition pour l'eau avec la culture principale. Il apparaît donc nécessaire de raisonner le type de couverture et les modes de mise en place selon le contexte climatique de la zone concernée, voire d’exclure les plantes de couverture si l'aridité est trop forte. Selon R.R. Allmaras et al. (1994), qui se référent aux plaines du Centre-Nord des Etats Unis, "les plantes de couverture ne sont pas conseillées dans les zones où les précipitations sont inférieures à 500 mm/an". Par contre, il est possible dans ces situations d’utiliser les résidus de la récolte du précédent pour recouvrir le sol (exemples du Mexique et de Madagascar). 103 Figure 3.2 : Effets des SCV sur la réserve en eau utile du sol. 104 C. EFFETS DES SCV SUR LES CARACTERISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES ET L'ACTIVITE BIOLOGIQUE DU SOL I. Impacts sur les caractéristiques physico-chimiques du sol 1.1. Conservation, voire amélioration du taux de matière organique dans le sol La matière organique joue un rôle fondamental sur les caractéristiques physiques et chimiques du sol (stabilité structurale, stockage de l'eau et des éléments minéraux...). Or, dans les conditions climatiques des pays tropicaux elle subit une minéralisation rapide, ce qui pose le problème de sa conservation dans les sols cultivés si elle n'est pas renouvelée fréquemment. Nous allons voir comment les SCV influent sur le taux de matière organique des sols. 1.1.1. Production de matière organique Les plantes de couverture produisent une biomasse importante en quantité, sur et dans le sol, biomasse qui n'est pas exportée. D'après Triomphe (1996a), en dehors des grains de maïs produits et récoltés, l'association maïs-Mucuna au Honduras produit une biomasse résiduelle totale de l'ordre de dix tonnes de matière sèche par hectare et par an. Cette biomasse se divise en deux parties à peu près équivalentes : une verte, issue directement de la fauche du Mucuna, et une sèche. Cette deuxième partie se compose : (1) des résidus de récolte du maïs, (2) d'une fraction non décomposée du mulch de Mucuna de l'année précédente, (3) des adventices du maïs étouffées par le Mucuna, (4) des feuilles de Mucuna tombées pendant son cycle. A cette biomasse facilement quantifiable, il faudrait encore rajouter celle formée non seulement par les racines, mais aussi par la faune et la flore hypogées. Or la biomasse racinaire est loin d'être négligeable. Par exemple, une culture de sorgho peut produire 630 kg de matière sèche de racines (Piéri, 1989). 1.1.2. Minéralisation de la matière organique Le labour permet d'incorporer la matière organique dans le sol, ce qui en accélère la minéralisation. Ainsi, le non-travail du sol limite la vitesse de décomposition de la matière organique, ce qui est d'autant plus important sous les climats chauds et humides où cette décomposition est très rapide. Cependant, par rapport aux processus de minéralisation de la matière organique, il faut raisonner sur le système complet semis direct sur couverture végétale : si l'absence de labour diminue la vitesse de minéralisation, la présence de la plante de couverture peut avoir un effet inverse. En effet, l'accumulation de résidus organiques en surface augmente l'activité biologique du sol (cf. plus loin), ce qui intensifie le processus de minéralisation. Il ne faut d'ailleurs pas oublier que la décomposition de la matière organique dépend pour beaucoup des conditions climatiques : elle est active en période humide et chaude, et quasiment inexistante en période sèche ou froide (Triomphe, 1999). De plus, la minéralisation dépend du rapport C/N des éléments végétaux concernés. En effet, la vitesse de décomposition de la matière organique est inversement proportionnelle à la teneur en lignine et au rapport C/N des résidus. 106 1.1.3. Bilan Sous les tropiques, des expérimentations qui comparent l'évolution du taux de matière organique de sols cultivés avec labour conventionnel ou avec semis direct sur couverture végétale, montrent que les SCV permettent de maintenir ce taux après plusieurs années de culture, voire de l'augmenter dans les couches superficielles du sol (<10 cm) (Derpsch et al., 1991 ; Lal, 1995 ; Triomphe, 1999). Cette conservation ou cette augmentation du taux de matière organique dans le sol diminue l’acidité du sol et accroît la quantité d'éléments minéraux disponibles pour les plantes cultivées. 1.2. Evolution de la disponibilité des éléments minéraux dans le sol Il faut raisonner en terme de bilan, en considérant les effets des SCV sur les apports d'éléments minéraux d'une part et les pertes d'autre part. 1.2.1. Les apports en éléments minéraux - Remontée des éléments minéraux situés en profondeur des sols Les plantes de couverture joueraient le rôle de pompes biologiques en favorisant la remontée d'éléments minéraux situés à une trop grande profondeur du sol pour être accessibles aux plantes cultivées, mécanisme sur lequel on ne dispose pas encore d’éléments chiffrés. Ce rôle n'est possible que pour les plantes de couverture qui disposent d'un enracinement suffisamment développé pour aller absorber ces éléments en profondeur. Par la suite, la minéralisation de la biomasse végétale produite par la plante de couverture libère en surface les éléments minéraux ainsi captés et recyclés (Séguy et al., 1996). - Fixation symbiotique (pour l'azote) C'est le rôle des légumineuses qui fixent l'azote atmosphérique. La minéralisation de leur biomasse libère ensuite l’azote dans le sol. - Minéralisation de la matière organique (cf. précédemment) - Rétention des ions dans le sol La matière organique permet une augmentation de la capacité d'échange cationique du sol (CEC), donc un meilleur stockage des éléments minéraux dans le sol sous une forme assimilable par les plantes cultivées. 107 1.2.2. Les pertes en éléments minéraux - Erosion et ruissellement Nous avons vu précédemment que les SCV diminuent le ruissellement, et par conséquent limitent les pertes d'éléments minéraux dues à ce phénomène. - Lessivage Par contre, en favorisant l'infiltration de l'eau dans le sol, les SCV peuvent augmenter le risque de perte d'éléments minéraux par lessivage. - Volatilisation (pour l'azote) En recouvrant le sol, la couverture végétale doit limiter ce phénomène de perte d'azote du sol. - Exportation par récolte La biomasse végétale produite par la plante de couverture est laissée sur place. Par contre, les parties récoltées de la culture principale sont toujours exportées. Or, si les SCV permettent d'augmenter les rendements des cultures, ces exportations seront d'autant plus importantes (cf. le cas du système maïs-Mucuna au Honduras où les rendements du maïs doublent par rapport à la monoculture). - Immobilisation temporaire L'activation de la vie biologique des sols par la couverture végétale augmente la consommation en azote des micro-organismes, ce qui peut provoquer dans certains cas (rapport C/N élevé) des carences en azote temporaires (faim d'azote). - Consommation par les plantes de couverture associées 1.2.3. Bilan En plus du bilan global en éléments minéraux, il est important de considérer la synchronisation des apports permis par les plantes de couverture et les besoins des plantes cultivées. Et si les plantes de couverture induisent une consommation d’éléments minéraux au même moment que les plantes cultivées, elles deviennent alors concurrentes. - Exemple de l'azote Dans certains cas, le bilan azoté est meilleur pour la plante cultivée en système conventionnel qu'en semis direct sur couverture végétale, dans d'autres cas c'est le contraire. Des expérimentations montrent aussi que la répartition des différentes formes de l'azote (minéral, nitrate, ammonium) dans le profil du sol est modifiée avec le semis direct sur couverture végétale (cf. les travaux de G.W. Thomas et al., 1973, aux Etats-Unis, et de O. Muzilli, 1983). Des travaux comparent les effets de différentes couvertures selon le rapport C/N (Ayanaba, 1982). Au Parana, des expérimentations ont été menées sur la réponse du maïs cultivé en semis direct sur couverture végétale (en terme de rendement en grain) à des apports complémentaires d’engrais azotés selon le type de plante de couverture (Derpsch et Calegari, 108 1992). On observe que la réponse à l’azote est importante avec un précédent avoine noire qui a un rapport C/N élevé ( autour de 42) : l’azote permet alors de compenser une carence initiale pour le maïs. Selon Derpsch et al. (1985), l’avoine noire possède une haute capacité d’extraction et d’accumulation de l’azote (147 kg/ha). Dans ce cas, un apport complémentaire de 30 kg/ha d’azote au semis aurait pour effet de réduire le rapport C/N, et donc d’augmenter la vitesse de décomposition des résidus, avec une meilleure libération de l’azote au moment opportun pour le maïs. A contrario, un apport de 60 kg/ha est préjudiciable aux plantules. Après une légumineuse, des apports complémentaires d’azote ont un effet négligeable, voire négatif. Au Honduras, Triomphe (1996a, 1996b, 1999) a étudié la dynamique de l’azote au sein du profil du sol (0-60 cm) dans des parcelles soumises à l’association maïs-Mucuna pendant deux cycles de culture. Les niveaux maximaux d’azote observés atteignent une centaine de kg/ha, sans jamais descendre en dessous de 30 à 50 kg/ha. Surtout, les mesures effectuées font ressortir une bonne synchronisation entre la libération d’azote minéral provenant de la décomposition de la litière formée par la plante de couverture, et les besoins du maïs. En effet, on remarque un pic d’azote minéral environ 20 à 30 jours après la fauche du Mucuna, ce qui correspond au stade où le maïs, implanté juste après la fauche, commence à absorber l’azote rapidement. Après ce pic, on observe donc un déclin rapide des niveaux d’azote dans le sol (entre 30 et 90 jours après le fauchage), durant lequel environ 60 à 80 kg/ha d’azote sont libérés, le maïs en absorbant entre 50 à 80 kg/ha. Cependant, il semblerait que les conditions climatiques jouent un rôle déterminant sur les quantités d’azote minéral libérées, en influençant l’intensité de la décomposition du mulch de Mucuna. En effet, cette dernière, forte en année humide, correspond à une faible réponse du maïs à un apport d’engrais azoté (+ 0,1 T /ha pour 50 kg d’urée appliqués), alors qu’en année sèche la réponse du maïs à l’engrais est plus nette (+ 0,5 T/ha). Sinon, des mesures réalisées sur du long terme, montrent que le taux d’azote dans le sol augmente considérablement au cours du temps (+ 0,1 point en moyenne après 16 années d’association maïs-Mucuna). - Les autres éléments minéraux Les SCV induisent une concentration de la majorité des éléments minéraux sur les premiers centimètres du sol (cf. les travaux de A.S.R. Juo et R. Lal, 1979, sur le phosphore). 1.3. L'acidité du sol Dans les pays tropicaux, le semis direct sur couverture végétale n’a pas d’effet acidifiant sur les sols, et il peut même avoir des effets améliorateurs (cf. les observations de B. Triomphe, 1999). En effet, l’augmentation des nutriments issus des résidus de culture laissés en superficie contribue à la réduction des problèmes d’acidité. II. Impacts sur l’activité biologique du sol La biologie du sol est caractérisée par l’activité des organismes (faune et flore hypogées) qui composent le système sol-plante. Ces organismes contribuent à la formation des caractéristiques physiques du sol (creusement de galeries), et aux transformations chimiques : ils décomposent la matière organique fraîche provoquant la libération d’éléments minéraux directement assimilables par les plantes (minéralisation primaire), ou à l’inverse participent à sa réorganisation sous forme d’humus (humification). L’humus est à la fois une source d’approvisionnement en éléments minéraux pour les plantes (par minéralisation secondaire), 109 et un élément clé du comportement du sol en jouant sur ses caractéristiques physiques (stabilité structurale…) et chimiques (capacité d’échange cationique…). On voit donc l’importance de l’activité de ces organismes du sol. Parmi les organismes du sol, on distingue : - - La macrofaune, de taille supérieure à 2 mm (vers de terre, insectes…), qui participe à l’augmentation de la porosité du sol, facilite la formation du complexe argilo-humique et le retour en surface des ions entraînés en profondeur ; La mésofaune, de taille comprise entre 0,2 et 2 mm (collemboles, acariens, nématodes…), qui est à l’origine de la microstructure du sol ; La microfaune, de taille inférieure à 0,2 mm (protozoaires, nématodes), qui agit sur les transformations chimiques des sols ; Les végétaux. A côté des racines des végétaux supérieurs, ce sont essentiellement des micro-organismes, composants de la microflore (algues, champignons, actinomycètes et bactéries). Ce sont les agents directs de la minéralisation et de l’humification. 2.1. Les micro-organismes du sol (microflore et microfaune) On suppose que les plantes de couverture, en créant des conditions de température et d’humidité favorables aux micro-organismes, et en fournissant plus de matière organique, favorisent leur prolifération et leur activité. 2.2. La faune du sol Les travaux de R. Derpsch et al. (1991) au Parana montrent que, dans les premiers 15 cm du sol, dans une rotation blé/soja, les populations de collemboles, d’acariens et autres insectes organismes sont bien plus nombreuses en semis direct avec conservation des résidus qu’avec un labour conventionnel. Avec l’introduction d’engrais verts dans la rotation, les populations augmentent encore plus. Les résultats des travaux de G.J. House et R.W. Parmelee (1985) vont dans ce sens. 2.3. Conséquences sur les propriétés du sol - Production de matières organiques et activation des processus de minéralisation et d’humification (à confirmer). - Augmentation de la porosité du sol. 2.4. Conclusion L’activation de la vie biologique du sol en semis direct sur couverture végétale contribue fortement à l’amélioration de sa structure (House et Parmelee, 1985). La transformation de la matière organique permet également une meilleure alimentation minérale des plantes cultivées. 110 A côté de ces effets positifs, quelques aspects négatifs dus à cette activation biologique ont été relevés : - - Comme nous l’avons vu précédemment, le couvert végétal peut favoriser la prolifération de parasites des cultures (exemples des nématodes et des symphiles qui s’attaquent aux racines de maïs, au manioc, et des vers blancs qui détruisent les tubercules de macabo) ; Plusieurs cas de concurrence entre l’activité microbienne et les plantes cultivées ont été signalés par certains auteurs, surtout en ce qui concerne l’azote et l’eau ; En cas de faible disponibilité en résidus végétaux, certains termites humivores consomment la matière organique du sol (Wielemaker, 1984). * * * Les SCV mettent en jeu des processus agrobiologiques nombreux et complexes. Les avantages entraînés en terme de réduction des phénomènes d’érosion sont les plus aisés à mettre en évidence. Pour le reste, il est nécessaire de raisonner sous forme de bilans (bilan hydrique, bilans minéraux…), bilans qui différent selon le type de couverture, le milieu et notamment le climat, mais aussi les systèmes techniques dans lesquels le semis direct sur couverture végétale est intégré. C’est précisément ce dernier point que nous allons développer dans la partie qui suit, en traitant des conditions d’adoption et de diffusion des SCV en milieu agricole. 111 PARTIE 4 : CONDITIONS D’ADOPTION ET DE DIFFUSION DES SCV EN MILIEU AGRICOLE 112 Si les SCV présentent de nombreux avantages agronomiques, comme nous venons de le voir, les conditions de leur faisabilité en milieu agricole peuvent constituer un frein à leur adoption. Cette dernière partie a pour objectif principal d’examiner les conditions d’adoption et de diffusion des SCV en milieu agricole, en illustrant autant que possible avec les cas d’étude présentés précédemment. L’analyse des conditions d’adoption se subdivise en trois parties : (1) dans un premier temps, nous allons aborder les conditions de faisabilité dans les unités de production, en considérant les besoins en équipements, en intrants et en main d’œuvre entraînés par ces systèmes ; (2) dans un deuxième temps, une analyse strictement économique de ces systèmes sera ébauchée ; (3) pour finir, nous nous interrogerons plus généralement sur les possibilités d’intégration des modalités de semis direct sur couverture végétale dans les systèmes de production et les systèmes agraires. A. LES BESOINS EN EQUIPEMENTS, EN INTRANTS ET EN MAIN D’ŒUVRE La mise en œuvre du semis direct sur couverture végétale nécessite du matériel et des intrants spécifiques, liés aux opérations suivantes : - constituer le mulch - semer à travers le mulch - maîtriser les adventices en absence de labour, et contrôler les plantes de couverture. Nous allons détailler la nature de ces équipements et de ces intrants en fonction des différents types de système de production (travail en manuel, en traction animale ou en motorisation), en nous limitant aux plus utilisés. A chaque fois, nous nous demanderons si la disponibilité de ces équipements et de ces intrants spécifiques constitue ou non un frein à l’adoption du semis direct sur couverture végétale. La même démarche sera suivie pour le besoin en main d’œuvre. I. Les équipements spécifiques 1.1. Cas des systèmes de production où le semis et les sarclages sont réalisés manuellement - Préparation du mulch Pour l’association maïs-Mucuna dans le Nord-Honduras, les agriculteurs utilisent simplement la machette. - Semis $ Le bâton fouisseur est utilisé dans de nombreux cas en Afrique et en Amérique latine, comme c’est le cas pour l’association maïs-Mucuna dans le Nord-Honduras. La houe simple est aussi largement utilisée. 113 $ La canne à planter (ou matraca) constitue un outil spécifique, diffusé essentiellement en Amérique du Sud. Cet appareil est muni d’un bec semeur qui permet de disposer les graines sous le mulch. Malgré un prix peu élevé (environ 15 $US), son emploi reste limité. En effet, son utilisation demande du temps et beaucoup de force physique, surtout lorsque le sol n’a pas été travaillé (Rachou, 1997). $ Le semoir rotatif « Rolling injection planter », à un ou plusieurs rangs, est essentiellement utilisé au Parana à titre expérimental (Rachou, 1997). Une roue munie de plusieurs becs semeurs dépose les graines sous le mulch. - Contrôle des adventices et de la plante de couverture La machette et la houe sont utilisées pour réaliser les sarclages. Sinon, les pulvérisateurs à dos permettent d’épandre les herbicides pour un contrôle chimique. 1.2. Cas des systèmes de production où le semis et les sarclages sont réalisés en traction animale - Pour la préparation du mulch (après le passage d’herbicides), peuvent être utilisés : - une barre de coupe (faucheuse) - un rouleau à couteaux (rolo faca en brésilien). Cet outil écrase et lacère les tiges de la plante de couverture. Parfois, une simple branche d’arbre tirée par des animaux permet d’écraser la couverture végétale. Le rouleau est moins efficace pour les plantes qui produisent beaucoup de biomasse, certaines plantes reprenant leur croissance après son passage. Ces deux outils ne sont pas maniables sur les pentes fortes et les sols pierreux. - Pour le semis, l’outil spécifique est le semoir à injection tracté par des chevaux, des mulets ou des bœufs. Un disque ondulé découpe le mulch et des becs injecteurs à clapet libèrent la graine. Sur d’autres modèles, le disque est remplacé par un outil aratoire qui fend le mulch : ces outils écartent davantage la couverture, favorisant le développement des adventices dans l’espace aménagé pour les graines. De façon générale, ces semoirs sont souvent fragiles, traversent mal le mulch et sont sujets au bourrage (Rachou, 1997). De plus, les becs sont parfois colmatés lorsque la terre est trop argileuse. - Pour contrôler les adventices et la plante de couverture, les herbicides restent le seul moyen pour lutter efficacement contre les adventices qui traversent le mulch. Pour les épandre, un pulvérisateur attelé est utilisé. Ce matériel n’est pas spécifique. 114 1.3. Cas des systèmes de production où le semis et les sarclages sont réalisés en motorisation - Pour la préparation du mulch, un broyeur est utilisé lorsque la couverture est composée de tiges ligneuses comme les résidus de cotonnier. C’est un outil animé par la prise de force du tracteur qui est relativement onéreux. En France, les agriculteurs utilisent parfois des outils à disques, tels que le cover crop. Dans ces conditions, il ne s’agit plus véritablement de semis direct sans travail du sol, car un travail superficiel du sol est effectué. - Pour le semis, un semoir spécifique est nécessaire, équipé de disques qui fendent le mulch avant de déposer les graines. Il existe de nombreux modèles, variables quant à leur efficacité. Les semoirs les plus simples permettent le semis simultané sur deux rangs. Les semoirs combinés les plus sophistiqués permettent le semis sur une largeur de six mètres et réalisent plusieurs opérations successives : ouverture du mulch, semis, épandage d’engrais, tassement de la ligne de semis. Le coût de ce type de semoir est très élevé par rapport à celui d’un semoir conventionnel (trois à huit fois plus élevé). Hormis leur coût, le problème de ces semoirs est leur spécificité à un type de graine. C’est ainsi que les agriculteurs du Parana ont besoin normalement de deux semoirs pour le système soja-blé. - Pour épandre l’herbicide total nécessaire à la destruction des plantes de couverture avant l’implantation de la culture, le pulvérisateur nécessaire est semblable à celui utilisé en système conventionnel. Par contre, au cours du cycle de la plante cultivée, on utilise parfois deux types d’herbicides : un pour la ligne de semis (herbicide sélectif de la culture), et un pour l’interligne (herbicide total). Cette pratique permet de réduire les coûts des herbicides, les herbicides sélectifs étant plus chers que les herbicides totaux. Dans ce cas, un pulvérisateur très fin est indispensable, qui permet d’épandre les herbicides de façon très localisée. On utilise parfois des tunnels pour protéger la plante cultivée pendant l’épandage d’un herbicide total (Séguy et al., 1998). 1.4. Bilan Les équipements nécessaires à la réalisation du semis direct sur couverture végétale dépendent des modalités de leur mise en œuvre. Ils dépendent aussi et surtout du niveau technique des systèmes agricoles où ils s’insèrent : en cas de semis manuel, aucun équipement particulier n’est exigé ; en traction animale et en traction motorisée, par contre, l’outillage est différent de celui utilisé en système conventionnel. En culture attelée, il faut au moins un semoir spécifique et un rouleau à couteaux pour préparer le mulch. Ce matériel a été très largement diffusé au Sud-Parana, notamment grâce à une forte volonté de l’Etat et des instituts professionnels (un programme étatique a subventionné l’achat de semoirs spécifiques à 75%). Mais cela ne suffit pas : le coût des équipements reste la principale limite à l’expansion des SCV en traction animale au Brésil (Rachou, 1997). En agriculture motorisée, les SCV exigent un investissement important en équipements spécifiques, ce qui constitue un frein à son adoption. Seuls les chefs de grandes exploitations agricoles peuvent adopter rapidement ces systèmes. Les autres attendent le moment où ils doivent renouveler leur matériel, et bien souvent, ils ne pratiquent les SCV que sur une partie de leur assolement ou sur une séquence de culture sur deux (exemples au Parana). 115 II. Les intrants spécifiques Mis à part les systèmes maïs-Mucuna au Nord-Honduras et au Bénin, les herbicides font partie intégrante des SCV décrits dans cet ouvrage. De plus, les semences des plantes de couverture constituent un autre type d’intrants spécifiques, dans les cas où elles n’ont pas de marché ou lorsque les plantes sont détruites avant d’avoir pu assurer une production de graines. III. Les besoins en main d’œuvre et les temps de travaux Deux questions principales se posent : - en terme quantitatif, est-ce que les SCV entraînent une réduction du temps de travail ? en terme qualitatif, quels changements les SCV entraînent-ils sur la répartition des travaux dans l’année ? Pour répondre à ces questions, nous allons à nouveau utiliser les cas étudiés précédemment. 3.1. Cas des systèmes de production où toutes les interventions techniques sont réalisées manuellement Au Nord-Honduras, les temps de travaux sur une année diminuent presque de moitié quand on passe du système traditionnel à deux cycles de maïs au système maïs-Mucuna (Sain et al., 1994). Cette forte diminution est essentiellement due à la suppression des travaux précédant l’implantation du deuxième cycle du maïs. De plus, la fauche du Mucuna est grossière, plus facile et plus rapide à réaliser que les sarclages du maïs que la présence de la plante de couverture permet de limiter. Si l’on considère les systèmes de culture sur plusieurs années au lieu d’une année, la réduction du temps de travail permise par l’introduction du Mucuna doit être bien plus conséquente, car elle permet d’éliminer les opérations d’abattis brûlis nécessaires à la remise en culture d’une jachère. En contre partie, un cycle de maïs sur l’année est supprimé. Globalement, en agriculture manuelle, les SCV permettent de réduire les temps de travaux et leur pénibilité par l’absence de préparation avant semis, et par la diminution du nombre de sarclages. Cependant, ce constat est à nuancer : en zone forestière de Côte d’Ivoire, par exemple, la maîtrise de l’implantation d’une plante de couverture, puis le contrôle de son développement, nécessitent un surplus de travail ou l’emploi d’herbicides. 3.2. Cas des exploitations familiales du sud du Parana (Brésil) qui travaillent en traction animale Par rapport aux systèmes traditionnels, les SCV permettent de mieux répartir les charges en travail tout au long de l’année : les pointes de travail pour la préparation des sols en août diminuent, alors que les besoins augmentent entre mai et juillet pour la gestion des plantes de couverture (Micos, 1999). D’après M. Rachou (1997), un labour en attelé nécessite 36 heures de travail pour un hectare, contre 9 heures pour un semis direct, toujours en attelé. De plus, le recours aux herbicides réduit les interventions de sarclage. Globalement, les temps de travaux diminuent sur l’année, de même que leur pénibilité. 116 3.3. Cas des grandes exploitations motorisées au Brésil (Parana et cerrados) Pour les grandes exploitations motorisées, l’adoption des SCV semble réduire les charges en main d’œuvre (Séguy et al., 1998, 1999). Le gain de temps est en effet évident pour la phase d’installation des cultures, et les sarclages mécaniques sont remplacés par l’épandage d’herbicides. Cependant, il manque une analyse comparée complète des temps de travaux pour l’ensemble des opérations sur une année. L. Séguy et al. (1999) l’ont fait en partie pour la culture cotonnière, comparant l’itinéraire conventionnel en monoculture avec le système semis direct sur paillis de sorgho cultivé dans une séquence antérieure. La réduction en temps de travail observée n’est pas très forte : on passe de 18 à 16 heures de travail par hectare (tableau 4.1). Mais toutes les interventions en semis direct sur couverture végétale ne sont pas référencées. Tableau 4.1 : Culture cotonnière dans les cerrados au Brésil - Comparaison des temps de travaux (heure/ha) entre le système conventionnel (monoculture pratiquée par le groupe industriel MAEDA) et le système semis direct sur paillis de sorgho proposé par la recherche Détail des interventions Système conventionnel SCV techniques 1. Pré-semis : 3,43 1,37 Entretien, aménagement Broyage des résidus Travail du sol Epandage herbicides totaux Semis sorgho 2. Semis 3. Entretien : Sarclage mécanique Sarclage manuel Epandage herbicides Epandages insecticides Total 0,35 0,35 2,73 0,5 0,35 0,5 0,52 1 14,03 13,5 1,03 8 (1 j/ha) 1 (2 applications) 4 (8 applications) 17,96 Source : L. Séguy et al., 1998 8 1,5 (3 applications) 4 (8 applications) 15,87 3.4. Bilan Par la suppression des travaux de préparation du sol avant semis, et notamment le labour, le semis direct sur couverture végétale donne plus de souplesse dans la gestion de l’implantation des cultures. En effet, le labour constitue le chantier le plus long dans une campagne agricole. Il est aussi dépendant des conditions climatiques qui peuvent retarder sa réalisation. On peut citer de plus les cas où les agriculteurs attendent la disponibilité d’un équipement en location pour labourer, alors qu’ils peuvent effectuer un semis direct de façon manuelle (cas du SudOuest malgache). 117 De façon globale et dans la plupart des situations, les SCV permettent de réduire les temps de travaux et leur pénibilité. Si dans certains cas cette limitation reste faible, les SCV entraînent aussi une nouvelle répartition du travail au cours du temps qui écrête les pointes de travail. En définitive, les SCV doivent permettre une meilleure gestion de l’organisation du travail en supprimant les opérations de labour et de sarclage par l’épandage d’herbicides. Cependant, il faudrait s’assurer que les nouvelles périodes de travail induites par la « conduite technique » des plantes de couverture correspondent à des moments où la main d’œuvre est bien disponible. IV. Conclusion En plus des avantages agronomiques que nous avons déjà cités, l’adoption des SCV entraîne des effets globalement positifs sur l’organisation du travail. Par contre, elle nécessite dans la plupart des cas l’acquisition de nouveaux équipements et/ou l’achat d’intrants comme les herbicides. Dans le système maïs-Mucuna au Honduras où aucune dépense supplémentaire est nécessaire, un cycle de culture marchande est supprimé. Une analyse économique au niveau des exploitations agricoles s’impose donc, pour évaluer (1) la rentabilité des SCV par rapport aux systèmes conventionnels sur une ou plusieurs années ; (2) les difficultés financières rencontrées par les agriculteurs pour passer d’un système conventionnel aux SCV (investissements de départ, évolution de la trésorerie au cours de la campagne agricole pour acheter les intrants). B. PERFORMANCES ECONOMIQUES Cette partie a pour objectif d'évaluer la faisabilité des SCV d'un point de vue économique, en les comparant avec les systèmes conventionnels (avec préparation du sol et/ou sans couverture végétale). Les exemples présentés ont été choisis de façon à disposer de données suffisantes pour effectuer une analyse complète. Pour une analyse approfondie de la situation dans l’Ouest mexicain, selon différents niveaux techniques, on pourra consulter les travaux de D. Jourdain et E. Scopel (2000), trop récents pour avoir pu être exploités. I. Le système maïs-Mucuna au Nord-Honduras Nous insisterons ici sur la démarche à suivre pour établir l’analyse économique, plus que sur les résultats. 1.1. Analyse comparée pour une année moyenne de la rentabilité en semis conventionnel et en semis direct sur couverture de Mucuna 1. On évalue les charges et les salaires sur les bases suivantes : - Une exploitation agricole fictive ; - Un itinéraire technique type sur l’année pour les deux systèmes (conventionnel / SCV). 118 Pour chaque intervention technique, on comptabilise les coûts en intrants (semences, herbicides) et en main d’œuvre (tableau 4.2). Dans la simulation, on ne compte pas le coût d’implantation du Mucuna. Par contre, on intègre le prix de location de la terre, supérieur en cas de présence de Mucuna. 2. On calcule les produits. Pour ce faire : - on utilise les rendements moyens obtenus par les agriculteurs enquêtés en distinguant les différents cycles de maïs (cf. figure 4.1) ; - on prend des prix différents pour les deux cycles de maïs (les prix du maïs postrera sont supérieurs de 50 à 100% à ceux du maïs de primera). 3. On détaille les entrées et les sorties d’argent par mois (cf. tableau 4.3). Contrairement au système maïs-Mucuna, le système conventionnel maïs-maïs permet deux entrées d’argent sur l’année. 4. On calcule la marge nette obtenue sur l’année. 5. Résultats Pour une manzana cultivée (= 0,7 hectare), les charges variables annuelles du système Mucuna sont très nettement inférieures à celles du système conventionnel, et ceci pour deux raisons : (1) il n'y a pas de frais de main d’œuvre pour le Mucuna hormis la fauche, et pas de frais de préparation du sol avant l’implantation du maïs postrera ; (2) le système Mucuna est beaucoup moins consommateur d'intrants (un ou deux épandages d'herbicides au lieu de trois, pas de frais de semences pour le Mucuna qui se ressème spontanément). Pour une manzana cultivée, les charges variables annuelles sont moins importantes pour le système Mucuna, et les rendements du maïs postrera obtenus sont nettement supérieurs à ceux du système conventionnel. Ainsi, dans notre exemple, pour une manzana cultivée en année moyenne, la marge nette du système Mucuna est supérieure de 50% à celle du système conventionnel, et ceci malgré la suppression d’un cycle de maïs. Par contre, le système Mucuna induit une gestion de trésorerie différente sur l’année, puisqu’il ne permet qu’une entrée d’argent au lieu de deux. De plus, le fait de n'avoir qu'une récolte par an représente une situation plus risquée : si l'agriculteur effectue plusieurs cycles de culture par an, il peut éventuellement rattraper une mauvaise production avec le cycle suivant. 119 Tableau 4.2 : Nord-Honduras - Coûts comparés de différentes techniques de production de maïs en lempiras par manzana (0,7 ha environ) Maïs postrera Maïs primera Avec Mucuna Sans Mucuna PREPARATION DU TERRAIN 72,6 98,1 98,1 Fauche et brûlis 34,1* 59,6 59,6 Herbicide 30,0* 30,0 30,0 Application herbicide 8,5* 8,5 8,5 SEMIS 56,8 33,0 35,0 Semences de maïs 3,2 3,2 5,2 Main d'œuvre pour semis 29,8 29,8 29,8 Semences de Mucuna 6,8** Main d'œuvre pour semis 17** DESHERBAGE 68,3 77,0 77,0 1er : chimique 38,5 38,5 2ème : manuel 29,8 3ème : chimique 38,5 38,5 38,5 LOCATION 54,4 34,2 34,2 PARCELLE 252,1 242,3 244,3 TOTAL *Variante du système Mucuna : application de gramoxone après la fauche. ** Cas d'un premier cycle : implantation du Mucuna avec des graines achetées Source : G. Sain et al. (1994) Figure 4.1 : Nord-Honduras – Evolution des rendements de maïs (en kg par manzana) en fonction des cycles et des systèmes de culture 1400 Rendements (kg/mz) 1200 1000 800 Maïs de primera 600 Maïs de postrera 400 Maïs de postrera avec Mucuna 200 0 1 2 3 4 5 6 Nombre d'années de culture Source : G. Sain et al. (1994) 120 Tableau 4.3 : Nord-Honduras – Simulation mois par mois de la trésorerie (en lampiras) en année moyenne, pour une manzana cultivée, en fonction des systèmes de culture (maïs-maïs et maïs-Mucuna) Mois Dépenses par opération Location terre Préparation sol Semis 1er sarclage 2ème sarclage Mai Juin Juil. Août Sep. Oct. Nov. Déc. Système conventionnel maïs-maïs Maïs primera 34,2 98,1 35 Mars Maïs postrera 38,5 38,5 38,5 1055 0,29 306 -132 -167 -206 -244 -244 62 780 0,47 366,6 -36 -69 -107 -146 -146 221 Maïs postrera 54,4 72,6 33 29,8 38,5 Gains Rendem. (kg) Prix au kg Produit Flux de trésorerie Avril 33 38,5 Système maïs- Mucuna Mucuna Dépenses par opération Location terre Préparation sol Semis 1er sarclage 2ème sarclage Fév. 98,1 Gains Rendem. (kg) Prix au kg Produit Flux de trésorerie Janv. 1170 0,47 550 -54 -54 -54 -54 -54 -54 -127 -160 -190 -228 -228 322 Par rapport à cette analyse économique en année moyenne, des réserves sont à émettre : - la fertilisation, parfois présente en système conventionnel, n'a pas été comptabilisée (ce qui aurait augmenté l'écart), ni les éventuels traitements phytosanitaires pour les deux systèmes ; - il s'agit d'une année moyenne, qui ne tient donc pas compte des variations inter-annuelles du rendement. Or, les rendements fluctuent au cours du temps avec le système Mucuna (cf. figure 4.1) ; - les itinéraires techniques, donc les charges, varient selon l’année. Par exemple, la première année, le Mucuna est implanté ; - on ne tient pas compte des revenus dus à la vente du bois de chauffe provenant des jachères du système traditionnel. La deuxième étape de l’analyse économique doit permettre de pallier certaines de ces réserves. 121 1.2 Analyse comparée de la rentabilité des deux systèmes sur l’ensemble de la rotation Pour comparer véritablement les deux systèmes, il convient de considérer l'ensemble de la rotation et non pas seulement une année moyenne. Pour ce faire, nous allons faire une simulation pour une manzana, en considérant une rotation de six ans, ce qui correspond à : pour le système conventionnel, deux ans de culture avec deux cycles de maïs après défriche, puis quatre ans de mise en jachère ; pour le SCV, six ans d’association maïs-Mucuna, avec une seule implantation du Mucuna, en première année, la durée de vie moyenne du Mucuna étant de six ans. Pour le système conventionnel, le prix de location des terres n’est comptabilisé qu’une seule fois pour l’année, donc une seule fois pour les deux cycles de maïs. On intègre également dans nos calculs la vente de bois de feu, issu de la défriche des jachères avant la remise en culture. Pour le système Mucuna, on tient compte de l’évolution des rendements du maïs due à la présence de la plante de couverture. Les résultats sont présentés dans le tableau 4.4. La première année, du fait de la faiblesse des rendements en maïs, le système Mucuna est moins rentable que le système conventionnel. Mais dès la troisième année, l'augmentation des rendements est telle que la marge nette cumulée obtenue avec Mucuna devient supérieure à celle avec jachère. Ce qui est frappant à travers ces calculs, c'est la forte productivité de la terre permise par le système maïs-Mucuna en comparaison avec le système maïs-jachère, bien qu'il ne permette qu'un seul cycle de culture par an. Bien que le système Mucuna ne demande aucun investissement en équipement, le manque à gagner de la première et de la deuxième année, dû aux frais d'installation de la plante de couverture et aux faibles rendements du maïs, nécessite une avance de trésorerie qui peut constituer un frein à son adoption par les agriculteurs. C'est peut-être pour cette raison, ajoutée à l’absence d’entrée d’argent en octobre et novembre, que la plupart des agriculteurs du Nord-Honduras qui pratiquent le système Mucuna continuent à cultiver du maïs de manière conventionnelle. Tableau 4.4 : Nord-Honduras – Résultats économiques comparés du système maïsMucuna et du système conventionnel maïs-maïs avec jachère sur une durée de 6 ans (en lampiras, pour une manzana cultivée) Année Système maïs – Mucuna Système maïs-maïs avec jachère Produit Total des Total des Marge nette Produit Marge nette Coûts variables Coûts variables 1 247,22 252,10 - 4,88 672,55 452,40 220,15 2 398,56 228,30 170,26 672,55 452,40 220,15 3 549,90 228,30 321,60 0,00* 0,00 0,00 4 549,90 228,30 321,60 0,00* 0,00 0,00 5 549,90 228,30 321,60 0,00* 0,00 0,00 6 549,90 228,30 321,60 547,50** 59,60 487,86 Total 1451,78 928,16 * Année de jachère ** Vente du bois de chauffe Source : G. Sain et al. (1994) 122 1.3. Conclusion D'après ces analyses, la rentabilité économique ne semble pas représenter un frein à l'adoption du système maïs-Mucuna au Nord-Honduras, mais explique au contraire l’engouement des agriculteurs, ceci malgré certains problèmes de trésorerie induits (frais d’implantation de la plante de couverture la première année, suppression d’une entrée d’argent dans l’année). Cependant, malgré tous ses avantages à la fois agronomiques et économiques, la tendance actuelle est à la régression du système maïs-Mucuna. Il serait intéressant d’en approfondir les raisons. Des hypothèses d’ordre économique sont avancées (Triomphe, 1999), et notamment l’évolution défavorable du prix du maïs, ce qui nécessiterait de réactualiser les calculs présentés précédemment, basés sur les prix de 1992. En fait, il semblerait que le système maïs-Mucuna soit délaissé par les agriculteurs, non pas pour revenir au système maïs-jachère, mais pour se lancer dans d’autres spéculations. Il ne suffit donc pas de comparer les systèmes à base de maïs : il faudrait réaliser, dans le cas du Honduras, des analyses économiques plus larges comparant différents systèmes de production, avec notamment la prise en compte des activités d’élevage. II. les scv et les grandes exploitations agricoles motorisées Compte tenu des données bibliographiques disponibles, nous avons réalisé une simple comparaison des marges dégagées sur une année, en comparant des itinéraires techniques conventionnels avec des itinéraires intégrant le semis direct sur couverture végétale. Cependant, compte tenu des besoins importants en équipement, nous avons inclus l’amortissement de cet équipement dans l’analyse. 2.1. Cas de la culture du cotonnier dans les cerrados au Brésil Le détail des coûts et des produits est donné dans le tableau 4.5. L’itinéraire technique conventionnel est celui qui est pratiqué par le groupe industriel MAEDA, avec le rendement moyen obtenu sur toutes les exploitations du groupe (résultats 1995-97 : 2500 kg/ha). L’itinéraire semis direct sur couverture végétale est celui préconisé par la recherche : il s’agit du semis direct de cotonnier après une culture séquentielle de sorgho (cf. description en partie 2, chapitre 2213), avec la même fertilisation que l’itinéraire précédent. Le rendement correspondant à cet itinéraire (3200 kg/ha) est celui obtenu sur des superficies contrôlées par la recherche dans le Mato Grosso (Séguy et Bouzinac, 1998). 123 Tableau 4.5 : Culture cotonnière dans les cerrados au Brésil – Résultats économiques comparés (en $/ha) entre le système conventionnel du groupe MAEDA et le système semis direct sur paillis de sorgho à même niveau de fumure Système conventionnel SCV Coûts (main d’œuvre + intrants) par intervention technique 1. Pré-semis 112,7 92,7 Entretien, aménagement 10,5 Broyage des résidus 5,7 5,7 Travail du sol 96,5 Epandage herbicides totaux 47,6 Semis sorgho (estimation) 9,3 Avance azote 30,1 30,1 2. Semis 141,7 123,3 Semis avec semences traitées 26,9 38,5 Epandage herbicides 31 Fumure NPK 83,8 83,8 3. Entretien 349,4 326,9 Sarclage mécanique 15,6 Sarclage manuel 12,3 8,8 Epandage herbicides 75,2 71,8 Epandages insecticides 163,4 163,4 Fumure NK 82,9 82,9 4. Récolte 206,6 264,5 5. Transport 25,8 33 Total 836,2 840,4 Produit (vente coton graine à 1428 1828 8,57 $ pour 15 kg) Marge nette 592 998 Source : L. Séguy et al. (1998) Les interventions techniques pour lesquelles les coûts divergent sont les suivants : - avant le semis, préparation sol dans un cas, implantation du sorgho dans l’autre cas ; - semis avec épandage d’herbicides et emploi de main d’œuvre pour préparer le mulch en semis direct ; - désherbages différents en cours de culture. Au total, les coûts de main d’œuvre et d’intrants sont quasiment équivalents. Quant aux amortissements, il n’y a pas de différence marquée. Par contre, les produits sont supérieurs en semis direct sur mulch de sorgho (rendements plus élevés), d'où une marge bien supérieure, qui va presque du simple au double. 2.2. Autres exemples Il semblerait que la situation soit assez similaire pour la conduite annuelle des séquences soja/blé au Nord-Parana : les coûts de main d’œuvre et d’intrants sont équivalents, voire supérieurs en semis direct à cause des herbicides, mais les rendements sont plus élevés avec des marges supérieures (Derpsch et al., 1991). Cependant, comme dans le cas du Honduras, une analyse économique sur une rotation complète est nécessaire pour les SCV au NordParana, puisqu’ils impliquent des cultures non marchandes. 124 Aux Etats-Unis, les résultats sont différents. Nous allons développer l’exemple de la culture cotonnière, d’après les travaux de J.R. Smart et J.M. Bradford (1998). - Le tableau 4.6 présente les opérations techniques qui différencient trois itinéraires techniques que nous allons comparer. On observe de la gauche vers la droite une substitution du travail mécanique par des traitements chimiques, et une diminution du nombre de passages des machines (donc de la charge globale en travail). Tableau 4.6 : Détail des opérations différenciant trois itinéraires techniques pour le cotonnier (Etats-Unis) Système conventionnel Culture en billon en Non-labour en conservation conservation tillage tillage Broyage résidus Broyage résidus Passage disque Labour "Etigeur" "Etigeur" (sur cotonnier seulement) (sur cotonnier seulement) Passage disque (2) Formation des lits Travaux sur les lits (3) Désherbage chimique (2) Désherbage chimique (2) Semis Semis Semis Herbicide prélevée Herbicide prélevée Herbicide prélevée Désherbage mécanique Désherbage mécanique Désherbages chimiques (2) (cultivateur) (2) (cultivateur) (2) Légende : ( ) = nombre de passages. Source : J.R. Smart et J.M. Bradford (1998) - Le tableau 4.7 présente les fourchettes de rendements obtenus en station expérimentale sur deux ans, et ce sur plusieurs types de précédents culturaux. Globalement, en 1996, on observe des rendements un peu plus élevés pour le système conventionnel que pour les deux autres. En 1997, cette différence est bien moins marquée. Tableau 4.7 : Fourchette de rendements obtenus en coton graine selon l’itinéraire technique (Etats-Unis) Itinéraire technique Rendements (kg/ha) En 1996 En 1997 Système conventionnel 823-851 742-805 Culture en billon en 601-687 conservation tillage Non-labour en conservation 696-746 tillage Source : J.R. Smart et J.M. Bradford (1998) 765-770 695-719 - Le tableau 4.8 détaille les charges, produits et marges nettes selon l’année et l’itinéraire technique. Les données étudiées ne détaillent pas les coûts par opération. Cependant, les charges apparaissent moins élevées avec l’itinéraire technique semis direct. Au bout du compte, il n’y a pas de différences marquées entre les marges permises par le système conventionnel et le semis direct en conservation tillage : en 1996 elles sont supérieures avec le système conventionnel, et en 1997, c’est l'inverse. On peut d'ailleurs remarquer, que, faute de stabiliser les rendements, la technique de non-labour en conservation tillage permet à première vue de stabiliser les marges réalisées par rapport au système conventionnel. 125 Tableau 4.8 : Résultats économiques (en $US/ha) en culture cotonnière selon l’itinéraire technique (Etats-Unis) Mode de préparation Marge Charges Produits du sol nette Récolte, Avant récolte Coton graine stockage 474 353 1437 608 Système conventionnel 1 9 Culture en billon en 388 257 1045 400 9 conservation tillage 6 Non-labour en 356 296 1213 560 conservation tillage 1 9 9 7 442 346 1312 Système conventionnel Culture en billon en 356 329 1255 conservation tillage Non-labour en 324 309 1171 conservation tillage Source : J.R. Smart et J.M. Bradford (1998) 524 571 538 En définitive, les rendements obtenus en semis direct sur couverture végétale ne sont pas supérieurs mais équivalents (voire plus faibles) que ceux obtenus en système conventionnel. Par contre, les charges sont inférieures, et les marges équivalentes. Les auteurs concluent d’ailleurs leur article en insistant sur les avantages agronomiques du semis direct en conservation tillage (plus grande protection des sols contre l'érosion hydrique et éolienne, limitation de l'évaporation) et sur le gain de temps procuré, et non sur l'intérêt économique à court terme. III. Conclusion Les analyses économiques réalisées pour évaluer la rentabilité économique des SCV par rapport aux systèmes conventionnels nécessitent, pour être pertinentes : - De connaître les itinéraires pratiqués avec précision, en conventionnel et en semis direct avec couverture végétale, avec les rendements obtenus, afin de pouvoir les comparer ; Une évaluation sur la durée totale des rotations correspondant à chaque système de culture, afin de prendre en compte les évolutions de rendements au cours du temps. Cette démarche est d’autant plus nécessaire quand on introduit dans la rotation des cultures non commerciales. Ces résultats de rentabilité comparée, ainsi que l’importance des investissements de départ pour changer de système technique sont très différents d’une région à l’autre, selon les niveaux techniques des agriculteurs et le milieu physique. Mais compte tenu de la diversité des exploitations agricoles au sein d’une même région, les analyses économiques devraient être réalisées par type d’exploitation agricole en détaillant les différents itinéraires techniques pratiqués (cf. les travaux de D. Jourdain et E. Scopel, 2000, au Mexique). On serait alors en mesure de justifier dans une même région des comportements différents face à l’innovation, selon le type d’acteur. Cette approche a été partiellement réalisée au Nord-Parana et plus approfondie au Mexique (cf. partie 2). 126 Par ailleurs, il faudrait pouvoir quantifier dans les calculs économiques les avantages écologiques permis par les SCV, autrement que par une simple augmentation de rendement. Par exemple, afin de pouvoir les intégrer dans une analyse économique comparative, il faudrait évaluer les coûts dus aux éléments suivants : - perte de nutriments par érosion - perte de surface cultivée et coût des travaux de confection de terrasses - coût du ressemis dû à l’érosion - évaluation de la perte de production due à l’érosion … Cependant, les analyses économiques ne suffisent pas à expliquer le pourquoi de l’adoption ou non des SCV par les agriculteurs. En effet, d’autres facteurs sont à prendre en considération, ce qui fait l’objet du chapitre suivant. C. CONDITIONS D’INTEGRATION DANS LES SYSTEMES DE PRODUCTION ET LES SYSTEMES AGRAIRES Nous venons d'étudier la faisabilité des SCV à travers une analyse économique ainsi qu’une analyse des besoins en équipements et en main d'œuvre à l’échelle des systèmes de culture. Nous allons maintenant compléter cette réflexion en intégrant l'ensemble des facteurs qui influent sur l'adoption ou non des SCV par les agriculteurs. Les activités d’élevage constituent une contrainte souvent mentionnée à l’adoption des SCV. Une analyse à l’échelle des systèmes de production s’avère donc nécessaire. De plus, elles mettent fréquemment en jeu des problèmes d’organisation collective de l’espace agricole, ce qui nous amène à prendre en compte les systèmes agraires. Après avoir traité les aspects concernant l’élevage, nous aborderons d’autres facteurs qui conditionnent l’intégration des SCV dans les systèmes de production et les systèmes agraires concernés. I. Les activités d'élevage 1.1. Introduction Les SCV présentent de nombreux avantages agronomiques qui entraînent en général une augmentation des rendements, aussi bien pour la production de grains que pour la production fourragère. Les SCV ont également des conséquences économiques, qui apparaissent plus ou moins avantageuses selon la situation concernée. Mais certains aspects du semis direct sur couverture végétale affectent les systèmes d’élevage, et peuvent être un frein à sa diffusion. En effet, les SCV impliquent : - l’utilisation de cultures ou de résidus de culture, non pas comme fourrages, mais comme plantes de couverture ; - une occupation permanente du sol par les plantes de couverture. Ainsi, les parcelles ne peuvent pas être pâturées après la récolte des grains, ce qui pose un problème essentiel pour les sociétés où les systèmes d’élevage reposent sur la vaine pâture. 127 1.2. Etudes de cas 1.2.1. Le Sud-Ouest malgache Le principe de base des SCV, à savoir la conservation des résidus de culture dans les parcelles entre deux périodes de mise en culture est difficilement compatible avec deux pratiques paysannes traditionnelles : - la pratique du brûlis, qui permet d’une part de lutter contre les adventices en détruisant entièrement les espèces végétales présentes, et d'autre part favorise la repousse d'herbes pendant la saison sèche ; - la pratique de la vaine pâture. Nous sommes-là dans une situation de compétition entre les activités d'élevage et les SCV. Cette situation peut expliquer pourquoi le semis direct sur couverture végétale n’en est encore qu'au stade expérimental dans le Sud-Ouest de Madagascar, alors qu’il a été adopté massivement par des petites exploitations familiales au Honduras par exemple. En effet, au Honduras, l'association du maïs avec le Mucuna est pratiquée dans une zone où les activités d'élevage sont moins développées. Par contre, cette situation de concurrence entre SCV et élevage que l’on observe dans le SudOuest malgache se retrouve également dans les zones semi-arides d’Afrique de l'Ouest. 1.2.2. L’Ouest mexicain Dans l’Ouest mexicain, la conservation des résidus de maïs pour la constitution du paillis nécessaire à la campagne suivante est un problème important, puisque ces résidus sont normalement pâturés par les troupeaux bovins. Ce problème concerne tous les types d’exploitation agricole, même les agriculteurs qui n’ont pas de troupeaux. En effet, ces derniers peuvent vendre ce droit de pâturage aux autres, ce qui représente des entrées d’argent non négligeables pour les petites structures. 1.2.3. Les grandes exploitations motorisées en Australie En Australie, les activités d'élevage et de culture sont au contraire très complémentaires. En effet, les troupeaux bovins et ovins sont transportés par camion d’une parcelle à l’autre, ce qui permet une bonne gestion des systèmes modernes de ley farming à base de semis direct sur couverture végétale, déjà très répandus dans les zones d’élevage extensif du pays (cf. partie 1). Au Brésil, à condition de mettre en place des clôtures ou des haies vives afin de canaliser le bétail, la recherche propose des systèmes équivalents. 1.2.4. Les grandes exploitations motorisées dans les cerrados au Brésil L’Etat du Mato Grosso réunit 15 millions d’hectares de pâturages naturels et cultivés, avec un troupeau bovin de l’ordre de 10,5 millions de têtes (race zébu dominante). L’élevage est essentiellement extensif, avec moins de 0,5 unité de gros bétail par hectare. Les activités de production de grains et d’élevage sont pour l’heure totalement séparées. 128 Depuis 1990, les chercheurs évaluent deux voies possibles afin de permettre une meilleure complémentarité entre les activités d’élevage et les cultures : - une rotation pluriannuelle trois ou quatre ans de pâturages suivis de trois ou quatre ans de cultures marchandes. Une variante consiste à implanter un cycle de riz dans des pâturages dégradés avant de les réimplanter ; - une succession annuelle pâturage / production de grains, avec des plantes fourragères vivaces ou annuelles. Ces SCV ont été décrits dans la partie 2 de ce document. Dans tous les cas, les plantes cultivées comme pâturages servent à la fois pour l'alimentation animale et pour l’amélioration des conditions physico-chimiques des sols. II. Les facteurs socio-économiques d’adoption Dans cette partie, nous allons présenter les principaux facteurs économiques et sociaux qui doivent être pris en compte pour comprendre les raisons d'adoption ou de non-adoption du semis direct sur couverture végétale dans les systèmes de production et les systèmes agraires. A la lumière des cas d’étude présentés en partie 2, nous présentons notre réflexion sous forme de questionnement, de nombreux points restant encore sans réponse. % A l’échelle de l’exploitation agricole, quelle est la compatibilité avec les autres activités en terme d’organisation du travail, de gestion de la trésorerie, de gestion de l’espace ? % Quelles sont les conséquences économiques des SCV sur le foncier ? Au Honduras, la mise en œuvre du système maïs-Mucuna améliore les rendements du maïs et entraîne une augmentation du prix de la terre. % Pour les équipements et les intrants spécifiques aux SCV (semences, herbicides), est-ce que des fournisseurs sont sur place ? % Le crédit est-il disponible ? Cette question est fondamentale quand l’achat des nouveaux équipements nécessaires à la mise en place des SCV exige des investissements importants. Nous avons vu que dans bien des cas, un accès difficile au crédit constitue un frein à la diffusion de l’innovation, celle-ci n’étant possible que pour les chefs d’exploitation qui ont les moyens d’investir (cf. partie 2). % Quelles destinations, quels marchés pour les plantes de couverture quand elles sont récoltées ? % Comment prendre en compte la gestion du foncier ? A Madagascar où la vaine pâture est une pratique courante, le développement du semis direct sur couverture végétale nécessiterait une réorganisation du fonctionnement de l'ensemble des activités à l’échelle du terroir villageois. 129 % Comment faire prendre conscience aux agriculteurs de la nécessité d'une gestion « patrimoniale » des ressources naturelles ? Au Brésil dans les cerrados, la motivation première des grands propriétaires terriens pour l’adoption des SCV est d'ordre économique (diminution des coûts de production, augmentation des rendements et des revenus...). Ils sont encore peu sensibles aux avantages environnementaux des SCV, à savoir la réduction de l'érosion et la lutte contre la compaction des sols. Aux Etats-Unis, l’élément environnemental a été le déclencheur du développement du semis direct sur couverture végétale, grâce au rôle moteur des organisations étatiques. Mais comment faire prendre conscience des problèmes d’environnement à des agriculteurs déjà en situation précaire, comme c'est le cas à Madagascar par exemple ? % Comment faire passer l’innovation du stade expérimental à l’adoption par les agriculteurs ? Quelle vulgarisation, pour quels agriculteurs ? Jusqu'à maintenant, la recherche a étudié les conséquences essentiellement agronomiques du semis direct sur couverture végétale. Peu d'études globales faisant appel à des critères socioéconomiques ont été entreprises. Cela semble être un frein au développement de cette pratique qui s'inscrit dans un contexte diversifié et complexe. Cette carence peut expliquer qu'en Afrique tropicale cette pratique n'existe actuellement qu'au stade expérimental. % Quel est l’appui des différents partenaires des agriculteurs ? A Madagascar, nous avons vu que les réticences de la société cotonnière à l’égard du semis direct, alors que celle-ci contrôle toute la filière, constitue un frein à la diffusion des SCV en milieu agricole. 130 CONCLUSION 131 Les SCV ont des avantages agronomiques certains. Ils permettent d’assurer la durabilité des systèmes agricoles, avec des atouts qui se déclinent différemment selon les contextes : contrôle de l’érosion pour les agricultures mécanisées ; alternative à la défriche-brûlis pour les agricultures familiales des tropiques humides grâce à la possibilité de contrôler l’enherbement ; stabilisation des rendements en agissant sur le bilan hydrique dans les conditions semi-arides de l’Ouest du Mexique ; entretien d’un taux de matière organique dans le sol de façon générale… Les modalités de mise en œuvre du semis direct sur couverture végétale sont très diverses, et dépendent en premier lieu des conditions climatiques de la zone concernée. Sur la figure 5.1, nous reprenons en les schématisant les principales modalités que nous avons présentées dans les études de cas. Il ressort que plus la pluviométrie est importante, plus les modalités sont nombreuses et diversifiées. 1. En zone humide, il est possible d’introduire une plante de couverture en séquence par rapport à la culture principale. En effet, la pluviométrie est suffisamment longue et abondante pour permettre successivement sur une même année civile le développement de la plante commerciale, et la production d’une biomasse importante par une plante de couverture spécifique. Se développant en association ou en séquence par rapport à la culture commerciale, tous les types de couverture sont possibles, qui impliquent des modes de gestion différents. Ainsi, le semis direct de la plante commerciale peut être réalisé à travers (Ehret, 1999) : - - - Une couverture morte constituée des résidus d’une plante de couverture annuelle, dont le ressemis spontané perpétue le système d’une année à l’autre et dont la germination est décalée par rapport à la culture commerciale (cas du Mucuna au Honduras, qui constitue une situation « idéale » en terme de contrôle) ; Une couverture du même type, mais avec une plante de couverture à germination non décalée (cas du Mucuna au Bénin et cas des plantes fourragères annuelles dans les cerrados au Brésil), ce qui entraîne une gestion plus contraignante ; Une couverture morte constituée des résidus de cultures commerciales annuelles récoltées (cas au Brésil au Parana et dans les cerrados) ; Une couverture morte constituée des résidus de cultures détruites avant la production de semences (sorgho et mil dans les cerrados au Brésil) ; Une couverture morte constituée des résidus d’une plante vivace détruite (rénovation des pâturages dans les cerrados au Brésil) ; Une couverture vive composée d’une plante vivace dont le développement est contrôlé (Pueraria dans le Sud de la Côte d’Ivoire, plantes fourragères dans les cerrados au Brésil). 2. Plus le climat est sec, moins l’introduction d’une plante de couverture en séquence est possible. En général, l’introduction d’une plante de couverture spécifique se fait en association avec la culture commerciale. Dans le cas d’une introduction décalée, une mise en jachère de la parcelle lors de la saison des pluies suivante est nécessaire au bon développement de la plante de couverture (exemple présenté en Nord Côte d’Ivoire). Mais les couvertures les plus couramment utilisées sont composées des résidus de la culture mise en place l’année précédente. Dans les zones sèches davantage que dans les zones humides, il est nécessaire de raisonner les couvertures en terme de rotations pluriannuelles. 132 Outre les conditions climatiques, les modalités de mise en œuvre des SCV et les conditions de leur adoption en milieu agricole dépendent du contexte socio-économique où ils s’appliquent. En effet, malgré les avantages agronomiques de ces systèmes, les conditions socioéconomiques constituent bien souvent un frein à leur adoption par les agriculteurs. Il est nécessaire de réaliser une analyse à l’échelle des unités de production. Pour chaque type d’unité de production identifié dans une région, il est important de considérer : les avantages agronomiques attendus, la possibilité d’intégration au sein des systèmes de production (équipement, main d’œuvre, intrants, compatibilité avec l’élevage) et la faisabilité économique. Enfin, certaines contraintes à l’adoption des SCV se situent au niveau du fonctionnement des systèmes agraires (gestion du foncier, relations agriculture-élevage, vaine pâture…). Elles nécessitent d’intervenir à cette échelle si l’on veut voir se développer en milieu agricole ce nouveau mode de gestion agroécologique des sols que constituent les systèmes de culture à base de couverture végétale. 133 Figure 5.1. Figure 5.1 : Bilan des principaux modèles de SCV par grande zone ago-écologique à partir des cas d'étude présentés (sur 2 années) 1. Parana (Brésil) = climat subtropical humide (moyenne pluviométrique 1100-1900 mm) s o n d j f m a m j j a s o n d j f m a m j j a j a S C1 C2 ou PC R C1 C2 ou PC 2. Cerrados (Brésil) = climat tropical humide (moyenne pluviométrique 1500-3000 mm) s o n d j C1 f m a m j C2 ou PC j a s o R n d j C1 C1 f m a m j C2 ou PC R C1 PC PC 3. Nord-Honduras = climat tropical humide (moyenne pluviométrique 2000-3000 mm) j j a s o n d j f m a m j j a s o n d j f C1 m a m C1 PC PC 4. Sud Côte d'Ivoire (Sud Bénin) = climat tropical humide (moyenne pluviométrique 1500 mm) m a m j j a s o n d j f m C1 a m j j a s o n d j f m a m a C1 PC PC 5. Nord Côte d'Ivoire = climat tropical semi-aride (moyenne pluviométrique 1000 mm) m j j a s o n d j f m a m j C1 j a s o n d j f C1 PC PC C1 PC PC 6. Ouest Mexique = climat tropical semi-aride (moyenne pluviométrique 400-800 mm) m j j a s o n d C1 j f m a m j R j a s o n d C1 j f R 7. Sud Ouest Madagascar=climat tropical semi-aride (moyenne pluviométrique 400-800 mm) d j f m a m j j a s o n d j f m a m j j PC R C1 R C1 PC R C2 R a s o n Légende : = Principale saison des pluies = Petite saison des pluies = Saison sèche C1,2 = Culture 1,2 ; PC = Plante de couverture spécifique, annuelle ou vivace ; R = Résidus = Déclin et reprise spontanés de la plante de couverture 134 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Abawi G., Thurston H.D., 1994 - Efecto de las coberturas y enmiendas organicas al suelo y de los cultivos de cobertura sobre los patogenos del suelo y las enfermedades radicales : una revision. In Tapado. Los Sistemas de siembra con cobertura, Thurston H.D., Smith M., Abawi G., Kearl S. (Ed.), CATIE/CIIFAD, Cornell University, Ithaca, New York, Etats-Unis, pp. 97-108. 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GRANDE CULTURE MOTORISEE ET PETITE AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE SUBTROPICALE HUMIDE : L’ETAT DU PARANA AU BRESIL 27 I. Le Nord-Parana : exemple du site de Rôlandia 1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 1.2. Le semis direct sur couverture végétale : un système développé par les producteurs de soja et de blé, appuyés par la recherche-développement 1.3. Conclusion II. Le Sud-Parana : exemple du site de Ponta Grossa au Centre-Sud 2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 2.2. Le semis direct sur couverture végétale : un système développé par la recherche III. Conclusion 28 28 32 36 37 37 38 39 B. GRANDE CULTURE MOTORISEE EN ZONE TROPICALE HUMIDE : 40 I. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production Agricole. 41 1.1. Le milieu naturel 41 1.2. Les unités de production 42 1.3. Les conduites techniques conventionnelles mises en œuvre par les entrepreneurs privés 42 1.4. Conclusion 43 II. Le semis direct sur couverture végétale : un nouveau système d'exploitation du milieu proposé par la recherche 44 2.1. Les grands principes des SCV dans les cerrados 44 2.2. Fonctionnement des principaux SCV dans les cerrados 47 2.3. Récapitulatif 53 III. Performances et impacts des SCV sur le milieu agricole 53 IV. Conclusion 54 142 C. PETITE AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE TROPICALE HUMIDE 55 I. Le littoral atlantique dans le nord du Honduras 1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 1.2. Le semis direct de maïs sur couverture végétale de Mucuna : un SCV développé spontanément par les petits agriculteurs 1.3. Conclusion II. Les zones forestières d’Afrique de l’Ouest 2.1.En Côte d'Ivoire 2.2. Au Bénin 2.3. Bilan sur les cas d’Afrique de l’Ouest III. Conclusion 55 56 57 64 64 65 68 70 71 D. AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE SEMI-ARIDE 72 I. L’Ouest mexicain 72 1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 73 1.2. Le semis direct de maïs avec paillis de résidus : un système développé par la recherche 78 1.3. Conclusion 81 II. Le Sud-Ouest de Madagascar 84 2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole 85 2.2. Le semis direct sur couverture végétale : un nouveau système d’exploitation du milieu 88 III. Quelques compléments à partir de travaux menés dans le Nord de la Côte d’Ivoire 90 3.1. La plante de couverture est semée au même moment que la culture principale. 90 3.2. La plante de couverture est semée de façon décalée, au moment du premier sarclage manuel de la culture, sarclage qui permet d’enfouir les graines. 91 IV. Conclusion 91 PARTIE 3 : PROCESSUS AGROBIOLOGIQUES MIS EN JEU PAR LES SCV 92 A. EFFETS DES SYSTEMES SCV SUR LES ENNEMIS DES CULTURES : CONTROLE DE LA FLORE ADVENTICE ET DES ORGANISMES PARASITES 93 I. Impacts sur la flore adventice 1.1. Les principaux mécanismes de contrôle mis en jeu 1.2. Avantages et inconvénients 1.3. Bilan II. Impacts sur les maladies et sur les parasites des cultures 2.1. Avantages 2.2. Inconvénients 93 93 94 95 96 96 96 B. EFFETS DES SCV SUR LES ETATS PHYSIQUES DU SOL ET LE STOCKAGE DE L'EAU 97 I. Impacts sur l’état structural du sol 1.1. Conséquences du non-travail du sol avant semis 1.2. Actions en profondeur du sol des plantes de couverture 1.3. Actions en surface du sol de la couverture végétale 1.4. Bilan II. Impacts sur le stockage de l'eau dans le sol 2.1. Meilleure valorisation des eaux de pluie 2.2. Evolution des pertes en eau 2.3. Bilan 97 97 97 100 101 102 102 102 103 143 C. EFFETS DES SCV SUR LES CARACTERISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES ET L'ACTIVITE BIOLOGIQUE DU SOL 106 I. Impacts sur les caractéristiques physico-chimiques du sol 1.1. Conservation, voire amélioration du taux de matière organique dans le sol 1.2. Evolution de la disponibilité des éléments minéraux dans le sol 1.3. L'acidité du sol II. Impacts sur l’activité biologique du sol 2.1. Les micro-organismes du sol (microflore et microfaune) 2.2. La faune du sol 2.3. Conséquences sur les propriétés du sol 2.4. Conclusion 106 106 107 109 109 110 110 110 110 PARTIE 4 : CONDITIONS D’ADOPTION ET DE DIFFUSION DES SCV EN MILIEU AGRICOLE 112 A. LES BESOINS EN EQUIPEMENTS, EN INTRANTS ET EN MAIN D’ŒUVRE 113 I. Les équipements spécifiques 113 1.1. Cas des systèmes de production où semis et sarclages sont réalisés manuellement 113 1.2. Cas de systèmes de production où semis et sarclages sont réalisés en traction animale 114 1.3. Cas des systèmes de production où semis et sarclages sont réalisés en motorisation 115 1.4. Bilan 115 II. Les intrants spécifiques 116 III. Les besoins en main d’œuvre et les temps de travaux 116 3.1. Cas des systèmes de production où les interventions sont réalisées manuellement 116 3.2. Cas des exploitations familiales du sud du Parana qui travaillent en traction animale 116 3.3. Cas des grandes exploitations motorisées au Brésil (Parana et cerrados) 117 3.4. Bilan 117 IV. Conclusion 118 B. PERFORMANCES ECONOMIQUES 118 I. Le système maïs-Mucuna au Nord-Honduras 118 1.1. Analyse comparée pour une année moyenne de la rentabilité en semis conventionnel et en semis direct sur couverture de Mucuna 118 1.2 Analyse comparée de la rentabilité des deux systèmes sur l’ensemble de la rotation 122 1.3. Conclusion 123 II. les scv et les grandes exploitations agricoles motorisées 123 2.1. Cas de la culture du cotonnier dans les cerrados au Brésil 123 2.2. Autres exemples 124 III. Conclusion 126 C. CONDITIONS D’INTEGRATION DANS LES SYSTEMES DE PRODUCTION ET LES SYSTEMES AGRAIRES 127 I. Les activités d'élevage 1.1. Introduction 1.2. Etudes de cas II. Les facteurs socio-économiques d’adoption 127 127 128 129 144 CONCLUSION 131 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 135 TABLE DES MATIERES 142 LISTE DES FIGURES 146 SIGLES 147 ANNEXES 148 RESUME 164 145 LISTE DES TABLEAUX Tableau 1.1 Tableau 2.1 Tableau 2.2 Tableau 2.3 Tableau 2.4 Tableau 2.5 Tableau 3.1 Tableau 3.2 Tableau 4.2 Tableau 4.3 Tableau 4.4 Tableau 4.5 Tableau 4.6 Tableau 4.7 Tableau 4.8 Evolution des superficies cultivées en no-tillage aux Etats-Unis Rendements de maïs dans le Nord-Honduras en fonction du système de culture Caractérisation des différents types d’UP dans la région de San Gabriel (Mexique) Les différents types d’itinéraire technique pour le maïs (San Gabriel au Mexique) Réflexion sur les conditions d’adoption du semis direct avec paillis par type d’UP (San Gabriel au Mexique) Ouest Mexique – Coûts partiels de différents itinéraires techniques pour le maïs Facteurs défavorables influençant l’état structural du sol et effets escomptés des SCV Culture cotonnière dans les cerrados au Brésil - Comparaison des temps de travaux entre système conventionnel et SCV Nord-Honduras – Coûts comparés de différentes techniques de production du maïs Nord-Honduras – Simulation mensuelle de la trésorerie en année moyenne en fonction des systèmes de culture Nord-Honduras – Résultats économiques comparés du système maïs/Mucuna et du système conventionnel sur une durée de 6 ans Culture cotonnière dans les cerrados au Brésil – Résultats économiques comparés entre SCV et système conventionnel Détail des opérations différenciant trois itinéraires techniques pour le cotonnier (Etats-Unis) Fourchette de rendements obtenus en coton-graine selon l’itinéraire technique (Etats-Unis) Résultats économiques en culture cotonnière selon l’itinéraire technique (EtatsUnis) 20 63 82 82 82 83 101 117 120 121 120 124 125 125 126 LISTE DES FIGURES Figure 2.1 Figure 2.2 Figure 2.3 Figure 2.4 Figure 2.5 Figure 2.6 Figure 2.7 Figure 2.8 Figure 2.9 Figure 2.10 Figure 2.11 Figure 2.12 Figure 2.13 Figure 2.14 Figure 2.15 Figure 3.1 Figure 3.2 Figure 4.1 Figure 5.1 Brésil – Régions, Etats et localisation du Parana 26 Carte géomorphologique du Parana 27 Calage des cycles de culture dans le Nord-Parana 30 Régions et limites naturelles du Brésil 40 Cerrados (Brésil) – Les SCV mis au point par la recherche 46 Cerrados (Brésil) Conduite technique des séquences mil/soja/sorgho et mil en SCV 48 Cerrados (Brésil) – Fonctionnement d’un SCV en culture cotonnière pour contrôler 50 Cyperus rotondus Cerrados (Brésil) – Exemple de SCV avec un pâturage à plante vivace 52 Honduras – Localisation de la zone étudiée 55 Nord-Honduras – Association maïs/Mucuna (années 1 et 2) 57 Zones agroclimatiques de la Côte d’Ivoire 65 Sud Côte d’Ivoire – Association maïs/Pueraria en semis direct 68 Carte du Bénin 69 Présentation géographique de l’Etat de Jalisco au Brésil 72 Les grandes zones du Sud-Ouest à Madagascar 84 Effets des SCV sur les phénomènes de dégradation de l’état physique du sol 98 Effets des SCV sur la réserve en eau utile du sol 104 Nord-Honduras – Evolution des rendements de maïs en fonction des cycles et des 120 systèmes de culture Bilan des principaux modèles de SCV par grande zone agroécologique à partir des 134 cas d’étude présentés 146 SIGLES CIRAD Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (France) CIMMYT Centro internacional de mejoramiento del maiz y trigo CNEARC Centre national d’études agronomiques des régions chaudes EMBRAPA Empresa brasileira de pesquisa agropecuaria (Brésil) FIRA Fideicomisos instituidos en relacion con la agricultura (Mexique) GTZ Deutsche gesellschaft für technische zusammenarbeit (Allemagne) IAPAR Institut agronomique du Parana (Brésil) IDESSA Centre national de recherche agronomique de Côte d’Ivoire INIFAP Instituto nacional de investigaciones forestales y agropecuarias (Mexique) INRA Institut national de recherche agronomique (France) ITCF Institut technique des céréales et des fourrages (France) SARH Secretaria de agricultura y de recursos hidricos (Mexique) SRDE Secretaria de desarollo rural y ecologia (Mexique) TAFA Tany si fampandrosoana (Madagascar) 147 ANNEXES Annexe 1 Quelques définitions 149 Annexe 2 Description des principales plantes de couverture utilisées 150 Annexe 3 Diagrammes climatiques et positionnement géographique des cas d’étude 160 148 ANNEXE 1 : QUELQUES DEFINITIONS I. Quelques termes botaniques (Boullard, 1988) Annuel (adj.) : « Qualifie une plante qui peut boucler son cycle de développement (de la graine à la graine) au cours d’une même année civile. » Bisannuel (adj.) : « Est bisannuel un végétal qui ne « boucle » son cycle qu’à la faveur d’un développement empiétant sur deux années civiles. » Vivace (adj.) : « Qualifie un végétal qui vit plus d’un an en perdurant par son appareil végétatif. Celui-ci peut se maintenir par : une partie aérienne et une partie souterraine simultanément présentes ; ou par des organes de pérennance souterrains uniquement (il s’agit alors de bulbes, tubercules ou rhizomes). » II. Quelques termes agronomiques (Steiner, 1985) 1. Culture pure : culture d'une seule plante dans une parcelle pendant une année. (Monoculture = culture de la même plante dans le même champ pendant plusieurs saisons). 2. Culture multiple : deux ou plusieurs plantes sont cultivées dans une même parcelle au cours d'une même année. 2.1. Cultures associées : culture simultanée de plusieurs plantes dans une parcelle donnée pendant la plus grande partie du cycle végétatif (cela n'exige pas que les plantes soient semées ou plantées et récoltées à la même date). 2.1.1. Cultures intercalaires : plantes cultivées en lignes alternées 2.1.2. Cultures en mélange : pas d'arrangement spatial particulier 2.1.3. Cultures en bandes : plantes cultivées en bandes adjacentes 2.1.4. Cultures en étages : association plantes pérennes à hautes tiges et plantes plus courtes 2.2. Cultures dérobées : cultures associées dont cycles se chevauchent dans le temps pendant seulement une courte période (Ex : 4 semaines sur 1 cycle végétatif de 3-4 mois). Une seconde plante est semée ou plantée après que la 1ère ait atteint son stade reproductif. 2.3. Cultures séquentielles : culture de deux ou plusieurs plantes en séquence pendant une saison. La culture suivante est plantée une fois que la précédente a été récoltée. 2.3.1. Double culture : 2 séquences par an 2.3.2. Triple culture : 3 séquences par an 2.3.3. Quadruple culture : 4 2.3.4. Repousse : La culture repousse d'elle-même après la récolte, quoique pas nécessairement pour donner des graines. 3. Rotation Répétition sur une même parcelle d'une succession ordonnée de cultures constituée en ensembles ou cycles. 149 ANNEXE 2 : DESCRIPTION DES PRINCIPALES PLANTES DE COUVERTURE UTILISEES Synthèse réalisée à partir des travaux de Becker et al. (1998) ; Calegari (1995, 1998) ; Derpsch et al., (1991) ; Klein (1999) ; Kouyate et Juo (1998) ; Lorenzetti et al. (1998) ; Segda et al. (1998) ; Séguy et Bouzinac (1997) ; Tarawali et al. (1998) ; Triomphe (1996a, 1996b). 1. Critères de différenciation 1.1.Cycle Annuel, bisannuel ou pérenne. 1.2. Port Selon le port considéré, la gestion de la couverture sera différente (herbacé érigé / herbacé rampant ou volubile / arbustif). Par exemple, l'implantation de cultures herbacées érigées demande plus de semences ; les plantes arbustives nécessitent une destruction mécanique. 1.3. Pouvoir couvrant et vitesse de développement Le pouvoir couvrant est à la fois lié au port et à la vitesse de croissance et de développement de la plante (cette vitesse dépendant beaucoup du climat et de la saison). La vitesse de développement est un critère important à considérer, car si le développement initial est lent, la couverture du sol est retardée, et la plante risque de subir la compétition avec les adventices. La protection du sol peut en outre n'être pas assurée correctement pendant cette phase initiale. 1.4. Quantité de biomasse produite Une quantité importante de biomasse permet d'assurer une couverture plus homogène, donc une protection plus efficace du sol (fonction spécifique de du couvert végétal). Par ailleurs, plus la biomasse produite est importante, plus la matière organique restituée au sol l’est également. 1.5. Fixation ou non d'azote Enrichissement du sol par la fixation symbiotique de l'azote atmosphérique par certaines légumineuses. 1.6. Profondeur d’enracinement Certaines espèces sont capables d'assurer le recyclage profond des éléments minéraux, en particulier ceux qui ne sont pas assimilables par les cultures commerciales. Ceci n'est possible que pour les plantes à enracinement profond, possédant ainsi une surface maximale d'interception des éléments minéraux (fonction de "pompe biologique"). 150 2. Quelques plantes de couverture significatives 2.1. Les légumineuses 2.1.1. Stylosanthes Ce genre regroupe environ 45 espèces, en majorité originaires d'Amérique Latine. Ce sont des plantes généralement annuelles, fixatrices d'azote. Elles sont généralement rampantes, ce qui constitue un avantage pour le pâturage. Les Stylosanthes sont adaptées à des sols à faible fertilité, avec peu de phosphore, acides. Elles sont résistantes à la sécheresse (enracinement profond), ainsi qu'à l'excès d'humidité. Elles présentent une grande tolérance aux maladies fongiques (surtout à l'anthracnose). La plupart sont autogames et photopériodiques (sensibilité très variable selon les espèces). Chaque fleur produit une graine unique dans une gousse non déhiscente (régulation de la germination, et meilleure survie des graines) ; le rendement en graines est généralement élevé. La levée de dormance requiert de hautes températures ; la germination et la vitesse de croissance au sol sont rapides (bon pouvoir couvrant). 2.1.2. Mucuna Ce sont des plantes originaires du Sud-Est asiatique. Il en existe plus de cent espèces, sauvages ou domestiquées, en zone tropicale ou sub-tropicale. Les plus fréquentes sont M. pruriens, M. aterrima, M. deeringiana, M. hassjoo, M. nivea = lyonii = cochinchinensis, M. utilis, M. capitata, M. gigantea, Stizolobium cinereum, S. pachylobium. Les conditions agro-écologiques optimales pour leur développement sont une pluviométrie de 1000 à 2500 mm, des températures de 19 à 27°C, une altitude inférieure à 1600 m. Les Mucuna préfèrent les sols sableux à sablo-argileux, plutôt acides (pH 5 - 7) ; elles sont sensibles aux excès d'humidité, mais relativement résistantes à la sécheresse. Ce sont des plantes annuelles, fixatrices d'azote. La plupart des espèces sont rampantes ou volubiles. Le tuteurage augmente d'ailleurs le nombre d'inflorescences par plante, le nombre de fleurs par inflorescence, le nombre de graines par gousses et le taux de germination des graines récoltées. La durée de leur cycle varie de 100 à 300 jours ; elles meurent naturellement après avoir produit des graines. Elles possèdent également la faculté de se ressemer spontanément. Elles produisent généralement 5 à 12 tonnes de matière sèche par hectare. 2.1.3. Crotalaria Ce sont des plantes d'origines diverses (Amériques tropicale et tempérée, Afrique, Asie). Parmi les espèces les plus fréquemment rencontrées, on peut citer C. juncea, C. mucronata, C. spectabilis, C. breviflora, C. grantiana et C. paulina. Ce sont des plantes annuelles (cycle de 200 à 300 jours) fixatrices d'azote, arbustives (deux à trois mètres de hauteur). Leur croissance initiale est rapide (ce qui autorise les fauches précoces). Elles s'adaptent à de larges gammes climatiques, et sont en particulier résistantes au gel et à la sécheresse (leur système radiculaire est pivotant, profond, bien développé). Elles se développent dans des sols aussi bien argileux que sableux, peu fertiles. Elles sont efficaces dans la lutte contre les nématodes et les adventices (effet allélopathique). Certaines espèces se ressèment spontanément. Leur production de biomasse est généralement élevée (2,5 à 9 tonnes de matière sèche par hectare). 151 2.1.4. Cajanus cajan (pois d'angole) C’est une légumineuse arbustive, bi à tri-annuelle, originaire d'Inde et d'Afrique occidentale. Adaptée aux climats tropicaux et sub-tropicaux de jours longs, elle apprécie les températures de 20 à 30°C mais supporte mal les basses températures (défoliation puis mort). Résistante à la sécheresse, elle peut se contenter de 500 mm de pluies annuelles. Peu exigeante en fertilité, elle se développe dans tous types de sol, mais n'aime cependant pas l'humidité excessive. Sa production de biomasse est élevée (3 à 22 t/ha/an) ; elle possède une grande capacité de fixation d'azote et de recyclage des nutriments (pompe biologique). Son cycle est d'environ 150 à 360 jours selon l'espèce et le climat ; son contrôle est nécessairement mécanique (port arbustif). Elle peut être utilisée comme fourrage et grain (alimentation humaine et animale). 2.1.5. Canavalia Ce sont des plantes originaires des zones tropicales (Amérique, Afrique, Asie). C. ensiformis et C. brasiliensis sont les espèces les plus couramment utilisées. Ce sont des plantes herbacées annuelles (cycle entre 150 et 250 jours), fixatrices d'azote, de port érigé pour C. ensiformis, tandis que C. brasiliensis est volubile. Les Canavalia s'accommodent de sols tant argileux que sableux, relativement acides, pauvres et dégradés (leur capacité de recyclage des éléments minéraux est bonne : "pompe biologique"). Si elles sont extrêmement résistantes à la sécheresse, aux températures élevées, ainsi qu'à l'ombrage, elles ne supportent en revanche pas le gel. Elles présentent également un effet allélopathique, mais sont sensibles aux nématodes. Leur vitesse de croissance est élevée, de même que leur pouvoir couvrant (même pour C. ensiformis). Elles produisent en moyenne de 3 à 7 tonnes de matière sèche par hectare. C. ensiformis présente la particularité d'avoir de grosses graines, d'où un coût d'implantation élevé. 2.1.6. Vigna Ce sont des légumineuses originaires des zones tropicales, dont les deux principales espèces sont V. unguiculata, et V. radiata. Ce sont des plantes annuelles (cycle d'environ 3 mois), de port érigé à volubile (selon la variété : il en existe plus de 200). De par leur enracinement profond, elles sont résistantes à la sécheresse (sauf pendant la phase de floraison) mais ne supportent pas l'excès d'humidité dans le sol. Elles tolèrent bien la chaleur mais sont très sensibles au froid et au gel (plantes de climat tropical : température minimale 20°C). Elles se développent autant dans les sols argileux que sableux, de fertilité moyenne, et très acides. Elles sont assez sensibles aux nématodes. Ce sont des plantes à usage multiple (engrais vert, fourrage, alimentation humaine et animale pour les graines), qui produisent de 1 à 5 tonnes de matière sèche par hectare. Chez les variétés à croissance indéterminée, la maturation échelonnée des graines entraîne des coûts de récolte élevés. 152 2.1.7. Dolique Dolichos lablab est originaire du Nord Est de l'Inde. C'est une plante annuelle (cycle 8 à 11 mois), rampante, fixatrice d'azote, photopériodique (variable selon la variété). Hautement résistante à la sécheresse, elle préfère les températures comprises entre 2O et 25°C ; par contre, elle tolère peu le gel. Elle se développe bien dans les sols argileux à sableux, tout en les préférant bien drainés, fertiles, avec un pH supérieur à 5,5. Elle est déconseillée dans les sols infestés de nématodes, car elle favorise leur multiplication. Utilisée pour l'alimentation humaine et animale, elle produit de hautes quantités de biomasse (4 à 13 tonnes par hectare). 2.1.8. Leucaena Ce sont des plantes pérennes, arbustives ou arborées, originaires d'Amérique Centrale, à système racinaire bien développé (bonne capacité de recyclage profond de l'eau et des éléments minéraux : pompe biologique). Elles présentent de hautes capacités de ramification et de fixation d'azote. Elles préfèrent les climats humides (pluviométrie comprise entre 700 et 4000 mm) et chauds, tout en supportant les gelées. Elles sont adaptées à tous les types de sol (même très acides et peu fertiles), mais ne supportent cependant pas l'hydromorphie et les taux élevées en aluminium. Leur croissance initiale est lente, elles sont donc sensibles à la compétition des adventices dans les premières phases de leur développement. Leur production de biomasse est très élevée (15 à 40 tonnes par hectare). D'utilisation multiple (fourrage, couverture du sol…), leur port rend la fauche nécessaire. 2.1.9. Calopogonium Ce sont des plantes rampantes originaires d'Amérique du Sud. Pérennes, elles peuvent devenir annuelles si elles subissent une période de sécheresse (cycle supérieur à 8 mois). Adaptées aux climats tropicaux humides, elles sont cependant relativement tolérantes à la sécheresse. Elles ne supportent en revanche ni le gel ni l'ombrage. Peu exigeantes en fertilité, elles se développent bien dans tous les types de sol, tout en préférant une certaine acidité (pH 4 à 5). Elles présentent une forte capacité de fixation d'azote. Malgré un développement initial lent (qui peut provoquer des infestations d'adventices), elles se rattrapent au bout de quatre à cinq mois en produisant une abondante masse végétale (4 à 10 tonnes de matière sèche par hectare et par an). Elles peuvent être utilisées comme fourrage. Les semences requièrent une levée de dormance à l'eau chaude 2.1.10. Pueraria Originaire du Sud Est asiatique, l'espèce la plus connue est P. phaseoloïdes. Plante pérenne à port grimpant, elle possède un profond système racinaire (bonne faculté de recyclage des minéraux), une forte faculté de ramification et une grande capacité de fixation d'azote. Sa vitesse de croissance est rapide, sauf dans la phase initiale où le contrôle des adventices peut s'avérer nécessaire. Elle s'adapte tant aux climats tropicaux que tempérés, tout en préférant les régions chaudes (températures moyennes supérieures à 18°C) et humides (900 à 2000 mm) et les zones de montagne (jusqu'à 2000 m). Sa résistance à la sécheresse est limitée, elle est 153 sensible au gel mais tolérante à l'ombrage. Elle préfère les sols argileux ou de texture moyenne, et s'adapte aux sols acides, déficients en calcium et phosphore. Elle est souvent utilisée en intercalaire avec des cultures pérennes, ainsi que comme fourrage, et peut produire de 3,5 à 8 tonnes de matière sèche par hectare et par an. Elle peut se ressemer spontanément ; si les semences sont récoltées et conservées, elles requièrent une levée de dormance (à l'eau chaude ou à l'acide sulfurique). 2.1.11. Macroptilium atropurpureum C’est une plante pérenne (cycle de 8 à 10 mois), rampante, originaire d'Australie. Ses racines sont profondes (elle est très résistante à la sécheresse, mais perd ses feuilles en cas de stress hydrique prolongé), son développement initial rapide (excellent pouvoir couvrant), et elle présente une forte capacité de fixation d'azote (mais nécessite une inoculation). La pluviométrie optimale est comprise entre 650 et 1800 mm ; sensible au gel, cette plante présente néanmoins une capacité élevée de récupération. Elle s'adapte à tous types de sols, mais ne supporte pas l'hydromorphie. Elle est résistante aux nématodes mais sensible aux cryptogames. Elle est souvent intercalée avec des cultures pérennes et peut aussi être utilisée comme fourrage. Elle peut produire de 5 à 6 tonnes de matière sèche par hectare et par an. Les semences mûrissent tout au long de l'année, d'où des conditions de récolte difficiles. Elles requièrent une levée de dormance par immersion dans l'eau. 2.1.12. Quelques exemples d'aptation aux zones agroécologiques - Zones de forêts humides, sur sols acides fixant le phosphore : Stylosanthes guianensis (fourrage), Macroptilium spp (engrais vert), Aeschynomene histrix (fourrage) ; - Zones de savanes : Canavalia ensiformis (engrais vert, fixation d'azote) ; Crotalaria juncea (engrais vert, fixation d'azote, lutte contre les adventices) ; Aeschynomene afraspera (engrais vert, fixation d'azote, lutte contre les adventices) ; Sesbania rostrata (fixation d'azote, lutte contre les adventices) ; Stylosanthes guianensis (fourrage, résistante à la sécheresse) ; Dolichos (fourrage, graines) ; Mucuna (engrais vert) ; Calopogonium (engrais vert, diminution des nématodes). - Zones de savanes semi-arides: Mucuna pruriens, Canavalia ensiformis, Crotalaria, Cajanus cajan. 2.2. Les mils et les sorghos Pennisetum typhoides (mil) est une graminée originaire des zones chaudes et relativement sèches ; elle requiert une température moyenne de 28 °C et des précipitations de l'ordre de 400 à 700 mm. Le mil apprécie les sols sablo-argileux bien drainés. Adapté à la sécheresse, il craint l'humidité excessive. Il possède un enracinement profond (jusqu'à 2,5 m), ce qui lui confère une bonne capacité de recyclage des éléments minéraux, le potassium en particulier (pompe biologique). Son cycle végétatif est court (60 à 90 jours en général). Dans un système de culture avec couverture végétale, il est intéressant pour sa capacité à produire une très forte biomasse (supérieure à 10 T/ha) en un temps très court et dans des conditions pluviométriques marginales et aléatoires. 154 Les Sorghum bicolor sont originaires d'Afrique, mais sont adaptés tant aux conditions tropicales que tempérées. Peu exigeants en eau (500 à 600 mm selon le climat), ils sont résistants à la sécheresse mais sensibles aux excès d'humidité (requièrent des sols bien drainants). Ils sont adaptés à tous types de sols, plutôt plus argileux que pour le mil. Ils présentent un système racinaire profond (pompe biologique). Les sorgho guinea, originaires d'Afrique de l'Ouest, sont de grande taille, et photosensibles (de jours courts). En plus de leur utilisation comme plantes de couverture, mil et sorgho peuvent être utilisés comme fourrage, en ensilage, et aussi pour la production de grains. 3. Classification Le tableau 1 récapitule les caractéristiques des principales plantes de couverture pouvant être utilisées. 155 TABLEAU 1 : Caractéristiques des principales plantes de couverture pouvant être utilisées dans les SCV Noms latins Légumineuse ARACHIS PINTOI Cajanus cajan Calopogonium mucunoïde Canavalia ensiformis Cassia rotundifolia Centrosema pascuorum Clitoria ternatea Crotalaria caricea Crotalaria spectabilis Desmodium tortuosum Desmodium uncinatum Dolichos lablab Leucaena sp. Noms français Cycle Arachide pérenne V Pois d'angole V Contrô Port le Démarrage couverture R L A L Avec céréales O A RS M/C R V O A A/E V M A rs R Moy Clitoris de Vénus B rs G L Crotalaire A rs A/E Moy Bonne volubile Difficile recouvr Difficile Volubile Bonne volubile Difficile trop volubile Bonne A/E L Moy, haute Pois sabre M/C V V M O O O 3-22 F+G 600<P<2000mm. Bonne résistance/sec, faible/eau. Perd feuilles tard. 4-10 0 3-7 G P>=1000mm, mauvaise résistance/sec, bonne/eau, couverture sèche vite. P>=750mm, bonne résistance/sec, Moy/eau. Couverture verte. F 0 F O O 3-9 P>=750mm, bonne résistance/sec , moyenne/eau, couverture sèche vite 600<P<1250mm. Bonne résistance /sec et eau. Couverture verte. 0 P>=650mm. Faible résistance/sec, moy/eau. Couverture sèche très vite. F P>=900mm, résistance moy/sec et eau. Perd feuilles vite. A rs A/V rs V A rs V V M/C M R A L Macroptilium atropurpureum V rs M R Moy Mucuna deeringianum A rs B/M R V Lotus uliginosus Association Fixation Pompe Biomasse Autres usages Milieux favorables culturale N Bio. T /ha/an non agri F Dolique Lotier velu Difficile trop volubile O O O 4-13 15-40 F+G F F O O 5-6 F 5-12 0 O 750<P<1000mm. Bonne résistance/sec, mauvaise/eau. Couverture verte. Souche résistante/feu. 156 Noms latins Noms français Cycle Contrôle Port Mucuna pruriens A rs M Pueraria Phaseoloides Sesbania Stizolobium aterrinum Stylosanthes hamata V rs Stylosanthes Guianensis Tephrosia pedicellata Trifolium semipilosum Vigna unguiculata R Démarrage couverture V L Association Fixation Pompe Biomasse culturale N Bio. T /ha/an Difficile recouvr. O O 4-8 A V Autres usages Milieux favorables non agri 0 P>=750mm, faible résistance/sec, moyenne/eau. Couverture sèche vite F P>2500mm. Tm de 25°c. F B rs Luzerne des Caraïbes Luzerne du V rs Brésil V E/R V Bonne, non volubile O F 600<P<1250. Bonne résistance/sec, moy/eau. Perd feuilles vite. E Moy Bonne, non volubile O F P>=1000mm. Moy résistance/sec, faible/eau. Couverture verte F Trèfle du Kenya Niébés V A M/C E/R V Sorgho Mil A rs A rs A V M/C E V M/C E Bonne O O 1-5 F+G N O >10 F+G F+G F+G F P>=500mm, sensible au froid Bonne résistance/sécheresse, nulle/engorgement . Couverture sèche très vite Graminées Sorghum guinea Avoine Brachiaria brizantha Brachiaria ruziziensis Cynodon dactylon Panicum maximum N 4 V F V F V F 157 Noms latins Paspalum notatum Pennisetum clandestinum Noms français Kikuyu Cycle Contrôle Port Démarrage couverture Association culturale Fixation N Pompe Bio. Biomasse T /ha/an V V Autres usages non agri F F Milieux favorables COMPOSEES Chromolaena odorata V rs Navet fourrager Colza A A Cycle Contrôle Port Vitesse de développement Fixation d’azote Pompe biologique Usages Brûlis/ M A E E V : vivace M : mécanique A : arbustif V : rapide O : oui O : oui F : fourrage V 10 N N 5 2-3 F F+G A : annuel B : bisannuel rs : resemis spontané C : chimique B : bioclimatique R : herbacé rampant E : herbacé érigé G : herbacé grimpant L : lent N : non N : non G : grains 0 : pas d’utilisation 158 ANNEXE 3 : DIAGRAMMES CLIMATIQUES ET POSITIONNEMENT GEOGRAPHIQUE DE LA PLUPART DES CAS D’ETUDE. Source : UNESCO (1981) 160 Source : White ( 1986 ) 161 162 Localisation géographique des cas d’étude. 163 RESUME Cet ouvrage a comme point de départ un travail collectif effectué par des étudiants du CNEARC (AGIR), repris, remanié et enrichi. L’objectif était de réaliser, à partir de documents bibliographiques, une analyse comparée du fonctionnement et de la mise en œuvre des systèmes de culture annuels à base de semis direct et de couverture végétale (SCV) dans différents écosystèmes tropicaux. Les SCV représentent un nouveau type de gestion du milieu que l’on qualifie d’agroécologique. Le principe repose sur la valorisation de l’action de certaines plantes dites de couverture, annuelles ou vivaces, qui permettent de recouvrir le sol pendant les périodes d’inter-culture. Afin de préserver cette couverture, les cultures sont implantées dans un sol non remanié, sauf à l’endroit où est déposée la semence. Ces systèmes sont connus et pratiqués depuis quelques décennies aux Etats-Unis comme en Amérique latine (notamment au Brésil), et depuis bien plus longtemps si on y assimile les systèmes traditionnels slash and mulch que l’on rencontre dans plusieurs régions des zones tropicales humides. Mettant en œuvre des techniques modernes (sélection d’une plante de couverture spécifique, et/ou épandage d’herbicides, et/ou utilisation d’un semoir spécifique pour semer à travers la couverture), les SCV connaissent depuis une dizaine d’années une forte extension dans de nombreux pays, essentiellement en régions tempérées mais aussi en régions tropicales. En milieu tropical, les modalités de fonctionnement et de mise en œuvre des SCV sont très variées. En effet, ces systèmes peuvent s’appliquer à des zones agroécologiques très diversifiées, allant du tropical humide au tropical semi-aride, et à des systèmes de production différenciés, de la grande culture motorisée à la petite agriculture familiale. Les SCV mettent en jeu des processus agrobiologiques nombreux et complexes, qu’il importe d’analyser situation par situation. Il ressort que les SCV présentent des avantages agronomiques certains, qui se déclinent différemment selon les contextes : contrôle de l’érosion pour les agricultures mécanisées, alternative à la défriche-brûlis pour les agricultures familiales des tropiques humides grâce au contrôle de l’enherbement, régulation du bilan hydrique en conditions semi-arides, et de façon générale, entretien d’un taux de matière organique dans le sol… Cependant les conditions de faisabilité des SCV en milieu agricole constituent souvent un frein à leur adoption sous les tropiques, les maintenant dans bien des cas au stade expérimental. En effet, outre les avantages agronomiques, il importe de considérer la possible intégration des SCV au sein des unités de production agricoles : quels sont les besoins en équipements, en main d’œuvre, en intrants, en trésorerie ? Quelle est la compatibilité avec les autres activités ? Quelles sont les performances économiques ? Mais certaines contraintes à l’adoption des SCV se situent à des niveaux plus englobants : avec quels fournisseurs d’intrants et d’équipements, avec quels crédits ? A l’échelle du fonctionnement des systèmes agraires, les activités d’élevage constituent la contrainte la plus souvent mentionnée à l’adoption des SCV en milieu agricole. 164