ETUDES et TRAVAUX n˚ 19

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ETUDES et TRAVAUX n° 19
Les systèmes de culture
à base de couverture végétale
et semis direct
en zones tropicales
Synthèse bibliographique rédigée par Isabelle DOUNIAS
________________________________________________
CNEARC
CIRAD-CA
________________________________________________________
Janvier 2001
CNEARC Centre National d’Etudes Agronomiques des Régions Chaudes
1
TABLE DES MATIERES
AVANT-PROPOS
6
INTRODUCTION
10
PARTIE 1 : HISTOIRE DU SEMIS DIRECT SUR COUVERTURE VEGETALE
16
I. Les SCV traditionnels anciens sous les tropiques humides
II. Mise au point et diffusion des SCV "modernes" en zone tempérée
2.1. L'expérience américaine
2.2. L'Australie du Sud-Ouest : une expérience comparable à celle des Etats-Unis
2.3. Bilan
III. Retour sous les tropiques des SCV sous leurs formes modernes
3.1. Cas des systèmes de production motorisés et orientés vers le marché : rôle du Brésil
3.2. Cas des petites exploitations agricoles familiales
IV. Conclusion
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24
PARTIE 2 : DIVERSITE DES SITUATIONS ET DES MODALITES DE MISE EN
ŒUVRE DES SCV : ETUDES DE CAS EN ZONE TROPICALE
25
A. GRANDE CULTURE MOTORISEE ET PETITE AGRICULTURE FAMILIALE
EN ZONE SUBTROPICALE HUMIDE : L’ETAT DU PARANA AU BRESIL
27
I. LE Nord-Parana : exemple du site de Rôlandia
1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
1.2. Le semis direct sur couverture végétale : un système développé par les producteurs de
soja et de blé, appuyés par la recherche-développement
1.3. Conclusion
II. Le Sud-Parana : exemple du site de Ponta Grossa au Centre-Sud
2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
2.2. Le semis direct sur couverture végétale : un système développé par la recherche
III. Conclusion
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B. GRANDE CULTURE MOTORISEE EN ZONE TROPICALE HUMIDE :
40
I. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production Agricole.
41
1.1. Le milieu naturel
41
1.2. Les unités de production
42
1.3. Les conduites techniques conventionnelles mises en œuvre par les entrepreneurs privés 42
1.4. Conclusion
43
II. Le semis direct sur couverture végétale : un nouveau système d'exploitation du milieu
proposé par la recherche
44
2.1. Les grands principes des SCV dans les cerrados
44
2.2. Fonctionnement des principaux SCV dans les cerrados
47
2.3. Récapitulatif
53
III. Performances et impacts des SCV sur le milieu agricole
53
IV. Conclusion
54
2
C. PETITE AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE TROPICALE HUMIDE
55
I. Le littoral atlantique dans le nord du Honduras
1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
1.2. Le semis direct de maïs sur couverture végétale de Mucuna : un SCV développé
spontanément par les petits agriculteurs
1.3. Conclusion
II. Les zones forestières d’Afrique de l’Ouest
2.1.En Côte d'Ivoire
2.2. Au Bénin
2.3. Bilan sur les cas d’Afrique de l’Ouest
III. Conclusion
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D. AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE SEMI-ARIDE
72
I. L’Ouest mexicain
72
1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
73
1.2. Le semis direct de maïs avec paillis de résidus : un système développé par la recherche 78
1.3. Conclusion
81
II. Le Sud-Ouest de Madagascar
84
2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
85
2.2. Le semis direct sur couverture végétale : un nouveau système d’exploitation du milieu 88
III. Quelques compléments à partir des travaux menés dans le Nord de Côte d’Ivoire 90
3.1. La plante de couverture est semée au même moment que la culture principale.
90
3.2. La plante de couverture est semée de façon décalée, au moment du premier sarclage
manuel de la culture, sarclage qui permet d’enfouir les graines.
91
91
IV. Conclusion
PARTIE 3 : PROCESSUS AGROBIOLOGIQUES MIS EN JEU PAR LES SCV
92
A. EFFETS DES SYSTEMES SCV SUR LES ENNEMIS DES CULTURES :
CONTROLE DE LA FLORE ADVENTICE ET DES ORGANISMES PARASITES
93
I. Impacts sur la flore adventice
1.1. Les principaux mécanismes de contrôle mis en jeu
1.2. Avantages et inconvénients
1.3. Bilan
II. Impacts sur les maladies et sur les parasites des cultures
2.1. Avantages
2.2. Inconvénients
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B. EFFETS DES SCV SUR LES ETATS PHYSIQUES DU SOL ET LE STOCKAGE
DE L'EAU
97
I. Impacts sur l’état structural du sol
1.1. Conséquences du non-travail du sol avant semis
1.2. Actions en profondeur du sol des plantes de couverture
1.3. Actions en surface du sol de la couverture végétale
1.4. Bilan
II. Impacts sur le stockage de l'eau dans le sol
2.1. Meilleure valorisation des eaux de pluie
2.2. Evolution des pertes en eau
2.3. Bilan
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3
C. EFFETS DES SCV SUR LES CARACTERISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES ET
L'ACTIVITE BIOLOGIQUE DU SOL
106
I. Impacts sur les caractéristiques physico-chimiques du sol
1.1. Conservation, voire amélioration du taux de matière organique dans le sol
1.2. Evolution de la disponibilité des éléments minéraux dans le sol
1.3. L'acidité du sol
II. Impacts sur l’activité biologique du sol
2.1. Les micro-organismes du sol (microflore et microfaune)
2.2. La faune du sol
2.3. Conséquences sur les propriétés du sol
2.4. Conclusion
106
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PARTIE 4 : CONDITIONS D’ADOPTION ET DE DIFFUSION DES SCV EN MILIEU
AGRICOLE
112
A. LES BESOINS EN EQUIPEMENTS, EN INTRANTS ET EN MAIN D’ŒUVRE 113
I. Les équipements spécifiques
113
1.1. Cas des systèmes de production où semis et sarclages sont réalisés manuellement
113
1.2. Cas de systèmes de production où semis et sarclages sont réalisés en traction animale 114
1.3. Cas des systèmes de production où semis et sarclages sont réalisés en motorisation 115
1.4. Bilan
115
II. Les intrants spécifiques
116
III. Les besoins en main d’œuvre et les temps de travaux
116
3.1. Cas des systèmes de production où les interventions sont réalisées manuellement
116
3.2. Cas des exploitations familiales du sud du Parana qui travaillent en traction animale 116
3.3. Cas des grandes exploitations motorisées au Brésil (Parana et cerrados)
117
3.4. Bilan
117
IV. Conclusion
118
B. PERFORMANCES ECONOMIQUES
118
I. Le système maïs-Mucuna au Nord-Honduras
118
1.1. Analyse comparée pour une année moyenne de la rentabilité en semis conventionnel et en
semis direct sur couverture de Mucuna
118
1.2 Analyse comparée de la rentabilité des deux systèmes sur l’ensemble de la rotation
122
1.3. Conclusion
123
II. les scv et les grandes exploitations agricoles motorisées
123
2.1. Cas de la culture du cotonnier dans les cerrados au Brésil
123
2.2. Autres exemples
124
III. Conclusion
126
C. CONDITIONS D’INTEGRATION DANS LES SYSTEMES DE PRODUCTION ET
LES SYSTEMES AGRAIRES
127
I. Les activités d'élevage
1.1. Introduction
1.2. Etudes de cas
II. Les facteurs socio-économiques d’adoption
127
127
128
129
4
CONCLUSION
131
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
135
TABLE DES MATIERES
142
LISTE DES FIGURES
146
SIGLES
147
ANNEXES
148
RESUME
164
5
AVANT-PROPOS
Du fait de la nature de leurs sols et du régime des précipitations, les milieux tropicaux
sont, pour l'essentiel, des milieux fragiles, rapidement dégradables si les modes de culture
sont inadaptés. Ce sont aussi les régions où la population croît le plus vite et où la pauvreté
affecte le plus grand nombre. C'est donc dans ces régions que le défi de concilier production
agricole et protection de l'environnement paraît le plus important mais aussi le plus difficile à
relever.
Parmi les différentes voies qu'agronomes et agriculteurs ont exploré pour relever ce
défi, les systèmes de culture à base de couverture végétale et semis direct (SCV), apparaissent
comment un des modes de culture les plus appropriés pour assurer à la fois production et
protection de la ressource en sol, et permettre ainsi une gestion durable des milieux tropicaux.
Alors que pendant longtemps la recherche agronomique tropicale n'a pas accordé à ces
systèmes toute l'attention qu'ils méritaient, on note depuis une dizaine d'années un
développement important des recherches les concernant et un intérêt croissant des agences de
coopération bi et multilatérales pour la mise en oeuvre de ces systèmes de culture.
Dans plusieurs régions du monde tropical le CIRAD a joué et joue un rôle majeur dans
la mise au point et la diffusion de ces systèmes. Dans le même temps, le CNEARC a intégré
dans ses enseignements l'analyse de ce mode de gestion agro-écologique des zones
tropicales.C'est pourquoi il est apparu opportun à ces deux institutions de collaborer pour faire
le point sur les connaissances acquises sur les systèmes de culture à base de couverture
végétale et semis direct. Ce n'est pas une entreprise aisée compte tenu de la très large gamme
de situations où ces systèmes sont ou pourraient être pratiqués et de l'abondance des données
bibliographiques qu'heureusement Michel Raunet a commencé à rassembler. En dépit de ces
difficultés, une première tentative de synthèse bibliographique sur les SCV a été faite en 1999
dans le cadre d'un travail collectif d'étudiants du CNEARC (cf. note jointe) Ce premier travail
a été ensuite repris dans le cadre d'une collaboration plus formalisée entre le CNEARC et le
CIRAD-CA et son programme GEC (gestion des écosystèmes cultivés). C'est à Isabelle
Dounias qu'a été confiée la tâche de reprendre cette première synthèse en vue de la compléter
et d'en améliorer la cohérence et les bases scientifiques et bibliographiques. Le présent
document qui en a résulté est organisé de la façon suivante:
• une présentation générale de l'histoire de la mise au point et de l'extension des SCV à
travers le monde est faite en première partie.
• sont analysées dans une deuxième partie les différentes modalités d'application de ces
systèmes dans différentes régions du monde tropical.
• la troisième partie est consacrée à l'étude des mécanismes et processus agrobiologiques
mis en jeu par les SCV. Dans cette partie sont analysés les effets de ces systèmes sur les
états physiques, les caractéristiques physico-chimiques et l'activité biologique du sol, le
contrôle des adventices et plus généralement l'état phytosanitaire des cultures.
6
!
enfin la dernière partie aborde les problèmes posés par la faisabilité de ces systèmes en
mettant l'accent sur les conditions économiques et sociales de leur adoption par les
agriculteurs.
Nous sommes conscients que compte tenu du temps imparti pour élaborer ce
document et du développement rapide des recherches sur les SCV, cette synthèse est loin
d'être exhaustive. Elle doit être considérée comme une étape vers l'élaboration d'un ouvragede
référence sur les connaissances relatives aux SCV. Mais en attendant, nous pensons que la
publication de cette synthèse bibliographique peut être utile à la fois pour la formation des
agronomes tropicalistes mais aussi pour les chercheurs travaillant sur les SCV, ainsi que pour
tous ceux qui s'intéressent à leur mise en pratique.
Pour terminer, nous voudrions souligner que l'élaboration de cette synthèse constitue
une bonne illustration du bénéfice mutuelqu'institutions de recherche et d'enseignement
peuvent retirer de leur coopération. Nous espérons que dans le cadre de la volonté partagée
par le CIRAD et le CNEARC de renforcer les synergies entre recherche et enseignement
supérieur, cette collaboration pourra se poursuivre sur les SCV et s'étendre à d'autres
thématiques.
Enfin, nous tenons à remercier tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce
document et en particulier tous les chercheurs du CIRAD qui ont bien voulu partager avec les
étudiants et Isabelle Doumias leur expérience et leur savoir.
Alain Capillon
Directeur du CIRAD-CA
Philippe Jouve
Directeur scientifique du CNEARC
7
Comme indiqué dans l’avant propos, cette synthèse bibliographie a été rédigée en partie, sur
la base d’un travail collectif des étudiants de la spécialisation AGIR du Master of Science
Développement Agricole Tropical (DAT) du CNEARC, effectué en mars 1999.
Ce premier travail a consisté, à partir de documents bibliographiques, à faire le point sur les
connaissances acquises en matière de systèmes de culture à base de couverture végétale en
zones tropicales. Il a fait l’objet d’une restitution lors d’un séminaire auquel ont participé des
partenaires de la recherche et du développement. Les contributions des étudiants ont été
ensuite rassemblées et publiées dans le document intitulé « les systèmes de culture à base de
semis direct sur couverture végétale » que l’on peut se procurer auprès du secrétariat du
Master DAT.
Etudiants ayant participé à la réalisation de la première étude bibliographique
BERNET Cédric
BERTHOMME Pascale
DANGE Guillaume
ENONE EDJANG Mathieu
FERRATON Nicolas
GOMEZ François
HAUSWIRTH Damien
JOET Maguelone
KURTZ Carine
LE POMELEC Marion
LIENHART Pascal
MAURY Sandra
MOUSSA Mahamane
PEIGNE Alain
PRAK Sereyvath
ROCA Carlos
SCOTTO di RINALDI Hélène
TALON Marie-Pierre
WIRT Nathalie
Participants au séminaire de restitution
AFFHOLDER F. (CIRAD/CA)
MALEZIEUX E.(CIRAD/AGER)
BOURGEON G. (CIRAD/AMIS) MARAUX F. (CIRAD/AMIS)
FOREST F.(CIRAD/CA)
REBOUL J.L. (CIRAD)
TREBUIL G. (CIRAD/CA)
TRIOMPHE B. (CIRAD-CIMMYT)
SEZNEC A. (A.F.D)
Responsable de la formation et de l’organisation du séminaire :
- Philippe JOUVE (CNEARC), assisté de Pierre CLAVIER.
Les travaux des étudiants qui ont plus particulièrement contribué à la synthèse
bibliographique de janvier 2001 sont les suivants :
Partie 1 : Histoire du semis direct sur couverture végétale
Contribution de P. LIENHART, D. HAUSWIRTH
diffusion des SCV « moderne » en zone tempérée (1)
sur la
mise au point et
Partie 2 : Diversité des situations et des modalités de mise en œuvre des SCV : études de
cas en zone tropicale. C.Petite agriculture familiale en zone tropicale humide.
Contribution de M. LE POMMELEC et M.P. TALON sur : les SCV sur le littoral
atlantique dans le nord du Honduras (1)
8
Partie 3 : Processus agro-biologiques mis en jeu par les S.C.V
Contributions de F. GOMEZ et C. KURT sur les effets des systèmes S.C.V sur
les ennemis des cultures : contrôle de la flore adventice et des organismes
parasites (1)
S. MAURY, S. PRAK et N. WIRT sur les effets des S.C.V. sur les états
physiques du sol et le stockage de l’eau : Figures 3.1, 3.2, tableau 3.1 (1)
C. BERNET, M. ENONE EDJANG, D. HAUSWIRTH et C. ROCA sur les
Effets des S.C.V sur les caractéristiques physico-chimiques et l’activité
biologique du sol. – Impact sur l’activité biologique du sol (1)
Partie 4 : Conditions d’adoption et de diffusion des S.C.V
Contributions de . P. BERTHOMME et N. FERRATON sur Les besoins en
équipement, en intrants et en main d’œuvre (1)
P. LIENHART et H. SCOTTO di RINALDI sur les Performances
économiques des SCV (1) ; G. DANGE et M. JOET sur les conditions
d’intégration dans les systèmes de production et les systèmes agraires (1)
Enfin l’annexe de la synthèse bibliographique de 2001 reproduit la description des principales
plantes de couverture utilisées qui avait été faite par M. LE POMMELEC et M.P. TALON
(1) Ces contributions ont fait l’objet d’un exposé oral lors du séminaire de mars 99 et ce sont
elles qui ont été rassemblées par Pierre CLAVIER dans le document intitulé « les systèmes de
culture à base de semis direct sur couverture végétale. Etude bibliographique mars 1999 ».
9
INTRODUCTION
De la défriche brûlis aux systèmes à base de couverture végétale
Avant de présenter les caractéristiques principales des systèmes de culture à base de
couverture végétale et semis direct (SCV), il nous a semblé utile de replacer ce mode de
culture dans le cadre de l'évolution générale des systèmes agraires et par une approche
d'agriculture comparée de le resituer par rapport aux autres grands modes d'exploitation
agricole des milieux tropicaux.
Avant leur mise en culture, la grande majorité des zones intertropicales comme des zones
tempérées était recouverte de forêts. Leur mise en culture a donc commencé par la
suppression de la forêt et le système le plus généralement adopté pour cultiver les terres a été,
au départ, le système de défriche-brûlis, entraînant dans la plupart des cas l'itinérance des
cultures. Ce système, dans sa forme originelle, peut se caractériser par un temps de culture
court, un à trois ans, alternant avec un temps de jachère long, dépassant généralement la
dizaine d'années, et permettant la reconstitution d'un couvert forestier. Ainsi, ce système sans
assurer le maintien de la forêt primaire, permet toutefois la régénération d'un couvert forestier.
Il n’est donc pas juste, comme on a trop souvent tendance à le faire, de l'accuser d'être la
cause principale de la déforestation des milieux tropicaux, en ne considérant que la phase
d'abattis-brûlis qui précède la mise en culture et en occultant la phase de recrû forestier qui lui
succède.
Si ce système a été longtemps décrié, c'est aussi parce que les bases agronomiques de son
fonctionnement et les avantages qu'il représentait pour les agriculteurs étaient mal connus. Si
l'on veut bien considérer que les SCV constituent en fait une alternative au système de
défriche-brûlis plus qu'à la forêt primaire, il n'est donc pas inutile de s'arrêter un instant sur les
caractéristiques de ce système et les avantages qu'il représente pour les agriculteurs. En effet,
sa substitution par un système à base de couverture végétale ne sera acceptée que si les
bénéfices que peuvent en retirer les agriculteurs sont supérieurs à ceux que leur procurait le
système de culture précédent.
Les travaux, d'un certain nombre de chercheurs (1), nous permettent de mieux comprendre le
fonctionnement des systèmes de défriche-brûlis.
L'abattage et le brûlis du couvert forestier ont comme premier intérêt de concentrer dans les
horizons de surface et donc de mettre à la disposition des futures cultures une partie des
éléments minéraux (P et K) accumulés par le couvert forestier, en provenance des couches
profondes du sol.Cette opération favorise également la correction du pH du sol et de son
acidité par la libération des bases alcalines. L’amélioration des caractéristiques physicochimiques se prolonge durant plusieurs années et on ne peut donc expliquer, comme cela a été
(1) Outre les publications de Ruthenberg, on peut mentionner les travaux de R. Moreau sur l'effet de la défriche-
brûlis sur les sols forestiers tropicaux, ceux d'A. de Rouw sur les conséquences de l'allongement du temps de
culture sur la végétation de la jachère qui suit ainsi que les publications d'H. Cochet sur les performances
économiques des systèmes de défriche-brûlis.
10
longtemps fait, la brièveté du temps de culture par la baisse de fertilité des sols. En fait,
l'analyse des pratiques des agriculteurs montre que ce qui les amène à abandonner leurs
champs pour en défricher de nouveaux, c'est avant tout la pression des mauvaises herbes.
Le développement d'un couvert forestier durant le temps de jachère entraîne l'extinction des
adventices. Après la défriche, le sarclage est donc inutile ou très sommaire. L'absence quasi
générale d'instruments de sarclage dans l'outillage des agriculteurs pratiquant la défriche
brûlis témoigne de cet avantage de la défriche. Mais cet avantage est de courte durée et c'est la
rapide infestation des champs par les adventices qui est la cause principale de la brièveté du
temps de culture dans les systèmes de défriche-brûlis.
Ces caractéristiques agro-écologiques se traduisent par des performances économiques qui,
elles aussi, n'ont pas toujours été évaluées à leur juste valeur. Ces systèmes assurent une
bonne productivité des surfaces cultivées pouvant atteindre deux tonnes de grains (riz ou
maïs) par hectare . Cependant rapportée à la totalité des surfaces nécessaires au bon
fonctionnement du système (surfaces cultivées plus jachère), cette productivité de la terre
devient médiocre (moins de 2 quintaux de riz / ha) et on peut à juste titre considérer ce mode
de culture comme extensif. Quant à la productivité du travail, elle est généralement bonne du
fait de la simplification des façons culturales (pas de travail du sol, pas ou peu de sarclage qui
est la charge en travail la plus importante en agriculture manuelle).
Ces différentes caractéristiques expliquent que ces systèmes aient été pratiqués dans la plupart
des régions du monde et continuent de l'être partout où les densités de population le
permettent. En effet, les exigence en terre de ces systèmes font qu'ils ne sont reproductibles
qu'en deçà d'un seuil de population rurale qui se situe entre 10 et 20 habitants par km2. Au
delà de ce seuil, on observe un allongement du temps de culture et une diminution du temps
de jachère qui fait perdre au système la plus grande partie de ses avantages. En effet,
l'allongement du temps de culture entraîne le développement des mauvaises herbes et
l'accroissement du temps de travail. Cet accroissement joint à la diminution des rendements
consécutive à la baisse de fertilité du sol provoque une chute de la productivité du travail.
Mais les conséquences de l'allongement du temps de culture au détriment du temps de
jachère, qui ruine définitivement le système, est la non reconstitution du couvert arboré et son
remplacement par une végétation herbacée. C'est à ce phénomène de "savanisation" auxquels
on assiste dans les régions où l'accroissement démographique ne permet plus la reproduction
des systèmes de défriche-brûlis.
On voit donc que ces systèmes ont une faible marge d'adaptation. Se pose alors le problème
des alternatives qui peuvent être mises en oeuvre pour assurer le relais des systèmes de
défriche-brûlis une fois que la pression foncière leur a fait perdre l'essentiel de leur intérêt et
que les risques de dégradation des sols deviennent importants.
11
L'analyse comparée des modes d'exploitation agricole pratiqués dans les milieux tropicaux
montre qu'il existe quatre grands types d'alternative à la défriche-brûlis.
• La première est la plantation de cultures pérennes. Rentrent dans cette catégorie les
différentes systèmes de plantation d'espèces tropicales : palmier à huile, hévéa, café, cacao,
thé, canne à sucre, etc. D'une certaine manière, ces plantations viennent se substituer au
couvert forestier original.
• La deuxième alternative est le pâturage. C'est ce mode d'exploitation du milieu qui
est en train de s'étendre sur de très vastes superficies en Amazonie, succédant à la "roca" ,
c'est-à-dire à un système de culture à base de cultures vivrières mis en place après la défriche
de la forêt. La trypanosomiase explique qu'une telle alternative n'ait pas été adoptée en
Afrique sub-tropicale.
• La troisième alternative à la défriche-brûlis que l'on observe en zones tropicales est
la riziculture irriguée. C'est un système qui nécessite des conditions particulières : Il faut des
ressources en eau importantes et une main d'oeuvre suffisante pour aménager les rizières et les
cultiver, conditions qui se sont trouvées réunies, depuis longtemps, dans de nombreux pays
d'Asie.
• Enfin la dernière grande alternative à la défriche-brûlis adoptée par les agriculteurs
des zones tropicales est l'association de cultures. Cette association peut prendre plusieurs
formes : association de cultures annuelles sur la même parcelle comme ce que l'on observe
dans les champs vivriers des femmes Bamiléké au Cameroun ; association de cultures
annuelles et pérennes souvent pratiquées durant la phase d'installation des plantations
arbustives ; enfin l'agroforesterie associant l'arbre et la culture.
Chacune de ces alternatives correspond à des situations agro-écologiques et socioéconomiques particulières. Mais ce qui constitue en quelque sorte le dénominateur communde
ces différents modes d'exploitation du milieu c’est qu’ils assurent tous, sous des formes
diverses, une couverture quasi permanente du sol. C'est cette caractéristiques comune qui
explique la durabilité agro-écologique de ces systèmes de culture, leur durabilité sur le plan
économique et social dépendant d'autres facteurs et conditions.
Dans cet inventaire des grands modes d'exploitation des milieux tropicaux, comment se
situent les "systèmes de culture à base de couverture végétale et semis direct” ? En première
approximation, on peut les assimiler aux systèmes de cultures associées en ce sens que dans
ces systèmes la couverture du sol est assurée à la fois par l'association de différentes espèces
sur la même parcelle et par des successions culturales qui ne laissent pratiquement jamais le
sol nu. C'est ce même objectif qui est recherché dans les SCV et qui en constitue la
caractéristique principale, le semis direct n'étant qu'une conséquence du maintien d'une
couverture végétale permanente du sol.
12
Dans les SCV, cette couverture permanente vivante ou morte peut être assurée de différentes
manières : par la présence de végétation naturelle, par le maintien sur le sol des résidus de la
culture précédente ou par l'installation délibérée de plantes cultivées dont la principale et
parfois l'unique fonction est d'assurer la couverture du sol comme c'est le cas de la culture du
Mucuna dans les systèmes de culture maïs-mucuna pratiqués par les agriculteurs du NordHonduras. Les conditions climatiques qui différencient les zones tropicales humides des zones
plus sèches et tempérées jouent un rôle déterminant dans la nature de ces types de couverture
végétale.
Pour comprendre pourquoi le maintien de cette couverture végétale est une condition
essentielle de la durabilité de l'agriculture, particulièrement en zones tropicales, il faut en
analyser soigneusement les différents effets. C'est ce qui sera fait par la suite. Mais dès à
présent, on peut en souligner les principaux bénéfices. Tout d'abord, cette couverture
constitue une protection contre les différentes formes de dégradation physique du sol. En
limitant l'impact des gouttes de pluie et en freinant le ruissellement, la couverture supprime
pratiquement les risques d'érosion hydrique. La simplification des façons culturales liées au
semis direct diminue la compaction qui affecte de nombreux sols en culture mécanisée en
zone intertropicale.
La présence d'une couverture végétale permanente limite également la baisse du taux de
matière organique du sol que l'on observe habituellement après sa mise en culture. Dans
certains cas, ce taux de matière organique peut même être augmenté. Cet effet se répercute sur
l'amélioration de la structure du sol, favorisant l'infiltration de l'eau et l'enracinement des
cultures et donc améliorant leur alimentation hydrique.
Par ailleurs, à l'image de la forêt, ce type de système peut favoriser un recyclage d'éléments
minéraux et leur concentration dans les horizons de surface du sol. L'utilisation de
légumineuses comme plantes de couverture contribue également à l'amélioration du statut
azoté du sol. Il résulte de ces différents mécanismes que les SCV permettent une bonne
gestion de la fertilité du sol qui est une des conditions premières de la durabilité des systèmes
de culture.
Enfin, la couverture végétale permanente, lorsqu'elle est correctement assurée, empêche le
développement des adventices. Les bénéfices qui en résultent sont à la fois agronomiques
(suppression de la compétition avec les cultures) et économiques par la réduction des
opérations de désherbage même si le contrôle de la couverture végétale nécessite dans certains
cas le recours aux herbicides.
Sur le plan écologique, les systèmes de culture à base de couverture végétale présentent deux
avantages particuliers : en assurant une bonne productivité de la terre grâce à un bon entretien
voire une amélioration de la fertilité du sol les SCV peuvent limiter la déforestation et
l’explotation de la rente se situation éphémère que constitue la fertilité naturelle des sols
forestiers. Certes ces SCV, comme tous les autres modes d'exploitation agricole des milieux
13
tropicaux, ne permettent pas de conserver la biodiversité propre à ces milieux mais en offrant
une alternative économiquement acceptable à la déforestation, ils peuvent indirectement
contribuer au maintien de cette biodiversité.
L’autre avantage écologique des SCV est d’augmenter la production de biomasse et
l'accumulation de matière organique dans le solet de jouer ainsi un rôle positif dans la fixation
du carbone et son bilan à l'échelle de la planète.
On voit donc que les bénéfices que l'on peut attendre des systèmes de culture à base de
couverture végétale sont importants et justifient l'intérêt qui leur est porté. Cependant, il reste
encore beaucoup à faire pour que ces systèmes occupent la place qu'ils méritent, notamment
sur le continent africain, ce qui constitue un véritable challenge pour la recherche
agronomique tropicale. Au vu des résultats déjà acquis par la recherche sur les SCV et que ce
document s'efforce de synthétiser, il apparaît que les domaines dans lesquels la recherche doit
être poursuivie et approfondie sont les suivants :
• Valoriser les expériences par les agriculteurs à l'image de ce qui a été fait au NordHonduras. On a vu que les systèmes à base de couverture végétale participaient de la grande
famille des systèmes de cultures associées. Ces systèmes, longtemps négligés voire interdits,
méritent d'être étudiés et améliorés pour leur faire bénéficier de l'ensemble des avantages
propres aux SCV.
• Améliorer la connaissance des mécanismes biophysiques qui sont à la base du
fonctionnement de ces systèmes. Le CIRAD s'est engagé résolument dans cette voie. Une des
difficultés à surmonter est d'intégrer ces différents mécanismes afin d’appréhender de façon
globale le fonctionnement des SCV et leurs effets sur le milieu. Cette recherche sur les
mécanismes n'a pas seulement comme but de conforter le statut scientifique des recherches
sur les SCV mais de permettre l'extrapolation des résultats expérimentaux et références
obtenus localement.
• L'autre champ de recherche qui nous paraît essentiel de développer concerne l’étude
des conditions d'adoption de ces systèmes par les agriculteurs. Cette recherche sur la
faisabilité des SCV nécessite tout d'abord d'étudier les conditions et modalités de leur
intégration dans les systèmes de production pratiqués par les agriculteurs afin d'évaluer leur
compatibilité avec ces systèmes et proposer les modifications à y apporter pour favoriser
l'adoption des SCV.
L'autre volet de ce type de recherche, complémentaire du précédent, est l'étude des conditions
d'intégration des SCV dans les systèmes agraires. Ces conditions concernent, entre autres, la
gestion du foncier, l'organisation de l'espace, les relations entre agriculture et élevage et les
formes concurrentielles d'utilisation de la biomasse.
14
Ces recherches sur les conditions d'adoption des SCV concernent en fait l'étude des processus
de l'innovation technique et la prise en compte des conditions sociales, économiques et
écologiques de cette innovation.
Cela nécessite, comme nous y invite Ismaèl Sarageldin (1) que la recherche agronomique ne
limite pas ses ambitions à la seule production de modèles technique : "le repositionnement de
la recherche dans le processus de l'innovation technique repose sur une profonde mutation de
notre vision et de nos concepts... L'innovation technique est un processus éminemment
complexe dans lequel le "paysan" occupe une place centrale. Le paysan gère un système qui
doit à la fois produire un revenu et reproduire un capital, notamment un capital biologique..
C'est donc en rapport avec ces systèmes et dans le cadre de leurs possibilités d'évolution et
donc en rapport avec les producteurs et leurs organisations que la recherche agronomique
doit être construite et conduite. L'ère de la recherche qui produit des technologies, de la
vulgarisation qui les diffuse et des producteurs "passifs" qui appliquent les recettes est
derrière nous".
On ne saurait mieux dire les perspectives nouvelles qu'offrent à la recherche agronomique
tropicale la mise au pont et la diffusion des systèmes de culture à base de couverture végétale.
Philippe Jouve
(1) I. Sarageldin, président du GCRAI. "La révolution doubleùent verte ; un nouvel horizon pour la recherche
agronomique" in Vers une révolution doublement verte. CIRAD, Fondation Prospective et Innovation. Séminaire
Futuroscope, Poitiers, 8-9 novembre 1995.
15
PARTIE 1 : HISTOIRE DU SEMIS DIRECT SUR COUVERTURE VEGETALE
16
Le principe du semis direct sur couverture végétale est loin d'être nouveau. Déjà, le semis
direct existe depuis le début de l'histoire de l'agriculture et reste la base des systèmes agricoles
sous les tropiques. Les associations de cultures sont aussi des pratiques très répandues.
Concernant spécifiquement le semis direct sur couverture végétale, il existe aussi des
modalités ancestrales, développées pour l'essentiel en zone tropicale humide, dont certaines
ont perduré avec ou non des adaptations. Parallèlement, à partir des années 40, la recherche
agronomique des pays modernes en zone tempérée, avec comme chef de file les Etats-Unis, a
réinventé ce principe en introduisant de nouvelles technologies (semoirs de précision,
herbicides...). Ces nouveaux systèmes d'exploitation du milieu ont alors connu un
développement considérable dans certains de ces pays (Etats-Unis, Canada, Australie,
Argentine...). Depuis, le semis direct sur couverture végétale sous ses formes modernes se
diffusent en zone tropicale, soit de façon spontanée, soit sous l'égide de la recherchedéveloppement, avec des succès très variables selon les contextes.
I. Les SCV traditionnels anciens sous les tropiques humides
Dans la zone tropicale humide, il existe des modalités très anciennes de semis direct sur
couverture végétale du sol. Ces systèmes sont connus sous la dénomination espagnole tapado
(couvert) ou anglaise slash and mulch, par opposition au slash and burn (défriche-brûlis). Le
slash and mulch consiste à cultiver un abattis sans utilisation du feu (cf. la synthèse de D.H.
Thurston, 1997, sur ces systèmes).
Le slash and mulch est plus particulièrement décrit dans des zones très humides, où le brûlis
est difficile (côte Pacifique de l'Amérique Centrale et de la Colombie, bassin amazonien,
Papouasie Nouvelle Guinée...). Les plantes cultivées (maïs, haricots, riz, bananiers, manioc...)
sont semées ou repiquées dans une forêt primaire ou une jachère. Une fois le matériel végétal
en place, la végétation est abattue, in situ, ce qui forme un mulch au travers duquel les plantes
cultivées vont se développer. La présence du mulch permet d'éviter tout sarclage, et sa
décomposition rapide sous ces climats fournit les éléments minéraux nécessaires aux plantes
cultivées. Ce système n'implique pas d'outils de travail spécifiques : la machette suffit.
Un type particulier de slash and mulch consiste à exploiter des jachères herbacées : c'est
apparemment le système slash and mulch le plus répandu actuellement. Il concerne le maïs et
surtout le haricot (frijol tapado). Les plantes cultivées sont semées à la volée dans des
jachères courtes, dont la composition floristique sert d'indicateur pour décider de la remise en
culture. Les rendements sont faibles (400 à 500 kg/ha en moyenne), mais ils sont obtenus avec
peu de travail (aucune intervention entre la fauche de l'herbe après semis et la récolte) et sans
intrants. De plus, le mulch limite la propagation de maladies fongiques. Ce système permet
une production agricole durable sur des sols très pentus, souvent les seuls disponibles pour les
petits agriculteurs d'Amérique Centrale (Ehret, 1999). En effet, on a observé ce système sur
des sites où il se perpétue depuis plusieurs générations. Il est basé sur la succession suivante :
une à quelques années de culture / une à quelques années de jachère, les périodes variant selon
les cas.
En 1992, le système tapado concernait près de la moitié de la production de haricots au Costa
Rica. En dehors de l'Amérique Centrale, il a également été observé dans le sud du Cameroun.
Nous verrons ultérieurement que dans certains sites d'Amérique Centrale, des agriculteurs ont
mis au point spontanément des SCV en introduisant des plantes de couverture (cf. le système
maïs-Mucuna au Nord-Honduras décrit plus loin). Nous pouvons nous demander dans quelle
mesure ces agriculteurs ne se sont pas inspirés des systèmes tapado traditionnels, l'innovation
consistant à introduire une plante de couverture choisie afin d'améliorer la jachère herbacée.
17
II. Mise au point et diffusion des SCV "modernes" en zone tempérée
Nous qualifions les SCV de « modernes » à partir du moment où ils font intervenir au moins
un des trois éléments suivants : implantation d'une plante de couverture spécifique, épandage
d'herbicides, utilisation d'un semoir spécifique pour semer à travers la couverture. L’essentiel
des informations concernant l’historique de ces SCV provient d’un travail bibliographique de
M. Raunet, en cours de réalisation.
2.1. L'expérience américaine
C'est aux Etats-Unis, en 1962, que les nouvelles techniques de semis direct sur couverture
végétale ont commencé à être pratiquées en vraie grandeur, après une phase expérimentale et
pionnière de vingt ans.
2.1.1. Emergence des nouvelles techniques de semis direct sur couverture végétale (de
1900 aux années 60)
Plusieurs facteurs sont à l'origine de ces techniques.
- Le premier facteur est d'ordre environnemental.
Dès le début du vingtième siècle, les principales zones de production agricole des Etats-Unis,
(le Nord-Est, la Corn Belt et les Grandes Plaines semi-arides), sont affectées par de très
graves problèmes d'érosion hydrique et éolienne, consécutifs à une utilisation intensive de la
motorisation agricole, avec des passages répétés d'outils à disques de travail du sol. Ainsi,
dans les années 30, l’érosion éolienne a provoqué un nuage de poussières spectaculaire (le
Dust Bowl), résultat de la destruction de 400 000 hectares de terres cultivées. Ce phénomène
s'est reproduit dans les années 50 (1955-57), et demeure une menace encore aujourd'hui. Dans
le même temps, le pays a souffert de dégâts considérables par ravinements, dans les
Appalaches, l'ouest du Tennessee, le nord de la Louisiane et du Mississipi.
Face à ces problèmes et tenant compte d’une opinion publique particulièrement sensibilisée,
le gouvernement américain prend des mesures pour la préservation des sols. En 1935, le Soil
Conservation Service de l'USDA (Ministère de l'agriculture) est institué. Des primes
incitatives à l'adoption de mesures anti-érosives (comme la confection de banquettes), ainsi
qu'à la mise en jachère des terres les plus dégradées sont créées. Ces mesures se révèlent
néanmoins insuffisantes. En 1937, le Conservation Service de l'Etat du Nebraska dans les
Grandes Plaines met au point un ensemble de techniques qui consistent à laisser entre les
périodes de culture un mulch de résidus de récolte, et à ne travailler le sol que légèrement en
surface pour préparer le semis de la culture suivante : c'est le stubble mulch farming. Baptisé
depuis mulch-tillage, ce système marque le début d'une nouvelle façon d'exploiter le milieu :
le conservation tillage. Le conservation tillage se définit comme l'ensemble des techniques de
travail minimum du sol qui permettent de conserver au moins 30% de la surface du sol
couverte par des résidus végétaux lors de la mise en place de la culture suivante (Allmaras et
al., 1994 ; Uri, 1999).
- Le second facteur est l'apparition des herbicides chimiques : leur sortie sur le marché
permet de remettre en question l'utilité d'un labour, dont l'une des premières fonctions est
justement le contrôle des adventices.
18
La recherche sur les herbicides a débuté dès 1922, en Allemagne et au Pays Bas. Mais elle n’a
commencé à affecter les techniques d'implantation des cultures qu'à partir de 1944. Le coup
d'envoi est donné par la mise sur le marché du 2-4 D amine par la firme anglo-saxonne
Imperial Chemistry Industry (ICI) : c'est un herbicide qui élimine les dicotylédones, à
caractère non rémanent, qui permet de rénover chimiquement les pâturages sans effectuer de
retournement par labour. On commence alors à parler de labour chimique. En 1958 sort
l'atrazine, herbicide sélectif du maïs et du sorgho, à caractère rémanent cette fois. Mais l'étape
décisive a été la commercialisation par ICI en 1960 du paraquat (gramoxone) et du diquat
(reglone), herbicides totaux de contact (desséchants). En effet, s'inactivant au contact du sol,
donc sans effets résiduels, ces herbicides permettent la réalisation très rapide d'un semis après
leur épandage. Par la suite, les innovations dans le domaine des herbicides ont été
nombreuses, avec notamment la mise au point du glyphosate (round up) dont le coût est peu
élevé, et l'apparition de nouveaux herbicides de post-levée de plus en plus sélectifs qui
permettent de perfectionner la lutte contre les adventices.
- Le troisième facteur est la création en 1961, par la firme Allis-Chalmers, du premier semoir
pour semis direct en traction motorisée : il permet de couper le mulch en ouvrant un sillon,
avant de déposer les graines dans le sol.
Parallèlement, pendant la période 1944-60, les recherches agronomiques sur l'emploi des
herbicides se multiplient, dans les institutions publiques comme dans l'industrie (secteurs de
l’agrochimie et des équipements). Des expérimentations sont réalisées en association avec les
agriculteurs en Grande Bretagne et aux Etats-Unis. Les premières recherches importantes sont
menées par des agropastoralistes, sur le thème de la rénovation de pâturages sans labour (de
1947 à 1952). Puis les travaux s'orientent sur le semis direct de maïs dans des pâturages
détruits chimiquement (1952, 1960). L'idée de mettre en place une couverture vivante dans
laquelle on sème directement le maïs est étudiée en Nord Caroline en 1967 : il s'agit d'un
gazon de fétuque affaibli avec de l'atrazine. Des recherches concernent aussi d'autres cultures
que le maïs.
2.1.2. Diffusion de ces nouvelles techniques
A partir de 1962, date qui correspond à l'arrivée du paraquat sur le marché américain, le semis
direct avec conservation des résidus connaît une très grande expansion aux Etats-Unis.
Initiée par Harry Young Jr., agriculteur du Kentucky encadré par un agronome (Shirley
Phillips), la diffusion de ces nouvelles techniques en milieu agricole passe par la Virginie,
avant d'atteindre tout le pays. D'abord appliqué au maïs, le semis direct avec conservation de
résidus gagne d'autres cultures, à commencer par le soja et les céréales à petites graines (blé
d'hiver, orge...), puis le cotonnier, le sorgho, le tabac, les légumes et l'arachide. Concernant le
cotonnier, le semis direct derrière des cultures d'hiver (blé, trèfle, vesce, seigle) n'a vraiment
démarré qu'à la fin des années 80.
Le no-tillage (semis direct) figure dorénavant parmi les techniques de conservation tillage. Sa
diffusion est facilitée par un effort de communication très important : organisation de
nombreuses conférences à partir de 1972, rédaction d'un journal de vulgarisation agricole,
création d'associations, ouverture d'un centre d'information destiné aux agriculteurs,
foisonnement de conférences et de publications scientifiques... Il en résulte une augmentation
remarquable des superficies cultivées en no-tillage, comme le montre le tableau 1.1.
19
Tableau 1.1 : Evolution des superficies cultivées en semis direct
avec conservation de résidus (no-tillage) aux Etats-Unis
Date
1972
1978
1985
Superficie en no-tillage (ha)
Type de culture semée
1 200 000
Maïs soja sorgho
3 000 000
Idem + blé
5 000 000
Idem + cotonnier, arachide...
18 000 000 (15% de la
Idem
surface en cultures annuelles)
Source : M. Raunet (en cours)
1997
Il faut remarquer qu'aux Etats-Unis, entre le semis direct (le no-tillage) et le travail du sol
conventionnel, d'autres formes de conservation tillage sont pratiquées (cf. encadré), qui
concernent environ 30% des superficies de cultures annuelles du pays en 1997.
Conservation tillage : définitions (d’après Uri, 1999)
Conservation tillage : ensemble des techniques de travail minimum du sol qui permettent de
conserver au-moins 30% de la surface du sol couverte par des résidus végétaux lors de la mise
en place de la culture suivante, pour contrôler l'érosion hydrique et éolienne.
Il existe plusieurs techniques :
- No-tillage : semis direct.
- Ridge-tillage : idem, mais semis sur billon. Les résidus de culture sont accumulés entre les
billons.
- Mulch-tillage : semis sur mulch. Le sol est légèrement travaillé avant le semis.
- Strip-tillage : travail du sol en bande. Les résidus de culture sont repoussés pour former une
bande de sol nu où le semis est effectué.
- Minimum tillage : réalisation d'un labour réduit.
Il faut noter qu'aux Etats-Unis, notamment dans la région Centre-Nord et dans l’Est, des
recherches portent sur d'autres types de SCV, avec cette fois l'implantation de plantes de
couverture spécifiques. Le principal problème réside dans la survie de ces plantes pendant
l'hiver, sans parler de la nécessité de précipitations suffisantes (au-moins égales à 500 mm par
an) (Allmaras et al., 1994).
20
2.2. L'Australie du Sud-Ouest : une expérience comparable à celle des Etats-Unis
C'est au sud du continent, à climat méditerranéen (pluviométrie moyenne de 550 mm), que
l'agriculture australienne a fait ses débuts, avec pour modèles la Grande Bretagne puis les
Etats-Unis. Les systèmes agricoles actuels reposent sur de grandes exploitations motorisées,
centrées sur des activités d'élevage. Au début, l'utilisation de la charrue à socs anglaise, à
traction équine, était généralisée. Mal adaptée aux sols argileux ou caillouteux et aux
conditions sèches, elle a été supplantée par les disques, comme aux Etats-Unis, à partir de
1900.
D'une monoculture de blé sans jachère au début du siècle, les agriculteurs sont passés à la
pratique du dry farming de 1910 à 1930. Cette pratique consiste à installer une jachère de
quinze mois, nue et travaillée (pulvérisée ou hersée) afin de conserver l'humidité sous un
mulch de terre et empêcher la germination des adventices. Un labour y est préalablement
réalisé en début d'automne, pour les semis d'automne de l'année suivante. Dans les années 30,
ce système a été en partie remplacé, d'abord par une jachère travaillée plus courte de huit à dix
mois avec brûlis des résidus, puis par des rotations céréales/pâturages à légumineuses avec
travail du sol, appelées ley farming, adaptées à l'élevage de moutons. C'est en 1950 que le rôle
bénéfique des résidus de récolte est enfin reconnu : la pratique du brûlis disparaît. A partir de
1960 le stubble mulch farming (mulch-tillage) se développe progressivement, annonçant le
semis direct avec conservation des résidus.
Comme aux Etats-Unis, la société ICI (actuellement ZENECA) a joué un rôle majeur dans le
développement du semis direct. La commercialisation du paraquat par l'entreprise en 1964
avait déjà ouvert de nouvelles perspectives à la recherche agronomique publique, et à
quelques agriculteurs précurseurs. Ensuite, les expérimentations en association avec les
agriculteurs se sont multipliées, dont certaines sont prises en charge directement par ICI.
L'adoption réelle par les agriculteurs du semis direct sur sol couvert n'a cependant démarré
qu'en 1971, dans le sud-ouest, avec la commercialisation, toujours par ICI, du Spray Seed,
mélange de paraquat et de diquat. En 1980, la commercialisation du glyphosate permet au
semis direct sur couverture végétale de se diffuser de façon très rapide sur les cultures d'hiver
(céréales). En quatre ans, de 1979 à 1983, les superficies concernées passent de 260 000 à
3 079 000 hectares pour les quatre Etats à climat méditerranéen de l'Australie méridionale.
Mais il ne faut pas oublier que le boom du semis direct a été permis aussi grâce à la mise au
point de semoirs spécialisés en traction motorisée.
Cette avancée du semis direct a marqué l'abandon progressif des jachères travaillées, et a
permis de perfectionner le système du ley farming : le blé est implanté en semis direct dans la
légumineuse (luzerne, trèfle ou lupin), après un épandage de glyphosate. Pendant le cycle du
blé, en saison des pluies, les moutons sont dans les pâturages naturels. Une fois le blé récolté,
en saison sèche, la légumineuse repart rapidement en ressemis naturel pour être mise en
pâture un à trois ans, et ainsi de suite... Avec la luzerne, ce système peut fonctionner quinze
ans.
A partir des années 80, le ley farming sous sa forme moderne s'est également diffusé dans la
partie tropicale semi-aride de l'Australie septentrionale, zone d'élevage extensif, le maïs ou le
sorgho remplaçant le blé.
21
2.3. Bilan
Le semis direct sur couverture végétale avec des techniques nouvelles s’est développé
également dans d'autres pays de la zone tempérée (Canada et Argentine), ce que nous ne
développerons pas ici.
Signalons simplement que dans le cas de la France, on parle surtout de techniques culturales
simplifiées, sans préciser si le sol est oui ou non couvert par des résidus (cf. les travaux de
l'ITCF, Institut technique des céréales et des fourrages, et de l'Ademe, Agence de
l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). Le non-labour est pratiqué depuis les années 70
par des agriculteurs du bassin parisien dans le cadre de rotations maïs/blé, et constitue depuis
cette période un objet de recherche et d'expérimentation. Les objectifs affichés sont pour
l'essentiel une réduction des coûts de mécanisation, et non une lutte contre l'érosion. Les
succès rencontrés en milieu agricole sont pour le moment limités.
En revanche, l'expérience américaine a eu un très grand impact, d'abord auprès des
agriculteurs du pays même, mais surtout à l'extérieur : les techniques mises au point aux
Etats-Unis vont se diffuser dans d'autres pays de la zone tempérée comme le Canada (pour la
culture du blé), mais vont gagner aussi les pays de la zone tropicale, notamment le Brésil. Les
SCV développés aux Etats-Unis impliquent, outre l'épandage d'herbicides et l'utilisation d'un
semoir spécifique, la conservation des résidus de la récolte précédente, avec l’adoption de
rotations permettant d'augmenter la masse de résidus produite. L'expérience australienne, avec
la mise au point des systèmes modernes de ley farming, utilise les mêmes moyens (herbicides,
semoirs spécifiques) mais explore d'autres modalités : utilisation d'un pâturage comme
couverture végétale, qui se reproduit par ressemis spontané après la récolte de la céréale.
A partir de ces deux expériences, Etats-Unis et Australie, nous pouvons dégager les facteurs
qui sont à l'origine du succès de ces nouvelles techniques d'exploitation du milieu :
-
Des problèmes d'environnement forts entraînant une sensibilisation de l'opinion
publique ;
Un environnement technique favorable (mise au point de nouvelles technologies
comme les herbicides) ;
Un environnement scientifique dynamique, privé et public ;
Une implication forte des pouvoirs publics, notamment aux Etats-Unis (primes
incitatives, campagnes médiatiques...).
III. Retour sous les tropiques des SCV sous leurs formes modernes
A partir des pays de la zone tempérée, les nouvelles techniques de semis direct sur couverture
végétale vont gagner les tropiques. Cette diffusion se réalise principalement dans les systèmes
de production motorisés qui génèrent les mêmes problèmes de dégradation des sols qu'aux
Etats-Unis (aggravés par les conditions climatiques tropicales), avec des ressources
financières suffisantes pour adopter cette nouvelle technicité. Mais pas seulement : la
diffusion de ces SCV concerne aussi les agricultures familiales des tropiques, avec des succès
d'ailleurs très variables.
22
3.1. Cas des systèmes de production motorisés et orientés vers le marché : rôle
moteur du Brésil
Le Brésil, où se trouvent de nombreuses exploitations agricoles motorisées de grande taille,
est un lieu privilégié d'application des SCV.
D'une superficie de 8 512 000 km², traversé par l'équateur et le tropique du capricorne, ce
pays, de la taille d'un continent, présente une large gamme de végétation naturelle et de
climat, du type équatorial au type subtropical. Fortement marqué par l'immigration, le Brésil
connaît une grande diversité de populations. Les systèmes de production agricoles sont très
hétérogènes : de petites structures familiales sous-équipées cohabitent avec de grandes
exploitations motorisées tournées vers l'exportation.
Le développement de ces grandes exploitations a été favorisé par la politique menée par les
gouvernements militaires au pouvoir de 1964 à 1984. En effet, en vue d'obtenir rapidement
une agriculture performante tournée vers l'exportation, des mesures particulières ont été
prises : crédit rural qui proposent aux producteurs des taux d’intérêt très bas sur garanties
foncières, soutien financier des grandes filières d'exportation comme celle du soja... Le
développement agricole induit a été fulgurant : essor d’un secteur agro-industriel d’amont et
d’aval, augmentation de l’utilisation de machines agricoles et de produits issus de l’industrie
chimique... Cette politique de modernisation n'a touché qu'une partie de la population, ceux
qui pouvaient investir. En revanche, les petits agriculteurs se sont trouvés fragilisés.
Cependant, par la taille des exploitations concernées, cette politique a touché une part
considérable des terres agricoles du Brésil. On estime en effet que les grandes exploitations
motorisées représentent environ 30% des unités de production du Brésil, mais 70% des
superficies cultivées. Cette politique agricole a également favorisé l'extension des superficies
cultivées dans la partie tropicale humide du pays, avec l'avancée des fronts pionniers en
Amazonie et dans les cerrados à la fin des années 70.
L'importation d'Europe, à partir de 1967, de la mécanisation avec des outils à disques a
provoqué très rapidement des dégâts catastrophiques sur les sols, obligeant les entrepreneurs
agricoles à trouver des alternatives sous peine de disparition. C'est ainsi que les SCV sous
leurs formes modernes ont fait leur apparition au Brésil, dès les années 70. Depuis s'est ajouté
un autre objectif pour la mise en place des ces nouvelles modalités d'exploitation du milieu :
la diminution des coûts de production. En effet, avec la montée des taux d'inflation, la
situation agricole du Brésil s'est progressivement dégradée à partir des années 80 :
augmentation des taux d’intérêts des crédits, blocage des prix des produits agricoles de
première nécessité, augmentation du coût du matériel et des intrants, suppression des prix
agricoles garantis depuis 1994.
C'est dans la zone subtropicale du Brésil, au Sud, dans l'Etat du Parana, que la diffusion des
SCV a débuté (cf. plus loin). En effet, avec son relief en pente, cette région est
particulièrement affectée par l'érosion. La diffusion du semis direct sur couvert végétal s'est
faite sur l'initiative des entrepreneurs agricoles du Nord-Parana, appuyés par la recherche
nationale et internationale ainsi que par les structures d'Etat. Etant donné les conditions
climatiques, elle est inspirée directement des acquis des Etats-Unis. En 1997, 1,7 millions
d'hectares sont concernés dans tout le Parana, avec une concentration des superficies dans le
Nord. Cette diffusion touche également les Etats voisins.
23
Après les systèmes de production motorisés du Sud du Brésil, les nouvelles techniques de
semis direct gagnent la partie tropicale humide du pays à partir des années 80. Mise en valeur
plus tardivement, cette région se caractérise par un milieu plus fragile, des conditions
climatiques "agressives", ce qui accélère encore les phénomènes de dégradation des sols. Le
semis direct sur couverture végétale sous ses formes modernes est pratiqué principalement par
le même type d'exploitations que précédemment, quoique de taille beaucoup plus importante :
il s'agit des grands entrepreneurs privés des cerrados, dans les Etats du Centre-Ouest et de
l'Ouest. Etant donné la différence de climat, de nouvelles modalités sont créées. Dans ce
processus de mise au point-diffusion, la recherche joue-là un rôle essentiel, comme nous le
verrons plus loin.
En 1998, près de 7,5 millions d'hectares sont concernés par le semis direct sur couvert végétal
au Brésil, (dont 4,5 millions en zone subtropicale et 3 millions en zone tropicale), soit 19% de
la surface emblavée en cultures annuelles (Raunet, en cours).
3.2. Cas des petites exploitations agricoles familiales
Toujours à partir de l’expérience du Nord-Parana, les SCV s'étendent pour atteindre cette fois
des exploitations familiales non motorisées. C'est le cas au Sud-Parana, dans la zone
subtropicale du Brésil. La diffusion de ces systèmes, très encadrée par des structures de
recherche-développement, a débuté dans les années 80 et semble pour le moment assez
limitée (cf. partie 2).
Mais des modalités "modernes" de semis direct sur couverture végétale adaptées aux
structures familiales d'exploitation apparaissent un peu partout en zone tropicale, dans les
parties humides comme dans les parties semi-arides, formant un ensemble très diversifié .
Dans certains endroits, des systèmes sont créés spontanément par les agriculteurs. C'est le cas
en zone humide d'Amérique Centrale, au Nord-Honduras, avec le développement dans les
années 70 de l'association maïs-Mucuna, dérivée fort probablement des techniques frijol
tapado. Ailleurs, la recherche joue un rôle essentiel dans le processus de création-diffusion,
avec des succès variables. Les terrains d'expérimentation sont nombreux, avec des objectifs
variables, et touchent l'Afrique, l'Asie, Madagascar, La Réunion, l'Amérique Latine...
IV. Conclusion
A côté des systèmes anciens de type slash and mulch, de nouvelles formes de semis direct sur
couvert végétal appliquées aux cultures annuelles se sont développées dans le monde tropical.
Concernant une large gamme de milieux agroécologiques et de types de systèmes de
production, les modalités de ces systèmes sont très variables. Certaines modalités sont déjà
largement appliquées en milieu agricole, qu'elles s'inspirent des systèmes traditionnels slash
and mulch ou des systèmes mis au point en zone tempérée. D'autres ne sont qu'au stade de
l'expérimentation, ce qui augmente encore la diversité.
Dans la partie qui va suivre, nous proposons d'illustrer cette grande diversité par l'analyse de
quelques cas particuliers, se différenciant par : (1) les types de systèmes de production
concernés (industriels/familiaux) ; (2) le climat (tropical humide/tropical semi-aride) ; (3) le
type d'acteur-créateur de l'innovation (agriculteurs/chercheurs). Nous traiterons en premier le
cas du Parana, zone de transition par excellence, que ce soit au niveau climatique, structures
d'exploitation agricole ou acteurs à l'origine de l'innovation. La situation géographique des cas
étudiés et leurs caractéristiques climatiques figurent en annexe 3.
24
PARTIE 2 : DIVERSITE DES SITUATIONS ET DES MODALITES DE MISE EN
ŒUVRE DES SCV : ETUDES DE CAS EN ZONE TROPICALE
25
Figure 2.1 : Brésil – Régions, Etats et localisation du Parana
Les 5 régions du
Brésil, les Etats et
leur capitale (H.
Thery et al., 2000)
Etats et localisation du Parana
26
A. GRANDE CULTURE MOTORISEE ET PETITE AGRICULTURE FAMILIALE
EN ZONE SUBTROPICALE HUMIDE : L’ETAT DU PARANA AU BRESIL
Traversé au nord par le tropique du Capricorne, l'Etat du Parana se situe dans la partie
méridionale du Brésil (cf. figure 2.1). Avec une superficie de 199 362 km², il représente
seulement 2,4 % de la superficie totale du pays, mais 25 % de la production de grains et un
tiers des produits d'exportation du Brésil.
On peut diviser le Parana d'est en ouest en cinq zones géomorphologiques : la zone littorale,
la zone montagneuse, puis trois plateaux successifs (cf. figure 2.2). Sur ces plateaux, on
observe une prédominance de reliefs fortement ondulés, avec une pente moyenne de 9 % dans
les zones cultivées. Les surfaces planes n'existent quasiment pas au Parana, excepté le long
des cours d'eau.
Figure 2.2 : Carte géomorphologique du Parana
Source : R. Derpsch et al. (1991)
Le climat est influencé principalement par les anticyclones atlantique et polaire. Mis à part la
frange littorale où le climat est de type tropical humide, la grande majorité du pays connaît un
climat subtropical humide, mésothermique, sans période sèche définie, avec une pluviométrie
annuelle moyenne comprise entre 1100 et 1900 mm. Les pluies sont irrégulières : elles
peuvent être d'une très grande intensité, ce qui favorise l'érosion.
27
Il existe un gradient nord-sud positif pour la pluviométrie, mais négatif pour la température :
au nord-ouest les mois d’hiver (de mai à septembre) sont assez chauds et les gelées peu
fréquentes ; au sud-est, ils sont froids et connaissent de fréquentes et sévères gelées. Les
conditions climatiques permettent de cultiver une grande diversité d'espèces au Parana, aussi
bien tropicales que tempérées, avec plusieurs cycles de culture par an. Cependant, les risques
de gelée en hiver, qui s'accentuent vers le sud de l'Etat, limitent l'extension de certaines
cultures. Le café est ainsi cantonné au nord de l'Etat (cf. plus loin figure 2.4).
Au Parana, la plupart des habitants actuels descendent d'immigrants allemands, italiens,
suisses et est-européens, installés dans la région depuis la fin du 19ème siècle. La mise en
valeur agricole de l'Etat est relativement récente, comparativement au reste du Brésil, mais
elle a connu une progression rapide (Daverat, 1996). Après l'exploitation de l'or, du bois, du
maté, et des grandes aires de pâturage par de l'élevage extensif, la colonisation agricole
systématique du Parana commence dans les années 1920, avec l'apparition d'une agriculture à
des fins commerciales. Au nord, le développement de la culture de café, débordant des Etats
voisins, donne une formidable impulsion à l’agriculture locale, et entraîne une explosion de la
population : le Nord-Parana regroupe maintenant les deux tiers des habitants de l'Etat
(Rachou, 1997). A l’ouest et au sud-ouest, des migrants originaires des Etats du Sud, attirés
par les terres disponibles, mettent en place des petites exploitations familiales de polyculture
élevage (maïs, haricot, porcs). La mise en valeur agricole gagne rapidement tout le Parana :
encore recouvert de forêts à la fin du 19ème siècle, l'Etat ne présente plus qu'une superficie
forestière de 7 % en 1984 (Bousquet et Holveck, 1996). Dès 1950, le Parana devient un des
Etats agricoles les plus dynamiques du Brésil.
Cependant, le Parana ne présente pas du tout un ensemble homogène. Nous pouvons
notamment distinguer deux régions bien contrastées : le Nord, où une agriculture motorisée
s'est développée, avec comme cultures principales le soja et le blé, qui ont succédé à la
caféïculture ; au Centre-Sud, on observe une agriculture familiale basée sur l'utilisation de la
traction animale, avec comme cultures principales le maïs, le haricot et le tabac. Dans la suite
du texte, nous illustrerons le cas Parana à l'aide de deux exemples, pris dans ces deux régions
contrastées.
I. Le Nord-Parana : exemple du site de Rôlandia
Cet exemple est traité à partir des écrits de E. Bousquet et S. Holveck (1996), M. Daverat
(1996), O. Micos (1999), B. Palmans et E. Van Houdt (1998).
1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
1.1.1. Le milieu naturel
Juste au nord du tropique du Capricorne, le site de Rôlandia se trouve dans la partie nordouest du troisième plateau (Planalto de Guarapuava), à une altitude comprise entre 600 et
800 m. La pente moyenne (sud-ouest/nord-est) est de 7%, avec une partie presque plane en
hauteur, suivie d'une pente plus prononcée (22 %) (cf. figure 2.2).
28
La pluviométrie moyenne annuelle est comprise entre 1300 et 1500 mm. Les pluies se
répartissent tout le long de l'année, mais se concentrent durant les mois d'été, de décembre à
février (cf. annexe 3). La pluviosité est très irrégulière, avec des orages souvent violents (plus
de 100 mm en 24 heures).
La température moyenne annuelle varie entre 20 et 22°C. Les maxima surviennent pendant le
mois de janvier (température moyenne de 25°C), et les minima pendant le mois de juillet
(moyenne de 17°C). Il y a des risques de gelées nocturnes durant l'hiver, pendant les mois de
juin et juillet, et surtout en bas de versant : c'est la contrainte majeure pour les cultures de café
et de canne à sucre, et dans une moindre mesure, pour celle du blé.
On distingue deux substrats géologiques : du grès, avec la formation de sols plus légers en
haut de bassin ; du basalte en aval, avec des sols argileux et riches en éléments minéraux. Les
sols sont de type ferrallitique (oxisols et alfisols sur basalte, ultisols sur grès).
1.1.2. Histoire agricole de la région
Les terres sont restées recouvertes de forêts, propriété de l'Etat, jusqu'à la fin du dix-neuvième
siècle. Plusieurs vagues de pionniers se sont alors succédées, les uns venant de l'Etat de Sao
Paulo suite au déclin de la culture de café, les autres de Minas Gerais, chassés par
l'épuisement des mines. L'objectif essentiel de ces pionniers était d'installer de nouvelles
plantations de café. Au début des années 1920, se déclenche une nouvelle vague de
peuplement, mais planifiée cette fois, et toujours organisée autour de la production de café.
Une ligne de chemin de fer est construite pour faciliter la commercialisation de la production.
La majorité des migrants provient des exploitations caféières de l'Etat de Sao Paulo, employés
et propriétaires, descendants de colons italiens et allemands. Des immigrants viennent
également du Japon et d'Europe : il existe une importante communauté allemande à Rôlandia,
qui a fui le nazisme et qui se trouve être à l'origine de la création de la commune en 1932.
La culture de café dans la région a connu un essor important dans les années 40, pour décliner
au début des années 60, suite à une crise économique et à de fortes gelées. La grande gelée de
1975 a marqué la fin de la caféïculture. Accompagnée d'un exode rural important, la
reconversion est rapide : à partir des années 70, les superficies cultivées en soja destiné à la
transformation industrielle explosent. L'utilisation de la motorisation se généralise, ainsi que
l'emploi des engrais chimiques et des pesticides au début des années 80. Culture d'été, le soja
est cultivé en séquence avec une céréale d'hiver (blé, avoine, triticale).
Actuellement, les grandes cultures annuelles, soja et blé, prédominent dans la région : ce sont
les deux seules cultures dont la commercialisation est organisée. Mais on trouve aussi de la
canne à sucre et du maïs, cultivé en été et/ou en hiver (cf. figure 2.3). Des activités d'élevage
bovin pour la viande se sont également développées, les terres les plus mauvaises étant
laissées en pâturages. L'aire de culture s'étend sur toutes les surfaces mécanisables, du haut en
bas de pente. On observe un ordre de répartition des cultures d'hiver le long de la
toposéquence : en bas près des cours d'eau, là où les risques de gelée sont plus forts, on trouve
surtout les pâturages et l'avoine ; à mi-pente, c'est le blé et le maïs. Le café résiduel et la canne
à sucre, sensibles au gel, sont localisés en haut de la toposéquence.
29
Figure 2.3 : Calage des cycles de culture dans le Nord-Parana
Maïs safrinha = maïs en culture dérobée
Périodes de semis optimales :
- Le maïs d’été connaît une période de risque de stress hydrique pendant la floraison : il faut
le semer le plus tôt possible, de septembre à fin octobre.
- Le soja est photopériodique : il faut le semer plus tard, d’octobre à mi-décembre, de façon
à ce qu’il bénéficie au maximum des jours les plus longs.
- Le blé doit être semé entre le 1er mai et le 10 juin pour que la floraison n’ait pas lieu au
moment des gelées les plus fortes.
er
- L’avoine peut être semée du 1 avril au 31 juillet, selon les objectifs de production (en
avril pour le grain, en juin pour le pâturage, en juillet pour l’engrais vert).
Source: E.Bousquet et S.Holveck (1996), M.Daverat (1996), B.Palmans et E.Van Houdt (1998)
1.1.3. Les unités de production
La région regroupe actuellement plusieurs types d'unité de production.
-
-
-
T1 : petites exploitations où s’est maintenue la caféïculture traditionnelle. La superficie
cultivée va de 10 à 20 hectares. La main d'œuvre est essentiellement familiale, complétée
ou non par des salariés.
T2 : petites exploitations de 1 à 10 hectares. Les chefs d’exploitation exercent une double
activité, à proximité des villes (production de fromage, vente de fruits...) ou pratiquent une
petite agriculture très intensive.
T3 : exploitations dont l'activité principale est l'élevage bovin extensif.
T4 : exploitations de taille moyenne (autour de 20 hectares), où se pratique un élevage
intensif diversifié, avec une monoculture de maïs pour produire des grains et/ou de
l'ensilage. Les chefs d'exploitation sont propriétaires du matériel de travail du sol. La main
d'œuvre est familiale ou salariée.
30
-
-
-
T5 : exploitations de taille moyenne (entre 15 et 30 hectares en propriété), associant
l'élevage laitier sur terres caillouteuses au système de culture soja/blé. Descendants
d'Européens, les chefs d'exploitation ne sont pas toujours propriétaires du matériel de
travail du sol.
T6 : grandes exploitations où se pratique essentiellement un système de culture à base de
soja et de blé destinés à la vente. Les agriculteurs allemands prédominent dans cette
catégorie d'unité de production. Les superficies cultivées sont supérieures à 100 hectares,
en propriété exclusive. La main d'œuvre est mixte (familiale et salariée). En plus du soja
et du blé, on peut trouver de la culture de canne à sucre (qui n'entre pas en rotation avec
les précédentes), de l'arboriculture fruitière et de l'élevage extensif pour la viande. C'est
dans ce dernier type d'unité de production que l'on rencontre le plus haut degré de
technicité, avec achat du matériel agricole en Europe.
T7 : grandes exploitations de 80 à 300 hectares, dont une grande partie des terres est
louée. Elles appartiennent à des descendants de producteurs de café, immigrants
européens, qui ne logent pas sur l'exploitation. La main d'œuvre est uniquement salariée.
Les principales cultures sont le blé et le soja.
Les exploitations de type T6 sont très largement majoritaires dans la région. De façon plus
générale, ce sont les systèmes de culture soja/blé qui sont les plus répandus (70% des
superficies), et qui posent le plus de problèmes d'érosion. En effet, ils nécessitent deux
préparations du sol par an, avec une faible production de paille, contrairement aux systèmes
basés sur le maïs. Toute l'histoire du semis direct sur couvert végétal au Parana a pour acteurs
principaux les agriculteurs de type T6. Pour toutes ces raisons, dans la suite de l'ouvrage, nous
nous limiterons à l'étude des systèmes soja/blé, qui concernent les trois derniers types
d'exploitation définis précédemment (T5, T6, T7).
1.1.4. Description des conduites techniques conventionnelles des systèmes soja/blé
Chaque année, le soja est cultivé l'été, et le blé l'hiver. Les modalités de préparation du sol
sont inspirées directement des pratiques développées en Europe. Elles comprennent les
interventions suivantes :
- Brûlage des résidus de récolte ;
- Passage d'une charrue à disques, plus facile d'emploi sur sols argileux que la
charrue à socs, ou passage d'une déchaumeuse qui travaille plus vite ;
- Passage d'un pulvériseur à disques afin de niveler le sol et de rompre les mottes de
terre pour faciliter la germination ;
- En cas de sol tassé, passage d'un scarificateur pour décompacter.
Si on replace les interventions techniques mécanisées dans le cadre de la succession annuelle
soja en été puis blé en hiver, on observe l'ordre suivant sur une même parcelle :
-
En été, un travail profond du sol systématique, avec la charrue ou le scarificateur ;
Un ou deux passages du pulvériseur (il peut y avoir jusqu'à cinq passages en cas de
retard de semis) ;
Semis du soja, puis traitements phytosanitaires et désherbages (plusieurs passages
de pulvérisateur) ;
Récolte du soja (avec une moissonneuse batteuse) ;
Un ou deux passages du pulvériseur ;
Semis du blé, puis traitements et épandage d'engrais ;
Récolte du blé.
31
Ce système nécessite deux semoirs conventionnels : un pour les cultures d'hiver (blé, avoine,
triticale) qui pose les graines en lignes continues, un pour les cultures d'été (soja, haricots) et
pour le maïs, qui dépose les graines à intervalles fixes.
1.1.5. Performances des systèmes de culture soja/blé
Les rendements moyens observés sont d’environ 2 à 2,5 tonnes par hectare pour le soja ainsi
que pour le blé.
Les systèmes techniques mis en œuvre ont provoqué des problèmes d'érosion catastrophiques.
Les premières manifestations sont survenues dans les années qui ont suivi la déforestation. En
effet, les plantations de caféiers n’étaient pas réalisées en courbes de niveau, sans compter que
les plants de café ne permettent pas un bon recouvrement du sol par rapport à l'intensité des
pluies. Puis les phénomènes érosifs se sont particulièrement aggravés avec la généralisation
de la mécanisation et le développement des cultures annuelles et des pâturages : dès le début
des années 70, des ravines de plus de deux mètres de profondeur pouvaient être observées. On
assiste également à une forte compaction des sols argileux.
Ces phénomènes entraînent des baisses de rendements, et par conséquent, un appauvrissement
des producteurs. Rappelons que si ces problèmes sont particulièrement accrus sur les surfaces
cultivées en soja/blé, ils touchent aussi les systèmes à base de maïs et aussi de pâturages,
rénovés par un travail profond à la charrue, suivi de plusieurs passages de pulvériseur...
Dès le début des années 70, l'Institut Agronomique du Parana (IAPAR) a fait des recherches
sur les techniques de conservation du sol. Parallèlement, les institutions d'Etat se sont
mobilisées, en association avec les coopératives agricoles, très importantes dans la région. Ces
actions ont abouti à la construction d'aménagements antiérosifs, qui structurent aujourd'hui le
paysage du Nord du Parana. Mais ces aménagements n’ont pas résolu les problèmes de
tassement du sol. C'est alors que le semis direct sur couverture végétale est apparu comme
l'alternative la moins dommageable pour le milieu.
1.2. Le semis direct sur couverture végétale : un système développé par les
producteurs de soja et de blé, appuyés par la recherche-développement
Le semis direct sur couverture végétale a été introduit au Nord-Parana au début des années 70.
Les premiers travaux de recherche ont débuté en 1970 avec l'IAPAR et la GTZ (Deutsche
Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit) en 1977. Les structures d'Etat, les firmes
privées, les coopératives, les agriculteurs regroupés en fondation, tous se sont mobilisés. Mais
l’adoption du semis direct sur couverture végétale en milieu agricole s'est faite à l’initiativemême de quelques producteurs, notamment ceux du type T6. En effet, conscients de la gravité
du problème, ils importèrent le matériel nécessaire au semis direct d'Europe et des Etats-Unis.
Dans cette histoire, Herbert Bartz joua le rôle de pionnier : en 1972, il part en Grande
Bretagne et aux Etats-Unis, rencontre Harry Young, ramène au Parana un semoir américain
(Allis Chalmers) et un semoir anglais (Rotocaster). Dès son retour, il met en pratique dans sa
propriété à Rolândia ce qu'il a vu, bientôt suivi par d'autres agriculteurs.
En 1976, 500 agriculteurs adoptent le semis direct sur couverture végétale, puis la diffusion se
ralentit, freinée par le manque de matériel et d'herbicides. Une progression importante a lieu
en 1979, avec l'apparition de nouveaux herbicides et de nouveaux semoirs plus performants.
32
Mais le véritable boom du semis direct sur couverture végétale a lieu au début des années 90.
En 1999, on estime que 90% des agriculteurs soja/blé de Rolândia l'ont adopté, partiellement
ou totalement.
1.2.1. Principes et description des SCV
Il s'agit de semer la culture d'été et la culture d'hiver sans travailler le sol au préalable, en
maintenant une couverture du sol en inter-culture. L'avantage de la période froide est qu'elle
entraîne une décomposition lente des résidus de récolte, d'où la possibilité de former un mulch
avec ces résidus.
Par rapport aux systèmes conventionnels, le semis direct sur couverture végétale implique
donc de ne plus brûler les résidus de récolte, de remplacer les travaux du sol par l'épandage
d'herbicides, et de semer à travers un mulch. Mais de plus, il implique une modification des
rotations afin d'augmenter la biomasse de résidus "produite", trop faible dans le système
soja/blé pour recouvrir le sol.
De nouvelles rotations sont construites sur les bases suivantes : (1) remplacement du soja par
du maïs, du mil ou du sorgho ; (2) remplacement du blé par de l'avoine blanche, du maïs en
culture dérobée (safrinha), ou par la culture d’engrais verts (avoine noire, navet fourrager,
colza, millet...).
Outre le fait de recouvrir le sol, les engrais verts présentent plusieurs intérêts : ils sont source
de matière organique, ils limitent l'évaporation directe du sol, diminuent les amplitudes
thermiques à la surface du sol (préjudiciables au développement des bactéries des nodules), et
ont un effet allélopathique sur les adventices (exemple de l'avoine noire).
Le maïs safrinha est une variété de maïs qui produit beaucoup de matière organique. Cette
culture ne peut être semée qu'en février : pas plus tôt car elle succède à la culture d'été, ellemême récoltée début février (soja, maïs) ; pas plus tard à cause des risques de gelées (cf.
figure 2.3). Cette culture est récente dans le Nord-Parana, où elle a été introduite depuis la
baisse de rentabilité du blé. Afin de la semer tôt, il est nécessaire de sélectionner des variétés
de soja et de maïs d'été plus précoces, récoltées en janvier, à moins de la semer après un
engrais vert.
La répétition chaque année des séquences soja l'été/blé l'hiver serait avantageusement
remplacée par la rotation suivante, sur quatre ans : soja/engrais vert - maïs/blé ou avoine soja/blé ou avoine - soja/blé ou avoine.
1.2..2. Performances et faisabilité en milieu agricole des SCV
De façon générale, le semis direct sur couverture végétale permet :
- de réduire les pertes du sol par érosion ;
- de mieux retenir l'eau dans le sol ;
- de favoriser la vie biologique dans le sol ;
- de limiter la fertilisation ;
- de gagner du temps sur les travaux d'implantation, d'où une augmentation des jours
disponibles pour semer, ce qui est essentiel pour caler les cycles de culture par rapport
aux contraintes climatiques ;
- de limiter le nombre de passages avec le tracteur, d'où une diminution des charges en
carburant et une limitation du tassement du sol.
33
Dans la littérature, on parle de différence non significative à propos des rendements obtenus
avec semis direct sur couverture végétale. Mais les agriculteurs sur sols basaltiques parlent
d'une augmentation de rendement de 30% après quelques années. De plus, le semis direct sur
couverture végétale permet de cultiver 10% de terre supplémentaire, gagnée sur des sols très
pentus.
Compte tenu des problèmes d'érosion qu'il permet de réduire, le semis direct sur couverture
végétale évite la dégradation des rendements au cours du temps et représente un moyen
essentiel pour pérenniser cette agriculture.
Cependant, outre les avantages que nous avons cités précédemment, le semis direct sur
couverture végétale présente des contraintes que nous allons présenter.
1.2.2.1. Besoins en intrants et équipements
Les unités de production concernées par les SCV utilisaient déjà les herbicides en systèmes
conventionnels. Dorénavant, la suppression du travail du sol nécessite une utilisation
renforcée de ces herbicides, donc un coût plus élevé, et surtout, une bonne connaissance des
produits et de leur utilisation. Cette maîtrise de la lutte chimique n'est pas acquise par tous les
agriculteurs, et certaines parcelles sont fréquemment envahies par les adventices.
Le semis à travers un mulch nécessite un semoir de précision spécifique, adapté aux terres
argileuses, ce qui n'était pas le cas des premiers équipements utilisés. Les semoirs les plus
récemment développés dans le Nord-Parana sont capables de couper la végétation en place
avec les restes de la culture antérieure (avec des disques coupants), et de tracer un sillon où
sont placées les graines. Pour le soja, il est nécessaire d'ouvrir la terre avec un couteau monté
entre les disques coupants et les disques "déposeurs de graines". Afin d'améliorer le contact
entre les graines et les sols argileux, les semoirs sont équipés de roues de compaction qui se
trouvent derrière les disques "déposeurs". Il semblerait que le poids excessif de ces semoirs
favorise un tassement du sol, phénomène que le semis direct sur couvert végétal est censé
justement limiter.
Pour les agriculteurs qui se lancent dans le semis direct sur couverture végétale, il faut
acquérir deux semoirs spécifiques, un pour les cultures d'hiver, un pour les cultures d'été. De
plus, introduire du maïs dans la rotation nécessite un matériel de récolte supplémentaire.
L'investissement à réaliser au départ est donc important. Etant donné les conditions de crédits
plus restrictives depuis quelques années, seuls les agriculteurs les plus riches peuvent se le
permettre. Remarquons qu’en pratique, les agriculteurs utilisent souvent un seul semoir qu'ils
adaptent selon la culture.
1.2.2.2. Les débouchés économiques des cultures introduites dans les rotations
La construction de nouvelles rotations posent aussi des problèmes d'ordre économique.
- Les engrais verts, malgré tous leurs avantages, ne fournissent pas de produits
commercialisables.
34
- Les grains du maïs safrinha, bien que de cycle court, n'arrivent pas à sécher correctement
dans les conditions climatiques du Nord-Parana (hiver froid et saison des pluies qui peut
commencer tôt). Ils ne répondent pas aux normes des coopératives, et posent un problème de
commercialisation. De manière plus générale, les agriculteurs pensent que le maïs est une
culture exigeante au regard des conditions climatiques de la région (risque de stress hydrique
pendant la floraison en décembre et janvier...). Il existe de plus un blocage d'ordre social au
développement de la culture du maïs, considérée comme la production des pauvres.
- L'avoine blanche n'a pas de marché. L'avoine noire était anciennement une culture de rente,
mais aujourd'hui elle est fortement concurrencée par la production du Rio grando do Sul.
1.2.3. Quels agriculteurs sont concernés, et dans quelle mesure ?
Dans la région, la majorité des producteurs de soja et de blé ont adopté le semis direct sur
couverture végétale. Mais la réalité est plus complexe : dans certains cas, le semis direct ne
concerne qu'une partie du parcellaire, et n'est pas pratiqué chaque année, voire ne concerne
qu'un cycle de culture sur les deux pour une seule année. L'introduction de nouvelles cultures
dans les rotations n'est pas systématiquement pratiquée : le maïs reste sous-utilisé, et l'usage
des engrais verts se résume à l'implantation d'avoine.
Ces faits se déclinent différemment selon les types d'unité de production.
- Les agriculteurs des exploitations moyennes avec élevage (type T5) ont très peu adopté le
semis direct sur couverture végétale, faute de moyens pour acquérir l'équipement. Créer des
CUMA, ou emprunter les semoirs à d'autres producteurs seraient des solutions envisageables,
mais le matériel doit être disponible pour des périodes de semis réduites. Ces producteurs
pratiquent des rotations annuelles soja/blé ou avoine en systèmes conventionnels, l'avoine
étant fauchée ou ensilée pour l'élevage. Le maïs est très peu cultivé faute de matériel de
récolte.
- Les agriculteurs novateurs du type T6 ont bien sûr majoritairement adopté le semis direct sur
couverture végétale. Cependant, ils continuent à pratiquer un sous-solage sur les sols les plus
tassés. De plus, ils réalisent souvent un passage de pulvériseur avant d'implanter l'avoine, par
souci d'économie. C'est dans ce type d'unité de production que l'on retrouve les rotations les
plus diversifiées. Toutefois, en hiver, l'avoine est préférentiellement cultivée (80 % des
superficies) pour nourrir les troupeaux bovins, avec un peu de navet fourrager. En été, le soja
prédomine toujours. Le maïs d'été concerne 40 à 50 % des superficies, proportion jamais
dépassée étant donnés les risques de sécheresse encourus à la floraison.
- Les agriculteurs des grandes exploitations de type T7 ont adopté le semis direct sur
couverture végétale de façon récente (depuis 1993), sur au moins une partie des superficies
cultivées. Cependant, ils n'ont que peu modifié les rotations, et réalisent une préparation
traditionnelle du sol de façon périodique pour le décompacter et lors de la réalisation d’un
chaulage. En hiver, ils cultivent essentiellement du blé (80 % des superficies), ou de l'avoine,
suivant l'évolution du prix du blé. En été, le soja recouvre 70% des surfaces, et le maïs 30%.
35
En définitive, on retrouve deux grands types de semis direct sur couverture végétale dans les
systèmes soja/blé :
- semis direct avec introduction dans les rotations de cultures productrices de
biomasse ;
- semis direct avec une modification mineure des rotations soja/blé, et un travail
mécanique périodique du sol. C'est le type le plus répandu.
Et si on reprend les statistiques régionales sur les systèmes soja/blé à la fin des années 90 : en
été, le soja occupe 60 à 80% des superficies, le reste étant cultivé en maïs ; en hiver, le blé
occupe 80% des superficies, et l'avoine 20%. Ces proportions évoluent selon la conjoncture
économique.
1.3. Conclusion
Le semis direct sur couverture végétale a eu un impact formidable dans la région de Rôlandia,
et plus généralement dans tout le Nord du Parana, ainsi que dans les Etats voisins (Sao Paulo,
Rio Grande do Sul, Santa Catarina). Rappelons-en les facteurs principaux : des problèmes
d'érosion catastrophiques, des agriculteurs novateurs qui disposent de moyens financiers
importants, le transfert d’une technologie déjà existante, importée pour l'essentiel des EtatsUnis avec des adaptations mineures, un environnement institutionnel favorable avec des
programmes de recherche-développement actifs... Cependant, les modalités d’application des
SCV varient selon les agriculteurs, un des problèmes étant la trop faible diversification des
cultures, très dépendante de la conjoncture économique.
Le semis direct sur couverture végétale permet de limiter efficacement l'érosion. Cependant,
suivant la façon dont il est pratiqué, il peut engendrer lui aussi des phénomènes de tassement
des sols. Ceux-ci seraient dus, outre le poids des semoirs de précision, à des quantités de
résidus insuffisantes, suite à la faible introduction de plantes productrices de biomasse. D'où
la nécessité de réaliser un sous-solage tous les trois ou quatre ans, ce qui induit un surcoût.
Cependant, il est nécessaire de replacer le Nord-Parana dans le contexte plus large du Brésil.
Les changements économiques récents (baisse du prix du blé) et à venir (baisse du prix du
soja prévisible) risquent d'entraîner une modification profonde des assolements et des
rotations. Le Nord-Parana a connu un développement basé sur le café, puis sur le soja
industriel. Or, il se trouve actuellement en concurrence directe avec les nouveaux fronts
pionniers du Centre-Ouest du Brésil, où des exploitations de très grande taille cultivent
également du soja (cf. la situation des cerrados développée plus loin). Deux perspectives
s'offrent donc aux agriculteurs du Nord-Parana : soit ils migrent, comme d'autres l'ont fait
avant eux, vers le nord, soit ils réorientent leurs activités agricoles vers le marché intérieur.
L'adoption du semis direct sur couverture végétale par les exploitations agricoles motorisées
du Nord-Parana (ainsi que des Etats voisins) a été une étape essentielle à sa diffusion dans le
monde tropical. En effet, de là il va toucher les grandes exploitations agricoles des zones
tropicales humides du pays, sur l’initiative de chercheurs qui se sont inspirés des systèmes du
Parana, mais il va également se diffuser dans des exploitations plus petites à structure
familiale : c'est le cas dans le Sud-Parana, que nous allons maintenant aborder.
36
II. Le Sud-Parana : exemple du site de Ponta Grossa au Centre-Sud
Cet exemple est traité à partir des écrits de M. Rachou (1997).
2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
2.1.1. Le milieu naturel
La zone est située sur le premier et le deuxième plateau du Parana (cf. figure 2.2). Le relief est
plus accidenté que dans le nord, avec 19% de la superficie en forte pente.
La pluviométrie moyenne annuelle est comprise entre 1500 et 1700 mm. La température
moyenne annuelle quant à elle varie entre 14 et 16°C. Les mois d'été les plus chauds
connaissent une température moyenne inférieure à 22°C (décembre, janvier), et les gelées sont
fréquentes l'hiver (cf. annexe 3).
Généralement, les sols sont de texture plutôt sableuse, de faible profondeur et sensibles à
l'érosion. Les cultures se concentrent sur les pentes, où les sols sont moins acides. Les vallées
sont réservées à l'habitat, à la collecte du bois et à l'élevage.
2.1.2. Les systèmes techniques de production agricole
La région a été colonisée par des immigrants de l'Est de l'Europe (ukrainiens et polonais), à la
fin du dix-neuvième siècle. Ces populations ont apporté avec elles la pratique de la traction
équine, et ont mis en place une agriculture familiale diversifiée : les unités de production de
moins de vingt hectares cultivent 50% des terres agricoles de la région. Les cultures
principales sont d'abord le haricot, puis le maïs. On trouve aussi du riz pluvial, du cotonnier,
de l'oignon, de la pomme de terre, ainsi que du tabac, des petits élevages de porcs, de bovins
lait et de volaille. La main d'œuvre est essentiellement familiale. L'utilisation des chevaux et
des mules pour la traction est très répandue.
Les systèmes de culture les plus fréquemment mis en œuvre se caractérisent de la façon
suivante :
-
-
Un cycle de culture par an seulement, pendant l'été. L'hiver, les parcelles sont
généralement laissées en jachère courte ;
Avant l'implantation de la culture d'été, les agriculteurs réalisent un
débroussaillage-brûlis, puis un labour en attelé, puis un passage de herse, toujours
en attelé ;
Les semis sont effectués avec un semoir à un rang, en attelé ;
En cours de culture, des sarclages manuels ou en attelé sont réalisés ;
Les récoltes sont manuelles.
Sur les sols très en pente de la région, ces systèmes de culture entraînent des phénomènes
d'érosion, même s'ils sont moins importants que dans le Nord. Suite à la diffusion du semis
direct sur couverture végétale dans le Nord-Parana, l'IAPAR s'est attaché à développer depuis
1985 ces nouvelles modalités d'exploitation du milieu dans les conditions du Sud. Cette fois,
ce ne sont pas les agriculteurs qui en ont eu l'initiative.
37
2.2. Le semis direct sur couverture végétale : un système développé par la recherche
2.2.1. Principes et description
Depuis 1985, l'IAPAR travaille à l'expansion du semis direct sur couverture végétale dans une
trentaine d'exploitations pilotes. Les nouveaux systèmes mis au point reposent sur les
principes suivants :
-
-
Introduction de cultures d'hiver, notamment des plantes fourragères comme
l'avoine, le radis fourrager, le ray grass, la vesce, le lupin...
Correction des carences des sols (amendement calcaire, épandage d'engrais) ;
Implantation des cultures sans travail du sol, à travers un mulch. A la place du
labour mécanique et du passage de la herse, on emploie un herbicide (gramoxone
ou round up) pour sécher la couverture, qui est ensuite cassée et semi-hachée avec
un rouleau spécial ;
Vulgarisation d'herbicides pour remplacer les sarclages en cours de culture.
Pour la réalisation du semis direct, l'IAPAR a mis au point en 1985 un semoir distributeur
d'engrais adapté à la traction animale (bovins, ânes ou chevaux), à la fois pour le maïs et le
haricot : c'est le "Grahal-Azul / IAPAR". Ce semoir dispose d'un disque tranchant à l'avant,
entraîné par une roue via un système de transmission à chaîne. Ce disque coupe la paille afin
de faciliter l’action des éléments semeurs en évitant le bourrage de la machine. En 1995, on a
dénombré 704 semoirs de ce type dans le Parana. Pour produire le mulch, un rouleau à
couteaux (rolo-faca) a également été mis au point, qui lacère la couverture morte
La diffusion du semis direct sur couverture végétale n'a réellement commencé qu'au cours des
années 90 dans le Sud-Parana.
2.2.2. Performances et impacts auprès des agriculteurs
En comparaison avec les systèmes conventionnels, le semis direct sur couverture végétale
présente les caractéristiques suivantes :
-
-
-
Un contrôle efficace de l'érosion ;
Une augmentation des rendements de la culture d'été, notamment après une
légumineuse cultivée en hiver. Sur une culture de haricot, l’IAPAR a pu obtenir
des rendements en moyenne supérieurs de 42%, et de 63% pour le maïs. Par
contre, pour le tabac, l'absence de labour aurait plutôt un effet négatif sur le
développement de la culture (asphyxie racinaire...) ;
Une diminution des temps de travaux l'été, avec la suppression des travaux de
préparation du sol et de désherbage. Par contre, la charge en travail augmente
l'hiver, puisqu'il faut implanter et gérer les plantes de couverture pendant cette
période ;
Une augmentation des charges, avec l'achat d'herbicides, d'engrais, sans oublier les
semences pour les plantes de couverture ;
L’achat d'un équipement spécialisé (semoir, rouleau) ;
Une bonne maîtrise technique de la lutte chimique contre les adventices.
38
Concernant l'achat du semoir à traction animale, les agriculteurs ont pu bénéficier d'une
subvention dans le cadre d'un programme de conservation des sols "Microbacias" de l'Etat
brésilien. Quant au rouleau pour produire le mulch, certains agriculteurs l’ont simplement
remplacé par un tronc de bois ou des branches. Notons aussi que l’on peut semer
manuellement à travers un mulch en utilisant une canne planteuse.
Les gains de rendement obtenus pour les cultures d'été en SCV semblent compenser les
charges opérationnelles supplémentaires induites. Par contre, la difficulté d'accès à des crédits
pour acheter le semoir constituerait un frein à la diffusion de ces systèmes en milieu agricole.
En 1996, dans le sud du Brésil, on estime à 15 000 hectares la superficie en semis direct sur
couverture végétale dans les systèmes de production utilisant la traction animale.
III. Conclusion
Le semis direct sur couverture végétale est bien représenté dans l'agriculture du Parana.
Cependant, sa diffusion touche essentiellement les grandes exploitations agricoles en
motorisation, productrices de soja et de blé, qui sont aussi les plus touchées par l'érosion.
Notons également que si ces exploitations sont les moins nombreuses sur l’ensemble de l’Etat
(un tiers environ des unités de production), elles représentent 70% des superficies cultivées.
Toutefois, la diffusion de semis direct sur couverture végétale dans le Sud-Parana, même si
elle n'a pas l'ampleur que connaît le nord de l'Etat, représente une étape décisive dans
l'histoire de ces systèmes : leur adoption par des petites structures familiales utilisant la
traction animale. Rappelons que, d'après M. Rachou (1997), la traction animale est utilisée par
55% des unités de production du Parana en 1980.
Nous allons maintenant aborder la zone intertropicale, en commençant par les grandes
exploitations, toujours au Brésil, qui évoquent, en les amplifiant, les caractéristiques des
unités de production porteuses de l'innovation au Nord-Parana.
39
B. GRANDE CULTURE MOTORISEE EN ZONE TROPICALE HUMIDE :
LES CERRADOS AU BRESIL
En Amérique latine, le terme cerrados désigne les savanes humides sur sol acide. Celles-ci y
occupent près de la moitié des terres cultivables, soit environ 243 millions d'hectares,
concentrés au Brésil, en Colombie et au Venezuela. Au Brésil, les cerrados sont localisées
dans l’Etat du Centre-Ouest et sont comprises entre 11 et 20° de latitude sud, 45 et 60° de
longitude ouest (cf. figure 2.4).
Figure 2.4 : Régions et limites naturelles du Brésil
Source : H. Thery et al. (2000)
La région Centre-Ouest du Brésil est en zone tropicale humide, avec une saison sèche
marquée d'environ quatre mois, relativement fraîche, et une saison humide chaude.
A la fin des années 70, des entreprises privées ont commencé à prendre en charge
l'exploitation agricole de cette région : grandes entreprises qui diversifiaient leurs
investissements, coopératives agricoles du sud et entreprises de colonisation venant des Etats
du sud (Parana, Rio Grande do Sul, Sao Paulo). Motivées dans un premier temps par la
spéculation foncière, elles ont développé une agriculture industrielle motorisée qui a entraîné
une dégradation rapide du milieu.
40
Par la suite, nous allons analyser deux situations caractéristiques de l'agriculture industrielle
de la région :
- les fronts pionniers au nord avec une monoculture de soja (au centre-nord de l'Etat
du Mato Grosso) ;
- la zone de production cotonnière au sud (au sud de l'Etat de Goias).
Cette analyse repose sur les écrits de L. Séguy et al. (1996), L. Séguy et S. Bouzinac (1997,
1998, 1999), L. Séguy et al. (1998), L. Séguy et al. (1999).
I. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production
Agricole.
1.1. Le milieu naturel
Les deux régions présentent quelques différences : contrairement au Mato Grosso, le sud de
l'Etat de Goias se trouve en limite de la zone tropicale humide du Brésil, et correspond plutôt
à un climat de type subtropical humide d'après R. Labrousse (1996)1. Cette région présente
aussi un relief plus accentué.
Dans les deux situations, les unités de paysage sont des plateaux et des collines à pentes très
longues. Dans la partie nord, l'altitude est d'environ 400 m, et les pentes sont de 1 à 5 %. Dans
la partie sud, l'altitude est de 700 m, et les pentes sont supérieures à 15% en bas de relief.
Toutes ces caractéristiques sont favorables à l'érosion.
Les pluies s’étalent d’octobre à mai, et sont plus ou moins abondantes selon la localisation. La
pluviométrie est plus importante dans la partie septentrionale avec un total annuel compris
entre 2 000 et 3 000 mm, des intensités de pluie élevées (souvent plus de 100 mm par heure)
avec un fort pouvoir érosif. Le drainage profond est important (supérieur à 750 mm par an) et
peut provoquer la lixiviation de grandes quantités d’éléments minéraux. Dans la partie sud, la
pluviométrie moyenne annuelle fluctue entre 1000 et 1700 mm (moyenne annuelle de 1500
mm sur les dix dernières années) (cf. annexe 3).
Les sols sont de type ferrallitique. Dans la partie nord, ils sont profonds, rouges jaunes,
développés sur un matériau acide gréseux. De texture généralement argileuse à argilosableuse, ils sont sableux en bas de pente. Dans la partie sud, les sols sont rouge foncé,
dérivés du basalte. Avant la mise en culture, ces sols sont généralement bien pourvus en
matière organique et bien structurés. Ils sont par contre carencés en calcium, magnésium,
phosphore et potassium. Dans la partie nord, ils présentent un fort taux de saturation en
aluminium, toxique pour la plupart des cultures hormis le riz pluvial. Ils ont de plus des
propriétés physiques limitantes pour l’enracinement.
1 Les zones tropicales humides ne connaissent pas de période sèche de plus de quatre mois et reçoivent plus de
1500 mm de pluie par an (Labrousse, 1996).
41
1.2. Les unités de production
Les unités de production auxquelles nous nous intéressons ont développé des systèmes de
grande culture à vocation commerciale. Ces systèmes se caractérisent par une utilisation
importante d’intrants, une motorisation de grande puissance permettant un travail rapide et
une recherche de rentabilité à court terme. Sur les fronts pionniers, les terres nouvellement
défrichées sont emblavées en riz pluvial, puis une monoculture de soja est pratiquée afin de
produire des excédents exportables. Plus au sud, la culture cotonnière représente une
spéculation attractive pour les investisseurs. Dans le nord, on observe également des activités
d'élevage : l'Etat du Mato Grosso possède 15 millions d'hectares de pâturages naturels et
cultivés, avec un troupeau de l'ordre de 10,5 millions de têtes (race zébu dominante).
L'élevage est extensif, avec moins de 0,5 unité de gros bovin par hectare. Les activités de
production de grains et d'élevage sont totalement séparées.
Sur les fronts pionniers au nord, les exploitations agricoles étudiées exploitent de 200 à plus
de 2000 hectares chacune.
Depuis le début des années 80, la culture cotonnière s’est développée dans de grandes
exploitations motorisées, qui peuvent exploiter jusqu'à plusieurs milliers d'hectares.
Rappelons que le Brésil, au sixième rang mondial de la production cotonnière, est aujourd’hui
le plus important pays producteur de coton en Amérique latine. Le groupe MAEDA est le
premier producteur privé de coton au Brésil : il contribue pour 7% à la production nationale. Il
cultive 33 000 hectares (dont 22 000 hectares en cotonnier, le reste en maïs, soja et pâturages)
répartis dans plusieurs exploitations (les fazendas). Le groupe assure l’égrenage du cotongraine de ses fazendas et d’une partie de la production régionale, ainsi que la transformation
et la commercialisation des produits et sous-produits.
Il faut noter que ces exploitations agro-industrielles dans les cerrados cohabitent avec de
petites structures familiales, majoritaires en nombre mais minoritaires en terme de superficies
cultivées. Ces dernières ont des activités agricoles orientées vers la production de riz et/ou
l'élevage bovin. Leur cas n'est pas du tout traité ici : pour en savoir plus à leur propos, on
pourra consulter, entre autres, la thèse de S. Bainville (2000).
1.3. Les conduites techniques conventionnelles mises en œuvre par les
entrepreneurs privés
1.3.1. Description et performances en terme de rendement
Les grandes exploitations des fronts pionniers sont majoritairement tenues par des migrants
venus du sud du Brésil, qui ont apporté avec eux leurs modalités d’exploitation du milieu :
(1) La première année, défrichement au câble d’acier, mise en andains de la végétation
arbustive et brûlis ;
(2) Culture pure de riz pluvial pendant deux ou trois ans (culture la moins sensible à
l’acidité), avec un amendement calcomagnésien broyé (2,5 tonnes/ha) et un apport réduit
d’engrais minéral.
42
Intervient alors, selon les cas :
(31) une monoculture de soja avec travail du sol à l’offset (pulvériseur à disques) et
amendement calcomagnésien (1,5 à 2,5 tonnes/ha complété ensuite si nécessaire) ;
(32) ou l’implantation, en mélange avec le riz, d’un pâturage de Brachiaria decumbens
pour les exploitations extensives d’élevage (moins d’un bovin pour deux hectares).
Sur ces types de système, les rendements en soja grain sont de l’ordre de 1700 kg/ha après
plus de dix ans de culture continue.
La culture cotonnière est classiquement conduite en monoculture, avec brûlis des résidus de
récolte et travail du sol avec des outils à disques. Dans ces conditions climatiques très
fluctuantes (importantes variations pluviométriques inter-annuelles) avec des risques
importants d’excès d’humidité, les rendements obtenus sont très irréguliers d’une année à
l’autre, malgré les quantités élevées d’engrais et de pesticides, et pour une même année selon
les dates de semis. De 1987 à 1997, les rendements moyens en coton-graine obtenus par les
fazendas du groupe MAEDA dans l’Etat de Goias ont varié entre 2000 et 2800 kg/ha.
1.3.2. Conséquences pour le milieu
Les techniques de culture employées après défriche ont provoqué une dégradation rapide des
sols. En effet, après sept ou huit ans de culture, les sols ferrallitiques de la région sont
systématiquement compactés en surface et déstructurés : c'est le résultat de l'emploi exclusif
des outils à disques, soit en conditions trop humides pour les travaux de préparation des sols,
soit en conditions trop sèches lors de l'enfouissement des amendements calcomagnésiens.
Sous forte pluviosité, ces terres compactées induisent la formation d’un horizon réduit et
asphyxiant entre cinq à trente centimètres de profondeur. Cet horizon à faible capacité de
rétention hydrique et minérale expose les cultures aux accidents climatiques (sécheresse ou
asphyxie). De plus, le compactage en surface provoque une érosion hydrique rapide et
catastrophique. A l'état sec cette fois, les sols, pulvérulents, sont soumis à une forte érosion
éolienne.
En outre, l'utilisation des outils à disques, associée à la monoculture, favorise la prolifération
des adventices, ainsi que le développement des nématodes Meloidogyne sp. et des maladies
cryptogamiques.
1.4. Conclusion
Après plusieurs années de mise en culture, les rendements obtenus ont diminué malgré une
augmentation des coûts de production (augmentation des doses d'engrais et de pesticides), ce
qui expose les producteurs à des risques économiques élevés : la pérennité d'une agriculture
nouvelle et fortement motorisée a été mise en cause. Dans le nord de la région, les fronts
pionniers ont continué à avancer sur la forêt. Plus au sud, la production cotonnière s’est
trouvée menacée.
Dans ce contexte, il s'est agi d’identifier des solutions à la fois préservatrices de la ressource
sol pour pérenniser les systèmes de production, mais aussi garantes d'une baisse significative
des coûts de production.
La recherche agronomique a d'abord travaillé sur des techniques de décompaction des sols en
introduisant le labour avec des outils à socs et en mettant en place des rotations culturales.
43
Cependant, il s'est avéré que la pratique permanente du travail profond du sol accélère
fortement la minéralisation de la matière organique, ce qui compromettait les objectifs
recherchés. Ainsi, depuis 1989, ce sont de nouvelles modalités d'exploitation du milieu à base
de semis direct et de couverture végétale permanente du sol qui ont été proposées, inspirées
de l’expérience du Parana. En cultivant autrement dans les mêmes conditions naturelles et
sociales, on cherche à : (1) protéger totalement le sol contre l'érosion, (2) préserver la matière
organique, (3) permettre des revenus comparables ou supérieurs à ceux obtenus avec les
systèmes intégrant le travail du sol.
II. Le semis direct sur couverture végétale : un nouveau système
d'exploitation du milieu proposé par la recherche
Dans les conditions humides et chaudes des cerrados, la minéralisation des résidus de récolte
est trop rapide pour assurer une couverture permanente du sol. Aussi, par rapport à la situation
des pays tempérés et du Parana, de nouvelles modalités de semis direct sur couverture
végétale ont-elles dû être mises au point, ce que la recherche s’est efforcée de faire.
Les résultats présentés ci-dessous sont issus de travaux de recherche menés par le CIRAD
(Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement),
en collaboration avec différents partenaires. Dans les fronts pionniers, les travaux ont débuté
en 1983. On peut citer comme appuis et partenaires : EMBRAPA (Empresa Brasileira de
Pesquisa Agropecuaria), RHODIA AGRO, filiale de RHONE POULENC, SULAMERICA
AGRO, VARIG AGROPECUARIA, des coopératives, préfectures et agriculteurs-pilotes de
l'Etat du Mato Grosso, le Ministère français des Affaires Etrangères. Dans la zone cotonnière,
les travaux sont plus récents (1994) et menés en partenariat avec le groupe MAEDIA sous
tutelle de RHODIA AGRO.
Dans les fronts pionniers, la majorité des modalités proposées sont déjà diffusées et pour la
plupart adoptées par les producteurs, alors qu'elles sont en cours de mise au point dans la zone
cotonnière.
2.1. Les grands principes des SCV dans les cerrados
Le grand principe des nouveaux systèmes mis au point par la recherche est de produire, avant
et/ou après chaque culture commerciale, une biomasse la plus importante possible, au
moindre coût, dont le premier rôle est de remplacer le travail mécanique du sol. Plus
généralement, les plantes productrices de biomasse ont les fonctions suivantes : protéger le sol
contre l'érosion, aussi bien en saison des pluies qu'en saison sèche ; amortir les amplitudes de
température et d'humidité ; maintenir une forte porosité et une structure stable du profil
cultural ; limiter le développement des adventices les plus compétitives pour les cultures ;
permettre de gérer au moindre coût les problèmes phytosanitaires ; recycler vers la surface les
éléments fertilisants lixiviés en profondeur, puis fournir à la culture principale les éléments
minéraux par la minéralisation de leur propre biomasse. Par cette dernière fonction, les
plantes de couverture s'apparentent à des pompes biologiques pour les éléments minéraux :
leur efficacité se mesure d'une part par le volume et la qualité de biomasse recyclable audessus du sol, d'autre part par la puissance de leur système racinaire au-dessous de la surface
du sol.
44
Les systèmes proposés dans les cerrados reposent sur une diversification des cultures, la
construction de séquences annuelles, des associations, des rotations, en intégrant ou non la
gestion des pâturages. Ils sont fondés sur l’emploi raisonné d’herbicides pour contrôler les
plantes de couverture. Le sol n'est plus travaillé : les cultures sont toutes implantées
pratiquées en semis direct.
Suivant les modalités de gestion de ces systèmes, on peut les répartir en deux grands types
(cf. figure 2.5) :
- Le type T1 repose sur des séquences de deux (voire trois) cultures gérées sur une seule
année climatique, que l'on combine pour construire des rotations. Les séquences annuelles ne
comprennent que des cultures commerciales, ou une plante dont la fonction principale est de
couvrir le sol avant ou après la culture commerciale ;
- Le type T2 fait intervenir une plante de couverture spécifique, gérée sur au-moins
deux années consécutives. Après la saison sèche, les plantes de couverture colonisent de
nouveau les parcelles, grâce au ressemis spontané pour les annuelles ou après reprise
végétative pour les vivaces.
On distingue trois sous-types pour T2 :
-
-
-
(T21) la plante de couverture est détruite après sa reprise en deuxième année, avant
l’implantation de la culture commerciale, et on retombe alors sur un système de
type T1 ;
(T22) la plante de couverture est gérée en association avec la culture commerciale,
et le système se reproduit d'année en année. La plante de couverture est une plante
fourragère, annuelle à ressemis spontané ou vivace. En effet, ce système a été mis
au point pour obtenir des pâturages en succession annuelle avec une culture
commerciale ;
(T23) la plante de couverture est laissée trois ou quatre années consécutives pour le
pâturage. Elle est alors détruite pour implanter des séquences de cultures
commerciales pendant un à quatre ans, et ainsi de suite.
Dans ces systèmes, la culture commerciale est implantée dans un épais mulch végétal,
constitué des résidus de la culture précédente qui forment une couverture morte. Seul le soustype T22, s'il fait intervenir une plante vivace, met en jeu une couverture vivante.
Nous allons maintenant détailler le fonctionnement des ces différents systèmes.
45
46
2.2. Fonctionnement des principaux SCV dans les cerrados
2.2.1. Les systèmes de type T1
Le mil et le sorgho sont capables de produire de fortes biomasses sous des conditions
climatiques marginales. Ils sont donc particulièrement utilisés pour encadrer le cycle de la
culture principale dans les conditions générales des cerrados au Brésil.
2.2.1.1. Exemple 1 : séquences de mil - soja - sorgho et mil (Mato Grosso, Goias)
Le mil est utilisé en ouverture : il est implanté en semis direct au début de la saison des pluies.
Après 45 à 80 jours de croissance (après la floraison qui a lieu au 45ème jour), le mil est
desséché sur pied par un herbicide total, épandu par voie terrestre ou aérienne (720
grammes/ha de glyphosate + 1000 grammes/ha de 2-4 D amine en mélange). Cinq jours après
l'application de l'herbicide, le soja est semé directement dans la paille de mil sur pied, couchée
au sol par le semoir. En fin de saison des pluies, au fur et à mesure de la récolte de soja,
sorgho puis mil sont implantés en semis direct. En début de saison sèche, sorgho et mil sont
récoltés normalement pour les productions qu'elles peuvent offrir (grain, ensilage, fourrage...),
avec une coupe à un mètre au maximum au-dessus du sol. Les résidus ainsi laissés forment
une importante biomasse en saison sèche, pendant laquelle elle ne se décompose pas : une
couverture totale du sol est assurée. Ajoutons qu'une fertilisation minérale d'entretien ou de
correction est appliquée sur la culture de mil en ouverture, puis sur la culture du soja (cf.
figure 2.6).
Dans ces systèmes, les performances du soja sont toujours très significativement supérieures à
celles obtenues avec une préparation mécanique du sol, quelle que soit la modalité. La
correction phosphatée de haut niveau garantit les productivités les plus élevées et les plus
stables.
Les coûts d'installation du mil précédant le soja sont équivalents ou un peu inférieurs à ceux
de la préparation des sols à l'offset ou aux socs.
2.2.1.2. Autres séquences possibles
Sans être exhaustif, voici d'autres exemples de séquences possibles :
- On limite le nombre de séquences à deux (culture principale avec une plante de
couverture en ouverture ou en succession)
- La culture principale peut être le soja, le riz ou le cotonnier
- La plante de couverture peut être une légumineuse (crotalaire, stylosanthes...),
seule ou en association avec des graminées ;
- On met en place deux séquences de cultures commerciales (soja, riz pluvial, maïs,
cotonnier).
47
Figure 2.6 : Cerrados (Brésil) – Conduite technique des séquences mil – soja - sorgho
et/ou mil en semis direct sur couverture végétale
Source : L. Séguy et al. (1996)
2.2.1.3. Exemple 2 : séquences mil ou sorgho - cotonnier (Goias)
Aux premières pluies, on implante en semis direct du sorgho guinea ou du mil dans les
résidus du précédent cotonnier. Les repousses de cotonnier et des adventices dicotylédones
sont éliminées à 20-30 jours après semis, par une application de 2-4 D amine. 45 à 60 jours
après le semis, la culture de sorgho ou de mil est desséchée par un traitement au glyphosate
(540 g/ha). On sème alors directement le cotonnier dans le mulch ainsi obtenu, tout en
appliquant un herbicide de pré-émergence sur la ligne de semis, là où le semoir a perturbé la
couverture. Sur l'interligne, le mulch empêche le développement des adventices jusqu'à 45
jours après dessiccation des pailles. Passé ce délai, des herbicides totaux bon marché sont
appliqués entre les lignes, grâce à un équipement spécial constitué de tunnels applicateurs
protégeant totalement la culture. Ces traitements sont réalisés jusqu'à 60 jours après le semis,
moment où la culture cotonnière recouvre complètement le sol. Concernant la fertilisation, un
épandage d’azote de 20 kg/ha est réalisé avant semis du cotonnier. Au semis, une fumure
minérale (3-3-15) est apportée à raison de 100 kg/ha (pour 330 kg/ha en semis conventionnel).
En cours de développement, un apport de 250 kg/ha d’engrais 18-0-20 est réalisé, comme
pour le semis conventionnel.
Au total, le coût de l'itinéraire technique proposé est à peu près équivalent à celui du système
conventionnel (cf. tableau 4.5 dans la partie 4). Par contre, les rendements de coton-graine
augmentent de 10 à 40%. Cette augmentation s’explique par un poids moyen capsulaire plus
élevé de 4 à 21%. Ainsi, au bout du compte, le SCV proposé permet de dégager une marge
bien supérieure à celle du système conventionnel.
48
2.2.1.4. Exemple 3 : séquences crotalaire - riz pluvial (Mato Grosso)
Dans ce système, des cycles courts, moyens et longs de riz peuvent être utilisés au choix afin
de mieux gérer le risque climatique de fin de saison des pluies et d’étaler la récolte.
Après un précédent "soja - sorgho guinea ou mil", un épandage d'herbicides est réalisé aux
premières pluies en octobre, après le départ de la végétation (1,5 l/ha de glyphosate + 1,5 l/ha
2-4 D amine ou 40 g/ha de flumioxazin). On implante alors en semis direct du Crotalaria
spectabilis qui renforce rapidement la macroporosité du sol. A partir de début décembre, la
crotalaire est séchée par l'épandage de 2 l/ha de reglone (diquat). Cinq jours après, on sème
directement le riz pluvial avec de l'herbicide résiduel mélangé à 1 l/ha de gramoxone
(paraquat). L'engrais est apporté au même moment, sous forme soluble, sur la ligne de semis.
Une fertilisation est ensuite réalisée au cours du cycle.
Pour éviter le risque toujours possible de déficit hydrique en fin de cycle, il est recommandé
d'effectuer le semis direct du riz aux périodes suivantes : entre le 25 novembre et le 10
décembre pour les cycles de 125-130 jours ; entre le 10 et le 25 décembre pour les cycles de
115-120 jours ; entre le 25 décembre et le 6 janvier pour les cycles de 90-105 jours.
Ce système permet de produire entre 4500 et 6000 kg/ha de riz avec des cultivars de haute
productivité. Avec des variétés très productives de riz pluvial implantées en décembre, une
forte fumure et des traitements fongicides de fin de cycle, on peut obtenir des marges nettes
de plus de 200 $/ha, même en année climatique défavorable, marges qui peuvent doubler
voire tripler en année normale où les rendements peuvent atteindre 8000 kg/ha.
2.2.1.5. Exemple 4 : séquences soja - riz pluvial cycle court (Mato Grosso)
Dans ce système, le riz joue le rôle de culture secondaire, culture de succession annuelle du
soja de cycle court. Les cultivars de riz utilisés sont de qualité technologique supérieure, de
cycle court (90-105 jours), et conduits avec un minimum d'intrants pour minimiser à la fois le
risque climatique de fin de cycle et le risque économique.
Après un précédent "soja - sorgho guinea ou mil associé à Brachiaria ruziziensis", un
épandage d'herbicides est réalisé aux premières pluies en octobre, après le départ de la
végétation. On implante alors le soja en semis direct. Fin janvier, au fur et à mesure de la
récolte du soja, on applique 1 l/ha de gramoxone si nécessaire, et on sème directement le riz,
cultivé avec un minimum d'intrants.
Une production de riz de 2000 kg/ha permet de dégager des marges brutes comprises entre
130 et 300 US$/ha, avec un risque économique très limité.
2.2.2. Les systèmes de type T21
2.2.2.1. Avec du cotonnier (Goias)
Le système que l’on va présenter a été mis au point pour lutter contre Cyperus rotondus : il
s'agit de garantir un ombrage permanent du Cyperus afin de contrôler son développement en
surface pour qu’il ne concurrence pas le cotonnier, tout en gardant vivants ses organes sousterrains qui possèdent la propriété de supprimer les autres adventices par allélopathie (cf.
figure 2.7).
49
Figure 2.7 : Cerrados (Brésil) - Fonctionnement d’un SCV en culture cotonnière pour
contrôler Cyperus rotondus
Source : L. Séguy et al., 1999
Ce système repose sur une rotation triennale : "soja - sorgho associé à Brachiaria ruziziensis"
en première année, cotonnier la deuxième année et "mil ou sorgho - cotonnier" la troisième
année.
En première année, après un épandage d’herbicides vers le 20 octobre, on implante le soja en
semis direct. Au fur et à mesure de la récolte du soja, on implante le sorgho également en
semis direct, associé à Brachiaria ruziziensis (vers le 10 février). Cette association produit
une très forte biomasse (supérieure à 8 t/ha de matière sèche en surface et à 5 t/ha de racines
réparties entre la surface et plus de 1,5 m de profondeur). Après la récolte du sorgho, le sol
reste couvert par un mulch épais pendant toute la saison sèche.
50
Aux premières pluies de la saison pluvieuse suivante, le sorgho et le Brachiaria repartent par
multiplication végétative, mais aussi par germination des graines laissées à la récolte pour le
sorgho. L'ensemble produit une forte biomasse additionnelle jusqu'au moment de
l’implantation en semis direct du cotonnier entre le 10 et le 30 novembre. Le semis est réalisé
huit à dix jours après le dessèchement complet de cette biomasse par épandage d'herbicides
(1,5 l/ha de glyphosate + 40 g/ha de flumioxazin). En troisième année, les séquences "mil ou
sorgho - cotonnier" que l'on a déjà décrites prennent le relais.
Ce système permet le contrôle total du Cyperus tout en conservant son pouvoir de lutte contre
les adventices, ceci à moindre coût et avec une réduction significative du nombre des
interventions. En fait, les coûts de l'ensemble des opérations sont inférieurs de 17% à ceux du
système conventionnel : les marges nettes par hectare permises par le semis direct sont
pratiquement le double de celles du système conventionnel, quel que soit le niveau de fumure.
2.2.2.2. Avec du riz pluvial (Mato Grosso)
Ce système repose sur une succession "soja - mil ou sorgho associé à Brachiaria r." en
première année, et "riz - cotonnier ou maïs ou sorgho ou mil (les céréales pouvant être
associées à Brachiaria r.)" la deuxième année.
L'implantation du riz en deuxième année climatique se fait de la même façon que pour le
cotonnier (cf. précédemment), entre le 15 et le 25 octobre. Les cultivars employés sont de
cycle court (90-105 jours).
Avec ce système, la récolte du riz a lieu en janvier, sous la pluie, mais correspond à un
moment où les prix sur le marché sont élevés. La production du riz obtenue a pu atteindre en
grande culture 5400 kg/ha.
2.2.3. Les systèmes de type T22 : pâturage en succession annuelle avec une culture
commerciale sur les fronts pionniers (Mato Grosso)
Les plantes fourragères servent à la fois de pâturage et de plantes de couverture. Les systèmes
mis au point permettent de réaliser des pâturages sans immobiliser de surface productive.
2.2.3.1. Pâturages à plantes vivaces (exemple du Paspalum notatum avec soja)
La plante fourragère est implantée dans la culture commerciale. La compétition précoce entre
la culture et le tapis herbacé en voie d'installation est contrôlée par l'emploi d'herbicides ou
d'inhibiteurs de croissance sélectifs, jusqu'à ce que la culture recouvre complètement le sol.
Sous l'ombrage de la culture, la compétition est réduite au minimum. Après la récolte, la
plante fourragère recouvre rapidement le sol et peut être pâturée par les animaux ou exploitée
sous forme de foin. L'année suivante, après la saison sèche, la plante fourragère repart par
multiplication végétative. On applique alors de l'herbicide paraquat en deux fois à cinq jours
d'intervalle (200 g/ha puis 100 à 200 g/ha). Puis le soja est semé directement et l'herbicide
fluazitop P butyl est utilisé en post-émergence à doses faibles (72 g/ha de matière active) de
manière à ne pas détruire les rhizomes de la plante fourragère, jusqu'à ce que le soja recouvre
complètement le sol. Après récolte du soja, la plante fourragère re-colonise le sol, et ainsi de
suite (cf. figure 2.8).
Dans ce système, le maïs et le sorgho peuvent remplacer le soja. De plus, avant le semis de la
plante commerciale, un régulateur de croissance peut être utilisé à la place de l'herbicide de
contact.
51
Figure 2.8 : Cerrados (Brésil) – Exemple de SCV avec un pâturage à plante vivace (soja
et Paspalum notatum cv. Pensacola)
Source : L. Séguy et al. (1996)
2.2.3.2. Pâturages à plantes annuelles (exemple du Calopogonium mucunoides avec maïs,
sorgho ou riz de cycle court)
Le Calopogonium n'est pas pâturé, mais il peut être consommé en sec. Son intérêt essentiel
réside dans son efficacité à réduire les coûts de production pour les systèmes à base de
céréales (diminution des doses d'engrais).
Le Calopogonium est semé à la volée avant ou en même temps que la culture principale,
mélangé à l'engrais. Des herbicides sélectifs sont utilisés pour contrôler le développement de
la plante fourragère. Après la récolte des céréales, la plante fourragère recouvre complètement
le sol (masse de 8 à 10 T/ha de matière sèche ajoutée aux résidus de récolte). Ses grains
tombent à maturité et assurent sa reprise l'année suivante aux premières pluies. Avant le semis
direct de la culture commerciale, un herbicide de contact (diquat) peut être éventuellement
utilisé.
Les mêmes itinéraires peuvent être pratiqués avec des légumineuses.
2.2.4. Les systèmes de type T23 : trois à quatre ans de pâturage, un à quatre ans de
culture sur les fronts pionniers (Mato Grosso)
- Installation du pâturage : le soja ou le riz sont semés de façon précoce en octobre et récoltés
fin février. Au fur et à mesure de la récolte, le pâturage est implanté en semis direct (Panicum
maximum ou Brachiaria brizentha).
- Passage du pâturage à la culture : en fin de saison des pluies vers la mi-avril, une forte
charge animale est appliquée sur le pâturage pour le réduire au maximum. On applique alors
un traitement à l'herbicide total (glyphosate à la dose de 1440 g/ha). Aux premières pluies
suivantes, on épand de nouveau du glyphosate sur les repousses et les levées (720 g/ha), puis
on sème directement le soja, dans lequel le contrôle des repousses éventuelles est effectué
avec un herbicide graminicide sélectif du soja.
52
Une variante à ce système consiste à rénover des pâturages dégradés en semant du riz sur un
cycle cultural. Deux options sont possibles :
-
-
Le pâturage dégradé est desséché avec de l’herbicide fin novembre ou début
décembre. Le riz est semé dix jours après, en semis direct, et le nouveau pâturage est
implanté en semis direct 20 à 25 jours après, dans l’interligne. La culture du riz
bénéficie d’une fertilisation, au semis et 30 à 40 jours après le semis ;
Le pâturage dégradé est desséché par de l’herbicide entre le 10 et le 25 octobre. Un riz
de cycle court est semé dix jours après, en semis direct, (avec les mêmes niveaux de
fumure que précédemment), puis, au fur et à mesure de la récolte du riz, le nouveau
pâturage est implanté en semis direct.
2.3. Récapitulatif
La figure 2.5 représente les principaux SCV construits par la recherche pour les grandes
exploitations agricoles des cerrados.
Il faut noter que la mise au point de ces systèmes s’accompagne d’une recherche active sur
l’amélioration variétale des plantes cultivées, de façon notamment à obtenir des longueurs de
cycle adaptées. Les premiers systèmes construits ont concerné le soja. Les travaux sur le riz
pluvial, très exigeant en terme de gestion du profil cultural, n’ont débuté qu’en 1993 : ils ont
nécessité la création de cultivars améliorés (différentes longueurs de cycle, puissance
racinaire, résistance aux principales maladies cryptogamiques, fort potentiel de productivité)
et des rotations spécifiques pour obtenir une forte macroporosité (riz semé après des
légumineuses à enracinement pivotant profond, ou après une à trois années de « soja – mil ou
sorgho ou maïs » à forte biomasse, ou encore après un pâturage de longue durée…).
III. Performances et impacts des SCV sur le milieu agricole
Les différents SCV dans les cerrados présentent de nombreux avantages :
-
Protection des sols contre l’érosion hydrique et éolienne
Maintien du stock de matière organique, recyclage d’éléments minéraux lessivés
Contrôle des adventices
Intégration agriculture-élevage avec les successions « pâturage – culture commerciale
semée directement »
Diminution du temps de travail pour l’implantation des cultures.
A moindre coût ou à coût équivalent, ils permettent d’améliorer et de stabiliser les rendements
des plantes cultivées. Le semis direct sur couverture végétale est aussi et surtout un moyen
d’assurer la durabilité de l’agriculture industrielle des cerrados qui, rappelons-le, est soumise
à des conditions pédoclimatiques contraignantes (risques d’érosion, sols ferrallitiques
rapidement dégradés…).
Cependant, ils impliquent les conditions suivantes :
-
Utilisation d’herbicides et de régulateurs de croissance
Nouvel équipement de précision (semoirs, pulvérisateurs à épandage localisé…)
Nouvelles variétés pour les plantes cultivées
Implantation de plantes de couverture qui n’ont pas de débouchés commerciaux. Une
production de semences est nécessaire, certaines de ces plantes étant détruites avant la
production de graines.
53
Certains des SCV décrits précédemment ne sont encore qu’au stade de l’expérimentation,
expérimentation qui se fait d’ailleurs directement en collaboration avec les agriculteurs. Les
autres, et notamment ceux à base de soja, ont un impact considérable auprès des grandes
exploitations des cerrados, où ils se diffusent très rapidement. En 1999, on estime à 4 millions
d’hectares les superficies cultivées en semis direct sur couverture végétale dans les cerrados
au Brésil (Raunet, en cours).
IV. Conclusion
Les SCV se sont bien développés en conditions tropicales humides. Etant donné les
conditions climatiques, nous avons vu que les modalités peuvent être extrêmement diverses.
Cependant, dans les cerrados, ils concernent essentiellement les grandes exploitations
agricoles à haut niveau d’équipement et capables de maîtriser une technicité de pointe. Dans
la suite du document, nous allons aborder le cas de petites exploitations familiales, dans
d’autres parties du monde, en restant dans un premier temps en zone tropicale humide.
54
C. PETITE AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE TROPICALE HUMIDE
Nous allons traiter deux grandes situations bien contrastées : (1) une première dans le nord du
Honduras en Amérique Centrale, région marquée par les systèmes traditionnels frijol tapado,
où les agriculteurs ont mis au point spontanément sur des sols en pente des SCV en utilisant
Mucuna sp. ; (2) une seconde en zone forestière d’Afrique de l’Ouest (sud de la Côte d’Ivoire
et sud du Bénin), où des SCV ont été expérimentés par la recherche comme alternative à la
défriche–brûlis, toujours pratiquée par les agriculteurs.
I. Le littoral atlantique dans le nord du Honduras
Ce cas est traité à partir des écrits de D. Buckles et al. (1994), D. Buckles et al. (1998), G.
Sain et al. (1994) et de B. Triomphe (1996a, 1996b, 1999).
Situé environ à 15° de latitude nord et à 88° de longitude ouest (cf. figure 2.9), le littoral
atlantique du Nord-Honduras est composé de deux ensembles bien distincts : une cordillère
très humide culminant à près de 2500 m, qui domine une plaine côtière très étroite et allongée
dans la direction est-ouest. La région concernée est localisée sur les premiers contreforts de la
cordillère, domaine privilégié de la petite agriculture de subsistance, par opposition à la
plaine, zone de production de cultures d'exportation (bananes, palme africaine, ananas) et
d'élevage bovin extensif.
La zone climatique considérée est de type tropical humide, ses caractéristiques résultant de
l'influence des alizés (Labrousse, 1996). Elle est marquée par une longue période humide, une
pluviométrie abondante et une répartition bi-modale des pluies (cf. annexe 3).
Figure 2.9 : Honduras – Localisation de la zone étudiée
Source : D. Buckles et al. (1994)
55
1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
1.1.1. Le milieu naturel
Située entre 500 et 600 mètres d'altitude, la région se caractérise par des pentes fortes (de 25%
à plus de 100%) : elles sont souvent peu stables, sensibles à l'érosion. Les glissements de
terrain sont fréquents, surtout en saison des pluies.
La pluviométrie moyenne annuelle est comprise entre 2000 et 3000 mm. La répartition des
pluies permet deux cycles agricoles par an : (1) de juin à janvier, le cycle estival (primera) est
calé sur la longue saison des pluies, avec des précipitations mensuelles qui culminent autour
de 300 à 500 mm entre septembre et décembre, et des précipitations journalières maximales
de 100 à 200 mm ; (2) de février à mai, le cycle d’hiver (postrera) est centré autour d'une
période relativement sèche (environ 100 à 150 mm de pluies par mois).
La température moyenne annuelle avoisine les 26°C. Les minima thermiques s'observent en
janvier (15-17°C), et les températures maximales en mai (30-32°C). Les amplitudes
thermiques annuelle et journalière demeurent modérées. Quant au vent, il est assez faible (à
l'exception des cyclones occasionnels) : il ne provoque que peu de dommages sur les cultures.
Il en résulte une évapotranspiration modérée en saison des pluies (3 à 4 mm par jour), plus
élevée en saison sèche (jusqu'à 5 mm par jour de mars à mai).
Développés sur un substrat micro-cristallin basique, les sols sont des alfisols (classification
USDA) : ils sont profonds (plus de 60-80 cm) et riches en éléments minéraux, avec un pH
proche de 6.
1.1.2. Histoire agricole et unités de production concernées
Le littoral atlantique du Nord-Honduras est une zone de frontière agricole : elle reçoit par
milliers des familles en provenance des régions plus pauvres du pays. Sous la pression des
éleveurs, ces familles se voient contraintes, à peine arrivées, d'occuper des terres toujours plus
en pente, toujours plus éloignées des axes de communication.
Dans la région qui nous concerne, 30% des agriculteurs obtiennent des revenus confortables
grâce à un bon accès à la terre. A l'inverse, 70 à 80% disposent de moins de cinq hectares et
pratiquent une petite agriculture de subsistance. Ce sont celles-ci que nous allons étudier.
1.1.3. Les systèmes de culture mis en œuvre
Etant donné les fortes pentes et la pluviométrie abondante, la majorité des terres de la région
présentent une importante sensibilité à l'érosion : la culture continue est difficile. L'agriculture
manuelle de défriche-brûlis, en partie itinérante, reste le système dominant, ce qui accélère la
déforestation d'une région encore très boisée. Les cultures vivrières de maïs et de haricot sont
de loin majoritaires dans l'assolement des petites exploitations.
Les systèmes de culture à base de maïs fonctionnent de la façon suivante : (1) défriche de la
forêt et brûlis ; (2) un à trois ans de culture de maïs, à raison de deux cycles de maïs par an.
En général, plus de la moitié du maïs d'hiver est vendu (période de prix élevé sur le marché),
tandis que le maïs d'été est exclusivement autoconsommé ; (3) trois à vingt années de jachère ;
(4) un à trois ans de culture de maïs, avec semis du maïs sur jachère fauchée ou brûlée, et
ainsi de suite... Le maïs peut aussi être implanté après une jachère arborée pour introduire un
pâturage, ou après un vieux pâturage pour le rénover.
56
Depuis la fin des années 70, les agriculteurs des petites exploitations familiales ont adopté de
nouvelles pratiques qui leur permettent de cultiver le maïs de façon continue, à raison d'un
cycle cultural par an. Le système repose sur une association maïs-Mucuna sp., le Mucuna
jouant le rôle de couverture végétale dans laquelle le maïs est implanté en semis direct.
Alternative à la défriche-brûlis, c'est ce système que nous allons détailler maintenant.
1.2. Le semis direct de maïs sur couverture végétale de Mucuna :
un SCV développé spontanément par les petits agriculteurs
1.2.1. Principes et origine du système
Le système est basé sur l'association du maïs et du Mucuna (Mucuna deeringianum
notamment), plante annuelle à ressemis spontané. Les deux plantes se développent de façon
décalée sur l'année : le Mucuna pendant la grande saison des pluies, le maïs pendant la petite
saison des pluies. En décembre, à la fin de son cycle naturel (après production de graines), le
Mucuna est fauché, puis le maïs est implanté en semis direct dans le mulch ainsi créé. Le
Mucuna repart grâce à la germination de ses graines restée dans le sol, mais son
développement ne devient agressif qu'après la récolte du maïs, en mai. La succession des
cycles se répète ainsi chaque année de manière identique, et ce depuis vingt ans pour les
champs les plus anciens (cf. figure 2.10).
Figure 2.10 : Nord-Honduras - Association maïs/Mucuna (années 1 et 2)
Source : D. Buckles et al. (1998), P. Ehret (1999)
Le Mucuna a été introduit en Amérique centrale dans les années 20, par les compagnies
bananières multinationales. Les graines provenaient du sud-est des Etats Unis, où le Mucuna
était massivement cultivé comme engrais vert et comme aliment pour bétail depuis les années
1800. D'abord introduit pour nourrir avec ses graines les mules qui travaillaient dans les
57
plantations de banane, le Mucuna, dans les années 30, commence à être utilisé au Guatemala
pour améliorer les sols et en tant que culture fourragère. Dans les années 50, la plante est
utilisée pour ses effets sur le contrôle des mauvaises herbes. Elle se diffuse ensuite dans
l'ouest du Honduras, où elle est probablement introduite sur la côte nord au début des années
70 par des migrants.
Une fois sur le littoral atlantique, l'utilisation du Mucuna dans les systèmes de culture
d'altitude se développe d'abord lentement. Puis, dans les années 80, le taux d'adoption croît
pour atteindre 5% par an. La diffusion se fait par bouche à oreille, sans aucun appui
institutionnel.
Il convient de noter que le système maïs-Mucuna n'est pas arrivé avec la plante de couverture,
mais a été mis au point progressivement par les agriculteurs, de façon locale. Son adoption
massive s'expliquerait par la nécessité de trouver une alternative aux systèmes traditionnels de
production de maïs, trop consommateurs en terre et concurrencés par l'expansion de l'élevage
bovin extensif. La forte saisonnalité des prix du maïs aurait joué un rôle considérable sur la
décision des agriculteurs : le Mucuna remplace le maïs d'été, vendu à bas prix, et permet
d'améliorer la production de maïs d'hiver, au prix élevé, en diminuant les coûts.
1.2.2. Le matériel végétal
1.2.2.1. Le Mucuna
Mucuna sp. est une légumineuse agressive, grimpante, produisant un feuillage abondant (cf.
annexe 2). Elle se sert des tiges de maïs comme tuteur, sa canopée pouvant atteindre 1 à 1,5
mètres de hauteur. Le Mucuna perd ses feuilles au fur et à mesure de son cycle, qui dure de
100 à 300 jours selon l'altitude et la date de plantation. Plante de jours courts, sa floraison
intervient à la mi-octobre. Le Mucuna dépérit après avoir produit ses graines, soit 45 à 60
jours après la floraison. La plante produit cinq à douze tonnes de matière sèche par hectare, et
jusqu'à deux tonnes de gousses par hectare. Elle se caractérise par des effets nématicides,
insecticides et allélopathiques sur certaines adventices.
1.2.2.2. Le maïs
Les variétés locales (Olotillo, Tuza morada, Raque) sont multipliées dans les exploitations
agricoles. De haute taille (supérieure à trois mètres), elles produisent beaucoup de feuilles et
de biomasse verte en général. Leur cycle dure environ 120 jours, et leur rendement potentiel
est de quatre à cinq tonnes par hectare. Les raffles sont bien couvrantes.
La variété commerciale Honduras Planta Baja (hauteur 2,5 m) est également utilisée. Bien
que son rendement potentiel soit élevé (cinq à six tonnes par hectare), elle n'est guère
appréciée des agriculteurs. En effet, les raffles couvrent mal les épis, ce qui peut entraîner des
problèmes de conservation.
58
1.2.3. La conduite technique de l’association (cf. figure 2.10)
1.2.3.1. Des cycles complémentaires
Les cycles du Mucuna et du maïs sont très complémentaires sous les conditions climatiques
du Nord-Honduras. Les plantes se développant de façon décalée, les interventions techniques
pour contrôler la plante de couverture sont réduites.
Le maïs est semé en décembre. Pour le premier cycle du système, le Mucuna est implanté 40 à
60 jours après le maïs. Par la suite, le Mucuna se ressème spontanément, avec une
germination des graines en février.
Les différents stades des plantes s'observent aux dates suivantes :
-
-
En décembre, germination des graines de maïs ;
En février, germination des graines de Mucuna, semées (pour le premier cycle) ou
laissées dans le mulch. Le développement de la plante est lent, jusqu'en avril ;
En mars, floraison du maïs ;
En avril, maturité du maïs ;
Après la récolte du maïs, recouvrement de la parcelle par le Mucuna, avec
incorporation des tiges de maïs et étouffement progressif des adventices. A partir
de juin, le Mucuna recouvre totalement le sol par son épais feuillage ;
En octobre, floraison du Mucuna ;
En décembre, maturité des graines de Mucuna. La plante, en fin de cycle, dépérit.
Remarquons que la culture d’hiver du maïs est rendue possible par les importantes réserves en
eau dans le sol. Celles-ci se sont constituées grâce aux fortes précipitations entre octobre et
décembre. Par ailleurs, le mulch de Mucuna permet de limiter les pertes hydriques.
1.2.3.2. Les opérations culturales
Une fois le Mucuna introduit dans une parcelle, les principales opérations à mener sont la
fauche du Mucuna et la conduite du maïs.
- Introduction du Mucuna :
L’implantation du Mucuna a lieu pendant un cycle de maïs d'hiver, 40 à 60 jours après le
semis de ce dernier en décembre. On sème un mélange de plusieurs espèces de Mucuna dans
l'inter-rang de maïs, au bâton-fouisseur, à raison de deux à trois graines par trou (un à deux
mètres entre les trous). La dose de graines avoisine les 10 à 15 kg par hectare.
Certains agriculteurs sèment le Mucuna à la volée dans le champ de maïs : l'économie de
travail est manifeste, mais l'efficacité d'implantation est nettement moindre. D'autres, très
rares, sèment le Mucuna directement dans une jachère.
L'établissement total et homogène de Mucuna nécessite deux, voire trois années. Il faut
souvent replanter le Mucuna la deuxième année.
59
- Ressemis annuel et fauche du Mucuna :
La capacité du Mucuna à se ressemer spontanément constitue un très gros avantage pour les
agriculteurs. Pour que le ressemis soit correct, le Mucuna doit avoir produit suffisamment de
gousses viables, d'où l'importance de la période de fauche.
La fauche est l'opération culturale principale. Elle s'effectue manuellement, à la machette,
lorsque le Mucuna atteint la maturité et commence à dépérir en décembre. Les agriculteurs
s'aident également d'un bâton en forme de fourche pour arracher le Mucuna du sol.
La fauche est grossière, de façon à ne pas détruire les gousses, ainsi que pour limiter le travail
(et donc les frais de main d'œuvre). Certains agriculteurs répandent alors les résidus, afin
d'assurer l'homogénéité de la couverture du sol, de la croissance du maïs, et du peuplement du
Mucuna l'année suivante (meilleure répartition des gousses).
La date de la fauche n'est pas uniquement conditionnée par la présence d'un nombre suffisant
de gousses et de graines viables : elle dépend de la date-limite que les agriculteurs se fixent
pour semer le maïs par rapport aux risques de sécheresse, ainsi que de la disponibilité en main
d'œuvre.
Le contrôle des rats intervient à ce moment : les faucheurs travaillent par équipe de trois à
cinq personnes, de façon à regrouper les rongeurs dans un "îlot" de Mucuna, puis à les chasser
vers une zone ouverte, non fauchée, où il est facile de les exterminer.
En se desséchant, les gousses de Mucuna éclatent, projetant les graines, ce qui assure une
bonne répartition dans le champ. Il faut cependant parfois ressemer le Mucuna si le
peuplement n'est pas suffisamment homogène. En effet, lorsque le Mucuna n'est jamais
ressemé, une hétérogénéité se crée au sein du peuplement, laissant la place à des adventices
qui concurrencent son développement.
- Semis du maïs :
Il a lieu après la fauche du Mucuna et se réalise au bâton fouisseur, à travers le mulch ainsi
créé. Le semis du maïs doit suivre la fauche du Mucuna le plus rapidement possible, pour les
raisons suivantes : (1) synchroniser les besoins en azote du maïs et la libération de l'azote par
la litière, (2) éviter la compétition des adventices. En effet, l'absence de mauvaises herbes
après la fauche de Mucuna ne dure pas, et doit être mise à profit par le maïs.
L'implantation du maïs peut s'étaler sur quelques jours à quelques mois, selon la capacité de
l'agriculteur à mobiliser de la main d'œuvre. Mais le plus souvent, elle s'effectue au fur et à
mesure de l'avancement de la fauche : un à deux jours de fauche, puis semis de la zone
correspondante.
Le semis se fait en ligne, en respectant 80 à 100 cm de distance entre les rangs, 50 à 80 cm
entre les poquets, à raison de trois à quatre graines par poquet. Les graines sont parfois
traitées contre les fourmis, et peuvent être pré-germées pour rendre le maïs plus compétitif
face aux adventices.
- Désherbage du maïs :
Il s'agit d'une pratique fondamentale, qui influe à la fois sur le rendement du maïs et sur le
développement du Mucuna. Les objectifs sont : (1) d'empêcher la compétition des adventices
avec le maïs pour les éléments minéraux et la lumière, (2) d'éclaircir le sol pour que le
ressemis spontané de Mucuna se déroule dans de bonnes conditions.
60
Un premier désherbage a généralement lieu entre 20 à 30 jours après le semis du maïs, puis un
second dix jours plus tard. Cependant, on observe une grande variabilité des pratiques :
certains agriculteurs désherbent une seule fois, à la houe ; d'autres le font deux à trois fois, en
combinant l’utilisation de la machette avec l’épandage d'herbicides (paraquat, avec un
pulvérisateur à dos). L'utilisation du 2-4 D amine est proscrite, car préjudiciable au Mucuna
émergent. Quel que soit le type de désherbage, les mauvaises herbes demeurent sur le sol et
viennent grossir le mulch. Ces pratiques différentes dépendent de la nature et de la vigueur
des adventices, mais aussi de facteurs sociaux, en relation avec les lieux d’origine divers de
ces agriculteurs issus de migrations.
On peut remarquer que le Mucuna, lorsqu'il est particulièrement vigoureux, peut entrer en
compétition avec le maïs : il convient alors de l'éclaircir, voire de le tailler pour ralentir son
développement.
- Fertilisation du maïs :
La plupart des agriculteurs n'utilisent pas d'engrais commerciaux, en raison de leur coût
prohibitif et de leur faible disponibilité. Selon eux, les éléments minéraux apportés par le
mulch de Mucuna suffit largement aux besoins du maïs. Notons que sur les parcelles avec peu
ou pas de Mucuna, la moitié des agriculteurs utilisent 25 à 50 kg/ha d'urée, qu'ils épandent 40
à 60 jours après le semis du maïs. Quelques-uns uns utilisent des engrais 12-24-12 ou 15-1515.
- Récolte du maïs :
Elle a lieu entre mi-avril et début juin, juste après la maturité des grains de maïs, afin de
bénéficier des meilleurs prix sur le marché et d'éviter les pluies pouvant entraîner des
problèmes de conservation (humidité des grains, maladies...).
Certains agriculteurs plient le plant de maïs juste avant la récolte, afin de faciliter celle-ci et
de protéger les épis à la fois contre les pluies éventuelles et les oiseaux.
Les tiges du maïs demeurent dans le champ après la récolte : elles servent de tuteur au
Mucuna qui commence dès lors à se développer de façon très rapide.
- Protection du Mucuna au cours de son développement :
Les parcelles de Mucuna ne sont jamais pâturées et ne subissent aucune intervention jusqu'à la
fauche. La "culture" de Mucuna peut donc être assimilée à une jachère courte améliorée
(l'unique objectif des agriculteurs étant de protéger et d'enrichir le sol en éléments minéraux
pour le maïs à venir). En outre, les graines ne peuvent pas être utilisées pour la consommation
humaine sans un traitement préalable, en raison de la présence d'une substance toxique (Ldopa).
Afin d'éviter le pâturage du Mucuna, les agriculteurs mettent en place des haies vives de
Gliricidia sepium, qui sont taillées au début du cycle du maïs. Les résidus sont laissés au sol
et enrichissent le mulch de Mucuna.
61
1.2.4. Les performances du système maïs-Mucuna
1.2.4.1. Besoins en travail et en matériel spécifique
Le système maïs-Mucuna nécessite peu de main d’œuvre. En comparaison avec le système
traditionnel de production de maïs avec jachère, il y a diminution nette des temps de travaux
grâce à un contrôle facilité des adventices. En effet, le Mucuna élimine la plupart des espèces
d'adventices (1) en empêchant leur germination, (2) en concurrençant celles qui parviennent à
germer, (3) par action allélopathique. De plus, les mauvaises herbes qui survivent sont
enracinées beaucoup moins profondément en raison du mulch, et la partie superficielle du sol
est plus friable et plus humide. Par conséquent, l'arrachage des adventices est plus facile et
plus rapide.
Ce système ne nécessite pas d'investissement initial élevé. En effet, il ne requiert pas de
matériel spécifique, les graines de Mucuna sont faciles à obtenir, et l'installation de la culture
demande peu de travail. Par la suite, le système s'auto-entretient grâce au ressemis spontané
du Mucuna, dont il suffit de contrôler la croissance en début de cycle pour éviter une
compétition trop forte avec le maïs.
1.2.4.2. Performances agronomiques
Ce système permet la culture en continu d’une même parcelle pendant de longues années :
certaines sont en association maïs-Mucuna depuis vingt ans sans diminution du rendement du
maïs. L’association maïs-Mucuna peut être considérée comme une forme d'intensification par
rapport au système traditionnel maïs/jachère.
Ce système assure une gestion conservatoire de l'eau et des sols. En effet, il permet :
-
-
Une minimisation de l’érosion par couverture continue du sol ;
Une diminution de l’évaporation du sol pendant l'hiver ;
Une augmentation de l’infiltration de l’eau des pluies (elle double en douze ans)
pendant l'été, par augmentation de la porosité totale et du taux de matière
organique dans le sol ;
Un accroissement de l’activité biologique du sol (substrat riche et microclimat
protégé).
De plus, le Mucuna permet de maintenir à des niveaux très bas l'incidence des principaux
parasites et des maladies du maïs.
Le Mucuna produit une biomasse importante (10 à 12 t/ha de matière sèche). Cette quantité de
biomasse varie peu d’une année à l’autre : le cycle de la plante est calé sur la grande saison
des pluies et s’étale sur de longs mois, ce qui permet de gommer les accidents potentiels de
croissance. La décomposition de cette biomasse fournit des quantités appréciables d'éléments
minéraux pour la culture de maïs.
Le mulch de Mucuna est un engrais vert homogène dans l'espace (bien couvrant) mais pas
dans le temps : il est constitué de deux compartiments (cf. détails en partie 3), dont l'un se
décompose à partir de la fauche et l’autre durant toute l’année. Ceci détermine le cycle des
éléments minéraux : on observe un pic d’azote minéral 20 à 30 jours après la fauche (une
centaine de kg/ha), suivi d’un déclin rapide (jamais en dessous de 30 à 50 kg/ha). Il y a donc
synchronisation entre la libération d’azote par la litière en décomposition et l’absorption par le
62
maïs. Le mulch libère également du calcium, du potassium en grande quantité, et du
phosphore qui compense les exportations annuelles. L'enrichissement en matière organique
est notable dans les cinq premiers centimètres. Au-delà de dix centimètres, on n'observe pas
de changement apparent. En définitive, le système maïs-Mucuna n'induit ni la dégradation de
la fertilité chimique des sols à long terme, ni l’acidification du profil.
Ce système présente néanmoins certains inconvénients : il ne remplace pas les arbres, et des
glissements de terrain sont toujours observés. De plus, le Mucuna favorise l'invasion des
parcelles par les rats et les serpents.
Les rendements du maïs postrera obtenus en association avec Mucuna sont très supérieurs à
ceux observés dans les systèmes traditionnels maïs/jachère (cf. tableau 2.1). Ils sont multipliés
par deux, quelles que soient les conditions climatiques de l'année, pour culminer à six tonnes
par hectare. Ils augmentent dès la première année, puis demeurent stables à partir de la
troisième année (cf. partie 4).
Tableau 2.1 : Rendements de maïs (t/ha) dans plusieurs villages du Nord-Honduras en
fonction du système de culture
LOCALITE
ANNEE 92-93
ANNEE 93-94
San Francisco de Saco :
Témoins sans Mucuna
1,9 +- 0,6
2,0 +- 0,4
Parcelles avec Mucuna
3,3 +- 1,0
3,5 +- 1,0
Las Mangas :
Témoins sans Mucuna
2,5 +- 0,2
1,4 +-0,8
Parcelles avec Mucuna
4,5 +- 0,8
3,1 +-1,0
Piedras Amarillas :
2,3 +-0,8
2,5 +-0,6
Parcelles avec Mucuna
Rio Cuero :
/
1,9 +-0,8
Parcelles avec Mucuna
SOURCE : B. TRIOMPHE (1996A)
1.2.4.3. Performances économiques (cf. les détails de l’analyse en partie 4)
La niche commerciale est avantageuse pour le maïs d'hiver. En effet, la saisonnalité des prix
du maïs est telle que les prix en mai et juin sont supérieurs de 50 à 100% à ceux que l'on
trouve en été. Cependant, le coût d'opportunité de ce système n'est pas négligeable : le
meilleur prix de vente pour le maïs de contre saison ne permet pas, dans un premier temps, de
compenser l’absence de culture pendant la saison des pluies. Par contre, le système Mucuna
permet une augmentation des rendements telle, qu’à partir de la troisième année de culture
avec la plante de couverture les marges dégagées deviennent supérieures à celles du système
traditionnel.
De plus, mis à part le manque à gagner des deux premières années, le système Mucuna
n'induit pas de surcoût : l'investissement initial en capital est faible, le coût d’apprentissage est
réduit, et l'impact sur la productivité du travail et de la terre se révèle positif à très court
terme.
Il faut noter que s'il ne requiert pas l'acquisition de foncier, le système maïs-Mucuna influe sur
son prix : ses effets bénéfiques, reconnus, sur la qualité des terres se traduisent par
l’augmentation du prix de location des parcelles.
63
1.3. Conclusion
Au début des années 80, seuls 10% des agriculteurs pratiquaient le système maïs-Mucuna. Au
début des années 90, leur nombre a atteint 10 000, soit les deux-tiers de la population agricole.
Cependant, même les agriculteurs ayant adopté le système maïs-Mucuna continuent à cultiver
le maïs selon des modalités traditionnelles : le système maïs-Mucuna n'est qu'une méthode de
production de maïs parmi d'autres.
L'association maïs-Mucuna a été mise au point et adoptée par les agriculteurs pour intensifier
la production de maïs : elle est pratiquée dans des parcelles fertiles, et n'est pas considérée
comme une mesure de restauration d’urgence de la fertilité dans des terres déjà dégradées.
Tirant parti au mieux de l'écologie naturelle du Mucuna, le système fonctionne d'ailleurs de
façon tout à fait satisfaisante : les rendements sont bons, les coûts de production modérés, et
l'environnement physique est préservé, voire amélioré, permettant la culture continue sur une
même parcelle. Et ceci ne nécessite pas d'investissement initial en capital, ni un coût élevé
d'apprentissage de nouvelles techniques, avec de plus une observation immédiate de l'impact
positif sur la productivité. Ces éléments expliquent certainement la diffusion massive et rapide
de ce système dans le milieu agricole, sans appui officiel.
Cependant, étant donné les évolutions du prix du maïs, il semblerait que l'association maïsMucuna soit actuellement remise en cause d'un point de vue économique. Son principal défaut
est de limiter la production de maïs à un seul cycle annuel, alors que le climat en autorise
deux, et que le Mucuna ne trouve pas d’utilisation économique. Avec une seule entrée
d’argent au lieu des deux permises par le système traditionnel, la gestion de la trésorerie est
plus difficile. Quelle qu’en soit la raison, l’association maïs-Mucuna semble être délaissée par
certains agriculteurs au profit d’activités plus rentables (élevage mixte, cultures commerciales
à forte valeur ajoutée comme le piment). L'enjeu est désormais de diversifier le système maïsMucuna, et de l'améliorer. Il s'agit notamment : (1) de proposer d'autres légumineuses
(Canavalia, Dolichos…) à la place du Mucuna, légumineuses pouvant être valorisées
économiquement (alimentation humaine ou animale) ; (2) d'intégrer d'autres cultures que le
maïs ; (3) de considérer les interactions possibles avec les activités d'élevage.
II. Les zones forestières d’Afrique de l’Ouest
Dans les zones tropicales humides d'Afrique de l'Ouest, l'agriculture itinérante sur défrichebrûlis a occupé jusqu’ici une place importante. Or ces zones ont connu des bouleversements
importants dus au développement des plantations, à l'exploitation forestière et à
l'accroissement continu de la population rurale : les forêts régressent et les temps de jachère
diminuent. Un changement des modes d’exploitation du milieu doit donc être envisagé.
L'objectif de la recherche agronomique dans ces zones est de fixer l’agriculture, d’assurer sa
durabilité et sa rentabilité pour les petites exploitations familiales. Le recours aux moyens de
production comme la mécanisation, les pesticides et les engrais doit donc être limité. Dans ces
régions où les pentes sont généralement faibles et où les sols présentent une bonne structure
avec une bonne disponibilité en éléments minéraux après la défriche des jachères longues, la
principale contrainte à gérer est l'enherbement. Aussi, la recherche s'est-elle orientée vers la
mise au point de systèmes alternant culture principale et jachère de courte durée (6 à 18 mois),
jachère améliorée par la présence d’une plante de couverture qui permet de contrôler la
prolifération des adventices.
64
Nous allons prendre l'exemple de deux pays où ces travaux de recherche ont été développés. Il
s'agit de la Côte d'Ivoire et du Bénin. Dans les deux cas, le climat est de type tropical humide
avec une saison sèche marquée (Labrousse, 1996) et une répartition bi-modale des pluies (cf.
annexe 3).
2.1.En Côte d'Ivoire
Les résultats présentés proviennent de travaux de l'IDESSA (Centre national de recherche
agronomique de Côte d’Ivoire) et du CIRAD, et sont issus des écrits de P. Autfray (1994,
1997), P. Autfray et H. Gbaka Tchetche (1999). Ces travaux ont été menés dans la région de
Gagnoa de 1990 à 1993, en région forestière (cf. figure 2.11), et ont débuté dans la région
d'Oumé en 1994 (au nord-est de Gagnoa).
Figure 2.11 : Zones agroclimatiques de la Côte d’Ivoire
Source : H. Charpentier (1999)
2.1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
Les sites d'expérimentation étaient situés en zone de forêt semi-décidue. Avec une roche mère
de type granitique ou schisteux, le relief est peu accentué. Les sols sont ferrallitiques
moyennement ou peu désaturés, généralement non acides. Les sols ferrallitiques
gravillonnaires sont fréquents en haut et en milieu de versant.
La température moyenne annuelle est de 25°C. La pluviométrie est modérée : la moyenne
annuelle varie entre 1200 et 1500 mm, avec une grande saison sèche qui s'étale sur deux à
quatre mois, entre novembre et février. La principale saison des pluies dure quatre mois (de
mars à juin) et la seconde saison des pluies deux mois (de septembre à octobre), séparées par
une petite saison sèche de deux mois (cf. annexe 3). Deux périodes de production sont donc
possibles pour des cultures à cycle court.
Les cultures pérennes dominent dans les activités agricoles, notamment la cacaoculture, en
culture pionnière (la Côte d'Ivoire est depuis près de vingt ans le premier producteur mondial
de cacao). Les cultures vivrières ne concernent que 10 % des terres mises en valeur, et sont
principalement destinées à l'autoconsommation. Implantées après défriche-brûlis, elles sont
65
cultivées sans intrant. Après deux ou trois ans de culture, les parcelles sont mises en jachère
de longue durée (quinze ans). En général les agriculteurs distinguent deux ensembles de
cultures : celles de la grande saison des pluies et celles de la petite saison des pluies. Mais ces
deux ensembles sont implantés sur des parcelles différentes. Sinon, chaque grand groupe
social a sa culture de base : le riz pluvial pour les autochtones, l'igname pour les migrants du
sud et le maïs pour ceux originaires du nord. Le manioc est souvent cultivé en culture dérobée
dans les parcelles de maïs. Ajoutons que le maïs est la culture vivrière la plus couramment
commercialisée.
Le système agricole de la région est peu à peu remis en question : les forêts sont en
régression, ce qui limite l'ouverture de nouvelles cacaoyères. L'augmentation de la pression
démographique nécessite une nouvelle gestion des terroirs agricoles.
2.1.2. Les SCV créés par la recherche comme alternative à la défriche-brûlis
2.1.2.1. Principes et historique
Une première solution consistait à utiliser Chromolaena odorata, ou herbe du Laos, comme
plante de couverture. Vivace arbustive, celle-ci domine en effet très largement dans les
jachères de la région.
Originaire d'Amérique latine, elle a été introduite dans les plantations industrielles de Côte
d’Ivoire en tant que plante de couverture essentiellement amélioratrice de la structure des sols.
Cependant, hors de tout contrôle, C. Odorata s'est rapidement disséminée dans l'ensemble de
la zone forestière de Côte d'Ivoire, où elle est devenue très envahissante. Dans un premier
temps, des programmes de recherche ont été engagés en vue de l'éradication biologique de ce
fléau. Puis les intérêts que présente cette plante ont été redécouverts, notamment son action
sur le contrôle d'adventices majeures (graminées, cypéracées), mais aussi son rôle sur le
maintien de la fertilité du sol. Certains agriculteurs l'ont même intégrée avantageusement dans
leurs pratiques : sans diminution des rendements et sans augmentation des travaux de
sarclage, ils sont passés du système « jachère de quinze ans – brûlis - deux ou trois années de
culture » au système « jachère de C. odorata de deux ou trois ans – brûlis avec conservation
des souches de C. odorata – un à deux ans de culture » (de Foresta, 1996).
Le double mode de reproduction de C. odorata par souches et graines (akènes) et une forte
croissance en milieu ouvert permet un recouvrement très rapide du sol après une culture sur
nouvelle défriche. Même après quatre années de culture, cette plante reste très présente sur les
parcelles, sous forme de touffes vivaces ou de jeunes plants. Cette particularité, ainsi que son
cycle très long, ont été mis à profit pour tester des systèmes où la culture de maïs ou de riz,
pendant la petite saison des pluies, alterne avec le développement de C. odorata pendant la
grande saison des pluies (Ehret, 1999). La céréale est implantée en semis direct après la
fauche de C. odorata, soit tous les ans (après une jachère de 6 mois), soit une fois tous les
deux ans (après une jachère de 18 mois). Après la récolte de la céréale, C. odorata re-colonise
la parcelle.
Dans ce système, le contrôle de la plante de couverture est très contraignant : il nécessite des
travaux à très forte pénibilité (fauche de la plante qui est ligneuse), ainsi que l'emploi
d'herbicides (épandage de 2-4 D amine pour contrôler les repousses de C. odorata dans la
céréale). De plus, l'effet de couverture sur une jachère de courte durée est insuffisant pour
éliminer les graminées adventices, ce qui nécessite des sarclages de plus en plus longs et
nombreux au fil des ans, ou l'emploi d'herbicides.
Ces éléments ont conduit à abandonner C. odorata au profit d’une autre plante de couverture :
Pueraria phaseoloides.
66
2.1.2.2. Description des systèmes à base de Pueraria phaseoloides
Caractéristiques de P. phaseoloides (cf. annexe 2)
Légumineuse originaire du Sud-Est asiatique, P. phaseoloides est largement utilisée comme
plante de couverture dans les plantations de palmiers à huile en Côte d'Ivoire. C'est une plante
vivace à port grimpant qui se propage par stolons. Sa vitesse de croissance est rapide, sauf
dans la phase initiale. Elle concurrence donc peu la culture associée. Elle est utilisée comme
couverture vive, et permet un recouvrement du sol trois années consécutives. Cette plante a
été sélectionnée par la recherche pour les essais en Côte d'Ivoire, car, parmi les plantes
testées, elle est la seule capable de dominer C. odorata dans les jachères.
Conduite de l'association maïs-Pueraria (cf. figure 2.12)
- La première année, après brûlis d'une jachère longue, il est conseillé d'éliminer les souches
de C. odorata manuellement ou par traitement au 2-4 D amine à très forte dose en traitement
localisé des souches (4320 g/ha).
- Le maïs est implanté en semis direct à partir des premières pluies en mars.
- Le semis de Pueraria peut être réalisé au même moment, ou 20-30 jours après, juste avant le
premier sarclage, après une pluie : semis à la volée à la dose de 20 kg/ha, puis mise en contact
des graines avec le sol lors du sarclage manuel.
- La croissance initiale de Pueraria est lente et ne gène pas le maïs. Puis, à partir de la
floraison du maïs, la légumineuse se développe rapidement en utilisant les tiges de la céréale
comme tuteurs. Cependant, obtenir une couverture régulière de Pueraria demande un certain
soin. En effet, il peut être nécessaire d'éliminer les repousses d'adventices par un fauchage
après la récolte du maïs.
- L'année suivante, avant le semis direct du maïs, on effectue deux rabattages manuels
successifs de Pueraria.
- Après récolte du maïs, Pueraria re-colonise la parcelle par multiplication végétative, et ainsi
de suite. Eventuellement, au début du cycle du maïs, les repousses précoces de Pueraria sont
contrôlées avec du 2-4 D amine.
Figure 2.12 : Sud Côte d’Ivoire – Association maïs/Pueraria en semis direct (années 1-2)
Légende :
= Grande saison des pluies ;
= Petite saison des pluies ;
= Saisons sèches
Source : P. Autfray (1997) et P. Ehret (1999)
67
D'après les résultats des essais, il y aurait une bonne corrélation entre le poids du mulch de
Pueraria et les rendements obtenus en maïs. De façon générale, le système maïs-Pueraria
occasionne un surplus de travail et d'intrants par rapport au système traditionnel, surplus qui
n'est pas forcément compensé par les gains de rendement en maïs. Une comparaison des
marges obtenues avec les deux systèmes sur plusieurs années devrait être effectuée.
Variantes testées
- Dans le système maïs-Pueraria, on peut implanter le maïs qu'une année sur deux, ce qui fait
passer de 6 à 18 mois le temps de jachère améliorée avec Pueraria.
- Toujours dans le même système, on peut remplacer le maïs par du riz.
- Il est possible d'associer le Pueraria avec un tubercule (manioc, igname), ce qui donne un
cycle annuel de tubercule suivi d'une jachère de Pueraria de 12 mois, et ainsi de suite…
2.1.3. Impacts de ces systèmes sur le milieu agricole
Les systèmes qui viennent d’être décrits et qui associent une culture principale avec une
plante de couverture, en sont au stade de l'expérimentation et ne sont pas pratiqués par les
agriculteurs. Les recherches qui mettent en œuvre les tubercules sont les plus récentes. Elles
ne permettent pas encore de proposer des modalités de conduite performantes.
Contrairement au cas du Mucuna au Nord-Honduras, les systèmes à base de Pueraria
(pourtant les plus prometteurs) ne bénéficient pas d'une coïncidence entre la période d'arrêt de
végétation de la plante de couverture, et le début de la croissance de la culture principale. En
effet, la culture de céréale est conduite pendant la première et la principale saison des pluies,
la seconde paraissant trop aléatoire. Plante de couverture et culture principale sont donc en
croissance pendant la même période, lors de cette première saison. En conséquence, la
conduite de l'association est complexe : une fois Pueraria installé, son développement doit
être contrôlé soit par l'emploi d'herbicides, soit par un supplément de travail manuel. Ce
contrôle est certes favorisé par la croissance initiale lente de Pueraria, mais du coup, la
couverture de Pueraria est plus difficile à installer que la couverture de Mucuna dans le nord
Honduras (concurrence des adventices).
Cette situation réduit l'intérêt des systèmes à base de Pueraria, et limite leur adoption par les
agriculteurs. En effet, si ces systèmes peuvent intéresser les paysans les moins bien dotés en
foncier, ils paraissent peu compétitifs pour ceux qui disposent encore de jachères à base ou
non de C. odorata, leur permettant de continuer le système de défriche-brûlis (Bouchez,
1998 ; Erhet, 1999).
2.2. Au Bénin
Les résultats présentés ici sont issus de travaux menés dans le cadre d'un projet de recherchedéveloppement du Ministère du Développement Rural du Bénin, en coopération avec l'Institut
International Tropical et l'Institut Tropical Royal des Pays Bas. Les premiers essais ont été
mis en place en 1986/87, dans la province du Mono au sud du Bénin (cf. figure 2.13).
68
Figure 2.13 : Carte du Bénin
Source : http://www.mapquest.com
2.2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
La pluviométrie est abondante : la moyenne annuelle est de l'ordre de 1500 mm, avec une
grande saison des pluies d'avril à juillet, suivie d'une petite saison des pluies de septembre à
novembre. Comme pour la Côte d'Ivoire, la répartition des précipitations permet deux cycles
de culture par an.
Les systèmes de culture vivriers présentent beaucoup de similitudes avec celui décrit
précédemment pour la Côte d'Ivoire, à savoir : défriche-brûlis, mise en culture deux à trois
ans, mise en jachère quinze ans, et ainsi de suite... De la même façon, ce fonctionnement est
remis en question par l'augmentation de la population et la diminution des temps de jachère
qui a entraîné l'infestation des parcelles par Imperata cylindrica.
2.2.2. Les SCV avec Mucuna expérimentés par la recherche comme alternative à la
défriche-brûlis
Au Bénin, la recherche a sélectionné Mucuna pruriens comme plante de couverture (Vissoh et
al., 1998).
Pour les terres peu infestées par Imperata, elle a mis au point un système qui associe le maïs
avec le Mucuna. Rappelons que Mucuna est une légumineuse annuelle qui se ressème
spontanément (cf. annexe 2). Si les plantes de couverture sont différentes, le système maïsMucuna développé au Bénin présente beaucoup de similitudes avec l’association maïsPueraria expérimentée en Côte d’Ivoire : le cycle de développement du maïs correspond à la
grande saison des pluies, contrairement au cas Nord-Honduras.
69
Le système maïs-Mucuna proposé au Bénin fonctionne de la façon suivante :
- La première année, défriche-brûlis d'une jachère pluriannuelle, et semis direct de maïs en
avril ;
- Six semaines après, à la fin du premier sarclage de maïs, implantation de Mucuna par
semis direct. Les pieds de Mucuna sont "coupés", sans toutefois tuer la plante, de manière
à ce qu'elle-ci n'entre pas en compétition avec le maïs, jusqu'à ce que la céréale soit
suffisamment développée ;
- Après la récolte du maïs, le Mucuna se développe rapidement et couvre suffisamment le
sol pour stopper le développement de l'Imperata. Le Mucuna finit son cycle à la fin de la
seconde saison des pluies et dépérit. Les graines tombent sur le sol ;
- L'année suivante, juste avant le semis direct du maïs en avril, on fauche les résidus de
Mucuna ;
- La plante de couverture repart à partir de la germination de ses graines. Après la récolte du
maïs, elle re-colonise la parcelle, et ainsi de suite.
Sur les terres infestées par Imperata, le Mucuna est installé en culture pure au début de la
grande saison des pluies, après la fauche de la graminée. Pour permettre au Mucuna de bien se
développer, une fauche des repousses d'Imperata peut être nécessaire. A partir du moment où
Mucuna parvient à recouvrir complètement le sol, la plante détruit la quasi-totalité des
rhizomes d'Imperata. Pour optimiser son action, il faut éviter le passage du feu, car la mise à
nu du sol favorise la reprise de l'Imperata. L'année suivante, une fois la couverture de Mucuna
obtenue, le maïs est semé directement dans le mulch produit après la saison sèche en avril
(Ehret, 1999).
2.2.3. Impacts de ces systèmes sur le milieu agricole
Les deux systèmes mis au point par la recherche ont rencontré du succès auprès des
agriculteurs de la province du Mono. De là, les systèmes à base de Mucuna se sont diffusés
dans le reste du pays (Versteeg et al., 1998 ; Vissoh et al., 1998). Des enquêtes montrent que
le principal moteur de l'adoption du Mucuna par les agriculteurs est l'infestation des parcelles
par Imperata (Galiba et al., 1998 ; Houndékon et al., 1998). En effet, les systèmes à base de
Mucuna se sont très vite répandus dans les zones très peuplées, afin de réhabiliter des
parcelles envahies. Il reste à savoir si l'utilisation du Mucuna perdure, une fois Imperata
contrôlé. Ailleurs, tant que le sol le permet, les agriculteurs préfèrent conserver la seconde
saison des pluies pour une culture productive.
2.3. Bilan sur les cas d’Afrique de l’Ouest
Actuellement, en Afrique de l'Ouest, les nouveaux systèmes d'exploitation des zones
forestières mis au point par la recherche n'ont pas eu l'impact escompté : en Côte d'Ivoire, les
systèmes à base de Pueraria semblent trop complexes et peu compétitifs face à l'exploitation
des jachères de C. odorata après brûlis ; au Bénin, l'adoption du Mucuna permet avant tout de
lutter contre Imperata. Cependant, ces nouveaux systèmes semblent prometteurs : il faut
encore les améliorer, et les conditions de leur extrapolation à d'autres localités doivent être
étudiées.
A ce propos, le comportement des possibles plantes de couverture est très variable selon les
écologies, même lorsque celles-ci paraissent relativement proches : les espèces les mieux
adaptées diffèrent d'une zone à l'autre, comme on l'a vu avec les deux exemples présentés.
Plus encore, la gestion des plantes de couverture doit être différente dans les zones plus
humides à pluviométrie monomodale (Becker et al., 1998). Il est donc nécessaire : (1) de
70
disposer d'une large gamme de plantes de couverture afin de choisir les mieux adaptées à
chaque zone ; (2) de faire varier les techniques de gestion, avec durée minimale de jachère, en
fonction des conditions pédo-climatiques. Dans certains cas, il peut s'avérer intéressant
d'intégrer des plantes arbustives (Cajanus cajan, crotalaires, Thintonia diversifolia) dans des
jachères courtes remises en culture après brûlis (Ehret, 1999).
III. Conclusion
Les modalités de mise en œuvre des SCV varient beaucoup selon les caractéristiques
agroécologiques particulières des milieux concernés : l’association maïs-Mucuna du NordHonduras n’est pas directement transposable dans les conditions de la Côte d’Ivoire et du
Bénin. La gestion des systèmes actuellement mis au point dans ces deux pays d’Afrique de
l’Ouest est plus complexe, ce qui, ajouté à des contextes socio-économiques différents, peut
suffire à expliquer la différence d’impact auprès des agriculteurs : des adoptions spontanées
d’un côté au Nord-Honduras, un stade essentiellement expérimental de l’autre en Afrique de
l’Ouest.
Cependant, le semis direct sur couverture végétale sous ses formes modernes peut être d’un
grand intérêt pour les petites exploitations familiales des tropiques humides. Nous allons
maintenant changer de milieu, et aborder dans différents pays le cas d’exploitations familiales
en zone tropicale semi-aride.
71
D. AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE SEMI-ARIDE
Deux situations contrastées sont abordées dans cette partie : une dans l’Ouest mexicain et une
dans le Sud-Ouest de Madagascar. Etant donné les similitudes agroécologiques et socioéconomiques, nous complèterons la présentation du deuxième cas avec des résultats de
travaux de recherche menés dans le Nord de la Côte d’Ivoire.
I. L’Ouest mexicain
Cet exemple est traité à partir des écrits de P. Clavier (1998), J. Glo et N. Martin (1995), E.
Scopel (1994, 1999), E. Scopel et al. (1999), A. Stéphan (1996).
La région concernée (zone de San Gabriel, anciennement appelée Venustiano Carranza, dans
le district de Ciudad Guzman) fait partie de l’Etat de Jalisco dans l’Ouest du Mexique, dans la
région Pacifique-Centre. Elle se situe à 19,5° de latitude nord, sur le versant pacifique du
pays, à 150 km environ de la côte (cf. figure 2.14). Localisée aux pieds des volcans de
Colima, il s’agit d’une zone de piémont. Entourée par des massifs volcaniques élevés, elle se
caractérise par son enclavement : les voies de communication sont récentes et encore peu
développées.
Figure 2.14 : Présentation géographique de l’Etat de Jalisco au Mexique
Source : E. Scopel et al. (1999)
72
Le climat est de type tropical semi-aride à subhumide, avec une saison sèche marquée et une
seule saison des pluies concentrée sur six mois de l’année, de mai à novembre (cf. annexe 3).
L’élevage bovin (pour la viande, accessoirement pour le lait) et la culture de maïs pluvial
(pour l’autoconsommation et la vente) sont les deux principales spéculations agricoles de la
région.
1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
1.1.1. Le milieu naturel
La pente du relief est régulière d’est en ouest, de l’ordre de 5 à 10%, entrecoupée par quelques
volcans de taille réduite (< 300 m).
La zone étudiée présente des conditions physiques assez contrastées. On distingue deux
grandes parties :
- Une partie haute, de 1300 à 1500 m d’altitude, avec des conditions pluviométriques
relativement favorables, la moyenne annuelle des pluies allant de 600 à 800 mm ;
- Une partie basse, de 900 à 1300 m d’altitude, plus sèche, avec une moyenne
pluviométrique annuelle comprise entre 400 et 600 mm.
La répartition des pluies est irrégulière, et les périodes de plus de dix jours sans précipitations
pendant la saison pluvieuse sont fréquentes. Les pluies se présentent aussi le plus souvent
sous la forme d’événements orageux courts mais de grande intensité.
La température moyenne annuelle est de l’ordre de 20°c. Les maxima ont lieu pendant la
saison des pluies (en mai). En janvier, pendant la saison sèche, il y a des risques de gelée dans
les parties hautes. Durant la saison des pluies, les minima sont de l’ordre de 10°c, pour des
maxima d’environ 40°c. Même s’il n’y a pas de gros écarts, les températures sont
systématiquement plus fortes dans les zones basses que dans les zones hautes.
Les sols sont d’origine volcanique ou sédimentaire, plus ou moins remaniés. En fonction de
leurs caractéristiques agronomiques, on peut distinguer deux grands types de sols sur
l’ensemble partie haute et partie basse :
-
Des sols noirs riches en argile (> 30%), à pH alcalin (7-8) et à teneurs faibles en P, Zn, Fe
et Cu (chernozems et vertisols) ;
Des sols bruns à plus faible teneur en argile (5 à 20%), plus acides (pH de 5 à 6) et plus
riches en P, Zn, Fe et Cu (feozems et cambisols).
1.1.2. Histoire agricole
Avec une production de 19,1 millions de tonnes en 1994, le Mexique est le troisième
producteur mondial de maïs après les Etats-Unis et le Brésil. Le maïs a une importance
culturelle indéniable au Mexique : il a toujours constitué la base de l’alimentation, et depuis
les années 40, l’Etat mexicain a largement subventionné la filière (achat de la production à
prix garanti élevé, subvention de crédits…). Essentiellement cultivé en pluvial, il tient une
place prépondérante dans tous les types de systèmes de production, des plus traditionnels au
plus modernes. Autrefois cultivé pour l’autoconsommation familiale, le maïs représente
dorénavant une part importante du budget des exploitations agricoles et constitue une des
sources principales de leurs revenus.
73
Cependant, au niveau national, la production de maïs est fréquemment déficitaire face à une
demande sans cesse croissante. Plus grave, la récession économique que traverse le Mexique
depuis 1994 remet en question la politique de soutien de l’Etat et touche les agriculteurs de
plein fouet : les taux de crédit ont augmenté, comme la TVA, ainsi que les prix du carburant
et des intrants. Le Mexique prévoit, dans son nouveau programme d’aide à l’agriculture (le
PROCAMPO), une diminution progressive sur quinze ans du prix garanti pour s’aligner sur le
prix mondial. Cependant, les coûts de production du maïs sont trop élevés : en 1995, ils
étaient pratiquement le double de ceux des Etats Unis et du Canada. Or, le Mexique a signé un
traité de libre échange avec ces pays (ALENA), qui doit se mettre en place progressivement
sur quinze ans.
Au Mexique, on observe deux principales formes d’accès au foncier : (1) la propriété directe ;
(2) la dotation ejidale, issue de la réforme agraire de 1915 qui a consisté progressivement à
exproprier les grands propriétaires et à redistribuer les terres. « L’ejido est une terre
collective, attribuée par l’Etat à un groupe de cultivateurs qui s’engage à la mettre en valeur et
à respecter les règles établies par la communauté villageoise afin d’éviter son
démantèlement » (Musset, 1994, cité par J. Glo et N. Martin). Chaque membre de la
communauté reçoit une parcelle, appelée dotation ejidale, d’une superficie de six à huit
hectares, qui lui est attribuée jusqu’à sa mort. Cette dotation peut se transmettre par héritage,
mais ne peut pas se vendre, ni se louer. Le statut des bénéficiaires est modifié par la nouvelle
loi agraire datant du 26 février 1992 : la dotation des terres devient une appropriation
individuelle qui peut être vendue, louée ou léguée à une personne de son choix. Le secteur
privé est aussi conditionné par les lois de la réforme agraire : à l’origine, la superficie des
propriétés privées ne devait pas excéder 100 hectares de terres irriguées ou son équivalent en
autres types de terres, avec des élevages bovins limités à 500 têtes. Ces limitent n’existent
plus depuis la nouvelle loi de 1992.
La région de San Gabriel est assez représentative du contexte de production de maïs du
Mexique. Les activités sont essentiellement liées au secteur agricole qui touche près de 70%
de la population active. L'accès au foncier est majoritairement de type ejidal (cas de 77% des
exploitations). Les productions végétales sont en très grande majorité pluviales (93% des
superficies cultivées), et elles concernent essentiellement le maïs (70 à 90%), plus
marginalement le sorgho, les piments, la tomate verte ou le mezcal (variété d'agave). Les
quelques parcelles irriguées sont généralement consacrées au maraîchage. Parallèlement, à
l’instar de la zone Pacifique du Mexique, l’élevage bovin extensif est en pleine expansion. Il
représente le principal mode de capitalisation et alimente le commerce de viande. La
généralisation de cette spéculation pose des problèmes de gestion des parcours en saison des
pluies, et de disponibilité de ressources fourragères durant la saison sèche. Les parcours se
situent à la fois sur les terres incultes de la plaine, et sur les flancs des collines et des
montagnes avoisinantes. Les élevages caprins et ovins sont peu présents dans la zone. A
l’inverse, les équidés (et notamment les mules) sont très répandus (trois têtes par unité de
production en moyenne). Ils sont utilisés pour le travail de la terre et le transport.
Avec la crise économique de ces dernières années, les organismes d'appui à l'agriculture créés
par l'Etat dans le cadre de la réforme agraire sont en perte de vitesse. De ce fait, tous les
services de crédit, d’assurance, d’appui technique, de vente d'intrants, sont peu ou mal assurés
dans la région. Seul l'achat du maïs grain à prix garanti est maintenu.
74
1.1.3. Les unités de production
Les unités de production qui exploitent la plaine de San Gabriel ne forment pas un ensemble
homogène. Le principal facteur de cette hétérogénéité est l’accès au foncier. Déjà, le secteur
privé regroupe des exploitations allant de quelques hectares à plusieurs centaines d’hectares.
Mais dans le secteur ejidal-même, on note des inégalités. En effet, la redistribution des terres
s’est faite en plusieurs vagues, et certaines familles ont pu cumuler des dotations. La nouvelle
loi agraire de 1992, qui permet les ventes et les locations de terres, a encore accentué la
diversité des exploitations agricoles.
Il est possible de distinguer trois grands types d’unité de production dans la région de V.
Carrenza (cf. tableau 2.2), dont la représentativité a été estimée à partir des résultats d’enquête
de J. Glo et N. Martin.
- T1 = petites exploitations avec ou sans élevage bovin (disposant de dix hectares de terres
arables en moyenne, bénéficiaires pour la plupart de la réforme agraire).
On peut distinguer deux sous-groupes à peu près équivalents en nombre : (T1a) les
exploitations qui ne produisent que du maïs ; (T1b) les exploitations qui produisent du maïs
avec une petite activité d’élevage bovin extensif (sept têtes en moyenne) mixte (lait et
viande), dont les revenus agricoles sont issus principalement de la vente du maïs.
Les chefs de ces exploitations travaillent essentiellement avec de la main d’œuvre familiale.
Ils ne sont pas propriétaires de tracteurs : ils utilisent encore beaucoup la traction animale,
même si une bonne partie d’entre eux accède à la motorisation par location. Ils se
caractérisent par des difficultés de trésorerie, plus accentués chez les non-propriétaires de
bœufs. Ils accèdent difficilement aux crédits bancaires, et les revenus extérieurs permettent de
faire vivre l’exploitation (appui financier de parents émigrés aux Etats Unis, vente de la force
de travail…). Ils représentent environ 60% des exploitations agricoles de la région, et environ
20% des superficies cultivées en maïs.
- T2 = exploitations moyennes mixtes, avec cultures et élevage bovin extensif (25 hectares en
moyenne de terres labourables, 26 têtes de bovins en moyenne, bénéficiaires pour la plupart
de la réforme agraire).
Les trois quarts des superficies sont cultivées en maïs. La main d’œuvre familiale est
importante, même si elle est souvent complétée par des salariés. La moitié des chefs
d’exploitation sont propriétaires d’un tracteur avec charrue et/ou cover crop. Les autres font
appel à des prestataires de services, ou, plus rarement, continuent à utiliser la traction animale.
Les revenus agricoles sont diversifiés (vente maïs, viande et accessoirement lait…). L’accès
aux crédits bancaires reste difficile, et les revenus extérieurs sont toujours importants
(émigrations aux Etats Unis, vente force de travail…). Ce type représente environ 25% des
exploitations agricoles de la région, et environ 30% des superficies cultivées en maïs.
- T3 = grandes exploitations avec ou sans élevage bovin (70 hectares de terres labourables en
moyenne), où une grande partie des terres travaillées peut être en location.
On peut distinguer deux sous-groupes : (T3a) les agriculteurs qui ne produisent que du maïs
et qui sont pour la plupart issus du secteur privé ; (T3b) les exploitations où se combinent
productions végétales (principalement le maïs) et élevage bovin viande extensif (76 têtes en
moyenne).
Les chefs de ces exploitations font appel à des ouvriers permanents et temporaires. Ils sont
tous très bien équipés en tracteur(s) et outils de préparation du sol, et louent souvent leurs
services aux agriculteurs non-équipés. Ils accèdent facilement aux crédits bancaires, et la
plupart ont des activités secondaires (commerce…).
75
De façon générale, on note : (1) une difficulté d’accès aux crédits bancaires pour les petits
producteurs ; (2) l’importance des revenus extérieurs à l’agriculture pour tous les types
d’exploitation ; (3) l’accès à la traction motorisée pour tous via la propriété ou la location.
1.1.4. Les systèmes techniques de production en plaine et en pluvial
La gestion des parcelles en pluvial est assez homogène : c'est en très grande majorité une
monoculture de maïs, avec un cycle de maïs par an pendant la saison pluvieuse. Le maïs est
parfois associé à de la courge-semence ou plus souvent à du haricot. Durant la saison sèche,
juste après la récolte, les parcelles sont pâturées par les troupeaux bovins qui redescendent des
parcours où ils étaient maintenus durant la saison des pluies. Les agriculteurs qui ne possèdent
pas de têtes de bétail (exploitations de type T1a) vendent ce droit de pâture aux autres. Le
chargement peut varier considérablement d'une parcelle à l'autre, d'où la variabilité de la
quantité des résidus présents sur le sol au retour des pluies. Les parcelles sont mises en
jachère de façon périodique, avec une fréquence et une durée variables selon les sols et les
conditions pluviométriques. Ces jachères peuvent être pâturées. Elles sont plutôt peu
fréquentes, étant donné la pression exercée sur le foncier.
A l’intérieur de ce système, le maïs est cultivé avec des degrés d’intensification variables, qui
se traduisent par une large gamme de rendements obtenus. Les itinéraires techniques
conventionnels pratiqués par les agriculteurs présentent néanmoins quelques grandes
caractéristiques communes.
- Préparation du sol
Après un nettoyage rapide à la machette, les résidus sont rassemblés puis brûlés sur place.
Autrefois (jusqu'au début des années 80), tous les sols étaient labourés en traction animale
avec une charrue à socs. Aujourd'hui, plus de 70% des parcelles sont travaillées avec le
tracteur et des outils à disques de type cover-crop, en un ou plusieurs passages. Les charrues à
disques sont utilisées pour une remise en culture après jachère, ou pour des sols jugés indurés
en surface. Le labour est alors suivi d’un ou de plusieurs passages de cover-crop.
- Semis
Les semis s'étalent en général de début juin à fin juillet. Ils débutent dans les parties hautes,
que leur plus fort potentiel de production rend prioritaires (plus forte pluviométrie). Les
variétés sont différentes selon l'altitude, avec une prédominance de variétés traditionnelles,
moins sensibles à la sécheresse, dans les parties basses.
L'utilisation d'un semoir tracté par les animaux est peu répandue (semoirs rares et peu
performants). La pratique la plus fréquente (dite tapapie) est la suivante : (1) ouverture d'un
sillon en traction animale avec la charrue (écartement des sillons d'environ 70 cm) ; (2)
placement des graines à la main dans les sillons et recouvrement avec le pied.
Par contre, pour les agriculteurs qui ont un niveau d'équipement élevé (exploitations de types
T3), l'utilisation d'un semoir conventionnel s'est généralisée.
Les densités observées à la récolte sont très variables et plutôt faibles (inférieures ou égales à
cinq plants par m²).
76
- Contrôle des adventices
Le contrôle des adventices par la traction animale est encore très largement répandu. Il
consiste en la réalisation d’un ou deux sarclo-buttages avec une charrue à double versoir.
Parallèlement, depuis le début des années 80, l’utilisation des herbicides s’est généralisée. En
1995, plus de 85% des agriculteurs y ont recours. Le plus souvent, il ne s'agit que d'un
contrôle supplémentaire en cours de cycle, ciblé contre les dicotylédones, avec un herbicide
de type 2,4 D amine. Moins fréquemment, on observe l’emploi d'herbicides de prélevée à
base d'atrazine, appliqués au semis. L’application est réalisée avec des pulvérisateurs à dos.
Des sarclages manuels en cours de culture ont parfois lieu chez les petits producteurs.
Dans cette région, les agriculteurs cherchent à contrôler les adventices en début de cycle. Par
contre, ils ont tendance à les laisser croître en fin de cycle pour les utiliser comme fourrages.
- Fertilisation et traitements phytosanitaires
La fertilisation minérale est généralisée, mais les doses et les dates d’apport sont très variables
d’un agriculteur à l’autre.
Dans cette région du Mexique, l’infestation par les insectes du sol est courante. Mais
seulement 46% des agriculteurs traitent de façon préventive et/ou curative. Le brûlis des
chaumes est lié à cette présence des insectes : elle permet de stopper les infestations de la
campagne précédente.
- Récolte
Elle est presque exclusivement manuelle.
En définitive, en se focalisant sur les opérations d’implantation et de sarclage, on peut
distinguer quatre grands groupes d’itinéraires techniques, avec des niveaux de rendements
obtenus différents (cf. tableau 2.3). On peut croiser ces groupes avec les différents types
d’unité de production identifiés, plusieurs catégories d’itinéraire technique pouvant être
présentes dans une même exploitation (cf. tableau 2.2).
1.1.5. Performances des systèmes techniques
Au niveau national, nous avons déjà vu que la production du maïs est fréquemment
déficitaire, et que les coûts de production sont trop élevés. Etant donné la pression exercée sur
le foncier, un double enjeu se présente au Mexique : augmenter les rendements tout en
diminuant les coûts.
Dans la région de San Gabriel, la préparation du sol en motorisation avec des outils à disques
est quasiment systématique avant le semis du maïs. Or, près de 50% des superficies
emblavées en maïs sont conduites par des chefs de petites et moyennes exploitations agricoles
(types T1 et T2), qui louent pour la plupart le tracteur à l’extérieur.
77
Ces faits ont trois principales conséquences :
- Un risque d’érosion important face au caractère agressif des pluies. Déjà, le travail
du sol avant semis se fait en conditions humides, avec un fort risque de lissage. De
plus, un travail répété avec des outils à disques entraîne une forte pulvérisation du sol.
La proportion de terre fine en surface est importante, ce qui accélère la formation
d'une croûte de battance ;
- Une augmentation des coûts de production due à la surfacturation des tracteurs
loués ;
- Une difficulté d’accès aux outils de préparation du sol qui induit des risques de retard
pour l’implantation du maïs, d’où une réduction des rendements potentiels.
Il faut ajouter à cela l’importance du risque de déficit hydrique constaté dans les parties basses
de la région, avec des rendements qui fluctuent d’une année à l’autre selon les conditions
climatiques.
En conséquence, le semis direct du maïs avec paillis des résidus est apparu comme une
alternative intéressante aux chercheurs et aux décideurs mexicains, qui ont tenté de
l’introduire en milieu paysan.
1.2. Le semis direct de maïs avec paillis de résidus : un système développé par la
recherche
La diffusion dans le milieu agricole du semis direct avec paillis de résidus a été entreprise
depuis la fin des années 80 par le gouvernement mexicain dans le cadre du programa de
Labranza de Conservacion, avec la participation du SARH (Secretaria de Agricultura y de
Recursos Hidricos), du SRDE (Secretaria de Desarollo Rural y Ecologia) et du FIRA
(Fideicomisos Instituidos en relacion con la Agricultura). Des paquets techniques ont été
définis, et des crédits pour y accéder mis en place. Cependant, les recommandations étaient
sophistiquées et coûteuses, ne pouvant être adoptées que par des agriculteurs disposant d’un
large capital. Par ailleurs, les résultats techniques obtenus ont été inégaux et souvent
décevants.
En 1992, des organismes nationaux comme l’INIFAP (Instituto Nacional de Investigaciones
Forestales y Agropecuarias), le FIRA, et internationaux comme le CIMMYT (Centro
Internacional de Mejoramiento del Maiz y Trigo), ont entrepris un projet de recherche sur le
semis direct en monoculture de maïs pluvial. Parallèlement à la réalisation de travaux
d’expérimentation, une dizaine d’études socio-économiques relatives à cette technique ont été
menées dans neuf Etats de la région Centre et Pacifique Centre du Mexique.
Depuis 1994, dans le district de Ciudad Guzman et plus particulièrement dans la zone de San
Gabriel, le CIMMYT, l’INIFAP et le CIRAD ont effectué une série d’études et
d’expérimentations en milieu paysan sur le semis direct avec paillis de résidus dans le cadre
d’un projet commun. Ce projet a pour objectifs (1) d’étudier les effets réels de cette technique
sur la production de maïs pluvial, (2) de permettre son application dans les différentes
conditions de milieu et avec les différents niveaux techniques rencontrés, (3) d’en faciliter la
diffusion auprès des agriculteurs de la région. Ce sont les résultats de ce projet que nous
allons présenter.
78
1.2.1. Principes et description
Il s’agit de semer le maïs sans aucun travail du sol, en présence d’un paillis de résidus de la
récolte antérieure protégeant, même partiellement, la surface du sol.
En effet, l’élevage bovin et la culture de maïs sont deux activités très liées : durant la saison
sèche, les résidus de maïs constituent une des principales ressources fourragères pour
l’alimentation du bétail. Il n’est donc pas possible d’utiliser la totalité de ces résidus pour
créer un mulch. Aussi, les travaux de recherche ont-ils porté sur l’analyse des effets du semis
direct avec paillis de résidus avec de très faibles quantités de matière sèche.
Par rapport aux systèmes de culture traditionnellement pratiqués par les agriculteurs, le semis
direct sur paillis implique les conditions suivantes :
-
Conserver la monoculture de maïs
Ne pas brûler les résidus après le pâturage
Epandre des herbicides avant le semis du maïs au lieu d’effectuer un travail du sol
Semer le maïs à travers le mulch formé par les résidus du maïs précédent
Contrôler chimiquement les adventices en cours de culture.
1.2.2. Performances et faisabilité en milieu agricole
1.2.2.1. Performances agronomiques
Les expérimentations montrent que le SCV avec paillis de résidus est très efficace pour
diminuer les pertes en eau (augmentation des quantités d'eau infiltrée dans le sol, diminution
du ruissellement, diminution de l'évaporation directe du sol, ce qui sera développé dans la
partie 3).
Cet avantage peut s'exprimer pleinement lorsque surviennent de longues périodes sèches
durant le cycle de culture : cela diminue l'impact du manque de pluie sur la formation et le
remplissage de grains. Ainsi, dans les zones basses de San Gabriel où les risques
pluviométriques sont importants, on observe un gain de production de maïs conséquent avec
le SCV. Plus les quantités de résidus sont fortes, plus la production en grain et en paille est
élevée. Même des quantités assez réduites de résidus (1,5 tonnes par hectare) donnent des
résultats tout à fait satisfaisants (gain d’une tonne de maïs grain par hectare en 1995,
comparativement à une préparation du sol conventionnelle).
Dans les parties hautes à pluviométrie plus favorable, les résultats obtenus avec le SCV sont
équivalents aux résultats obtenus avec une préparation conventionnelle du sol, et ceci avec
des quantités faibles de paillis (deux tonnes par hectare). Cependant, certains effets
défavorables ont pu être constatés avec des quantités plus importantes de résidus (quatre et six
tonnes par hectare). En effet, avec un paillis plus épais, les semoirs mécaniques disponibles
posent des problèmes de répartition des semences et de profondeur de semis. Dans ces zones,
le semis direct avec paillis de résidus en faible quantité constituerait la meilleure solution pour
diminuer la dégradation des sols par érosion.
79
1.2.2.2. Besoins en travail, intrants et équipements
Introduire le semis direct sur paillis de résidus permet de réduire le temps de travail, puisque
les travaux de préparation du sol et de sarclages sont supprimés. Cela devrait également offrir
plus de souplesse dans la gestion des calendriers de travail, et notamment dans la gestion de
l'implantation du maïs. Cependant, cela implique d'une part l'accès à un semoir spécialisé pour
semer à travers le mulch, et d'autre part l'utilisation systématique d'herbicides.
Pour les chefs des grandes exploitations de types T2 et T3, adopter le semis direct sur paillis
de résidus implique l'achat d'un semoir de précision à traction motorisée, ce qui représente un
investissement important. Si les agriculteurs de type T3 accèdent facilement à des crédits
bancaires, la solution pour les chefs d'exploitation de type T2 serait plutôt la location d'un
semoir. Pour les chefs des petites exploitations de type T1, l'adoption du semis direct peut
difficilement passer par l'achat d'un semoir de précision. Or louer un semoir à traction
motorisée ne permettrait pas de résoudre leur dépendance vis à vis de l'extérieur pour la
gestion de l’implantation du maïs, ce qui est un des objectifs recherchés avec le SCV. Il existe
cependant une alternative : un équipement adaptable à la traction animale, une pièce peu
onéreuse que l'agriculteur peut ajouter à sa charrue à socs et qui permet d'effectuer un semis
efficace à travers le paillis (cf. cas du Sud-Parana).
Les expérimentations menées sur les parcelles des agriculteurs montrent que l’introduction du
semis direct sur paillis de résidus pose le problème essentiel de contrôle des adventices au
cours du cycle du maïs. Les expérimentations réalisées chez les agriculteurs montrent qu'un
seul traitement herbicide au semis ne permet pas une protection suffisante. Ce problème se
manifeste encore plus fortement en traction animale, où les densités de semis sont
extrêmement faibles (autour de trois plants par m²). Cette insuffisance dans le contrôle des
adventices, due au passage à une lutte complètement chimique, remet en question les
avantages présentés par le semis direct sur paillis en terme de bilan hydrique.
1.2.2.3. Intégration dans les systèmes de production
La conservation des résidus de maïs pour la constitution du paillis nécessaire à la campagne
suivante est un problème important, puisque ces résidus sont normalement pâturés par les
troupeaux bovins. Sur les parcelles des agriculteurs, la quantité de résidus présents au moment
du semis après la pâture des animaux est très variable. Il semble toutefois que ces quantités
soient généralement supérieures au seuil à partir duquel de bons résultats peuvent être obtenus
dans les essais (1,5 t/ha). Seules quelques situations de la zone sèche présentent des quantités
de paillis insuffisantes, quand la production de biomasse a réellement était déficiente et/ou la
pression du bétail élevée. Cependant, la nature des résidus peut être elle aussi variable : quand
il ne reste que des cannes de maïs, leur aptitude à diminuer l'évaporation directe du sol est
faible.
1.2.2.4. Performances économiques
L'introduction du semis direct du maïs avec paillis de résidus entraîne un surcoût par rapport
aux itinéraires techniques traditionnels, à système technique équivalent. Entre l'itinéraire
technique conventionnel le moins coûteux (en traction animale = IT0) et l'itinéraire semis
direct le moins coûteux (toujours en traction animale), il y a une différence d'environ 500
pesos par hectare (cf. tableau 2.5). Cette différence est moindre pour les systèmes en
motorisation, où les dépenses sont aussi plus importantes.
80
Cependant, les travaux récents de D. Jourdain et E. Scopel (2000) montrent que les gains de
rendement obtenus avec le semis direct sur paillis permettent de compenser cette différence de
coût, et d’obtenir des revenus supérieurs.
1.2.2.5. Bilan
Le tableau 2.4 présente un bilan des avantages et des inconvénients entraînés par l'adoption du
semis direct sur paillis de résidus par type d'unité de production.
1.3. Conclusion
En définitive, le semis direct avec paillis de résidus permet (1) de stabiliser, voire
d'augmenter, le rendement du maïs dans les zones à déficit hydrique, (2) de protéger les sols
contre l'érosion, (3) de diminuer le temps de travail et surtout de mieux organiser les
implantations du maïs dans le temps.
Cependant, cette innovation entraîne (1) une augmentation de l'utilisation des herbicides et (2)
un problème d'accès à des semoirs spécialisés par achat ou par location. Elle induit donc,
même si les revenus sont meilleurs, une augmentation des investissements dans un contexte
où le crédit est peu accessible, et une remise en question de la souplesse de gestion des
implantations de maïs. On pourrait ajouter la contrainte que pose, dans certaines conditions, la
conservation d'une quantité suffisante de résidus pour constituer le mulch. Le problème de la
lutte contre les insectes, traditionnellement éliminés par le brûlis des pailles après la récolte,
doit aussi être pris en compte.
En ce qui concerne les herbicides, l'élargissement des gammes de produits disponibles, et la
baisse récente du prix de certains produits systémiques plus efficaces comme le glyphosate,
les rendent plus accessibles. Cependant, dans le contexte économique actuel (augmentation du
prix des intrants et diminution prévue du prix du maïs), un contrôle des adventices
uniquement chimique n'est peut-être pas une solution satisfaisante d'un point de vue à la fois
économique et écologique. Il faudrait plutôt envisager un contrôle intégré des mauvaises
herbes en semis direct sur paillis en jouant sur les dates de semis, la densité et l’arrangement
spatial du maïs, les rotations avec d'autres cultures...
Devant la diversité des unités de production en présence, il apparaît nécessaire de diversifier
les itinéraires techniques pouvant inclure le semis direct avec paillis des résidus, afin d'avoir
des solutions applicables aux différentes logiques et contraintes des producteurs.
A l'heure actuelle, cette innovation reste essentiellement au stade expérimental. Bien qu’elle
soit connue par les agriculteurs et que certains la testent sur quelques-unes de leurs parcelles,
sa diffusion semble pour le moment assez limitée.
81
Tableau 2.2 : Caractérisation des différents types d'unité de production (UP) dans la
région de San Gabriel (Mexique)
Type d'UP
T1 :
petites
Elevage
bovin
T1a
UP
T1b
0
UP
Main d'œuvre
2 à 32 ha
Famille +/-
1 à 15 têtes
(M = 10 ha)
(M = 7)
T2 : UP
moyennes,
mixtes
T3 :
grandes
Superficie
labourable
15 à 40
(M = 26)
T3a
0
T3b
> 40 têtes
(M = 76)
Journaliers
4 à 58 ha
(M = 25 ha)
Famille +
journaliers
15 à 310 ha
Ouvriers
permanents +/-
(M = 75 ha)
Journaliers
Equipement
Financement
Attelage(s) en
propriété
+ location
tracteur
Attelage(s) +
tracteur en
propriété ou
par location
Tracteur(s) en
propriété
Prestataires
services
- 0 crédit bancaire
- Vente force de
travail +
émigration USA
Idem
Rendement
moyen en maïs
Environ 2 t/ha
Environ 3 t/ha
- Crédits
bancaires
- Négoce ou
commerce
3,6 t/ha
M : moyenne
Tableau 2.3 : Les différents types d'itinéraire technique pour le maïs en fonction des
modalités d'implantation et de contrôle des adventices (région San Gabriel au Mexique)
Type itinéraire
Technique
IT0
Préparation du sol
avant semis
1 ou 2 passages
charrue à socs
attelée
1 ou 2 passages
cover-crop avec
tracteur
Semis
Technique
tapapie
Contrôle des
adventices
Sarclo-buttage en
attelé
Sarclo-buttage en
attelé +/application 2,4-D
Sarclo-buttage
Technique
1 labour + 1
tapapie ou avec avec tracteur +/passage cover crop
application 2,4semoir en
avec tracteur
D, atrazine
location
Sarclo-buttage
1 labour + 2 ou 3
Avec semoir en avec tracteur +/passages cover
propriété
application 2,4crop avec tracteur
D, atrazine
IT1
IT2
IT3
Technique
tapapie
T1a
Types UP concernés
T1b
T2
T3a
T3b
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Tableau 2.4 : Réflexion sur les conditions d'adoption du semis direct maïs avec paillis
par type d'UP (région San Gabriel au Mexique)
Type d'UP
Facteurs limitants
Facteurs favorables
Comment accéder au
semoir de précision
T1a
- Résidus = revenus
- Trésorerie et accès aux
crédits
Attelage(s) en propriété
Achat semoir adapté à
traction animale
T1b
- Résidus = fourrages
- Accès aux crédits
- Attelage(s)
- Trésorerie non nulle
T2
- Résidus = fourrages
- Accès aux crédits
T3a et T3b
Résidus = revenus ou
fourrages
- Tracteur(s)
- Bonne trésorerie
- Tracteurs
- Bonne trésorerie et accès
aux crédits
Achat semoir pour traction
animale ou location
semoir en motorisation et
tracteur
Location semoir en
motorisation
Achat semoir en
motorisation
Source : J. Glo et N. Martin (1995)
82
Tableau 2.5 : Ouest Mexique
Coûts partiels de différents itinéraires techniques pour le maïs
Semis direct sur paillis de résidus en traction animale (semoir acheté), avec une application
d'herbicide
Interventions
1 épandage herbicide
Semis
Détail des modalités
- 2-3 l/ha Faena
- 4-5 l/ha Primagram
- Main d'œuvre : 1 adulte (famille)
- Main d'œuvre : 2 adultes (famille)
pour 2 jours
- Semoir en propriété
Coût
160-240 pesos/ha
320-400 pesos/ha
30 pesos/ha
120 pesos/ha
Total : 630 - 790 pesos/ha
Semis direct sur paillis de résidus en motorisation (semoir loué), avec deux applications
d'herbicide
Interventions
1er épandage herbicide
2ème épandage herbicide
Semis
Détail des modalités
- 2-3 l/ha Faena
- Main d'œuvre : 1 adulte (famille)
- 2-3 l/ha Faena
- 4-5 l/ha Primagram
- Main d'œuvre : 1 adulte (famille)
Location semoir de précision avec
main d'œuvre
Coût
160-240 pesos/ha
30 pesos/ha
160-240 pesos/ha
320-400 pesos/ha
30 pesos/ha
350 pesos/ha
Total : 1050 - 1290 pesos/ha
Itinéraire technique traditionnel en traction animale avec équipement en propriété (IT0)
Interventions
1 labour
Semis tapapie
1 sarclo-buttage
Détail des modalités
1 adulte (famille), 1 à 2 jours/ha
2 adultes (famille), 1 à 2 jours/ha
2 adultes (famille), 1 à 2 jours/ha
Coût
30-60 pesos/ha
60-120 pesos/ha
60-120 pesos/ha
Total : 150 - 300 pesos/ha
Itinéraire technique traditionnel en traction motorisée (IT1) avec équipement en
location
Interventions
2 passages de cover crop
Semis
1 application herbicide
Détail des modalités
Semoir conventionnel
- 4,5 l/ha Primagram
- 1 adulte/jour/ha
1 sarclo-buttage
Coût
300 pesos/ha
170 pesos/ha
320-400 pesos/ha
30 pesos/ha
60-120 pesos/ha
Total : 880 - 1020 pesos/ha
Source : P. Clavier (1998)
83
II. Le Sud-Ouest de Madagascar
L’étude de ce cas repose sur les écrits de D. Rollin (1997), D. Rollin et H. Razafintsalama
(1999, 2000), L. Séguy (1997). La région concernée se trouve dans la province de Tuléar,
entre 21 et 24° de latitude sud. Elle est délimitée par le fleuve Mangoky au nord et le fleuve
Onilahy au sud (cf. figure 2.15).
Le climat est de type tropical semi-aride, avec deux saisons marquées. La saison sèche dure
sept à dix mois (avril-novembre) (cf. annexe 3). En effet, par sa situation géographique, la
région ne bénéficie pas des pluies d’alizés. De même, les influences cycloniques y sont
généralement faibles.
Dans cette région subsistent des forêts denses sèches, constituées lors de périodes climatiques
plus favorables il y a quelques milliers d’années. Bien que traditionnellement tournée vers les
activités d’élevage et de pêche, cette région présente des potentialités agricoles
élevées (disponibilités en eau d’irrigation, potentiel du sol non négligeable). Aujourd’hui, on
observe plusieurs types d’agriculture : exploitation (1) des forêts, (2) des bas fonds, (3) des
savanes herbeuses ou arborées d’origine anthropique. Les systèmes de culture pratiqués sont
agressifs pour l’environnement, entraînant la destruction de la forêt qui ne peut se
reconstituer, des phénomènes d’érosion, l’envasement des lagons…
Figure 2.15 : Les grandes zones du Sud-Ouest à Madagascar
Source : D. Rollin (1997)
84
2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
2.1.1. Le milieu naturel
La région présente des paysages très contrastés. L’altitude varie de 0 à 1320 m, avec une zone
littorale de 0 à 300 m relativement plane, une zone de plateaux et des reliefs montagneux.
Les isohyètes sont compris entre 400 et 800 mm, avec un gradient pluviométrique positif dans
le sens sud-ouest/nord-est. L’origine convective des précipitations confère un caractère très
variable à la pluviosité d’un point à un autre de la région et, pour une même localité, d’une
année sur l’autre.
Les sols sont de plusieurs types : on observe des sols ferrallitiques, des sols ferrugineux
évolués sableux (sables roux, sables jaunes) et des sols hydromorphes à tendance vertique
dans les bas-fonds.
2.1.2. Histoire agricole
Cette région se caractérise par une grande diversité de milieux, mais aussi de groupes
ethniques, de moyens d’accès aux ressources et de systèmes de production, ce qui s’explique
par son histoire. C’est traditionnellement une zone d’élevage, avec une petite agriculture
d’autosubsistance dans les bas-fonds. A la faveur d’opportunités économiques, d’opérations
de développement et sous l’influence de l’évolution de son peuplement, la région a connu une
extension progressive de l’agriculture pluviale. C’est en effet une zone d’accueil de migrants,
dont l’arrivée récente en plusieurs vagues a contribué à modifier considérablement les
activités et les paysages.
Les autochtones, ou les populations les plus anciennes, sont à l’origine des pasteurs du sud-est
du pays, qui, à la recherche de nouveaux pâturages pour leurs troupeaux bovins, se sont
installés progressivement au cours de plusieurs siècles. Parallèlement à des activités d’élevage
extensif, ils ont développé une agriculture de bas-fonds pour l’autoconsommation (rizières
irriguées et/ou cultures de décrue). C’est la situation que les Européens ont trouvée à leur
arrivée à la fin du 19ème siècle. Dans cette zone très peu peuplée, les administrateurs coloniaux
ont œuvré à la mise en place de grandes exploitations agricoles gérées par des Européens. A
la recherche de main d’œuvre, les colons ont déclenché la première vague importante de
migrations d’agriculteurs venus des régions voisines. Ces courants migratoires se sont ensuite
poursuivis, et les migrants constituent dorénavant une part importante de la population (plus
de 30% dans certaines zones).
Actuellement, la région se caractérise par une dichotomie autochtones/migrants et des
problèmes fonciers complexes. Schématiquement, les autochtones sont propriétaires des terres
et sont en général peu tournés vers les activités agricoles. Ils sont aussi les principaux
propriétaires de bœufs. Les migrants quant à eux, alors qu’ils sont plus dynamiques sur le
plan agricole, ont des difficultés d’accès au foncier. La densité de population est globalement
faible, avec une moyenne de 10 habitants au km².
Les cultures traditionnelles sont principalement le riz, le manioc, le pois du Cap et le maïs,
mais aussi le haricot, la patate douce… Le cotonnier, le maïs, et dans une moindre mesure
l’arachide, ont connu ces dernières décennies une extension importante. La culture du
cotonnier (et de l’arachide) s’est développée principalement en pluvial et en savane, dans le
cadre d’une filière structurée, avec un encadrement agricole qui favorise l’utilisation
85
d’intrants, le travail du sol avant semis et le désherbage. La production de maïs s’est
développée spontanément dans le cadre d’une agriculture itinérante sur défriche- brûlis, aux
dépens de la forêt. En 1998, les surfaces cultivées de la région représentent environ
100 000 hectares, sur lesquels prédominent le maïs, le cotonnier, le manioc, le riz, l’arachide
et le pois du Cap. Mis à part le coton, les productions sont destinées à la fois à
l’autoconsommation familiale et à la vente.
En dehors des zones d’élevage extensif dans l’est et des zones de pêche sur le littoral, on
observe actuellement quatre grands types de système de culture, liés aux caractéristiques des
différents milieux exploités :
1 - systèmes itinérants sur défriche-brûlis dans les forêts sèches, pratiqués à la fois par
les autochtones et par les migrants. L’objectif principal recherché est la production de
maïs à faible coût, sans intrant et sans désherbage, après la vente du bois et du charbon
de bois ;
2 - systèmes en pluvial dans les savanes d’origine anthropique, avec les cultures de
cotonnier, d’arachide, mais aussi de manioc. Pour le cotonnier et l’arachide, le respect
des recommandations techniques des structures d’encadrement conditionne l’obtention
d’avantages matériels (semences, intrants, crédits, écoulement de la production à un
prix assuré…) ;
3 - systèmes sur décrue le long des fleuves et de leurs affluents. Les cultures sont le pois
du Cap, le maïs, le haricot et différents légumes comme l’oignon. La fertilisation des
terres et la lutte contre l’enherbement sont assurées par les crues ;
4 - systèmes irrigués avec une maîtrise de l’eau plus ou moins efficace. Les principales
cultures irriguées sont le riz et le cotonnier, mais aussi le maïs, le manioc, le pois du
Cap…
Les activités d’élevage tiennent toujours une place essentielle. Mais les relations agricultureélevage sont loin d’être complémentaires. Il existe une forte compétition, notamment en ce
qui concerne l’utilisation de l’espace : l’extension des cultures pluviales a réduit les pâturages,
l’aménagement des rizières limite l’accès des bas-fonds aux troupeaux en saison sèche. On
n’observe pas d’utilisation de fumier, ni de liens entre le troupeau traditionnel et les bœufs de
trait.
Ajoutons qu’en dehors des filières organisées comme celle du coton, les structures de crédit,
d’approvisionnement et de commercialisation sont quasiment inexistantes.
2.1.3. Les unités de production
Depuis le départ des colons européens, il reste quelques grands exploitants qui utilisent des
moyens motorisés et une main d’œuvre salariée importante. Mais la plus grande partie de la
production agricole de la région est maintenant le fait de petits agriculteurs qui cultivent en
moyenne moins de trois hectares, en manuel et/ou en traction animale, ou encore en louant de
l’équipement motorisé. On observe une grande diversité d’unités de production agricoles, que
l’on peut classer en différents types. Ces types sont principalement déterminés par l’origine
ethnique et la dichotomie migrant/autochtone.
86
- Parmi les autochtones, on observe :
- des unités de production où se pratique d’abord un élevage extensif, avec en complément
des cultures de bas-fond et/ou des cultures en pluvial. Les chefs d’exploitation emploient
souvent des migrants comme salariés pour les grands travaux agricoles ;
- des éleveurs qui se déplacent avec leurs troupeaux, et qui complètent leurs activités d’élevage extensif avec
des cultures pluviales ;
- des unités de production qui pratiquent essentiellement une agriculture de bas-fonds ;
- des pêcheurs en mer pratiquant un peu d’agriculture dans les dépressions interdunaires.
- Les migrants louent des terres, pratiquent l’agriculture sur brûlis forestier, font de l’élevage
extensif et ont toutes sortes d’activités secondaires, dont le salariat agricole et le métayage.
On observe un sous-équipement généralisé en matériel attelé : en 1991, on comptait en
moyenne dans la région une charrue pour 3,61 exploitations agricoles. Par contre, il existe des
prestataires de services en motorisation.
2.1.4. Description et performances des systèmes techniques de production en zones
pluviales
Nous allons maintenant nous intéresser plus particulièrement aux systèmes techniques de
production en pluvial.
2.1.4.1. En forêt
Après défriche-brûlis, en général, du maïs est semé directement à faible densité au milieu des
souches. Après deux ou trois ans de culture de maïs sans sarclage et sans intrant, la pression
des adventices devient trop forte. Succèdent alors un ou deux cycles de manioc, puis la
parcelle est mise en friche, destinée au pâturage.
2.1.4.2. En savane anthropique
Les systèmes de culture observés se caractérisent principalement par les éléments suivants :
-
-
-
Utilisation de la traction animale et de la motorisation pour la préparation des sols avant
semis. L’usage de la charrue en motorisation a été promu dès l’arrivée des colons
européens. Jusqu’à la campagne 1989-90, la société cotonnière (Hasyma) a eu une
politique de prestation de service en fournissant des tracteurs pour le labour. C’est
seulement à partir de 1990 que la société a incité les agriculteurs à s’équiper en attelage.
En 1994, 73% des superficies cultivées en cotonnier sont préparées en culture attelée,
contre 59% en 1989 ;
Mise en place des cultures le plus rapidement possible, de façon à exploiter le mieux
possible les faibles précipitations. Cela se traduit par des labours rapides, peu profonds,
réalisés dans des conditions climatiques défavorables ;
Faiblesse de la fertilisation minérale et absence d’utilisation de fumier ;
Gestion des adventices très contraignante, qui se fait en général manuellement ;peu
d’associations de cultures et absence de rotations. En ce qui concerne le cotonnier, 63%
des parcelles sont en monoculture, 5% sont en rotation avec une jachère, et 32% intègrent
tous les quatre ou cinq ans une culture vivrière dans la rotation.
En dehors des périodes de culture, l’usage de la vaine pâture est généralisé. De plus, les feux
de brousse sont pratiqués pour renouveler les pâturages.
87
2.1.4.3. Bilan
Après défriche, la forêt ne peut se reconstituer.
Quant aux systèmes pluviaux en savane, ils entraînent une compaction généralisée des sols
avec formation de semelles de labour, une diminution du taux de matière organique et une
augmentation de la pression des adventices. Les phénomènes d’érosion provoquent
l’envasement des lagons. Les rendements obtenus sont irréguliers, dépendants des déficits
hydriques. Du point de vue économique, la valorisation de la journée de travail devient de
plus en plus faible. Les sociétés d’encadrement proposent comme solution l’augmentation des
surfaces cultivées ou des doses de fertilisation minérale. Mais les faibles performances de ces
systèmes (500 à 1000 kg de coton-graine ou d’arachide-coque par hectare) incitent plutôt les
agriculteurs à privilégier la culture sur défriche-brûlis en forêt, ce qui accélère le processus de
destruction de cette dernière.
Face à cette situation, la recherche agronomique s’est intéressée au semis direct sur
couverture végétale, afin d’assurer la durabilité des systèmes de culture en pluvial mis en
œuvre dans la région.
2.2. Le semis direct sur couverture végétale : un nouveau système d’exploitation
du milieu proposé par la recherche
Différents SCV ont été testés depuis 1994 par le CIRAD, en collaboration avec l’organisation
non gouvernementale malgache TAFA (Tany si Fampandrosoana).
2.2.1. Principes et description
Les systèmes testés par la recherche reposent sur deux principes : (1) introduction d'autres
espèces dans les systèmes de culture existants, soit traditionnelles (niébé, dolique, maïs pour
les systèmes cotonniers), soit nouvelles (sorgho, mil, soja) ; (2) construction de rotations et
d’associations de cultures.
Dans les zones de savane, si les sols sont compactés, un décompactage préalable est
nécessaire. Il peut se faire soit par un sous-solage ou un labour profond, soit biologiquement
en mettant en place une culture de sorgho ou de mil, ou encore de dolique, de Macroptilium,
de crotalaire, de Mucuna, de Brachiaria. A la fin du cycle de ces plantes, un fauchage est
réalisé, suivi d’un roulage et d’un épandage d’herbicides. A la saison des pluies suivante, la
culture principale est alors semée directement dans les résidus qui recouvrent le sol.
88
A partir de là, il s’agit :
-
-
D’implanter simultanément en semis direct une céréale (maïs, sorgho, mil)
associée à une légumineuse (dolique, niébé), ce qui permet de produire à la fois
des grains et de la biomasse végétale. Seuls les grains sont exportés à la récolte ;
De mettre en place un gardiennage des parcelles et/ou des haies arbustives pour
empêcher la pâture des résidus de récolte ;
d’implanter le cotonnier en semis direct en rotation avec l’association céréalelégumineuse ;
Eventuellement, d’introduire en rotation une sole fourragère tous les trois ou
quatre ans.
Dans ces systèmes, comme dans le cas Ouest mexicain présenté précédemment, ce sont les
résidus de récolte qui permettent de recouvrir le sol pendant l’interculture. Dans le cas
malgache, la recherche propose en plus d’adopter des rotations et des associations qui
permettent d’augmenter la biomasse de résidus produite.
2.2.2. Performances et faisabilité en milieu agricole
2.2.2.1. Performances
Ces SCV présentent de nombreux avantages.
- L’absence de labour permet une mise en place rapide de la culture, d’où une bonne
valorisation des premières précipitations de la saison des pluies. Ceci est très avantageux pour
les agriculteurs non-propriétaires d’équipements de travail du sol qui sont habituellement
obligés d’attendre que le matériel en location soit disponible.
De plus, la disparition de la semelle de labour permet un enracinement des cultures plus
profond, et la présence du mulch augmente la disponibilité de l’eau dans le sol (le
ruissellement est réduit, l’eau s’infiltre mieux, l’évaporation diminue), d’où une meilleure
valorisation des précipitations.
- Dans un sol plus humide, avec des variations de température moins marquées, la vie des
microorganismes du sol est plus intense.
- Les temps de travaux sont diminués (pas de préparation du sol, moins de sarclages).
- Les phénomènes d’érosion sont réduits, la matière organique est conservée dans les sols.
Les SCV testés entraînent une augmentation et une stabilisation des rendements des cultures :
-
-
après défriche sur forêt, il est possible de cultiver de façon continue avec des associations
céréale-légumineuse (par exemple maïs-niébé), sans complément d’engrais, avec une
valorisation du travail toujours positive ;
en savane, le rapport « rendement obtenu sur nombre de jours de travail hors récolte » est
toujours supérieur en semis direct sur couverture végétale pour maïs, arachide et
cotonnier, comparativement aux itinéraires classiques avec labour et sarclages.
89
2.2.2.2. Faisabilité et impacts en milieu agricole
Les avantages que nous avons présentés sont d’autant plus intéressants que ces nouveaux
systèmes ne nécessitent pas le recours à du matériel spécifique : les agriculteurs sèment avec
la houe à travers le mulch. Par contre, ils impliquent l’utilisation d’herbicides.
Il s’avère pourtant que ces systèmes ne rencontrent pour le moment qu’un faible impact
auprès des agriculteurs. Il existe en effet plusieurs obstacles à son adoption, dont les
principaux sont les suivants : (1) difficulté de conserver les résidus de culture pendant la
longue saison sèche, du fait des feux de brousse et de la divagation des animaux ; (2) les
réactions négatives de la société cotonnière qui juge le semis direct comme une pratique
déviante par rapport aux recommandations qu’elle formule aux agriculteurs.
III. Quelques compléments à partir des travaux menés dans le Nord de la
Côte d’Ivoire
Dans les zones tropicales semi-arides, les modalités des SCV expérimentées sont moins
diversifiées que dans les zones tropicales humides : la conservation des résidus de récolte
pendant la longue saison sèche en est le principe essentiel. Cependant, il est possible de faire
des associations culturales pour produire plus de biomasse, comme la recherche le propose
dans le Sud-Ouest de Madagascar. Etant donné les contraintes climatiques, les plantes en
association sont semées simultanément.
Dans le Nord de la Côte d’Ivoire (région de Korhogo, représentée sur la figure 2.11 dans le
chapitre C-II), dont le contexte socio-économique est assez proche de celui du Sud-Ouest
malgache, la recherche a travaillé sur d’autres modalités de semis direct sur couverture
végétale. Avec une pluviométrie un peu supérieure (1000 mm de moyenne annuelle) (cf.
annexe 3), il est possible d’associer la culture principale avec une plante de couverture
spécifique (Pueraria phaseoloides, Cassia rotundifolia, Stylosanthes guianensis, Arachis
pintoï) (Charpentier et al., 1999). Cependant, pour que la plante de couverture puisse fournir
suffisamment de biomasse en une seule saison pluviale, elle doit être implantée au même
moment que la culture. Partant de ce principe, deux options ont été mises au point.
3.1. La plante de couverture est effectivement semée au même moment que la
culture principale.
- C’est possible pour les plantes de couverture à petites graines qui démarrent lentement. Leur
développement est ensuite contrôlé les premières semaines, si nécessaire, avec un herbicide
de post-levée à faible dose, sélectif de la culture.
- Une fois la culture principale développée, la plante de couverture ne fait que végéter par
manque de lumière, et ne colonise la parcelle qu’après la récolte.
- Après la saison sèche, les plantes de couverture forment un mulch « mort » au travers duquel
on implante la culture.
Si la plante de couverture est annuelle, il est alors nécessaire de détruire les plantules issues
des graines qui germent dès les premières pluies.
90
Pour les plantes de couverture vivaces, leur reprise se fait à partir des organes de réserve.
Dans ce cas, on détruit complètement la plante avec un herbicide, ou on contrôle son
développement avec un herbicide à faible dose jusqu'à ce que la culture forme un ombrage
suffisant. Le système se pérennise alors sans autre intervention. Pour limiter les doses
d’herbicide, un rabattage est nécessaire, soit à la machette, soit avec un petit rouleau de type
Landais en traction animale.
3.2. La plante de couverture est semée de façon décalée, au moment du premier
sarclage manuel de la culture, sarclage qui permet d’enfouir les graines.
Il est alors nécessaire de laisser la plante de couverture en place seule l’année suivante. Cette
modalité ne peut concerner que les plantes vivaces, les plantes annuelles ne pouvant fructifier
suffisamment pour assurer leur reprise l’année suivante. Après cette jachère améliorée
d’environ 16 mois, la plante de couverture est détruite ou son développement contrôlé pour
pérenniser le système, comme nous l’avons vu dans le cas précédent.
Mais ces différents SCV n’ont encore que très peu d’impact en milieu agricole.
IV. Conclusion
La figure 5.1, située en conclusion de cet ouvrage, reprend les différentes modalités de SCV
que nous avons présentées pour les zones à climat tropical semi-aride. Outre la limitation des
phénomènes d’érosion, couvrir un sol par un paillis permet de réduire considérablement les
pertes en eau, ce qui est avantageux compte tenu des conditions climatiques. Par contre,
implanter une plante de couverture en association avec une plante cultivée pose des problèmes
de compétition pour l’eau, ce qui nécessite une bonne gestion des densités de semis, des
périodes d’implantation et du contrôle du développement de la plante de couverture.
Les SCV mis au point par la recherche dans les situations que nous avons présentées n’ont
pour le moment que peu d’impact auprès des agriculteurs. Au Mexique, dans le cadre d’une
agriculture à base de traction animale et motorisée, se pose le problème d’accès aux semoirs
de précision. Ce problème ne se pose pas à Madagascar et en Afrique soudanienne, où les
semis sont presque toujours réalisés manuellement. En revanche, dans toutes les situations,
deux types d’obstacle sont à considérer : (1) l’accès aux herbicides, leur coût et leur maîtrise
technique ; (2) l’importance de l’élevage, dont le mode de conduite s’oppose à la conservation
des résidus de récolte pendant l’inter-culture. Ce dernier point est un obstacle majeur. Pour le
reste, il ne faut pas oublier que le semis direct, les rotations et les associations de cultures sont
déjà des pratiques bien connues des agriculteurs des zones soudaniennes africaines.
*
*
*
Après avoir présenté plusieurs modalités d’application des SCV dans différentes zones
agroécologiques et dans différents contextes socio-économiques, nous allons aborder des
aspects plus généraux concernant l’étude de ces systèmes. Nous allons commencer par une
analyse des processus agrobiologiques qui permettent de comprendre le fonctionnement
agronomique et la spécificité des SCV.
91
PARTIE 3 : PROCESSUS AGROBIOLOGIQUES MIS EN JEU PAR LES SCV
92
Cette partie a pour objectif essentiel de donner des éléments d’information et des pistes de
réflexion sur les processus agrobiologiques mis en jeu par les SCV. En effet, de nombreux
travaux de recherche sur ces aspects sont en cours, et la recherche bibliographique réalisée est
loin d’être exhaustive.
A. EFFETS DES SYSTEMES SCV SUR LES ENNEMIS DES CULTURES :
CONTROLE DE LA FLORE ADVENTICE ET DES ORGANISMES PARASITES
La lutte contre les adventices constitue un des principaux problèmes auxquels sont confrontés
les agriculteurs des régions chaudes. Jachère longue, labour et sarclage sont les moyens de
lutte les plus couramment utilisés. Dans les SCV, c'est la plante de couverture qui doit
permettre le contrôle des mauvaises herbes. Hormis la gestion des résidus de récolte en paillis,
certains de ces systèmes consistent en fait à implanter ou à sélectionner une adventice
principale, la plante de couverture, qui exerce, entre autres, des effets régulateurs sur le
développement des autres mauvaises herbes. En retour, il faut parvenir à contrôler la plante de
couverture, soit par des moyens mécaniques soit par des produits chimiques, afin qu'elle ne
concurrence pas elle-même la culture principale.
En plus des adventices, les plantes de couverture agissent sur d’autres ennemis des
cultures, les parasites et les agents pathogènes, ce que nous allons également aborder.
I. Impacts sur la flore adventice
1.1. Les principaux mécanismes de contrôle mis en jeu
1.1.1. Compétition pour la lumière
La plante de couverture morte ou vivante gêne le développement des adventices en faisant
écran au passage de la lumière.
Dans le cas d'une couverture morte, plus le mulch est épais, plus le contrôle des adventices est
efficace (Derpsch et al., 1991). Dans le cas d'une couverture vivante, un bon contrôle des
mauvaises herbes nécessite une plante à développement rapide et à fort pouvoir couvrant.
1.1.2. Allélopathie
L'allélopathie est "l'ensemble des phénomènes dus à l'émission ou la libération de substances
organiques par divers organes végétaux vivants ou morts et qui s'expriment par l'inhibition
ou la stimulation de la croissance des plantes se développant au voisinage de ces espèces ou
leur succédant sur le même terrain" (Caussanel, 1975).
Dans les cas de contrôle par allélopathie, les plantes de couverture émettent des substances
qui gênent la germination, la croissance ou le développement des adventices. Ces substances
peuvent être des exsudats provenant des racines, des produits résultant du lessivage des tiges
et des feuilles, ou encore des toxines issues de la décomposition de parties de la plante (De
Raissac et al., 1998).
93
1.1.3. Exemples
Dans la plupart des cas, les deux mécanismes de régulation entrent en jeu de façon
simultanée. Il est d'ailleurs difficile de faire la part des choses, les mécanismes allélopathiques
restant encore assez mal connus.
Comme exemples particulièrement illustratifs de régulation des adventices par une plante de
couverture, nous pouvons citer parmi les cas développés dans la partie 2 du document :
-
Le système Mucuna au Honduras qui limite les sarclages au cours du cycle du maïs ;
Les systèmes à base de Mucuna pour lutter contre Imperata au Bénin ;
Les systèmes à base de Pueraria pour lutter contre Chromolaena en Côte d'Ivoire ;
Les systèmes mis en place pour lutter contre Cyperus rotondus dans les cerrados.
Les travaux de Chou et al. (1987, 1989), cités par X. Fontar et L. Thomas (1992), montrent un
effet allélopathique significatif d’une couverture végétale de kikuyu (Pennisetum
clandestinum) sur le nombre et la croissance des adventices en vergers à Taiwan. En
moyenne, cette graminée diminue de moitié la croissance des adventices. Le kikuyu a été
utilisé également comme plante de couverture à la Réunion et à Madagascar
1.2. Avantages et inconvénients
Il s’agit ici de dégager quelques pistes de réflexion à partir des cas étudiés précédemment.
- Cas des systèmes de production itinérants et manuels en zone tropicale humide
Le labour est déjà peu pratiqué dans ces agricultures : la véritable innovation des SCV réside
dans l'utilisation des plantes de couverture.
Dans la lutte contre les adventices, l'utilisation du Mucuna au Honduras, associé à la culture
du maïs, représente un cas idéal. En effet, les cycles du Mucuna et du maïs sont bien
synchronisés : non seulement la présence de la plante de couverture diminue le nombre de
sarclages pendant le développement du maïs, mais en plus le contrôle de Mucuna se fait sans
herbicide, avec un minimum de travail manuel.
En revanche, les systèmes à base de Mucuna et de Pueraria en Afrique de l’Ouest sont plus
complexes, et impliquent des interventions chimiques et/ou un surplus de travail pour
contrôler les plantes de couverture. Cependant, ces plantes permettent de lutter contre des
adventices très envahissantes.
- Cas des systèmes de production avec un labour en traction animal et des sarclages manuels
ou en attelé (certaines UP au Parana, Mexique, Madagascar)
Dans ces cas, le passage au semis direct sur couverture végétale entraîne le remplacement du
labour et des sarclages par l’utilisation systématique d’herbicides, ce qui met en question le
caractère « écologique » de ces nouvelles modalités d’exploitation du milieu.
94
- Cas des systèmes de production en motorisation où les herbicides sont déjà employés
Les labours motorisés sont là aussi remplacés par des labours chimiques. Par la suite, les
herbicides sont épandus de façon ciblée (sur la ligne…), ce qui limite les quantités apportées.
Cependant, on constate que ces systèmes nécessitent en définitive un nombre de traitements
herbicides ou une quantité par hectare de produits épandus plus élevés qu’avec les itinéraires
techniques conventionnels (cf. L. Séguy et al., 1999, lorsqu’ils détaillent les traitements
herbicides réalisés en système conventionnel et en SCV pour le cotonnier dans les cerrados).
De même, il a été montré que les quantités d’herbicides épandues, lorsque le travail du sol est
simplifié, sont supérieures à celles apportées en labour conventionnel de 15 à 60%, ce qui
dépend du degré de simplification, du type de culture et de la nature des adventices (Barriuso
et al., 1994).
1.3. Bilan
Dans la bibliographie en général, les avis sont partagés en ce qui concerne l’efficacité du
contrôle des adventices par une couverture végétale permanente. Si certains auteurs sont
convaincus des avantages présentés par les SCV pour lutter contre l’enherbement des
parcelles, il existe certaines limites à l’origine de polémiques.
P. Clavier (1998) analyse trois implications majeures des SCV sur les peuplements de
mauvaises herbes dans des parcelles au Mexique (Jalisco) :
-
le non travail du sol, comparativement à un travail conventionnel avec labour, favorise le
développement de certaines adventices vivaces, car leur système racinaire n’est pas détruit
et peut donc former des bourgeons végétatifs. Ainsi, en France, des infestations
importantes de graminées vivaces (chiendent rampant, avoine à chapelets) ont été
observées en monoculture de céréales implantées en semis direct (Debaeke et Orlando,
1994) ;
-
la présence d’une couverture végétale provoquerait une augmentation du stock de
semences d’adventices en les retenant, alors qu’elles ont tendance à être emportées par les
pluies quand le sol est nu. En France, P. Debaeke et D. Orlando (1994) précisent que la
concentration des graines semble se faire dans les cinq premiers centimètres du sol. La
couverture végétale aurait également l’inconvénient de faire écran lors des traitements
herbicides, et donc d’empêcher leur action : un mulch peut intercepter jusqu’à 60% du
pesticide appliqué (Barriuso et al., 1994) ;
-
en semis direct, toutes les opérations de contrôle chimique des adventices interviennent
dans une période de quatre à six semaines après l’implantation de la culture, d’où une
sélection des adventices tardives (Derksen, 1997, cité par P. Clavier, 1998).
Une polémique beaucoup plus générale semble exister à propos des SCV : ils sont certes
présentés comme offrant une solution naturelle et écologique aux problèmes de protection de
l’environnement (érosion, baisse de fertilité des sols…), mais les traitements herbicides qu’ils
impliquent, ne seraient-ils pas justement en contradiction avec une solution naturelle et
écologique ?
95
II. Impacts sur les maladies et sur les parasites des cultures
Les SCV présentent différents avantages et inconvénients par rapport aux ravageurs et
maladies des cultures.
2.1. Avantages
# Avec certaines plantes de couverture ou lors de la dégradation de résidus de récolte, il peut
se produire une stimulation de la germination, puis une lyse des tubes germinatifs de certains
champignons pathogènes du sol par des phénomènes d’allélopathie. On peut citer les
exemples suivants :
-
La pourriture des racines de cotonnier due à Phymatotrichum omnivorum peut être
contrôlée par la présence de résidus de culture ;
La pourriture noire des racines de haricots due à Thielaviopsis basicola est contrôlée à
90% en mettant sur le sol de la paille d’avoine, des résidus de maïs ou de la paille de
luzerne (Abawi et Thurston, 1994).
# Les plantes de couverture peuvent constituer une barrière physique à la dissémination d’un
inoculum primaire du pathogène. Par exemple, à la Réunion, une couverture de kikuyu sur
culture de géranium empêche les éclaboussures de terre et donc l’infestation du géranium par
l’anthracnose (Glomerella vanillae Zim.) (Michellon, 1996).
De même, une couverture morte d’avoine ou de canne à sucre peut constituer un leurre pour
les larves de vers blancs (Haplochelus marginalis) qui ne sont plus concentrées uniquement
sur les racines de géranium (Michellon, 1996).
# La couverture végétale peut servir de réservoir de parasitoïdes et donc constituer une forme
de contrôle biologique contre les ravageurs et les pathogènes des cultures.
2.2. Inconvénients
# Une couverture végétale permanente (par exemple un paillis de tige de blé) peut maintenir
une humidité idéale dans les dix ou quinze premiers centimètres du sol pour le développement
de Rhizoctonia solani et Pythium sp en culture de blé (Abawi et Thurston, 1994). De même,
l’humidité est propice à la prolifération des limaces et escargots qui attaquent la culture et la
plante de couverture.
# Dans l’association maïs–Mucuna au Honduras, les agriculteurs notent une concentration de
rongeurs et serpents sous la couverture végétale qui constitue un abri très favorable à leur
prolifération (Triomphe, 1999).
# Comme dans le cas des herbicides, le couvert végétal permanent forme un écran lors des
traitements insecticides et fongicides. Avec l’augmentation de l’infiltration de l’eau dans le
sol, et par conséquent l’entraînement en profondeur des pesticides interceptés par le mulch,
les risques de pollution sont augmentés.
96
B. EFFETS DES SCV SUR LES ETATS PHYSIQUES DU SOL ET LE STOCKAGE
DE L'EAU
Comme nous l'avons vu en introduction, l'érosion et ses conséquences souvent spectaculaires,
observées dans des systèmes agricoles intensifs et fortement mécanisés, ont été des facteurs
déterminants pour la mise au point des techniques "modernes" de semis direct sur couverture
végétale (nuages de poussière aux Etats-Unis, sols compactés au Parana...). C’est pourquoi,
lutter contre les phénomènes de dégradation de l'état physique des sols d'une part, et régénérer
la structure des sols dégradés d'autre part, sont deux objectifs essentiels attendus dans la mise
en œuvre de ces techniques.
Concernant les caractéristiques physiques des sols, nous verrons que ces techniques jouent
également un rôle sur le stockage de l'eau dans le sol.
I. Impacts sur l’état structural du sol (cf. figure 3.1)
1.1. Conséquences du non-travail du sol avant semis
Un des objectifs principaux du travail du sol avant semis est l'amélioration de l'état structural
du sol. Cependant, si les travaux du sol sont effectués dans de mauvaises conditions (trop
sèches ou trop humides), les effets obtenus sont contraires à ceux attendus : apparition d'une
semelle de labour, sol émietté en surface… De plus, en agriculture motorisée, des passages
répétés du tracteur favorisent le tassement du sol.
Dans ces conditions, pratiquer le semis direct permet de limiter les interventions qui
participent à la dégradation de la structure du sol. Cela suppose aussi d'améliorer la structure
du sol d'une autre manière que par le labour : c'est l'un des rôles de la couverture végétale, ce
que nous allons détailler.
1.2. Actions en profondeur du sol des plantes de couverture
- Amélioration de la stabilité structurale du sol
En enrichissant le sol en matière organique, la couverture végétale participe à l'amélioration
de sa stabilité structurale.
- Amélioration de la structure du sol
Les plantes de couverture permettent de fragmenter le sol grâce à l'action de leurs racines qui
s'introduisent dans les fissures et les agrandissent. Nous pouvons citer le rôle particulièrement
actif des graminées comme le sorgho et le mil, à enracinement profond, ainsi que des plantes
à racines pivotantes comme les crotalaires.
De plus, l'enrichissement en matière organique favorise la vie biologique dans le sol, ce qui
participe à l'augmentation de la porosité (creusement de galeries...) (cf. plus loin).
97
Figure 3.1 : Effets des SCV sur les phénomènes de dégradation de l’état physique du sol.
98
Comparativement au labour conventionnel, les SCV entraînent :
(1) Une augmentation de la proportion des pores moyens (de 0,2 à 50 µm) dans les
couches superficielles du sol (< 20 cm) au détriment des macropores, ceci sans
augmentation de la porosité totale ;
(2) Une augmentation de la porosité totale par contre en profondeur (<30 cm) (cf. les
résultats des travaux au Parana de R. Derpsch et al., 1991, après 7 ans
d'expérimentation).
1.3. Actions en surface du sol de la couverture végétale
Nous venons de voir que les plantes de couverture contribuent à l'amélioration de la structure
du sol et de sa stabilité. Mais en recouvrant la surface du sol, elles limitent également l’impact
des phénomènes climatiques sur l’état physique du sol.
- Protection du sol contre l'impact des pluies et du vent
La présence d'une couverture végétale permet de diminuer l'impact de la pluie sur le sol (effet
splash) en interceptant les gouttes de pluie. Une expérience conduite au Parana montre que
pour un sol donné et pour une pluie d'une intensité de 60 mm/h, les SCV permettent de
réduire de 92% la quantité de sol érodée comparativement à la pratique d'un labour
conventionnel (Derpsch et al., 1991).
De la même façon, la couverture permet de réduire les effets du vent à la surface du sol et
empêche la formation de nuages de poussière.
- Réduction du ruissellement et des pertes en sol
La couverture végétale, morte ou vivante, retient l'eau des pluies sur le sol et augmente son
infiltration. Outre ce rôle de barrage physique, nous avons vu que les plantes de couverture
augmentent la porosité du sol, ce qui favorise encore l'infiltration de l'eau (cf. les observations
au Honduras de B. Triomphe, 1996b, avec l’association maïs-Mucuna). D’autres travaux
montrent que plus le taux de recouvrement du sol est élevé, plus le taux d'infiltration (exprimé
en pourcentage des précipitations) est important (Derpsh et al., 1991).
Cette augmentation de l'infiltration se traduit par une réduction du ruissellement. Une
expérience menée dans l'Etat de Jalisco au Mexique montre que le ruissellement est
quasiment inversement proportionnel à la quantité de matière végétale qui recouvre le sol
(Scopel et al., 1999).
La réduction du ruissellement enlève à l'eau sa fonction de transport des particules minérales,
d'où une diminution des pertes de sol. Des résultats d'expérimentations menées au Nigeria
montrent que l'érosion, exprimée en quantité de terre par hectare, diminue considérablement
quand on passe d'un labour conventionnel à une combinaison semis direct et couverture
végétale (Osuji, 1984).
100
1.4. Bilan
Dans le tableau 3.1 sont rappelés les principaux facteurs favorisant les phénomènes de
dégradation de l'état physique du sol, ainsi que les moyens de lutte offerts par les SCV. De
façon générale, les SCV améliorent non seulement l'état structural du sol, ce qui le rend moins
sensible à l'érosion, mais le protègent également physiquement contre les facteurs climatiques
de dégradation (vent, pluie). Ils limitent de plus les actions anthropiques qui entraînent une
dégradation du sol (travail du sol en mauvaises conditions). Ils permettent donc une lutte
efficace contre l'érosion.
La figure 3.1 fait un bilan sur les mécanismes de lutte contre les phénomènes de dégradation
du sol qui interviennent dans les SCV, en détaillant ce qui est dû au non-travail du sol d'un
côté, et à la couverture végétale de l'autre.
Tableau 3.1 : Facteurs défavorables influençant l'état structural du sol et effets
escomptés des SCV
Facteurs défavorables
Effets escomptés
1. Effets sur les caractéristiques physiques du sol
Améliorer la stabilité structurale
- Texture limoneuse ou argileuse de type - Enrichissement en matière organique par
kaolinite + un faible taux de matière décomposition de la couverture végétale
organique
Régénérer une structure dégradée
- Actions des racines des plantes de
couverture et augmentation des activités
biologiques dans le sol, d'où augmentation de
la porosité des sols
2. Effets sur les facteurs de dégradation des sols et sur l’érosion
Actions anthropiques :
- Passages de machines lourdes en conditions - Limitation du nombre de passage des
humides : création d'une semelle de labour machines en cours de culture
limitant l'infiltration et favorisant les - Sol non travaillé avant semis
glissements de terrain
- Sol pulvérisé en surface
Vent et érosion éolienne :
- Vents violents
- Protection par couverture végétale
- Sol nu pulvérisé
Pluie et érosion hydrique :
- Pluies violentes (densité et répartition)
- Réduction de l'impact (effet splash) par
- Pentes fortes ou pentes faibles mais longues couverture végétale
- Sol nu
- Augmentation de l'infiltration par couverture
végétale, donc diminution du ruissellement et
de son énergie cinétique
101
II. Impacts sur le stockage de l'eau dans le sol (cf. figure 3.2)
Les SCV influent sur la quantité d'eau utile stockée dans le sol, ce qui est dû essentiellement à
l'action des plantes de couverture. Celles-ci agissent d'une part sur les mécanismes de
constitution des réserves en eau dans le sol, et d'autre part sur les facteurs de pertes en eau.
(Pour compléter les données qui vont suivre, il est conseillé de consulter les travaux de E.
Scopel, 1994, et E. Scopel et al., 1999).
2.1. Meilleure valorisation des eaux de pluie
- Amélioration de l'infiltration de l'eau dans le sol et diminution du ruissellement
Les mécanismes d'action mis en jeu ont été développés précédemment.
- Augmentation de la capacité de stockage en eau du sol
L'enrichissement du sol en matière organique améliore la capacité de rétention en eau du sol,
ce qui est particulièrement intéressant pour les sols sableux.
- Amélioration de l'enracinement des cultures
En augmentant la porosité des sols en profondeur (cf. précédemment), les plantes de
couverture favoriseraient un meilleur développement en densité et en profondeur de
l'enracinement de la culture principale. L'eau stockée dans le sol serait ainsi mieux valorisée.
La recherche bibliographique sur ce thème ne permet pas de confirmer ces hypothèses sur
l'enracinement (Maurya et Lal, 1980 ; Lal, 1995 )
2.2. Evolution des pertes en eau
De façon générale, les SCV permettent :
- de limiter les pertes en eau occasionnées par les adventices. En effet, nous avons vu
précédemment les effets des plantes de couverture sur les adventices. Or, en diminuant
la pression des mauvaises herbes, la couverture réduit leur consommation en eau ;
- d’augmenter les pertes en eau par drainage en profondeur. En favorisant l'infiltration
de l'eau dans le sol, les plantes de couverture doivent également augmenter les risques
de drainage de l'eau en profondeur, eau qui devient alors inaccessible aux cultures. Par
contre, ce risque doit être compensé par un meilleur enracinement de ces cultures
(nous n’avons pas trouvé dans la bibliographie des données chiffrées permettant de
quantifier).
102
Mais des nuances sont à faire selon le type de couverture végétale :
- une couverture morte permet de limiter l'évaporation du sol. En effet, la présence
d’un mulch limite la remontée par capillarité de l’eau contenue en profondeur du sol.
Les résultats des travaux au Kentucky de Philips (1980), cité par J. Guérif (1994),
montrent effectivement que l'évaporation du sol en semis direct avec mulch est bien
inférieure comparativement à un labour sans couverture, et qu'elle reste faible (< 50
mm) quelles que soient les conditions climatiques ;
- une couverture vivante augmente les pertes en eau du sol par transpiration. En effet,
les plantes de couverture vivantes sont elles-mêmes consommatrices d'eau.
2.3. Bilan
Il est nécessaire de raisonner en terme de bilan hydrique.
Dans les conditions climatiques du Parana, les travaux menés par R. Derpsch et al. (1991)
montrent que, comparativement au labour conventionnel, le semis direct sur mulch permet
d'augmenter la quantité d'eau disponible pour le blé pendant sa période végétative (de mai à
septembre).
Cependant, dans d'autres contextes, avec d’autres modalités, les pertes en eau qui découlent
de la transpiration de plantes de couverture vivantes peuvent contrebalancer tous les aspects
positifs que nous avons cités précédemment. Les plantes de couverture entrent alors en
compétition pour l'eau avec la culture principale.
Il apparaît donc nécessaire de raisonner le type de couverture et les modes de mise en place
selon le contexte climatique de la zone concernée, voire d’exclure les plantes de couverture si
l'aridité est trop forte. Selon R.R. Allmaras et al. (1994), qui se référent aux plaines du
Centre-Nord des Etats Unis, "les plantes de couverture ne sont pas conseillées dans les zones
où les précipitations sont inférieures à 500 mm/an". Par contre, il est possible dans ces
situations d’utiliser les résidus de la récolte du précédent pour recouvrir le sol (exemples du
Mexique et de Madagascar).
103
Figure 3.2 : Effets des SCV sur la réserve en eau utile du sol.
104
C. EFFETS DES SCV SUR LES CARACTERISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES ET
L'ACTIVITE BIOLOGIQUE DU SOL
I. Impacts sur les caractéristiques physico-chimiques du sol
1.1. Conservation, voire amélioration du taux de matière organique dans le sol
La matière organique joue un rôle fondamental sur les caractéristiques physiques et chimiques
du sol (stabilité structurale, stockage de l'eau et des éléments minéraux...). Or, dans les
conditions climatiques des pays tropicaux elle subit une minéralisation rapide, ce qui pose le
problème de sa conservation dans les sols cultivés si elle n'est pas renouvelée fréquemment.
Nous allons voir comment les SCV influent sur le taux de matière organique des sols.
1.1.1. Production de matière organique
Les plantes de couverture produisent une biomasse importante en quantité, sur et dans le sol,
biomasse qui n'est pas exportée.
D'après Triomphe (1996a), en dehors des grains de maïs produits et récoltés, l'association
maïs-Mucuna au Honduras produit une biomasse résiduelle totale de l'ordre de dix tonnes de
matière sèche par hectare et par an. Cette biomasse se divise en deux parties à peu près
équivalentes : une verte, issue directement de la fauche du Mucuna, et une sèche. Cette
deuxième partie se compose : (1) des résidus de récolte du maïs, (2) d'une fraction non
décomposée du mulch de Mucuna de l'année précédente, (3) des adventices du maïs étouffées
par le Mucuna, (4) des feuilles de Mucuna tombées pendant son cycle. A cette biomasse
facilement quantifiable, il faudrait encore rajouter celle formée non seulement par les racines,
mais aussi par la faune et la flore hypogées. Or la biomasse racinaire est loin d'être
négligeable. Par exemple, une culture de sorgho peut produire 630 kg de matière sèche de
racines (Piéri, 1989).
1.1.2. Minéralisation de la matière organique
Le labour permet d'incorporer la matière organique dans le sol, ce qui en accélère la
minéralisation. Ainsi, le non-travail du sol limite la vitesse de décomposition de la matière
organique, ce qui est d'autant plus important sous les climats chauds et humides où cette
décomposition est très rapide.
Cependant, par rapport aux processus de minéralisation de la matière organique, il faut
raisonner sur le système complet semis direct sur couverture végétale : si l'absence de labour
diminue la vitesse de minéralisation, la présence de la plante de couverture peut avoir un effet
inverse. En effet, l'accumulation de résidus organiques en surface augmente l'activité
biologique du sol (cf. plus loin), ce qui intensifie le processus de minéralisation.
Il ne faut d'ailleurs pas oublier que la décomposition de la matière organique dépend pour
beaucoup des conditions climatiques : elle est active en période humide et chaude, et
quasiment inexistante en période sèche ou froide (Triomphe, 1999). De plus, la minéralisation
dépend du rapport C/N des éléments végétaux concernés. En effet, la vitesse de
décomposition de la matière organique est inversement proportionnelle à la teneur en lignine
et au rapport C/N des résidus.
106
1.1.3. Bilan
Sous les tropiques, des expérimentations qui comparent l'évolution du taux de matière
organique de sols cultivés avec labour conventionnel ou avec semis direct sur couverture
végétale, montrent que les SCV permettent de maintenir ce taux après plusieurs années de
culture, voire de l'augmenter dans les couches superficielles du sol (<10 cm) (Derpsch et al.,
1991 ; Lal, 1995 ; Triomphe, 1999).
Cette conservation ou cette augmentation du taux de matière organique dans le sol diminue
l’acidité du sol et accroît la quantité d'éléments minéraux disponibles pour les plantes
cultivées.
1.2. Evolution de la disponibilité des éléments minéraux dans le sol
Il faut raisonner en terme de bilan, en considérant les effets des SCV sur les apports
d'éléments minéraux d'une part et les pertes d'autre part.
1.2.1. Les apports en éléments minéraux
- Remontée des éléments minéraux situés en profondeur des sols
Les plantes de couverture joueraient le rôle de pompes biologiques en favorisant la remontée
d'éléments minéraux situés à une trop grande profondeur du sol pour être accessibles aux
plantes cultivées, mécanisme sur lequel on ne dispose pas encore d’éléments chiffrés. Ce rôle
n'est possible que pour les plantes de couverture qui disposent d'un enracinement
suffisamment développé pour aller absorber ces éléments en profondeur. Par la suite, la
minéralisation de la biomasse végétale produite par la plante de couverture libère en surface
les éléments minéraux ainsi captés et recyclés (Séguy et al., 1996).
- Fixation symbiotique (pour l'azote)
C'est le rôle des légumineuses qui fixent l'azote atmosphérique. La minéralisation de leur
biomasse libère ensuite l’azote dans le sol.
- Minéralisation de la matière organique (cf. précédemment)
- Rétention des ions dans le sol
La matière organique permet une augmentation de la capacité d'échange cationique du sol
(CEC), donc un meilleur stockage des éléments minéraux dans le sol sous une forme
assimilable par les plantes cultivées.
107
1.2.2. Les pertes en éléments minéraux
- Erosion et ruissellement
Nous avons vu précédemment que les SCV diminuent le ruissellement, et par conséquent
limitent les pertes d'éléments minéraux dues à ce phénomène.
- Lessivage
Par contre, en favorisant l'infiltration de l'eau dans le sol, les SCV peuvent augmenter le
risque de perte d'éléments minéraux par lessivage.
- Volatilisation (pour l'azote)
En recouvrant le sol, la couverture végétale doit limiter ce phénomène de perte d'azote du sol.
- Exportation par récolte
La biomasse végétale produite par la plante de couverture est laissée sur place. Par contre, les
parties récoltées de la culture principale sont toujours exportées. Or, si les SCV permettent
d'augmenter les rendements des cultures, ces exportations seront d'autant plus importantes (cf.
le cas du système maïs-Mucuna au Honduras où les rendements du maïs doublent par rapport
à la monoculture).
- Immobilisation temporaire
L'activation de la vie biologique des sols par la couverture végétale augmente la
consommation en azote des micro-organismes, ce qui peut provoquer dans certains cas
(rapport C/N élevé) des carences en azote temporaires (faim d'azote).
- Consommation par les plantes de couverture associées
1.2.3. Bilan
En plus du bilan global en éléments minéraux, il est important de considérer la
synchronisation des apports permis par les plantes de couverture et les besoins des plantes
cultivées. Et si les plantes de couverture induisent une consommation d’éléments minéraux au
même moment que les plantes cultivées, elles deviennent alors concurrentes.
- Exemple de l'azote
Dans certains cas, le bilan azoté est meilleur pour la plante cultivée en système conventionnel
qu'en semis direct sur couverture végétale, dans d'autres cas c'est le contraire. Des
expérimentations montrent aussi que la répartition des différentes formes de l'azote (minéral,
nitrate, ammonium) dans le profil du sol est modifiée avec le semis direct sur couverture
végétale (cf. les travaux de G.W. Thomas et al., 1973, aux Etats-Unis, et de O. Muzilli, 1983).
Des travaux comparent les effets de différentes couvertures selon le rapport C/N (Ayanaba,
1982). Au Parana, des expérimentations ont été menées sur la réponse du maïs cultivé en
semis direct sur couverture végétale (en terme de rendement en grain) à des apports
complémentaires d’engrais azotés selon le type de plante de couverture (Derpsch et Calegari,
108
1992). On observe que la réponse à l’azote est importante avec un précédent avoine noire qui
a un rapport C/N élevé ( autour de 42) : l’azote permet alors de compenser une carence initiale
pour le maïs. Selon Derpsch et al. (1985), l’avoine noire possède une haute capacité
d’extraction et d’accumulation de l’azote (147 kg/ha). Dans ce cas, un apport complémentaire
de 30 kg/ha d’azote au semis aurait pour effet de réduire le rapport C/N, et donc d’augmenter
la vitesse de décomposition des résidus, avec une meilleure libération de l’azote au moment
opportun pour le maïs. A contrario, un apport de 60 kg/ha est préjudiciable aux plantules.
Après une légumineuse, des apports complémentaires d’azote ont un effet négligeable, voire
négatif.
Au Honduras, Triomphe (1996a, 1996b, 1999) a étudié la dynamique de l’azote au sein du
profil du sol (0-60 cm) dans des parcelles soumises à l’association maïs-Mucuna pendant
deux cycles de culture. Les niveaux maximaux d’azote observés atteignent une centaine de
kg/ha, sans jamais descendre en dessous de 30 à 50 kg/ha. Surtout, les mesures effectuées font
ressortir une bonne synchronisation entre la libération d’azote minéral provenant de la
décomposition de la litière formée par la plante de couverture, et les besoins du maïs. En effet,
on remarque un pic d’azote minéral environ 20 à 30 jours après la fauche du Mucuna, ce qui
correspond au stade où le maïs, implanté juste après la fauche, commence à absorber l’azote
rapidement. Après ce pic, on observe donc un déclin rapide des niveaux d’azote dans le sol
(entre 30 et 90 jours après le fauchage), durant lequel environ 60 à 80 kg/ha d’azote sont
libérés, le maïs en absorbant entre 50 à 80 kg/ha. Cependant, il semblerait que les conditions
climatiques jouent un rôle déterminant sur les quantités d’azote minéral libérées, en
influençant l’intensité de la décomposition du mulch de Mucuna. En effet, cette dernière, forte
en année humide, correspond à une faible réponse du maïs à un apport d’engrais azoté (+ 0,1
T /ha pour 50 kg d’urée appliqués), alors qu’en année sèche la réponse du maïs à l’engrais est
plus nette (+ 0,5 T/ha). Sinon, des mesures réalisées sur du long terme, montrent que le taux
d’azote dans le sol augmente considérablement au cours du temps (+ 0,1 point en moyenne
après 16 années d’association maïs-Mucuna).
- Les autres éléments minéraux
Les SCV induisent une concentration de la majorité des éléments minéraux sur les premiers
centimètres du sol (cf. les travaux de A.S.R. Juo et R. Lal, 1979, sur le phosphore).
1.3. L'acidité du sol
Dans les pays tropicaux, le semis direct sur couverture végétale n’a pas d’effet acidifiant sur
les sols, et il peut même avoir des effets améliorateurs (cf. les observations de B. Triomphe,
1999). En effet, l’augmentation des nutriments issus des résidus de culture laissés en
superficie contribue à la réduction des problèmes d’acidité.
II. Impacts sur l’activité biologique du sol
La biologie du sol est caractérisée par l’activité des organismes (faune et flore hypogées) qui
composent le système sol-plante. Ces organismes contribuent à la formation des
caractéristiques physiques du sol (creusement de galeries), et aux transformations chimiques :
ils décomposent la matière organique fraîche provoquant la libération d’éléments minéraux
directement assimilables par les plantes (minéralisation primaire), ou à l’inverse participent à
sa réorganisation sous forme d’humus (humification). L’humus est à la fois une source
d’approvisionnement en éléments minéraux pour les plantes (par minéralisation secondaire),
109
et un élément clé du comportement du sol en jouant sur ses caractéristiques
physiques (stabilité structurale…) et chimiques (capacité d’échange cationique…). On voit
donc l’importance de l’activité de ces organismes du sol.
Parmi les organismes du sol, on distingue :
-
-
La macrofaune, de taille supérieure à 2 mm (vers de terre, insectes…), qui participe à
l’augmentation de la porosité du sol, facilite la formation du complexe argilo-humique et
le retour en surface des ions entraînés en profondeur ;
La mésofaune, de taille comprise entre 0,2 et 2 mm (collemboles, acariens, nématodes…),
qui est à l’origine de la microstructure du sol ;
La microfaune, de taille inférieure à 0,2 mm (protozoaires, nématodes), qui agit sur les
transformations chimiques des sols ;
Les végétaux. A côté des racines des végétaux supérieurs, ce sont essentiellement des
micro-organismes, composants de la microflore (algues, champignons, actinomycètes et
bactéries). Ce sont les agents directs de la minéralisation et de l’humification.
2.1. Les micro-organismes du sol (microflore et microfaune)
On suppose que les plantes de couverture, en créant des conditions de température et
d’humidité favorables aux micro-organismes, et en fournissant plus de matière organique,
favorisent leur prolifération et leur activité.
2.2. La faune du sol
Les travaux de R. Derpsch et al. (1991) au Parana montrent que, dans les premiers 15 cm du
sol, dans une rotation blé/soja, les populations de collemboles, d’acariens et autres insectes
organismes sont bien plus nombreuses en semis direct avec conservation des résidus qu’avec
un labour conventionnel. Avec l’introduction d’engrais verts dans la rotation, les populations
augmentent encore plus. Les résultats des travaux de G.J. House et R.W. Parmelee (1985)
vont dans ce sens.
2.3. Conséquences sur les propriétés du sol
- Production de matières organiques et activation des processus de minéralisation et
d’humification (à confirmer).
- Augmentation de la porosité du sol.
2.4. Conclusion
L’activation de la vie biologique du sol en semis direct sur couverture végétale contribue
fortement à l’amélioration de sa structure (House et Parmelee, 1985). La transformation de la
matière organique permet également une meilleure alimentation minérale des plantes
cultivées.
110
A côté de ces effets positifs, quelques aspects négatifs dus à cette activation biologique ont été
relevés :
-
-
Comme nous l’avons vu précédemment, le couvert végétal peut favoriser la
prolifération de parasites des cultures (exemples des nématodes et des symphiles qui
s’attaquent aux racines de maïs, au manioc, et des vers blancs qui détruisent les
tubercules de macabo) ;
Plusieurs cas de concurrence entre l’activité microbienne et les plantes cultivées ont
été signalés par certains auteurs, surtout en ce qui concerne l’azote et l’eau ;
En cas de faible disponibilité en résidus végétaux, certains termites humivores
consomment la matière organique du sol (Wielemaker, 1984).
*
*
*
Les SCV mettent en jeu des processus agrobiologiques nombreux et complexes. Les
avantages entraînés en terme de réduction des phénomènes d’érosion sont les plus aisés à
mettre en évidence. Pour le reste, il est nécessaire de raisonner sous forme de bilans (bilan
hydrique, bilans minéraux…), bilans qui différent selon le type de couverture, le milieu et
notamment le climat, mais aussi les systèmes techniques dans lesquels le semis direct sur
couverture végétale est intégré. C’est précisément ce dernier point que nous allons développer
dans la partie qui suit, en traitant des conditions d’adoption et de diffusion des SCV en milieu
agricole.
111
PARTIE 4 : CONDITIONS D’ADOPTION ET DE DIFFUSION DES SCV EN MILIEU
AGRICOLE
112
Si les SCV présentent de nombreux avantages agronomiques, comme nous venons de le voir,
les conditions de leur faisabilité en milieu agricole peuvent constituer un frein à leur adoption.
Cette dernière partie a pour objectif principal d’examiner les conditions d’adoption et de
diffusion des SCV en milieu agricole, en illustrant autant que possible avec les cas d’étude
présentés précédemment.
L’analyse des conditions d’adoption se subdivise en trois parties : (1) dans un premier temps,
nous allons aborder les conditions de faisabilité dans les unités de production, en considérant
les besoins en équipements, en intrants et en main d’œuvre entraînés par ces systèmes ; (2)
dans un deuxième temps, une analyse strictement économique de ces systèmes sera
ébauchée ; (3) pour finir, nous nous interrogerons plus généralement sur les possibilités
d’intégration des modalités de semis direct sur couverture végétale dans les systèmes de
production et les systèmes agraires.
A. LES BESOINS EN EQUIPEMENTS, EN INTRANTS ET EN MAIN D’ŒUVRE
La mise en œuvre du semis direct sur couverture végétale nécessite du matériel et des intrants
spécifiques, liés aux opérations suivantes :
- constituer le mulch
- semer à travers le mulch
- maîtriser les adventices en absence de labour, et contrôler les plantes de couverture.
Nous allons détailler la nature de ces équipements et de ces intrants en fonction des différents
types de système de production (travail en manuel, en traction animale ou en motorisation), en
nous limitant aux plus utilisés. A chaque fois, nous nous demanderons si la disponibilité de
ces équipements et de ces intrants spécifiques constitue ou non un frein à l’adoption du semis
direct sur couverture végétale. La même démarche sera suivie pour le besoin en main
d’œuvre.
I. Les équipements spécifiques
1.1. Cas des systèmes de production où le semis et les sarclages sont réalisés
manuellement
- Préparation du mulch
Pour l’association maïs-Mucuna dans le Nord-Honduras, les agriculteurs utilisent simplement
la machette.
- Semis
$ Le bâton fouisseur est utilisé dans de nombreux cas en Afrique et en Amérique
latine, comme c’est le cas pour l’association maïs-Mucuna dans le Nord-Honduras.
La houe simple est aussi largement utilisée.
113
$ La canne à planter (ou matraca) constitue un outil spécifique, diffusé
essentiellement en Amérique du Sud. Cet appareil est muni d’un bec semeur qui
permet de disposer les graines sous le mulch. Malgré un prix peu élevé (environ
15 $US), son emploi reste limité. En effet, son utilisation demande du temps et
beaucoup de force physique, surtout lorsque le sol n’a pas été travaillé (Rachou,
1997).
$ Le semoir rotatif « Rolling injection planter », à un ou plusieurs rangs, est
essentiellement utilisé au Parana à titre expérimental (Rachou, 1997). Une roue
munie de plusieurs becs semeurs dépose les graines sous le mulch.
- Contrôle des adventices et de la plante de couverture
La machette et la houe sont utilisées pour réaliser les sarclages. Sinon, les pulvérisateurs à dos
permettent d’épandre les herbicides pour un contrôle chimique.
1.2. Cas des systèmes de production où le semis et les sarclages sont réalisés en
traction animale
- Pour la préparation du mulch (après le passage d’herbicides), peuvent être utilisés :
- une barre de coupe (faucheuse)
- un rouleau à couteaux (rolo faca en brésilien). Cet outil écrase et lacère les tiges de la
plante de couverture. Parfois, une simple branche d’arbre tirée par des animaux permet
d’écraser la couverture végétale. Le rouleau est moins efficace pour les plantes qui
produisent beaucoup de biomasse, certaines plantes reprenant leur croissance après
son passage.
Ces deux outils ne sont pas maniables sur les pentes fortes et les sols pierreux.
- Pour le semis, l’outil spécifique est le semoir à injection tracté par des chevaux, des mulets
ou des bœufs. Un disque ondulé découpe le mulch et des becs injecteurs à clapet libèrent la
graine. Sur d’autres modèles, le disque est remplacé par un outil aratoire qui fend le mulch :
ces outils écartent davantage la couverture, favorisant le développement des adventices dans
l’espace aménagé pour les graines.
De façon générale, ces semoirs sont souvent fragiles, traversent mal le mulch et sont sujets au
bourrage (Rachou, 1997). De plus, les becs sont parfois colmatés lorsque la terre est trop
argileuse.
- Pour contrôler les adventices et la plante de couverture, les herbicides restent le seul moyen
pour lutter efficacement contre les adventices qui traversent le mulch. Pour les épandre, un
pulvérisateur attelé est utilisé. Ce matériel n’est pas spécifique.
114
1.3. Cas des systèmes de production où le semis et les sarclages sont réalisés en
motorisation
- Pour la préparation du mulch, un broyeur est utilisé lorsque la couverture est composée de
tiges ligneuses comme les résidus de cotonnier. C’est un outil animé par la prise de force du
tracteur qui est relativement onéreux. En France, les agriculteurs utilisent parfois des outils à
disques, tels que le cover crop. Dans ces conditions, il ne s’agit plus véritablement de semis
direct sans travail du sol, car un travail superficiel du sol est effectué.
- Pour le semis, un semoir spécifique est nécessaire, équipé de disques qui fendent le mulch
avant de déposer les graines. Il existe de nombreux modèles, variables quant à leur efficacité.
Les semoirs les plus simples permettent le semis simultané sur deux rangs. Les semoirs
combinés les plus sophistiqués permettent le semis sur une largeur de six mètres et réalisent
plusieurs opérations successives : ouverture du mulch, semis, épandage d’engrais, tassement
de la ligne de semis. Le coût de ce type de semoir est très élevé par rapport à celui d’un
semoir conventionnel (trois à huit fois plus élevé).
Hormis leur coût, le problème de ces semoirs est leur spécificité à un type de graine. C’est
ainsi que les agriculteurs du Parana ont besoin normalement de deux semoirs pour le système
soja-blé.
- Pour épandre l’herbicide total nécessaire à la destruction des plantes de couverture avant
l’implantation de la culture, le pulvérisateur nécessaire est semblable à celui utilisé en
système conventionnel. Par contre, au cours du cycle de la plante cultivée, on utilise parfois
deux types d’herbicides : un pour la ligne de semis (herbicide sélectif de la culture), et un
pour l’interligne (herbicide total). Cette pratique permet de réduire les coûts des herbicides,
les herbicides sélectifs étant plus chers que les herbicides totaux. Dans ce cas, un
pulvérisateur très fin est indispensable, qui permet d’épandre les herbicides de façon très
localisée. On utilise parfois des tunnels pour protéger la plante cultivée pendant l’épandage
d’un herbicide total (Séguy et al., 1998).
1.4. Bilan
Les équipements nécessaires à la réalisation du semis direct sur couverture végétale
dépendent des modalités de leur mise en œuvre. Ils dépendent aussi et surtout du niveau
technique des systèmes agricoles où ils s’insèrent : en cas de semis manuel, aucun équipement
particulier n’est exigé ; en traction animale et en traction motorisée, par contre, l’outillage est
différent de celui utilisé en système conventionnel.
En culture attelée, il faut au moins un semoir spécifique et un rouleau à couteaux pour
préparer le mulch. Ce matériel a été très largement diffusé au Sud-Parana, notamment grâce à
une forte volonté de l’Etat et des instituts professionnels (un programme étatique a
subventionné l’achat de semoirs spécifiques à 75%). Mais cela ne suffit pas : le coût des
équipements reste la principale limite à l’expansion des SCV en traction animale au Brésil
(Rachou, 1997).
En agriculture motorisée, les SCV exigent un investissement important en équipements
spécifiques, ce qui constitue un frein à son adoption. Seuls les chefs de grandes exploitations
agricoles peuvent adopter rapidement ces systèmes. Les autres attendent le moment où ils
doivent renouveler leur matériel, et bien souvent, ils ne pratiquent les SCV que sur une partie
de leur assolement ou sur une séquence de culture sur deux (exemples au Parana).
115
II. Les intrants spécifiques
Mis à part les systèmes maïs-Mucuna au Nord-Honduras et au Bénin, les herbicides font
partie intégrante des SCV décrits dans cet ouvrage.
De plus, les semences des plantes de couverture constituent un autre type d’intrants
spécifiques, dans les cas où elles n’ont pas de marché ou lorsque les plantes sont détruites
avant d’avoir pu assurer une production de graines.
III. Les besoins en main d’œuvre et les temps de travaux
Deux questions principales se posent :
-
en terme quantitatif, est-ce que les SCV entraînent une réduction du temps de travail ?
en terme qualitatif, quels changements les SCV entraînent-ils sur la répartition des travaux
dans l’année ?
Pour répondre à ces questions, nous allons à nouveau utiliser les cas étudiés précédemment.
3.1. Cas des systèmes de production où toutes les interventions techniques sont
réalisées manuellement
Au Nord-Honduras, les temps de travaux sur une année diminuent presque de moitié quand
on passe du système traditionnel à deux cycles de maïs au système maïs-Mucuna (Sain et al.,
1994). Cette forte diminution est essentiellement due à la suppression des travaux précédant
l’implantation du deuxième cycle du maïs. De plus, la fauche du Mucuna est grossière, plus
facile et plus rapide à réaliser que les sarclages du maïs que la présence de la plante de
couverture permet de limiter. Si l’on considère les systèmes de culture sur plusieurs années au
lieu d’une année, la réduction du temps de travail permise par l’introduction du Mucuna doit
être bien plus conséquente, car elle permet d’éliminer les opérations d’abattis brûlis
nécessaires à la remise en culture d’une jachère. En contre partie, un cycle de maïs sur l’année
est supprimé.
Globalement, en agriculture manuelle, les SCV permettent de réduire les temps de travaux et
leur pénibilité par l’absence de préparation avant semis, et par la diminution du nombre de
sarclages. Cependant, ce constat est à nuancer : en zone forestière de Côte d’Ivoire, par
exemple, la maîtrise de l’implantation d’une plante de couverture, puis le contrôle de son
développement, nécessitent un surplus de travail ou l’emploi d’herbicides.
3.2. Cas des exploitations familiales du sud du Parana (Brésil) qui travaillent en
traction animale
Par rapport aux systèmes traditionnels, les SCV permettent de mieux répartir les charges en
travail tout au long de l’année : les pointes de travail pour la préparation des sols en août
diminuent, alors que les besoins augmentent entre mai et juillet pour la gestion des plantes de
couverture (Micos, 1999). D’après M. Rachou (1997), un labour en attelé nécessite 36 heures
de travail pour un hectare, contre 9 heures pour un semis direct, toujours en attelé. De plus, le
recours aux herbicides réduit les interventions de sarclage. Globalement, les temps de travaux
diminuent sur l’année, de même que leur pénibilité.
116
3.3. Cas des grandes exploitations motorisées au Brésil (Parana et cerrados)
Pour les grandes exploitations motorisées, l’adoption des SCV semble réduire les charges en
main d’œuvre (Séguy et al., 1998, 1999).
Le gain de temps est en effet évident pour la phase d’installation des cultures, et les sarclages
mécaniques sont remplacés par l’épandage d’herbicides. Cependant, il manque une analyse
comparée complète des temps de travaux pour l’ensemble des opérations sur une année. L.
Séguy et al. (1999) l’ont fait en partie pour la culture cotonnière, comparant l’itinéraire
conventionnel en monoculture avec le système semis direct sur paillis de sorgho cultivé dans
une séquence antérieure. La réduction en temps de travail observée n’est pas très forte : on
passe de 18 à 16 heures de travail par hectare (tableau 4.1). Mais toutes les interventions en
semis direct sur couverture végétale ne sont pas référencées.
Tableau 4.1 : Culture cotonnière dans les cerrados au Brésil - Comparaison des temps de
travaux (heure/ha) entre le système conventionnel (monoculture pratiquée par le groupe
industriel MAEDA) et le système semis direct sur paillis de sorgho proposé par la
recherche
Détail des interventions
Système conventionnel
SCV
techniques
1. Pré-semis :
3,43
1,37
Entretien, aménagement
Broyage des résidus
Travail du sol
Epandage herbicides totaux
Semis sorgho
2. Semis
3. Entretien :
Sarclage mécanique
Sarclage manuel
Epandage herbicides
Epandages insecticides
Total
0,35
0,35
2,73
0,5
0,35
0,5
0,52
1
14,03
13,5
1,03
8 (1 j/ha)
1 (2 applications)
4 (8 applications)
17,96
Source : L. Séguy et al., 1998
8
1,5 (3 applications)
4 (8 applications)
15,87
3.4. Bilan
Par la suppression des travaux de préparation du sol avant semis, et notamment le labour, le
semis direct sur couverture végétale donne plus de souplesse dans la gestion de l’implantation
des cultures. En effet, le labour constitue le chantier le plus long dans une campagne agricole.
Il est aussi dépendant des conditions climatiques qui peuvent retarder sa réalisation. On peut
citer de plus les cas où les agriculteurs attendent la disponibilité d’un équipement en location
pour labourer, alors qu’ils peuvent effectuer un semis direct de façon manuelle (cas du SudOuest malgache).
117
De façon globale et dans la plupart des situations, les SCV permettent de réduire les temps de
travaux et leur pénibilité. Si dans certains cas cette limitation reste faible, les SCV entraînent
aussi une nouvelle répartition du travail au cours du temps qui écrête les pointes de travail.
En définitive, les SCV doivent permettre une meilleure gestion de l’organisation du travail en
supprimant les opérations de labour et de sarclage par l’épandage d’herbicides. Cependant, il
faudrait s’assurer que les nouvelles périodes de travail induites par la « conduite technique »
des plantes de couverture correspondent à des moments où la main d’œuvre est bien
disponible.
IV. Conclusion
En plus des avantages agronomiques que nous avons déjà cités, l’adoption des SCV entraîne
des effets globalement positifs sur l’organisation du travail. Par contre, elle nécessite dans la
plupart des cas l’acquisition de nouveaux équipements et/ou l’achat d’intrants comme les
herbicides. Dans le système maïs-Mucuna au Honduras où aucune dépense supplémentaire est
nécessaire, un cycle de culture marchande est supprimé.
Une analyse économique au niveau des exploitations agricoles s’impose donc, pour évaluer
(1) la rentabilité des SCV par rapport aux systèmes conventionnels sur une ou plusieurs
années ; (2) les difficultés financières rencontrées par les agriculteurs pour passer d’un
système conventionnel aux SCV (investissements de départ, évolution de la trésorerie au
cours de la campagne agricole pour acheter les intrants).
B. PERFORMANCES ECONOMIQUES
Cette partie a pour objectif d'évaluer la faisabilité des SCV d'un point de vue économique, en
les comparant avec les systèmes conventionnels (avec préparation du sol et/ou sans
couverture végétale).
Les exemples présentés ont été choisis de façon à disposer de données suffisantes pour
effectuer une analyse complète. Pour une analyse approfondie de la situation dans l’Ouest
mexicain, selon différents niveaux techniques, on pourra consulter les travaux de D. Jourdain
et E. Scopel (2000), trop récents pour avoir pu être exploités.
I. Le système maïs-Mucuna au Nord-Honduras
Nous insisterons ici sur la démarche à suivre pour établir l’analyse économique, plus que sur
les résultats.
1.1. Analyse comparée pour une année moyenne de la rentabilité en semis
conventionnel et en semis direct sur couverture de Mucuna
1. On évalue les charges et les salaires sur les bases suivantes :
- Une exploitation agricole fictive ;
- Un itinéraire technique type sur l’année pour les deux systèmes (conventionnel / SCV).
118
Pour chaque intervention technique, on comptabilise les coûts en intrants (semences,
herbicides) et en main d’œuvre (tableau 4.2). Dans la simulation, on ne compte pas le coût
d’implantation du Mucuna. Par contre, on intègre le prix de location de la terre, supérieur en
cas de présence de Mucuna.
2. On calcule les produits. Pour ce faire :
- on utilise les rendements moyens obtenus par les agriculteurs enquêtés en distinguant les
différents cycles de maïs (cf. figure 4.1) ;
- on prend des prix différents pour les deux cycles de maïs (les prix du maïs postrera sont
supérieurs de 50 à 100% à ceux du maïs de primera).
3. On détaille les entrées et les sorties d’argent par mois (cf. tableau 4.3). Contrairement au
système maïs-Mucuna, le système conventionnel maïs-maïs permet deux entrées d’argent sur
l’année.
4. On calcule la marge nette obtenue sur l’année.
5. Résultats
Pour une manzana cultivée (= 0,7 hectare), les charges variables annuelles du système
Mucuna sont très nettement inférieures à celles du système conventionnel, et ceci pour deux
raisons : (1) il n'y a pas de frais de main d’œuvre pour le Mucuna hormis la fauche, et pas de
frais de préparation du sol avant l’implantation du maïs postrera ; (2) le système Mucuna est
beaucoup moins consommateur d'intrants (un ou deux épandages d'herbicides au lieu de trois,
pas de frais de semences pour le Mucuna qui se ressème spontanément).
Pour une manzana cultivée, les charges variables annuelles sont moins importantes pour le
système Mucuna, et les rendements du maïs postrera obtenus sont nettement supérieurs à
ceux du système conventionnel. Ainsi, dans notre exemple, pour une manzana cultivée en
année moyenne, la marge nette du système Mucuna est supérieure de 50% à celle du système
conventionnel, et ceci malgré la suppression d’un cycle de maïs.
Par contre, le système Mucuna induit une gestion de trésorerie différente sur l’année, puisqu’il
ne permet qu’une entrée d’argent au lieu de deux. De plus, le fait de n'avoir qu'une récolte par
an représente une situation plus risquée : si l'agriculteur effectue plusieurs cycles de culture
par an, il peut éventuellement rattraper une mauvaise production avec le cycle suivant.
119
Tableau 4.2 : Nord-Honduras - Coûts comparés de différentes techniques de production
de maïs en lempiras par manzana (0,7 ha environ)
Maïs postrera
Maïs primera
Avec Mucuna
Sans Mucuna
PREPARATION
DU TERRAIN
72,6
98,1
98,1
Fauche et brûlis
34,1*
59,6
59,6
Herbicide
30,0*
30,0
30,0
Application herbicide
8,5*
8,5
8,5
SEMIS
56,8
33,0
35,0
Semences de maïs
3,2
3,2
5,2
Main d'œuvre pour semis
29,8
29,8
29,8
Semences de Mucuna
6,8**
Main d'œuvre pour semis
17**
DESHERBAGE
68,3
77,0
77,0
1er : chimique
38,5
38,5
2ème : manuel
29,8
3ème : chimique
38,5
38,5
38,5
LOCATION
54,4
34,2
34,2
PARCELLE
252,1
242,3
244,3
TOTAL
*Variante du système Mucuna : application de gramoxone après la fauche.
** Cas d'un premier cycle : implantation du Mucuna avec des graines achetées
Source : G. Sain et al. (1994)
Figure 4.1 : Nord-Honduras – Evolution des rendements de maïs (en kg par
manzana) en fonction des cycles et des systèmes de culture
1400
Rendements (kg/mz)
1200
1000
800
Maïs de primera
600
Maïs de postrera
400
Maïs de postrera avec
Mucuna
200
0
1
2
3
4
5
6
Nombre d'années de culture
Source : G. Sain et al. (1994)
120
Tableau 4.3 : Nord-Honduras – Simulation mois par mois de la trésorerie (en lampiras)
en année moyenne, pour une manzana cultivée, en fonction des systèmes de culture
(maïs-maïs et maïs-Mucuna)
Mois
Dépenses par
opération
Location terre
Préparation
sol
Semis
1er sarclage
2ème sarclage
Mai
Juin
Juil.
Août Sep.
Oct. Nov. Déc.
Système conventionnel maïs-maïs
Maïs primera
34,2
98,1
35
Mars
Maïs postrera
38,5
38,5
38,5
1055
0,29
306
-132
-167
-206
-244
-244
62
780
0,47
366,6
-36
-69
-107
-146
-146
221
Maïs postrera
54,4
72,6
33
29,8
38,5
Gains
Rendem. (kg)
Prix au kg
Produit
Flux de
trésorerie
Avril
33
38,5
Système maïs- Mucuna
Mucuna
Dépenses par
opération
Location terre
Préparation
sol
Semis
1er sarclage
2ème sarclage
Fév.
98,1
Gains
Rendem. (kg)
Prix au kg
Produit
Flux de
trésorerie
Janv.
1170
0,47
550
-54
-54
-54
-54
-54
-54
-127
-160
-190
-228
-228
322
Par rapport à cette analyse économique en année moyenne, des réserves sont à émettre :
- la fertilisation, parfois présente en système conventionnel, n'a pas été comptabilisée (ce
qui aurait augmenté l'écart), ni les éventuels traitements phytosanitaires pour les deux
systèmes ;
- il s'agit d'une année moyenne, qui ne tient donc pas compte des variations inter-annuelles
du rendement. Or, les rendements fluctuent au cours du temps avec le système Mucuna (cf.
figure 4.1) ;
- les itinéraires techniques, donc les charges, varient selon l’année. Par exemple, la
première année, le Mucuna est implanté ;
- on ne tient pas compte des revenus dus à la vente du bois de chauffe provenant des
jachères du système traditionnel.
La deuxième étape de l’analyse économique doit permettre de pallier certaines de ces
réserves.
121
1.2 Analyse comparée de la rentabilité des deux systèmes sur l’ensemble de la
rotation
Pour comparer véritablement les deux systèmes, il convient de considérer l'ensemble de la
rotation et non pas seulement une année moyenne. Pour ce faire, nous allons faire une
simulation pour une manzana, en considérant une rotation de six ans, ce qui correspond à :
pour le système conventionnel, deux ans de culture avec deux cycles de maïs après
défriche, puis quatre ans de mise en jachère ;
pour le SCV, six ans d’association maïs-Mucuna, avec une seule implantation du
Mucuna, en première année, la durée de vie moyenne du Mucuna étant de six ans.
Pour le système conventionnel, le prix de location des terres n’est comptabilisé qu’une seule
fois pour l’année, donc une seule fois pour les deux cycles de maïs. On intègre également
dans nos calculs la vente de bois de feu, issu de la défriche des jachères avant la remise en
culture.
Pour le système Mucuna, on tient compte de l’évolution des rendements du maïs due à la
présence de la plante de couverture.
Les résultats sont présentés dans le tableau 4.4.
La première année, du fait de la faiblesse des rendements en maïs, le système Mucuna est
moins rentable que le système conventionnel. Mais dès la troisième année, l'augmentation des
rendements est telle que la marge nette cumulée obtenue avec Mucuna devient supérieure à
celle avec jachère. Ce qui est frappant à travers ces calculs, c'est la forte productivité de la
terre permise par le système maïs-Mucuna en comparaison avec le système maïs-jachère, bien
qu'il ne permette qu'un seul cycle de culture par an.
Bien que le système Mucuna ne demande aucun investissement en équipement, le manque à
gagner de la première et de la deuxième année, dû aux frais d'installation de la plante de
couverture et aux faibles rendements du maïs, nécessite une avance de trésorerie qui peut
constituer un frein à son adoption par les agriculteurs. C'est peut-être pour cette raison,
ajoutée à l’absence d’entrée d’argent en octobre et novembre, que la plupart des agriculteurs
du Nord-Honduras qui pratiquent le système Mucuna continuent à cultiver du maïs de
manière conventionnelle.
Tableau 4.4 : Nord-Honduras – Résultats économiques comparés du système maïsMucuna et du système conventionnel maïs-maïs avec jachère sur une durée de 6 ans (en
lampiras, pour une manzana cultivée)
Année
Système maïs – Mucuna
Système maïs-maïs avec jachère
Produit
Total des
Total des
Marge nette Produit
Marge nette
Coûts variables
Coûts variables
1
247,22
252,10
- 4,88
672,55
452,40
220,15
2
398,56
228,30
170,26
672,55
452,40
220,15
3
549,90
228,30
321,60
0,00*
0,00
0,00
4
549,90
228,30
321,60
0,00*
0,00
0,00
5
549,90
228,30
321,60
0,00*
0,00
0,00
6
549,90
228,30
321,60
547,50**
59,60
487,86
Total
1451,78
928,16
* Année de jachère
** Vente du bois de chauffe
Source : G. Sain et al. (1994)
122
1.3. Conclusion
D'après ces analyses, la rentabilité économique ne semble pas représenter un frein à l'adoption
du système maïs-Mucuna au Nord-Honduras, mais explique au contraire l’engouement des
agriculteurs, ceci malgré certains problèmes de trésorerie induits (frais d’implantation de la
plante de couverture la première année, suppression d’une entrée d’argent dans l’année).
Cependant, malgré tous ses avantages à la fois agronomiques et économiques, la tendance
actuelle est à la régression du système maïs-Mucuna. Il serait intéressant d’en approfondir les
raisons. Des hypothèses d’ordre économique sont avancées (Triomphe, 1999), et notamment
l’évolution défavorable du prix du maïs, ce qui nécessiterait de réactualiser les calculs
présentés précédemment, basés sur les prix de 1992.
En fait, il semblerait que le système maïs-Mucuna soit délaissé par les agriculteurs, non pas
pour revenir au système maïs-jachère, mais pour se lancer dans d’autres spéculations. Il ne
suffit donc pas de comparer les systèmes à base de maïs : il faudrait réaliser, dans le cas du
Honduras, des analyses économiques plus larges comparant différents systèmes de
production, avec notamment la prise en compte des activités d’élevage.
II. les scv et les grandes exploitations agricoles motorisées
Compte tenu des données bibliographiques disponibles, nous avons réalisé une simple
comparaison des marges dégagées sur une année, en comparant des itinéraires techniques
conventionnels avec des itinéraires intégrant le semis direct sur couverture végétale.
Cependant, compte tenu des besoins importants en équipement, nous avons inclus
l’amortissement de cet équipement dans l’analyse.
2.1. Cas de la culture du cotonnier dans les cerrados au Brésil
Le détail des coûts et des produits est donné dans le tableau 4.5. L’itinéraire technique
conventionnel est celui qui est pratiqué par le groupe industriel MAEDA, avec le rendement
moyen obtenu sur toutes les exploitations du groupe (résultats 1995-97 : 2500 kg/ha).
L’itinéraire semis direct sur couverture végétale est celui préconisé par la recherche : il s’agit
du semis direct de cotonnier après une culture séquentielle de sorgho (cf. description en partie
2, chapitre 2213), avec la même fertilisation que l’itinéraire précédent. Le rendement
correspondant à cet itinéraire (3200 kg/ha) est celui obtenu sur des superficies contrôlées par
la recherche dans le Mato Grosso (Séguy et Bouzinac, 1998).
123
Tableau 4.5 : Culture cotonnière dans les cerrados au Brésil – Résultats économiques
comparés (en $/ha) entre le système conventionnel du groupe MAEDA et le système
semis direct sur paillis de sorgho à même niveau de fumure
Système conventionnel
SCV
Coûts (main d’œuvre + intrants) par intervention technique
1. Pré-semis
112,7
92,7
Entretien, aménagement
10,5
Broyage des résidus
5,7
5,7
Travail du sol
96,5
Epandage herbicides totaux
47,6
Semis sorgho (estimation)
9,3
Avance azote
30,1
30,1
2. Semis
141,7
123,3
Semis avec semences traitées
26,9
38,5
Epandage herbicides
31
Fumure NPK
83,8
83,8
3. Entretien
349,4
326,9
Sarclage mécanique
15,6
Sarclage manuel
12,3
8,8
Epandage herbicides
75,2
71,8
Epandages insecticides
163,4
163,4
Fumure NK
82,9
82,9
4. Récolte
206,6
264,5
5. Transport
25,8
33
Total
836,2
840,4
Produit (vente coton graine à
1428
1828
8,57 $ pour 15 kg)
Marge nette
592
998
Source : L. Séguy et al. (1998)
Les interventions techniques pour lesquelles les coûts divergent sont les suivants :
- avant le semis, préparation sol dans un cas, implantation du sorgho dans l’autre cas ;
- semis avec épandage d’herbicides et emploi de main d’œuvre pour préparer le mulch en
semis direct ;
- désherbages différents en cours de culture.
Au total, les coûts de main d’œuvre et d’intrants sont quasiment équivalents. Quant aux
amortissements, il n’y a pas de différence marquée. Par contre, les produits sont supérieurs en
semis direct sur mulch de sorgho (rendements plus élevés), d'où une marge bien supérieure,
qui va presque du simple au double.
2.2. Autres exemples
Il semblerait que la situation soit assez similaire pour la conduite annuelle des séquences
soja/blé au Nord-Parana : les coûts de main d’œuvre et d’intrants sont équivalents, voire
supérieurs en semis direct à cause des herbicides, mais les rendements sont plus élevés avec
des marges supérieures (Derpsch et al., 1991). Cependant, comme dans le cas du Honduras,
une analyse économique sur une rotation complète est nécessaire pour les SCV au NordParana, puisqu’ils impliquent des cultures non marchandes.
124
Aux Etats-Unis, les résultats sont différents. Nous allons développer l’exemple de la culture
cotonnière, d’après les travaux de J.R. Smart et J.M. Bradford (1998).
- Le tableau 4.6 présente les opérations techniques qui différencient trois itinéraires
techniques que nous allons comparer. On observe de la gauche vers la droite une substitution
du travail mécanique par des traitements chimiques, et une diminution du nombre de passages
des machines (donc de la charge globale en travail).
Tableau 4.6 : Détail des opérations différenciant trois itinéraires techniques pour le
cotonnier (Etats-Unis)
Système conventionnel
Culture en billon en
Non-labour en conservation
conservation tillage
tillage
Broyage résidus
Broyage résidus
Passage disque
Labour
"Etigeur"
"Etigeur"
(sur cotonnier seulement)
(sur cotonnier seulement)
Passage disque (2)
Formation des lits
Travaux sur les lits (3)
Désherbage chimique (2)
Désherbage chimique (2)
Semis
Semis
Semis
Herbicide prélevée
Herbicide prélevée
Herbicide prélevée
Désherbage mécanique
Désherbage mécanique
Désherbages chimiques (2)
(cultivateur) (2)
(cultivateur) (2)
Légende : ( ) = nombre de passages.
Source : J.R. Smart et J.M. Bradford (1998)
- Le tableau 4.7 présente les fourchettes de rendements obtenus en station expérimentale sur
deux ans, et ce sur plusieurs types de précédents culturaux. Globalement, en 1996, on observe
des rendements un peu plus élevés pour le système conventionnel que pour les deux autres.
En 1997, cette différence est bien moins marquée.
Tableau 4.7 : Fourchette de rendements obtenus en coton graine selon l’itinéraire
technique (Etats-Unis)
Itinéraire technique
Rendements (kg/ha)
En 1996
En 1997
Système conventionnel
823-851
742-805
Culture en billon en
601-687
conservation tillage
Non-labour en conservation
696-746
tillage
Source : J.R. Smart et J.M. Bradford (1998)
765-770
695-719
- Le tableau 4.8 détaille les charges, produits et marges nettes selon l’année et l’itinéraire
technique. Les données étudiées ne détaillent pas les coûts par opération. Cependant, les
charges apparaissent moins élevées avec l’itinéraire technique semis direct. Au bout du
compte, il n’y a pas de différences marquées entre les marges permises par le système
conventionnel et le semis direct en conservation tillage : en 1996 elles sont supérieures avec
le système conventionnel, et en 1997, c’est l'inverse. On peut d'ailleurs remarquer, que, faute
de stabiliser les rendements, la technique de non-labour en conservation tillage permet à
première vue de stabiliser les marges réalisées par rapport au système conventionnel.
125
Tableau 4.8 : Résultats économiques (en $US/ha) en culture cotonnière selon l’itinéraire
technique (Etats-Unis)
Mode de préparation
Marge
Charges
Produits
du sol
nette
Récolte,
Avant récolte
Coton graine
stockage
474
353
1437
608
Système conventionnel
1
9
Culture en billon en
388
257
1045
400
9
conservation tillage
6
Non-labour en
356
296
1213
560
conservation tillage
1
9
9
7
442
346
1312
Système conventionnel
Culture en billon en
356
329
1255
conservation tillage
Non-labour en
324
309
1171
conservation tillage
Source : J.R. Smart et J.M. Bradford (1998)
524
571
538
En définitive, les rendements obtenus en semis direct sur couverture végétale ne sont pas
supérieurs mais équivalents (voire plus faibles) que ceux obtenus en système conventionnel.
Par contre, les charges sont inférieures, et les marges équivalentes. Les auteurs concluent
d’ailleurs leur article en insistant sur les avantages agronomiques du semis direct en
conservation tillage (plus grande protection des sols contre l'érosion hydrique et éolienne,
limitation de l'évaporation) et sur le gain de temps procuré, et non sur l'intérêt économique à
court terme.
III. Conclusion
Les analyses économiques réalisées pour évaluer la rentabilité économique des SCV par
rapport aux systèmes conventionnels nécessitent, pour être pertinentes :
-
De connaître les itinéraires pratiqués avec précision, en conventionnel et en semis direct
avec couverture végétale, avec les rendements obtenus, afin de pouvoir les comparer ;
Une évaluation sur la durée totale des rotations correspondant à chaque système de
culture, afin de prendre en compte les évolutions de rendements au cours du temps. Cette
démarche est d’autant plus nécessaire quand on introduit dans la rotation des cultures non
commerciales.
Ces résultats de rentabilité comparée, ainsi que l’importance des investissements de départ
pour changer de système technique sont très différents d’une région à l’autre, selon les
niveaux techniques des agriculteurs et le milieu physique. Mais compte tenu de la diversité
des exploitations agricoles au sein d’une même région, les analyses économiques devraient
être réalisées par type d’exploitation agricole en détaillant les différents itinéraires techniques
pratiqués (cf. les travaux de D. Jourdain et E. Scopel, 2000, au Mexique). On serait alors en
mesure de justifier dans une même région des comportements différents face à l’innovation,
selon le type d’acteur. Cette approche a été partiellement réalisée au Nord-Parana et plus
approfondie au Mexique (cf. partie 2).
126
Par ailleurs, il faudrait pouvoir quantifier dans les calculs économiques les avantages
écologiques permis par les SCV, autrement que par une simple augmentation de rendement.
Par exemple, afin de pouvoir les intégrer dans une analyse économique comparative, il
faudrait évaluer les coûts dus aux éléments suivants :
- perte de nutriments par érosion
- perte de surface cultivée et coût des travaux de confection de terrasses
- coût du ressemis dû à l’érosion
- évaluation de la perte de production due à l’érosion
…
Cependant, les analyses économiques ne suffisent pas à expliquer le pourquoi de l’adoption
ou non des SCV par les agriculteurs. En effet, d’autres facteurs sont à prendre en
considération, ce qui fait l’objet du chapitre suivant.
C. CONDITIONS D’INTEGRATION DANS LES SYSTEMES DE PRODUCTION ET
LES SYSTEMES AGRAIRES
Nous venons d'étudier la faisabilité des SCV à travers une analyse économique ainsi qu’une
analyse des besoins en équipements et en main d'œuvre à l’échelle des systèmes de culture.
Nous allons maintenant compléter cette réflexion en intégrant l'ensemble des facteurs qui
influent sur l'adoption ou non des SCV par les agriculteurs.
Les activités d’élevage constituent une contrainte souvent mentionnée à l’adoption des SCV.
Une analyse à l’échelle des systèmes de production s’avère donc nécessaire. De plus, elles
mettent fréquemment en jeu des problèmes d’organisation collective de l’espace agricole, ce
qui nous amène à prendre en compte les systèmes agraires.
Après avoir traité les aspects concernant l’élevage, nous aborderons d’autres facteurs qui
conditionnent l’intégration des SCV dans les systèmes de production et les systèmes agraires
concernés.
I. Les activités d'élevage
1.1. Introduction
Les SCV présentent de nombreux avantages agronomiques qui entraînent en général une
augmentation des rendements, aussi bien pour la production de grains que pour la production
fourragère. Les SCV ont également des conséquences économiques, qui apparaissent plus ou
moins avantageuses selon la situation concernée. Mais certains aspects du semis direct sur
couverture végétale affectent les systèmes d’élevage, et peuvent être un frein à sa diffusion.
En effet, les SCV impliquent :
- l’utilisation de cultures ou de résidus de culture, non pas comme fourrages, mais
comme plantes de couverture ;
- une occupation permanente du sol par les plantes de couverture. Ainsi, les parcelles
ne peuvent pas être pâturées après la récolte des grains, ce qui pose un problème
essentiel pour les sociétés où les systèmes d’élevage reposent sur la vaine pâture.
127
1.2. Etudes de cas
1.2.1. Le Sud-Ouest malgache
Le principe de base des SCV, à savoir la conservation des résidus de culture dans les parcelles
entre deux périodes de mise en culture est difficilement compatible avec deux pratiques
paysannes traditionnelles :
- la pratique du brûlis, qui permet d’une part de lutter contre les adventices en détruisant
entièrement les espèces végétales présentes, et d'autre part favorise la repousse d'herbes
pendant la saison sèche ;
- la pratique de la vaine pâture.
Nous sommes-là dans une situation de compétition entre les activités d'élevage et les SCV.
Cette situation peut expliquer pourquoi le semis direct sur couverture végétale n’en est
encore qu'au stade expérimental dans le Sud-Ouest de Madagascar, alors qu’il a été adopté
massivement par des petites exploitations familiales au Honduras par exemple. En effet, au
Honduras, l'association du maïs avec le Mucuna est pratiquée dans une zone où les activités
d'élevage sont moins développées.
Par contre, cette situation de concurrence entre SCV et élevage que l’on observe dans le SudOuest malgache se retrouve également dans les zones semi-arides d’Afrique de l'Ouest.
1.2.2. L’Ouest mexicain
Dans l’Ouest mexicain, la conservation des résidus de maïs pour la constitution du paillis
nécessaire à la campagne suivante est un problème important, puisque ces résidus sont
normalement pâturés par les troupeaux bovins. Ce problème concerne tous les types
d’exploitation agricole, même les agriculteurs qui n’ont pas de troupeaux. En effet, ces
derniers peuvent vendre ce droit de pâturage aux autres, ce qui représente des entrées d’argent
non négligeables pour les petites structures.
1.2.3. Les grandes exploitations motorisées en Australie
En Australie, les activités d'élevage et de culture sont au contraire très complémentaires. En
effet, les troupeaux bovins et ovins sont transportés par camion d’une parcelle à l’autre, ce qui
permet une bonne gestion des systèmes modernes de ley farming à base de semis direct sur
couverture végétale, déjà très répandus dans les zones d’élevage extensif du pays (cf.
partie 1).
Au Brésil, à condition de mettre en place des clôtures ou des haies vives afin de canaliser le
bétail, la recherche propose des systèmes équivalents.
1.2.4. Les grandes exploitations motorisées dans les cerrados au Brésil
L’Etat du Mato Grosso réunit 15 millions d’hectares de pâturages naturels et cultivés, avec un
troupeau bovin de l’ordre de 10,5 millions de têtes (race zébu dominante). L’élevage est
essentiellement extensif, avec moins de 0,5 unité de gros bétail par hectare. Les activités de
production de grains et d’élevage sont pour l’heure totalement séparées.
128
Depuis 1990, les chercheurs évaluent deux voies possibles afin de permettre une meilleure
complémentarité entre les activités d’élevage et les cultures :
- une rotation pluriannuelle trois ou quatre ans de pâturages suivis de trois ou quatre
ans de cultures marchandes. Une variante consiste à implanter un cycle de riz dans des
pâturages dégradés avant de les réimplanter ;
- une succession annuelle pâturage / production de grains, avec des plantes fourragères
vivaces ou annuelles.
Ces SCV ont été décrits dans la partie 2 de ce document. Dans tous les cas, les plantes
cultivées comme pâturages servent à la fois pour l'alimentation animale et pour l’amélioration
des conditions physico-chimiques des sols.
II. Les facteurs socio-économiques d’adoption
Dans cette partie, nous allons présenter les principaux facteurs économiques et sociaux qui
doivent être pris en compte pour comprendre les raisons d'adoption ou de non-adoption du
semis direct sur couverture végétale dans les systèmes de production et les systèmes agraires.
A la lumière des cas d’étude présentés en partie 2, nous présentons notre réflexion sous forme
de questionnement, de nombreux points restant encore sans réponse.
% A l’échelle de l’exploitation agricole, quelle est la compatibilité avec les autres activités en
terme d’organisation du travail, de gestion de la trésorerie, de gestion de l’espace ?
% Quelles sont les conséquences économiques des SCV sur le foncier ?
Au Honduras, la mise en œuvre du système maïs-Mucuna améliore les rendements du maïs et
entraîne une augmentation du prix de la terre.
% Pour les équipements et les intrants spécifiques aux SCV (semences, herbicides), est-ce que
des fournisseurs sont sur place ?
% Le crédit est-il disponible ?
Cette question est fondamentale quand l’achat des nouveaux équipements nécessaires à la
mise en place des SCV exige des investissements importants. Nous avons vu que dans bien
des cas, un accès difficile au crédit constitue un frein à la diffusion de l’innovation, celle-ci
n’étant possible que pour les chefs d’exploitation qui ont les moyens d’investir (cf. partie 2).
% Quelles destinations, quels marchés pour les plantes de couverture quand elles sont
récoltées ?
% Comment prendre en compte la gestion du foncier ?
A Madagascar où la vaine pâture est une pratique courante, le développement du semis direct
sur couverture végétale nécessiterait une réorganisation du fonctionnement de l'ensemble des
activités à l’échelle du terroir villageois.
129
% Comment faire prendre conscience aux agriculteurs de la nécessité d'une gestion
« patrimoniale » des ressources naturelles ?
Au Brésil dans les cerrados, la motivation première des grands propriétaires terriens pour
l’adoption des SCV est d'ordre économique (diminution des coûts de production,
augmentation des rendements et des revenus...). Ils sont encore peu sensibles aux avantages
environnementaux des SCV, à savoir la réduction de l'érosion et la lutte contre la compaction
des sols.
Aux Etats-Unis, l’élément environnemental a été le déclencheur du développement du semis
direct sur couverture végétale, grâce au rôle moteur des organisations étatiques. Mais
comment faire prendre conscience des problèmes d’environnement à des agriculteurs déjà en
situation précaire, comme c'est le cas à Madagascar par exemple ?
% Comment faire passer l’innovation du stade expérimental à l’adoption par les agriculteurs ?
Quelle vulgarisation, pour quels agriculteurs ?
Jusqu'à maintenant, la recherche a étudié les conséquences essentiellement agronomiques du
semis direct sur couverture végétale. Peu d'études globales faisant appel à des critères socioéconomiques ont été entreprises. Cela semble être un frein au développement de cette pratique
qui s'inscrit dans un contexte diversifié et complexe. Cette carence peut expliquer qu'en
Afrique tropicale cette pratique n'existe actuellement qu'au stade expérimental.
% Quel est l’appui des différents partenaires des agriculteurs ?
A Madagascar, nous avons vu que les réticences de la société cotonnière à l’égard du semis
direct, alors que celle-ci contrôle toute la filière, constitue un frein à la diffusion des SCV en
milieu agricole.
130
CONCLUSION
131
Les SCV ont des avantages agronomiques certains. Ils permettent d’assurer la durabilité des
systèmes agricoles, avec des atouts qui se déclinent différemment selon les contextes :
contrôle de l’érosion pour les agricultures mécanisées ; alternative à la défriche-brûlis pour les
agricultures familiales des tropiques humides grâce à la possibilité de contrôler
l’enherbement ; stabilisation des rendements en agissant sur le bilan hydrique dans les
conditions semi-arides de l’Ouest du Mexique ; entretien d’un taux de matière organique dans
le sol de façon générale…
Les modalités de mise en œuvre du semis direct sur couverture végétale sont très diverses, et
dépendent en premier lieu des conditions climatiques de la zone concernée. Sur la figure 5.1,
nous reprenons en les schématisant les principales modalités que nous avons présentées dans
les études de cas. Il ressort que plus la pluviométrie est importante, plus les modalités sont
nombreuses et diversifiées.
1. En zone humide, il est possible d’introduire une plante de couverture en séquence par
rapport à la culture principale. En effet, la pluviométrie est suffisamment longue et
abondante pour permettre successivement sur une même année civile le développement de
la plante commerciale, et la production d’une biomasse importante par une plante de
couverture spécifique. Se développant en association ou en séquence par rapport à la
culture commerciale, tous les types de couverture sont possibles, qui impliquent des
modes de gestion différents. Ainsi, le semis direct de la plante commerciale peut être
réalisé à travers (Ehret, 1999) :
-
-
-
Une couverture morte constituée des résidus d’une plante de couverture annuelle,
dont le ressemis spontané perpétue le système d’une année à l’autre et dont la
germination est décalée par rapport à la culture commerciale (cas du Mucuna au
Honduras, qui constitue une situation « idéale » en terme de contrôle) ;
Une couverture du même type, mais avec une plante de couverture à germination
non décalée (cas du Mucuna au Bénin et cas des plantes fourragères annuelles dans
les cerrados au Brésil), ce qui entraîne une gestion plus contraignante ;
Une couverture morte constituée des résidus de cultures commerciales annuelles
récoltées (cas au Brésil au Parana et dans les cerrados) ;
Une couverture morte constituée des résidus de cultures détruites avant la
production de semences (sorgho et mil dans les cerrados au Brésil) ;
Une couverture morte constituée des résidus d’une plante vivace détruite
(rénovation des pâturages dans les cerrados au Brésil) ;
Une couverture vive composée d’une plante vivace dont le développement est
contrôlé (Pueraria dans le Sud de la Côte d’Ivoire, plantes fourragères dans les
cerrados au Brésil).
2. Plus le climat est sec, moins l’introduction d’une plante de couverture en séquence est
possible. En général, l’introduction d’une plante de couverture spécifique se fait en
association avec la culture commerciale. Dans le cas d’une introduction décalée, une mise
en jachère de la parcelle lors de la saison des pluies suivante est nécessaire au bon
développement de la plante de couverture (exemple présenté en Nord Côte d’Ivoire).
Mais les couvertures les plus couramment utilisées sont composées des résidus de la
culture mise en place l’année précédente. Dans les zones sèches davantage que dans les
zones humides, il est nécessaire de raisonner les couvertures en terme de rotations
pluriannuelles.
132
Outre les conditions climatiques, les modalités de mise en œuvre des SCV et les conditions de
leur adoption en milieu agricole dépendent du contexte socio-économique où ils s’appliquent.
En effet, malgré les avantages agronomiques de ces systèmes, les conditions socioéconomiques constituent bien souvent un frein à leur adoption par les agriculteurs.
Il est nécessaire de réaliser une analyse à l’échelle des unités de production. Pour chaque type
d’unité de production identifié dans une région, il est important de considérer : les avantages
agronomiques attendus, la possibilité d’intégration au sein des systèmes de production
(équipement, main d’œuvre, intrants, compatibilité avec l’élevage) et la faisabilité
économique. Enfin, certaines contraintes à l’adoption des SCV se situent au niveau du
fonctionnement des systèmes agraires (gestion du foncier, relations agriculture-élevage, vaine
pâture…). Elles nécessitent d’intervenir à cette échelle si l’on veut voir se développer en
milieu agricole ce nouveau mode de gestion agroécologique des sols que constituent les
systèmes de culture à base de couverture végétale.
133
Figure 5.1.
Figure 5.1 : Bilan des principaux modèles de SCV par grande zone ago-écologique
à partir des cas d'étude présentés (sur 2 années)
1. Parana (Brésil) = climat subtropical humide (moyenne pluviométrique 1100-1900 mm)
s
o
n
d
j
f
m
a
m
j
j
a
s
o
n
d
j
f
m
a
m
j
j
a
j
a
S
C1
C2 ou PC
R
C1
C2 ou PC
2. Cerrados (Brésil) = climat tropical humide (moyenne pluviométrique 1500-3000 mm)
s
o
n
d
j
C1
f
m
a
m
j
C2 ou PC
j
a
s
o
R
n
d
j
C1
C1
f
m
a
m
j
C2 ou PC
R
C1
PC
PC
3. Nord-Honduras = climat tropical humide (moyenne pluviométrique 2000-3000 mm)
j
j
a
s
o
n
d
j
f
m
a
m
j
j
a
s
o
n
d
j
f
C1
m
a
m
C1
PC
PC
4. Sud Côte d'Ivoire (Sud Bénin) = climat tropical humide (moyenne pluviométrique 1500 mm)
m
a
m
j
j
a
s
o
n
d
j
f
m
C1
a
m
j
j
a
s
o
n
d
j
f
m
a
m
a
C1
PC
PC
5. Nord Côte d'Ivoire = climat tropical semi-aride (moyenne pluviométrique 1000 mm)
m
j
j
a
s
o
n
d
j
f
m
a
m
j
C1
j
a
s
o
n
d
j
f
C1
PC
PC
C1
PC
PC
6. Ouest Mexique = climat tropical semi-aride (moyenne pluviométrique 400-800 mm)
m
j
j
a
s
o
n
d
C1
j
f
m
a
m
j
R
j
a
s
o
n
d
C1
j
f
R
7. Sud Ouest Madagascar=climat tropical semi-aride (moyenne pluviométrique 400-800 mm)
d
j
f
m
a
m
j
j
a
s
o
n
d
j
f
m
a
m
j
j
PC
R
C1
R
C1
PC
R
C2
R
a
s
o
n
Légende :
= Principale saison des pluies
= Petite saison des pluies
= Saison sèche
C1,2 = Culture 1,2 ; PC = Plante de couverture spécifique, annuelle ou vivace ; R = Résidus
= Déclin et reprise spontanés de la plante de couverture
134
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141
TABLE DES MATIERES
AVANT-PROPOS
6
INTRODUCTION
10
PARTIE 1 : HISTOIRE DU SEMIS DIRECT SUR COUVERTURE VEGETALE
16
I. Les SCV traditionnels anciens sous les tropiques humides
II. Mise au point et diffusion des SCV "modernes" en zone tempérée
2.1. L'expérience américaine
2.2. L'Australie du Sud-Ouest : une expérience comparable à celle des Etats-Unis
2.3. Bilan
III. Retour sous les tropiques des SCV sous leurs formes modernes
3.1. Cas des systèmes de production motorisés et orientés vers le marché : rôle du Brésil
3.2. Cas des petites exploitations agricoles familiales
IV. Conclusion
17
18
18
21
22
22
23
24
24
PARTIE 2 : DIVERSITE DES SITUATIONS ET DES MODALITES DE MISE EN
ŒUVRE DES SCV : ETUDES DE CAS EN ZONE TROPICALE
25
A. GRANDE CULTURE MOTORISEE ET PETITE AGRICULTURE FAMILIALE
EN ZONE SUBTROPICALE HUMIDE : L’ETAT DU PARANA AU BRESIL
27
I. Le Nord-Parana : exemple du site de Rôlandia
1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
1.2. Le semis direct sur couverture végétale : un système développé par les producteurs de
soja et de blé, appuyés par la recherche-développement
1.3. Conclusion
II. Le Sud-Parana : exemple du site de Ponta Grossa au Centre-Sud
2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
2.2. Le semis direct sur couverture végétale : un système développé par la recherche
III. Conclusion
28
28
32
36
37
37
38
39
B. GRANDE CULTURE MOTORISEE EN ZONE TROPICALE HUMIDE :
40
I. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production Agricole.
41
1.1. Le milieu naturel
41
1.2. Les unités de production
42
1.3. Les conduites techniques conventionnelles mises en œuvre par les entrepreneurs privés 42
1.4. Conclusion
43
II. Le semis direct sur couverture végétale : un nouveau système d'exploitation du milieu
proposé par la recherche
44
2.1. Les grands principes des SCV dans les cerrados
44
2.2. Fonctionnement des principaux SCV dans les cerrados
47
2.3. Récapitulatif
53
III. Performances et impacts des SCV sur le milieu agricole
53
IV. Conclusion
54
142
C. PETITE AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE TROPICALE HUMIDE
55
I. Le littoral atlantique dans le nord du Honduras
1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
1.2. Le semis direct de maïs sur couverture végétale de Mucuna : un SCV développé
spontanément par les petits agriculteurs
1.3. Conclusion
II. Les zones forestières d’Afrique de l’Ouest
2.1.En Côte d'Ivoire
2.2. Au Bénin
2.3. Bilan sur les cas d’Afrique de l’Ouest
III. Conclusion
55
56
57
64
64
65
68
70
71
D. AGRICULTURE FAMILIALE EN ZONE SEMI-ARIDE
72
I. L’Ouest mexicain
72
1.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
73
1.2. Le semis direct de maïs avec paillis de résidus : un système développé par la recherche 78
1.3. Conclusion
81
II. Le Sud-Ouest de Madagascar
84
2.1. Conditions agroécologiques et socio-économiques de la production agricole
85
2.2. Le semis direct sur couverture végétale : un nouveau système d’exploitation du milieu 88
III. Quelques compléments à partir de travaux menés dans le Nord de la Côte d’Ivoire
90
3.1. La plante de couverture est semée au même moment que la culture principale.
90
3.2. La plante de couverture est semée de façon décalée, au moment du premier sarclage
manuel de la culture, sarclage qui permet d’enfouir les graines.
91
IV. Conclusion
91
PARTIE 3 : PROCESSUS AGROBIOLOGIQUES MIS EN JEU PAR LES SCV
92
A. EFFETS DES SYSTEMES SCV SUR LES ENNEMIS DES CULTURES :
CONTROLE DE LA FLORE ADVENTICE ET DES ORGANISMES PARASITES
93
I. Impacts sur la flore adventice
1.1. Les principaux mécanismes de contrôle mis en jeu
1.2. Avantages et inconvénients
1.3. Bilan
II. Impacts sur les maladies et sur les parasites des cultures
2.1. Avantages
2.2. Inconvénients
93
93
94
95
96
96
96
B. EFFETS DES SCV SUR LES ETATS PHYSIQUES DU SOL ET LE STOCKAGE
DE L'EAU
97
I. Impacts sur l’état structural du sol
1.1. Conséquences du non-travail du sol avant semis
1.2. Actions en profondeur du sol des plantes de couverture
1.3. Actions en surface du sol de la couverture végétale
1.4. Bilan
II. Impacts sur le stockage de l'eau dans le sol
2.1. Meilleure valorisation des eaux de pluie
2.2. Evolution des pertes en eau
2.3. Bilan
97
97
97
100
101
102
102
102
103
143
C. EFFETS DES SCV SUR LES CARACTERISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES ET
L'ACTIVITE BIOLOGIQUE DU SOL
106
I. Impacts sur les caractéristiques physico-chimiques du sol
1.1. Conservation, voire amélioration du taux de matière organique dans le sol
1.2. Evolution de la disponibilité des éléments minéraux dans le sol
1.3. L'acidité du sol
II. Impacts sur l’activité biologique du sol
2.1. Les micro-organismes du sol (microflore et microfaune)
2.2. La faune du sol
2.3. Conséquences sur les propriétés du sol
2.4. Conclusion
106
106
107
109
109
110
110
110
110
PARTIE 4 : CONDITIONS D’ADOPTION ET DE DIFFUSION DES SCV EN MILIEU
AGRICOLE
112
A. LES BESOINS EN EQUIPEMENTS, EN INTRANTS ET EN MAIN D’ŒUVRE 113
I. Les équipements spécifiques
113
1.1. Cas des systèmes de production où semis et sarclages sont réalisés manuellement
113
1.2. Cas de systèmes de production où semis et sarclages sont réalisés en traction animale 114
1.3. Cas des systèmes de production où semis et sarclages sont réalisés en motorisation 115
1.4. Bilan
115
II. Les intrants spécifiques
116
III. Les besoins en main d’œuvre et les temps de travaux
116
3.1. Cas des systèmes de production où les interventions sont réalisées manuellement
116
3.2. Cas des exploitations familiales du sud du Parana qui travaillent en traction animale 116
3.3. Cas des grandes exploitations motorisées au Brésil (Parana et cerrados)
117
3.4. Bilan
117
IV. Conclusion
118
B. PERFORMANCES ECONOMIQUES
118
I. Le système maïs-Mucuna au Nord-Honduras
118
1.1. Analyse comparée pour une année moyenne de la rentabilité en semis conventionnel et en
semis direct sur couverture de Mucuna
118
1.2 Analyse comparée de la rentabilité des deux systèmes sur l’ensemble de la rotation
122
1.3. Conclusion
123
II. les scv et les grandes exploitations agricoles motorisées
123
2.1. Cas de la culture du cotonnier dans les cerrados au Brésil
123
2.2. Autres exemples
124
III. Conclusion
126
C. CONDITIONS D’INTEGRATION DANS LES SYSTEMES DE PRODUCTION ET
LES SYSTEMES AGRAIRES
127
I. Les activités d'élevage
1.1. Introduction
1.2. Etudes de cas
II. Les facteurs socio-économiques d’adoption
127
127
128
129
144
CONCLUSION
131
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
135
TABLE DES MATIERES
142
LISTE DES FIGURES
146
SIGLES
147
ANNEXES
148
RESUME
164
145
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1.1
Tableau 2.1
Tableau 2.2
Tableau 2.3
Tableau 2.4
Tableau 2.5
Tableau 3.1
Tableau 3.2
Tableau 4.2
Tableau 4.3
Tableau 4.4
Tableau 4.5
Tableau 4.6
Tableau 4.7
Tableau 4.8
Evolution des superficies cultivées en no-tillage aux Etats-Unis
Rendements de maïs dans le Nord-Honduras en fonction du système de culture
Caractérisation des différents types d’UP dans la région de San Gabriel (Mexique)
Les différents types d’itinéraire technique pour le maïs (San Gabriel au Mexique)
Réflexion sur les conditions d’adoption du semis direct avec paillis par type d’UP
(San Gabriel au Mexique)
Ouest Mexique – Coûts partiels de différents itinéraires techniques pour le maïs
Facteurs défavorables influençant l’état structural du sol et effets escomptés des
SCV
Culture cotonnière dans les cerrados au Brésil - Comparaison des temps de travaux
entre système conventionnel et SCV
Nord-Honduras – Coûts comparés de différentes techniques de production du maïs
Nord-Honduras – Simulation mensuelle de la trésorerie en année moyenne en
fonction des systèmes de culture
Nord-Honduras – Résultats économiques comparés du système maïs/Mucuna et du
système conventionnel sur une durée de 6 ans
Culture cotonnière dans les cerrados au Brésil – Résultats économiques comparés
entre SCV et système conventionnel
Détail des opérations différenciant trois itinéraires techniques pour le cotonnier
(Etats-Unis)
Fourchette de rendements obtenus en coton-graine selon l’itinéraire technique
(Etats-Unis)
Résultats économiques en culture cotonnière selon l’itinéraire technique (EtatsUnis)
20
63
82
82
82
83
101
117
120
121
120
124
125
125
126
LISTE DES FIGURES
Figure 2.1
Figure 2.2
Figure 2.3
Figure 2.4
Figure 2.5
Figure 2.6
Figure 2.7
Figure 2.8
Figure 2.9
Figure 2.10
Figure 2.11
Figure 2.12
Figure 2.13
Figure 2.14
Figure 2.15
Figure 3.1
Figure 3.2
Figure 4.1
Figure 5.1
Brésil – Régions, Etats et localisation du Parana
26
Carte géomorphologique du Parana
27
Calage des cycles de culture dans le Nord-Parana
30
Régions et limites naturelles du Brésil
40
Cerrados (Brésil) – Les SCV mis au point par la recherche
46
Cerrados (Brésil) Conduite technique des séquences mil/soja/sorgho et mil en SCV
48
Cerrados (Brésil) – Fonctionnement d’un SCV en culture cotonnière pour contrôler
50
Cyperus rotondus
Cerrados (Brésil) – Exemple de SCV avec un pâturage à plante vivace
52
Honduras – Localisation de la zone étudiée
55
Nord-Honduras – Association maïs/Mucuna (années 1 et 2)
57
Zones agroclimatiques de la Côte d’Ivoire
65
Sud Côte d’Ivoire – Association maïs/Pueraria en semis direct
68
Carte du Bénin
69
Présentation géographique de l’Etat de Jalisco au Brésil
72
Les grandes zones du Sud-Ouest à Madagascar
84
Effets des SCV sur les phénomènes de dégradation de l’état physique du sol
98
Effets des SCV sur la réserve en eau utile du sol
104
Nord-Honduras – Evolution des rendements de maïs en fonction des cycles et des
120
systèmes de culture
Bilan des principaux modèles de SCV par grande zone agroécologique à partir des
134
cas d’étude présentés
146
SIGLES
CIRAD
Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le
développement (France)
CIMMYT
Centro internacional de mejoramiento del maiz y trigo
CNEARC
Centre national d’études agronomiques des régions chaudes
EMBRAPA
Empresa brasileira de pesquisa agropecuaria (Brésil)
FIRA
Fideicomisos instituidos en relacion con la agricultura (Mexique)
GTZ
Deutsche gesellschaft für technische zusammenarbeit (Allemagne)
IAPAR
Institut agronomique du Parana (Brésil)
IDESSA
Centre national de recherche agronomique de Côte d’Ivoire
INIFAP
Instituto nacional de investigaciones forestales y agropecuarias (Mexique)
INRA
Institut national de recherche agronomique (France)
ITCF
Institut technique des céréales et des fourrages (France)
SARH
Secretaria de agricultura y de recursos hidricos (Mexique)
SRDE
Secretaria de desarollo rural y ecologia (Mexique)
TAFA
Tany si fampandrosoana (Madagascar)
147
ANNEXES
Annexe 1
Quelques définitions
149
Annexe 2
Description des principales plantes de couverture utilisées
150
Annexe 3
Diagrammes climatiques et positionnement géographique des cas d’étude
160
148
ANNEXE 1 : QUELQUES DEFINITIONS
I. Quelques termes botaniques (Boullard, 1988)
Annuel (adj.) : « Qualifie une plante qui peut boucler son cycle de développement (de la
graine à la graine) au cours d’une même année civile. »
Bisannuel (adj.) : « Est bisannuel un végétal qui ne « boucle » son cycle qu’à la faveur d’un
développement empiétant sur deux années civiles. »
Vivace (adj.) : « Qualifie un végétal qui vit plus d’un an en perdurant par son appareil
végétatif. Celui-ci peut se maintenir par : une partie aérienne et une partie souterraine
simultanément présentes ; ou par des organes de pérennance souterrains uniquement (il
s’agit alors de bulbes, tubercules ou rhizomes). »
II. Quelques termes agronomiques (Steiner, 1985)
1. Culture pure : culture d'une seule plante dans une parcelle pendant une année.
(Monoculture = culture de la même plante dans le même champ pendant plusieurs saisons).
2. Culture multiple : deux ou plusieurs plantes sont cultivées dans une même parcelle au
cours d'une même année.
2.1. Cultures associées : culture simultanée de plusieurs plantes dans une parcelle
donnée pendant la plus grande partie du cycle végétatif (cela n'exige pas que les
plantes soient semées ou plantées et récoltées à la même date).
2.1.1. Cultures intercalaires : plantes cultivées en lignes alternées
2.1.2. Cultures en mélange : pas d'arrangement spatial particulier
2.1.3. Cultures en bandes : plantes cultivées en bandes adjacentes
2.1.4. Cultures en étages : association plantes pérennes à hautes tiges et plantes plus
courtes
2.2. Cultures dérobées : cultures associées dont cycles se chevauchent dans le temps
pendant seulement une courte période (Ex : 4 semaines sur 1 cycle végétatif de
3-4 mois). Une seconde plante est semée ou plantée après que la 1ère ait atteint
son stade reproductif.
2.3. Cultures séquentielles : culture de deux ou plusieurs plantes en séquence pendant
une saison. La culture suivante est plantée une fois que la précédente a été récoltée.
2.3.1. Double culture : 2 séquences par an
2.3.2. Triple culture : 3 séquences par an
2.3.3. Quadruple culture : 4
2.3.4. Repousse : La culture repousse d'elle-même après la récolte, quoique pas
nécessairement pour donner des graines.
3. Rotation
Répétition sur une même parcelle d'une succession ordonnée de cultures constituée en
ensembles ou cycles.
149
ANNEXE 2 : DESCRIPTION DES PRINCIPALES PLANTES DE COUVERTURE
UTILISEES
Synthèse réalisée à partir des travaux de Becker et al. (1998) ; Calegari (1995, 1998) ;
Derpsch et al., (1991) ; Klein (1999) ; Kouyate et Juo (1998) ; Lorenzetti et al. (1998) ; Segda
et al. (1998) ; Séguy et Bouzinac (1997) ; Tarawali et al. (1998) ; Triomphe (1996a, 1996b).
1. Critères de différenciation
1.1.Cycle
Annuel, bisannuel ou pérenne.
1.2. Port
Selon le port considéré, la gestion de la couverture sera différente (herbacé érigé / herbacé
rampant ou volubile / arbustif). Par exemple, l'implantation de cultures herbacées érigées
demande plus de semences ; les plantes arbustives nécessitent une destruction mécanique.
1.3. Pouvoir couvrant et vitesse de développement
Le pouvoir couvrant est à la fois lié au port et à la vitesse de croissance et de développement
de la plante (cette vitesse dépendant beaucoup du climat et de la saison). La vitesse de
développement est un critère important à considérer, car si le développement initial est lent, la
couverture du sol est retardée, et la plante risque de subir la compétition avec les adventices.
La protection du sol peut en outre n'être pas assurée correctement pendant cette phase initiale.
1.4. Quantité de biomasse produite
Une quantité importante de biomasse permet d'assurer une couverture plus homogène, donc
une protection plus efficace du sol (fonction spécifique de du couvert végétal). Par ailleurs,
plus la biomasse produite est importante, plus la matière organique restituée au sol l’est
également.
1.5. Fixation ou non d'azote
Enrichissement du sol par la fixation symbiotique de l'azote atmosphérique par certaines
légumineuses.
1.6. Profondeur d’enracinement
Certaines espèces sont capables d'assurer le recyclage profond des éléments minéraux, en
particulier ceux qui ne sont pas assimilables par les cultures commerciales. Ceci n'est possible
que pour les plantes à enracinement profond, possédant ainsi une surface maximale
d'interception des éléments minéraux (fonction de "pompe biologique").
150
2. Quelques plantes de couverture significatives
2.1. Les légumineuses
2.1.1. Stylosanthes
Ce genre regroupe environ 45 espèces, en majorité originaires d'Amérique Latine. Ce sont des
plantes généralement annuelles, fixatrices d'azote. Elles sont généralement rampantes, ce qui
constitue un avantage pour le pâturage. Les Stylosanthes sont adaptées à des sols à faible
fertilité, avec peu de phosphore, acides. Elles sont résistantes à la sécheresse (enracinement
profond), ainsi qu'à l'excès d'humidité. Elles présentent une grande tolérance aux maladies
fongiques (surtout à l'anthracnose).
La plupart sont autogames et photopériodiques (sensibilité très variable selon les espèces).
Chaque fleur produit une graine unique dans une gousse non déhiscente (régulation de la
germination, et meilleure survie des graines) ; le rendement en graines est généralement élevé.
La levée de dormance requiert de hautes températures ; la germination et la vitesse de
croissance au sol sont rapides (bon pouvoir couvrant).
2.1.2. Mucuna
Ce sont des plantes originaires du Sud-Est asiatique. Il en existe plus de cent espèces,
sauvages ou domestiquées, en zone tropicale ou sub-tropicale. Les plus fréquentes sont M.
pruriens, M. aterrima, M. deeringiana, M. hassjoo, M. nivea = lyonii = cochinchinensis, M.
utilis, M. capitata, M. gigantea, Stizolobium cinereum, S. pachylobium.
Les conditions agro-écologiques optimales pour leur développement sont une pluviométrie de
1000 à 2500 mm, des températures de 19 à 27°C, une altitude inférieure à 1600 m. Les
Mucuna préfèrent les sols sableux à sablo-argileux, plutôt acides (pH 5 - 7) ; elles sont
sensibles aux excès d'humidité, mais relativement résistantes à la sécheresse.
Ce sont des plantes annuelles, fixatrices d'azote. La plupart des espèces sont rampantes ou
volubiles. Le tuteurage augmente d'ailleurs le nombre d'inflorescences par plante, le nombre
de fleurs par inflorescence, le nombre de graines par gousses et le taux de germination des
graines récoltées. La durée de leur cycle varie de 100 à 300 jours ; elles meurent
naturellement après avoir produit des graines. Elles possèdent également la faculté de se
ressemer spontanément. Elles produisent généralement 5 à 12 tonnes de matière sèche par
hectare.
2.1.3. Crotalaria
Ce sont des plantes d'origines diverses (Amériques tropicale et tempérée, Afrique, Asie).
Parmi les espèces les plus fréquemment rencontrées, on peut citer C. juncea, C. mucronata, C.
spectabilis, C. breviflora, C. grantiana et C. paulina.
Ce sont des plantes annuelles (cycle de 200 à 300 jours) fixatrices d'azote, arbustives (deux à
trois mètres de hauteur). Leur croissance initiale est rapide (ce qui autorise les fauches
précoces). Elles s'adaptent à de larges gammes climatiques, et sont en particulier résistantes
au gel et à la sécheresse (leur système radiculaire est pivotant, profond, bien développé). Elles
se développent dans des sols aussi bien argileux que sableux, peu fertiles. Elles sont efficaces
dans la lutte contre les nématodes et les adventices (effet allélopathique).
Certaines espèces se ressèment spontanément. Leur production de biomasse est généralement
élevée (2,5 à 9 tonnes de matière sèche par hectare).
151
2.1.4. Cajanus cajan (pois d'angole)
C’est une légumineuse arbustive, bi à tri-annuelle, originaire d'Inde et d'Afrique occidentale.
Adaptée aux climats tropicaux et sub-tropicaux de jours longs, elle apprécie les températures
de 20 à 30°C mais supporte mal les basses températures (défoliation puis mort). Résistante à
la sécheresse, elle peut se contenter de 500 mm de pluies annuelles. Peu exigeante en fertilité,
elle se développe dans tous types de sol, mais n'aime cependant pas l'humidité excessive.
Sa production de biomasse est élevée (3 à 22 t/ha/an) ; elle possède une grande capacité de
fixation d'azote et de recyclage des nutriments (pompe biologique). Son cycle est d'environ
150 à 360 jours selon l'espèce et le climat ; son contrôle est nécessairement mécanique (port
arbustif). Elle peut être utilisée comme fourrage et grain (alimentation humaine et animale).
2.1.5. Canavalia
Ce sont des plantes originaires des zones tropicales (Amérique, Afrique, Asie). C. ensiformis
et C. brasiliensis sont les espèces les plus couramment utilisées. Ce sont des plantes herbacées
annuelles (cycle entre 150 et 250 jours), fixatrices d'azote, de port érigé pour C. ensiformis,
tandis que C. brasiliensis est volubile. Les Canavalia s'accommodent de sols tant argileux que
sableux, relativement acides, pauvres et dégradés (leur capacité de recyclage des éléments
minéraux est bonne : "pompe biologique"). Si elles sont extrêmement résistantes à la
sécheresse, aux températures élevées, ainsi qu'à l'ombrage, elles ne supportent en revanche
pas le gel. Elles présentent également un effet allélopathique, mais sont sensibles aux
nématodes.
Leur vitesse de croissance est élevée, de même que leur pouvoir couvrant (même pour C.
ensiformis). Elles produisent en moyenne de 3 à 7 tonnes de matière sèche par hectare. C.
ensiformis présente la particularité d'avoir de grosses graines, d'où un coût d'implantation
élevé.
2.1.6. Vigna
Ce sont des légumineuses originaires des zones tropicales, dont les deux principales espèces
sont V. unguiculata, et V. radiata. Ce sont des plantes annuelles (cycle d'environ 3 mois), de
port érigé à volubile (selon la variété : il en existe plus de 200). De par leur enracinement
profond, elles sont résistantes à la sécheresse (sauf pendant la phase de floraison) mais ne
supportent pas l'excès d'humidité dans le sol. Elles tolèrent bien la chaleur mais sont très
sensibles au froid et au gel (plantes de climat tropical : température minimale 20°C). Elles se
développent autant dans les sols argileux que sableux, de fertilité moyenne, et très acides.
Elles sont assez sensibles aux nématodes.
Ce sont des plantes à usage multiple (engrais vert, fourrage, alimentation humaine et animale
pour les graines), qui produisent de 1 à 5 tonnes de matière sèche par hectare. Chez les
variétés à croissance indéterminée, la maturation échelonnée des graines entraîne des coûts de
récolte élevés.
152
2.1.7. Dolique
Dolichos lablab est originaire du Nord Est de l'Inde. C'est une plante annuelle (cycle 8 à 11
mois), rampante, fixatrice d'azote, photopériodique (variable selon la variété). Hautement
résistante à la sécheresse, elle préfère les températures comprises entre 2O et 25°C ; par
contre, elle tolère peu le gel. Elle se développe bien dans les sols argileux à sableux, tout en
les préférant bien drainés, fertiles, avec un pH supérieur à 5,5. Elle est déconseillée dans les
sols infestés de nématodes, car elle favorise leur multiplication.
Utilisée pour l'alimentation humaine et animale, elle produit de hautes quantités de biomasse
(4 à 13 tonnes par hectare).
2.1.8. Leucaena
Ce sont des plantes pérennes, arbustives ou arborées, originaires d'Amérique Centrale, à
système racinaire bien développé (bonne capacité de recyclage profond de l'eau et des
éléments minéraux : pompe biologique). Elles présentent de hautes capacités de ramification
et de fixation d'azote. Elles préfèrent les climats humides (pluviométrie comprise entre 700 et
4000 mm) et chauds, tout en supportant les gelées. Elles sont adaptées à tous les types de sol
(même très acides et peu fertiles), mais ne supportent cependant pas l'hydromorphie et les
taux élevées en aluminium.
Leur croissance initiale est lente, elles sont donc sensibles à la compétition des adventices
dans les premières phases de leur développement. Leur production de biomasse est très élevée
(15 à 40 tonnes par hectare). D'utilisation multiple (fourrage, couverture du sol…), leur port
rend la fauche nécessaire.
2.1.9. Calopogonium
Ce sont des plantes rampantes originaires d'Amérique du Sud. Pérennes, elles peuvent devenir
annuelles si elles subissent une période de sécheresse (cycle supérieur à 8 mois). Adaptées
aux climats tropicaux humides, elles sont cependant relativement tolérantes à la sécheresse.
Elles ne supportent en revanche ni le gel ni l'ombrage. Peu exigeantes en fertilité, elles se
développent bien dans tous les types de sol, tout en préférant une certaine acidité (pH 4 à 5).
Elles présentent une forte capacité de fixation d'azote.
Malgré un développement initial lent (qui peut provoquer des infestations d'adventices), elles
se rattrapent au bout de quatre à cinq mois en produisant une abondante masse végétale (4 à
10 tonnes de matière sèche par hectare et par an). Elles peuvent être utilisées comme fourrage.
Les semences requièrent une levée de dormance à l'eau chaude
2.1.10. Pueraria
Originaire du Sud Est asiatique, l'espèce la plus connue est P. phaseoloïdes. Plante pérenne à
port grimpant, elle possède un profond système racinaire (bonne faculté de recyclage des
minéraux), une forte faculté de ramification et une grande capacité de fixation d'azote. Sa
vitesse de croissance est rapide, sauf dans la phase initiale où le contrôle des adventices peut
s'avérer nécessaire. Elle s'adapte tant aux climats tropicaux que tempérés, tout en préférant les
régions chaudes (températures moyennes supérieures à 18°C) et humides (900 à 2000 mm) et
les zones de montagne (jusqu'à 2000 m). Sa résistance à la sécheresse est limitée, elle est
153
sensible au gel mais tolérante à l'ombrage. Elle préfère les sols argileux ou de texture
moyenne, et s'adapte aux sols acides, déficients en calcium et phosphore.
Elle est souvent utilisée en intercalaire avec des cultures pérennes, ainsi que comme fourrage,
et peut produire de 3,5 à 8 tonnes de matière sèche par hectare et par an. Elle peut se ressemer
spontanément ; si les semences sont récoltées et conservées, elles requièrent une levée de
dormance (à l'eau chaude ou à l'acide sulfurique).
2.1.11. Macroptilium atropurpureum
C’est une plante pérenne (cycle de 8 à 10 mois), rampante, originaire d'Australie. Ses racines
sont profondes (elle est très résistante à la sécheresse, mais perd ses feuilles en cas de stress
hydrique prolongé), son développement initial rapide (excellent pouvoir couvrant), et elle
présente une forte capacité de fixation d'azote (mais nécessite une inoculation). La
pluviométrie optimale est comprise entre 650 et 1800 mm ; sensible au gel, cette plante
présente néanmoins une capacité élevée de récupération. Elle s'adapte à tous types de sols,
mais ne supporte pas l'hydromorphie. Elle est résistante aux nématodes mais sensible aux
cryptogames.
Elle est souvent intercalée avec des cultures pérennes et peut aussi être utilisée comme
fourrage. Elle peut produire de 5 à 6 tonnes de matière sèche par hectare et par an. Les
semences mûrissent tout au long de l'année, d'où des conditions de récolte difficiles. Elles
requièrent une levée de dormance par immersion dans l'eau.
2.1.12. Quelques exemples d'aptation aux zones agroécologiques
- Zones de forêts humides, sur sols acides fixant le phosphore : Stylosanthes
guianensis (fourrage), Macroptilium spp (engrais vert), Aeschynomene histrix (fourrage) ;
- Zones de savanes : Canavalia ensiformis (engrais vert, fixation d'azote) ; Crotalaria
juncea (engrais vert, fixation d'azote, lutte contre les adventices) ; Aeschynomene afraspera
(engrais vert, fixation d'azote, lutte contre les adventices) ; Sesbania rostrata (fixation d'azote,
lutte contre les adventices) ; Stylosanthes guianensis (fourrage, résistante à la sécheresse) ;
Dolichos (fourrage, graines) ; Mucuna (engrais vert) ; Calopogonium (engrais vert,
diminution des nématodes).
- Zones de savanes semi-arides: Mucuna pruriens, Canavalia ensiformis, Crotalaria,
Cajanus cajan.
2.2. Les mils et les sorghos
Pennisetum typhoides (mil) est une graminée originaire des zones chaudes et relativement
sèches ; elle requiert une température moyenne de 28 °C et des précipitations de l'ordre de 400
à 700 mm. Le mil apprécie les sols sablo-argileux bien drainés. Adapté à la sécheresse, il
craint l'humidité excessive. Il possède un enracinement profond (jusqu'à 2,5 m), ce qui lui
confère une bonne capacité de recyclage des éléments minéraux, le potassium en particulier
(pompe biologique). Son cycle végétatif est court (60 à 90 jours en général). Dans un système
de culture avec couverture végétale, il est intéressant pour sa capacité à produire une très forte
biomasse (supérieure à 10 T/ha) en un temps très court et dans des conditions pluviométriques
marginales et aléatoires.
154
Les Sorghum bicolor sont originaires d'Afrique, mais sont adaptés tant aux conditions
tropicales que tempérées. Peu exigeants en eau (500 à 600 mm selon le climat), ils sont
résistants à la sécheresse mais sensibles aux excès d'humidité (requièrent des sols bien
drainants). Ils sont adaptés à tous types de sols, plutôt plus argileux que pour le mil. Ils
présentent un système racinaire profond (pompe biologique). Les sorgho guinea, originaires
d'Afrique de l'Ouest, sont de grande taille, et photosensibles (de jours courts).
En plus de leur utilisation comme plantes de couverture, mil et sorgho peuvent être utilisés
comme fourrage, en ensilage, et aussi pour la production de grains.
3. Classification
Le tableau 1 récapitule les caractéristiques des principales plantes de couverture pouvant être
utilisées.
155
TABLEAU 1 : Caractéristiques des principales plantes de couverture pouvant être utilisées dans les SCV
Noms latins
Légumineuse
ARACHIS
PINTOI
Cajanus
cajan
Calopogonium
mucunoïde
Canavalia
ensiformis
Cassia
rotundifolia
Centrosema
pascuorum
Clitoria ternatea
Crotalaria
caricea
Crotalaria
spectabilis
Desmodium
tortuosum
Desmodium
uncinatum
Dolichos lablab
Leucaena sp.
Noms
français
Cycle
Arachide
pérenne
V
Pois
d'angole
V
Contrô Port
le
Démarrage
couverture
R
L
A
L
Avec
céréales
O
A RS M/C
R
V
O
A
A/E
V
M
A rs
R
Moy
Clitoris de
Vénus
B rs
G
L
Crotalaire
A rs
A/E
Moy
Bonne
volubile
Difficile
recouvr
Difficile
Volubile
Bonne
volubile
Difficile
trop
volubile
Bonne
A/E
L
Moy, haute
Pois sabre
M/C
V
V
M
O
O
O
3-22
F+G
600<P<2000mm. Bonne résistance/sec,
faible/eau. Perd feuilles tard.
4-10
0
3-7
G
P>=1000mm, mauvaise résistance/sec,
bonne/eau, couverture sèche vite.
P>=750mm, bonne résistance/sec, Moy/eau.
Couverture verte.
F
0
F
O
O
3-9
P>=750mm, bonne résistance/sec , moyenne/eau,
couverture sèche vite
600<P<1250mm. Bonne résistance /sec et eau.
Couverture verte.
0
P>=650mm. Faible résistance/sec, moy/eau.
Couverture sèche très vite.
F
P>=900mm, résistance moy/sec et eau.
Perd feuilles vite.
A rs
A/V rs
V
A rs
V
V
M/C
M
R
A
L
Macroptilium
atropurpureum
V rs
M
R
Moy
Mucuna
deeringianum
A rs
B/M
R
V
Lotus
uliginosus
Association Fixation Pompe Biomasse Autres usages Milieux favorables
culturale
N
Bio.
T /ha/an
non agri
F
Dolique
Lotier velu
Difficile
trop
volubile
O
O
O
4-13
15-40
F+G
F
F
O
O
5-6
F
5-12
0
O
750<P<1000mm. Bonne résistance/sec,
mauvaise/eau. Couverture verte. Souche
résistante/feu.
156
Noms latins
Noms
français
Cycle
Contrôle Port
Mucuna pruriens
A rs
M
Pueraria
Phaseoloides
Sesbania
Stizolobium
aterrinum
Stylosanthes
hamata
V rs
Stylosanthes
Guianensis
Tephrosia
pedicellata
Trifolium
semipilosum
Vigna
unguiculata
R
Démarrage
couverture
V
L
Association Fixation Pompe
Biomasse
culturale
N
Bio.
T /ha/an
Difficile
recouvr.
O
O
4-8
A
V
Autres usages
Milieux favorables
non agri
0
P>=750mm, faible résistance/sec,
moyenne/eau. Couverture sèche vite
F
P>2500mm. Tm de 25°c.
F
B rs
Luzerne
des
Caraïbes
Luzerne du V rs
Brésil
V
E/R
V
Bonne, non
volubile
O
F
600<P<1250. Bonne résistance/sec,
moy/eau. Perd feuilles vite.
E
Moy
Bonne, non
volubile
O
F
P>=1000mm. Moy résistance/sec,
faible/eau. Couverture verte
F
Trèfle du
Kenya
Niébés
V
A
M/C
E/R
V
Sorgho
Mil
A rs
A rs
A
V
M/C
E
V
M/C
E
Bonne
O
O
1-5
F+G
N
O
>10
F+G
F+G
F+G
F
P>=500mm, sensible au froid
Bonne résistance/sécheresse,
nulle/engorgement . Couverture sèche très
vite
Graminées
Sorghum guinea
Avoine
Brachiaria
brizantha
Brachiaria
ruziziensis
Cynodon
dactylon
Panicum
maximum
N
4
V
F
V
F
V
F
157
Noms latins
Paspalum notatum
Pennisetum
clandestinum
Noms
français
Kikuyu
Cycle
Contrôle
Port
Démarrage
couverture
Association
culturale
Fixation
N
Pompe
Bio.
Biomasse
T /ha/an
V
V
Autres usages
non agri
F
F
Milieux favorables
COMPOSEES
Chromolaena odorata
V rs
Navet fourrager
Colza
A
A
Cycle
Contrôle
Port
Vitesse de développement
Fixation d’azote
Pompe biologique
Usages
Brûlis/
M
A
E
E
V : vivace
M : mécanique
A : arbustif
V : rapide
O : oui
O : oui
F : fourrage
V
10
N
N
5
2-3
F
F+G
A : annuel
B : bisannuel
rs : resemis spontané
C : chimique
B : bioclimatique
R : herbacé rampant
E : herbacé érigé
G : herbacé grimpant
L : lent
N : non
N : non
G : grains
0 : pas d’utilisation
158
ANNEXE 3 : DIAGRAMMES CLIMATIQUES ET POSITIONNEMENT
GEOGRAPHIQUE DE LA PLUPART DES CAS D’ETUDE.
Source : UNESCO (1981)
160
Source : White ( 1986 )
161
162
Localisation géographique des cas d’étude.
163
RESUME
Cet ouvrage a comme point de départ un travail collectif effectué par des étudiants du
CNEARC (AGIR), repris, remanié et enrichi. L’objectif était de réaliser, à partir de
documents bibliographiques, une analyse comparée du fonctionnement et de la mise en œuvre
des systèmes de culture annuels à base de semis direct et de couverture végétale (SCV) dans
différents écosystèmes tropicaux.
Les SCV représentent un nouveau type de gestion du milieu que l’on qualifie
d’agroécologique. Le principe repose sur la valorisation de l’action de certaines plantes dites
de couverture, annuelles ou vivaces, qui permettent de recouvrir le sol pendant les périodes
d’inter-culture. Afin de préserver cette couverture, les cultures sont implantées dans un sol
non remanié, sauf à l’endroit où est déposée la semence. Ces systèmes sont connus et
pratiqués depuis quelques décennies aux Etats-Unis comme en Amérique latine (notamment
au Brésil), et depuis bien plus longtemps si on y assimile les systèmes traditionnels slash and
mulch que l’on rencontre dans plusieurs régions des zones tropicales humides. Mettant en
œuvre des techniques modernes (sélection d’une plante de couverture spécifique, et/ou
épandage d’herbicides, et/ou utilisation d’un semoir spécifique pour semer à travers la
couverture), les SCV connaissent depuis une dizaine d’années une forte extension dans de
nombreux pays, essentiellement en régions tempérées mais aussi en régions tropicales.
En milieu tropical, les modalités de fonctionnement et de mise en œuvre des SCV sont très
variées. En effet, ces systèmes peuvent s’appliquer à des zones agroécologiques très
diversifiées, allant du tropical humide au tropical semi-aride, et à des systèmes de production
différenciés, de la grande culture motorisée à la petite agriculture familiale.
Les SCV mettent en jeu des processus agrobiologiques nombreux et complexes, qu’il importe
d’analyser situation par situation. Il ressort que les SCV présentent des avantages
agronomiques certains, qui se déclinent différemment selon les contextes : contrôle de
l’érosion pour les agricultures mécanisées, alternative à la défriche-brûlis pour les
agricultures familiales des tropiques humides grâce au contrôle de l’enherbement, régulation
du bilan hydrique en conditions semi-arides, et de façon générale, entretien d’un taux de
matière organique dans le sol…
Cependant les conditions de faisabilité des SCV en milieu agricole constituent souvent un
frein à leur adoption sous les tropiques, les maintenant dans bien des cas au stade
expérimental. En effet, outre les avantages agronomiques, il importe de considérer la possible
intégration des SCV au sein des unités de production agricoles : quels sont les besoins en
équipements, en main d’œuvre, en intrants, en trésorerie ? Quelle est la compatibilité avec les
autres activités ? Quelles sont les performances économiques ? Mais certaines contraintes à
l’adoption des SCV se situent à des niveaux plus englobants : avec quels fournisseurs
d’intrants et d’équipements, avec quels crédits ? A l’échelle du fonctionnement des systèmes
agraires, les activités d’élevage constituent la contrainte la plus souvent mentionnée à
l’adoption des SCV en milieu agricole.
164
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