LE CANCER DU SEIN ♦ Conduite à tenir diagnostique devant une image mammographique infraclinique anormale ♦ Conduite thérapeutique devant un cancer du sein infraclinique ♦ Suivi des patientes traitées pour un cancer du sein non métastasé Novembre 1998 1 Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit du présent ouvrage, faite sans l'autorisation de l'ANAES est illicite et constitue une contrefaçon. Conformément aux dispositions du Code de la propriété intellectuelle, seules sont autorisées, d'une part, les reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d'autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d'information de l'œ uvre dans laquelle elles sont incorporées. Ce document a été réalisé en novembre 1998. Il peut être commandé (frais de port compris) auprès de : Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé (ANAES) Service Communication et Diffusion - 159, rue Nationale. 75640 Paris Cedex 13 Tél. : 01 42 16 72 72 - Fax : 01 42 16 73 73 © 1997. Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé (ANAES) 2 AVANT-PROPOS L'Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé (ANAES) est un établissement public administratif créé par le décret n° 97-311 du 7 avril 1997 dans le cadre de la réforme du système de soins français (ordonnances du 24 avril 1996). Cette nouvelle agence poursuit et renforce les missions de l'Agence Nationale pour le Développement de l'Évaluation Médicale (ANDEM) et s'enrichit de nouvelles activités, telles la mise en place de la procédure d'accréditation dans les établissements de santé ou l'évaluation d'actions de santé publique. Dans le cadre de sa mission d'élaboration de Recommandations Professionnelles, l'ANAES a répondu à une demande de la Direction Générale de la Santé en élaborant des recommandations concernant le cancer du sein, selon la méthode des Recommandations pour la Pratique Clinique. Les Recommandations Professionnelles sont définies comme « des propositions développées selon une méthode explicite pour aider le praticien et le patient à rechercher les soins les plus appropriés dans des circonstances cliniques données ». Leur objectif principal est de fournir aux praticiens une synthèse du niveau preuve scientifique existant et de l'opinion d'experts sur les aspects cliniques et de santé publique d'un sujet de pratique professionnelle. Ces recommandations sont ainsi une aide à la décision, en définissant ce qui est approprié, ce qui ne l'est pas et les domaines où il existe des controverses et/ou des incertitudes. Pour être valides, les recommandations professionnelles doivent être fondées sur les données actuelles de la science, au terme d’une analyse critique des données disponibles dans la littérature médicale, et doivent distinguer ce qui est scientifiquement établi et ce qui relève de l’accord professionnel. Le développement des Recommandations Professionnelles et leur application contribuent à une amélioration de la qualité des soins donnés aux patients et à une meilleure utilisation des ressources. Loin d’avoir une démarche normative, l’ANAES souhaite d'abord répondre aux préoccupations de tout acteur de santé soucieux d’asseoir ses décisions cliniques sur les bases les plus rigoureuses et objectives possible. Professeur Yves MATILLON Directeur de l'ANAES 3 L’Agence Nationale pour le Développement de l’Évaluation Médicale (ANDEM), aujourd'hui devenue l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé (ANAES), a été saisie par la Direction Générale de la Santé pour élaborer des recommandations médicales et professionnelles sur le cancer du sein. Les sociétés savantes, les groupes professionnels et les structures administratives suivantes ont été associés à l'ensemble du processus d'élaboration de ces recommandations, et ont en particulier participé activement aux réunions du comité d'organisation : • Association Française de Chirurgie ; • Fédération des Centres de Lutte Contre le Cancer ; • Société de Cancérologie Privée ; • Société de Mastologie et d'Imagerie du Sein ; • Société Française d'Anatomo-Pathologie ; • Société Française d'Oncologie Gynécologique ; • Société Française de Radiologie et d'Imagerie Médicale ; • Société Française de Radiothérapie Oncologique ; • Société Française de Sénologie et de Pathologie Mammaire ; • Société Française du Cancer. La méthode de travail utilisée a été celle des Recommandations pour la Pratique Clinique, publiée par l'ANDEM. L'ensemble du travail a été coordonné à l'ANDEM puis à l’ANAES par le Professeur Jacques MASSOL du service des Recommandations Professionnelles, dirigé par le Professeur Alain DUROCHER. Compte tenu de l'ampleur du thème à traiter, le travail a été segmenté en trois parties, RPC 1 « Conduite à tenir diagnostique devant une image mammographique infraclinique anormale » ; RPC 2 « Conduite thérapeutique devant un cancer du sein infraclinique » ; RPC 3 « Suivi des patientes traitées pour un cancer du sein non métastasé ». La recherche documentaire a été coordonnée par Madame Patricia BRUCKER, avec l'aide de Madame Nathalie HASLIN, sous la direction de Madame Hélène CORDIER, responsable du service de Documentation de l'ANAES. L'ANAES tient à remercier tous les participants au travail d'élaboration de ces recommandations : 4 LES MEMBRES DU COMITÉ D'ORGANISATION Pr Jacques AMOUROUX, Service Central d'Anatomie et Cytologie pathologique, Hôpital Avicenne, Paris Mme Marie-Pierre BLANC VINCENT, Institut Bergonié, Bordeaux Pr Jacques BONNETERRE, Centre OscarLambret, Lille Dr Béatrice GAIRARD, Société Française de Sénologie et Pathologie Mammaire, Strasbourg Dr Jean-Rémi GARBAY, Centre René Huguenin de Lutte Contre le Cancer, SaintCloud Dr Pierre HAEHNEL, Société Française de Sénologie et Pathologie Mammaire, Strasbourg Pr Jean-Louis LAMARQUE, Président de la Société de Mastologie et d'Imagerie du Sein, Hôpital Lapeyronie, Montpellier Dr Louis MAURIAC, Bordeaux Pr Lucien PIANA, Service de Chirurgie Gynécologue, Hôpital de la Conception, Marseille Pr François REBOUL, Clinique SainteCatherine, Avignon Dr Daniel SERIN, Clinique Sainte-Catherine, Avignon LES MEMBRES DES GROUPE DE TRAVAIL RPC 1 : CONDUITE À TENIR DIAGNOSTIQUE DEVANT UNE IMAGE MAMMOGRAPHIQUE INFRACLINIQUE ANORMALE Dr Catherine BALU-MAESTRO, Radiologue, Nice Pr Jean-Pierre BELLOCQ, Anatomopathologiste, Strasbourg Dr Pascal BONNIER, Chirurgien, Marseille Dr Bruno CUTULI, Radiothérapeute, Strasbourg Dr Thierry DELOZIER, Oncologue Médical, Caen Dr Marie-Hélène DILHUYDY, Radiologue, Bordeaux Dr Patricia ENEL, PH de santé publique, Marseille Dr Sylvie GIARD, Chirurgien, Lille Dr Jean-Michel HERPE, Gynécologue, Saintes Dr Philippe LAMBERT, Généraliste, Sète Pr Jean-Pierre LEFRANC, Chirurgien gynécoobstétricien, Paris Dr Nicole PELICIER, Psychiatre, Paris Dr Rémy SALMON, Chirurgien, Paris Dr Joseph STINES, Radiologue, Vandœ uvrelès-Nancy Dr Armelle TRAVADE, Radiologue, Clermont-Ferrand Dr Henri TRISTANT, Radiologue, Paris Dr Richard VILLET, Chirurgien, Paris Dr Brigitte ZAFRANI, Anatomo-pathologiste, Paris RPC 2 : CONDUITE THÉRAPEUTIQUE DEVANT UN CANCER DU SEIN INFRACLINIQUE Dr Sylvie GIARD, Chirurgien, Lille Pr Jean-Pierre LEFRANC, Chirurgien, Paris Mme Andrée LEHMANN, PsychologuePsychanalyste, Paris Chargée de projet : Dr Najoua MLIKACABANNE ; Méthodologiste, Paris Dr Pierre BONNIER, Gynécologue, Marseille Dr Bruno CUTULI, Radiothérapeute, Strasbourg Dr Thierry DELOZIER, Oncologue, Caen Dr Anne DE ROQUANCOURT, Anatomopathologiste, Paris Dr Marc ESPIÉ, Oncologue, Paris 5 RPC 3 : SUIVI DES PATIENTES TRAITÉES POUR UN CANCER DU SEIN NON MÉTASTASÉ Dr Gérard BOUTET, Gynécologue, La Rochelle Dr Gérard DALE, Radiologue, Strasbourg Dr DELFIEU, Médecin Généraliste, Paris Dr Thierry DELOZIER, Oncologue, Caen Mme Claire FOURNIER, Psychologue, Paris Dr Annie GAUVAIN-PIQUARD, Oncologue Psychiatre, Villejuif Dr Danielle HASSOUN, Gynécologue, Paris Dr Marie-France HUEZ-ROBERT, Médecin Généraliste, Chambray-lès-Tours Dr Pierre KERBRAT, Oncologue, Rennes Pr François LAFFARGUE, Gynécologue, Montpellier Mme Claudine LANZAROTTI, Psychologue, Paris Dr Alain LE TREUT, Radiologue, Bordeaux Dr Philippe MARTIN, Radiothérapeute, Lyon Dr Gilles MARX, Psychiatre, Saint-Cloud Mme PICARD, Patiente Dr France ROCHARD, Chirurgien, Villejuif Dr STINES, Radiologue, Vandœ uvre-lèsNancy Chargée de projet : Dr Marie-Christine NUTTENS, Épidémiologiste, Lille Aides-méthodologistes : Dr Jean-François KULIK, Biostatisticien, Lille Dr Frédéric SCUOTTO, Santé Publique, Lille LES MEMBRES DES GROUPES DE LECTURE RPC 1 : CONDUITE À TENIR DIAGNOSTIQUE DEVANT UNE IMAGE MAMMOGRAPHIQUE INFRACLINIQUE ANORMALE Pr Jacques AMOUROUX, Anatomo-pathologiste, Paris Mme Marie-Pierre BLANC-VINCENT, Pharmacien-Méthodologiste, Bordeaux Pr Jacques BONNETERRE, Oncologue, Lille Pr Alain BRÉMOND, Chirurgien, Lyon Dr Gérard BOUTET, Gynécologue, La Rochelle Dr Luc CAMBIER, Radiologue, Lille Dr Gérard DALE, Radiologue, Strasbourg Dr Dominique DELFIEU, Médecin Généraliste, Paris Dr Hector FALCOFF, Médecin Généraliste, Paris Pr Guy FRIJA, Radiologue, Paris Dr Béatrice GAIRARD, Maître de Conférence en Université - Praticien hospitalier en Oncologie, Strasbourg Dr Jean-Rémi GARBAY, Chirurgien, Saint-Cloud Dr Pierre GALLOIS, Médecin Généraliste, Charnay-lès-Mâcon Dr Faranda HABER, Radiologue, Aulnay-sousBois Dr Pierre HAEHNELL, Radiologue, Strasbourg Dr Danielle HASSOUN, Gynécologue, Paris Dr Jean-Michel HERPE, Médecin Généraliste, Saintes Dr Michel HERY, Radiothérapeute, Monaco Dr Philippe HOFLIGER, Médecin Généraliste, Nice Dr Nelly HOMASSON, Gynécologue, Paris Dr Marie-Françoise HUEZ-ROBERT, Médecin Généraliste, Chambray-lès-Tours Dr Jean-Pierre JULIEN, Chirurgien, Rouen Pr Jean-Pierre KERBRAT, Oncologue, Rennes Pr François LAFFARGUE, Gynécologue, Montpellier Pr Jean-Louis LAMARQUE, Radiologue, Montpellier Dr Philippe LAMBERT, Gynécologue, Sète Dr Alain LE TREUT, Radiologue, Bordeaux Dr Philippe MARTIN, Radiologue, Lyon Pr Michel MARTY, Cancérologue, Paris Dr Louis MAURIAC, Méthodologiste, Bordeaux Pr Lucien PIANA, Chirurgien, Marseille Pr Henri PUJOL, Cancérologue, Montpellier Dr François REBOUL, Radiothérapeute, Avignon Dr France ROCHARD, Chirurgien, Villejuif Dr Pierre SALTEL, Psychiatre, Lyon Pr Paul SCHAFFER, Épidémiologiste, Strasbourg Dr Brigitte SERADOUR, Radiologue, Marseille Dr Daniel SERIN, Oncologue Radiothérapeute, Avignon Dr Jean-Pierre VALLÉE, Médecin Généraliste, Colleville-Montgomery 6 RPC 2 : CONDUITE THÉRAPEUTIQUE DEVANT UN CANCER DU SEIN INFRACLINIQUE Pr Jacques AMOUROUX, Anatomopathologiste, Bobigny Dr Gérard AUCLERC, Oncologue, Paris Pr François BAILLET, Radiothérapeute, Paris Dr Catherine BALU-MAESTRO, Radiologue, Nice Pr Jean-Pierre BELLOCQ, Anatomopathologiste, Strasbourg Dr Pascale BERNIER, Radiologue, Paris Dr Bernard BLANC, Gynécologue, Marseille Mme Marie-Pierre BLANC-VINCENT, Pharmacien-Méthodologiste, Bordeaux Pr Jacques BONNETERRE, Oncologue, Lille Dr Alain BRÉMOND, Chirurgien, Lyon Dr Gérard BOUTET, Gynécologue, La Rochelle Dr Geneviève CONTESSO, Anatomopathologiste, Villejuif Dr Gérard DALE, Radiologue, Strasbourg Dr Marie-Annick de MAUBLANC, Anatomopathologiste, Paris Dr Dominique DELFIEU, Médecin Généraliste, Paris Dr Dominique DEGUEURCE, Gynécologue, Paris Dr Marie-Hélène DILHUYDY, Radiologue, Bordeaux Dr François EISINGER, Médecin Interniste, Marseille Dr Patricia ENEL-FAUGÈRE, Méthodologiste, Marseille Pr Jean-Marc EXTRA, Oncologue, Paris Dr Hector FALCOFF, Médecin Généraliste, Paris Dr Alain FOURQUET, Radiothérapeute, Paris Dr Robert FRESCO, Psychiatre, Marseille Pr Guy FRIJA, Radiologue, Paris Mme Béatrice GAIRARD, Oncologue, Strasbourg Dr Jean-Rémi GARBAY, Oncologue, SaintCloud Dr Pierre GALLOIS, Médecin Interniste, Charnay-lès-Mâcon Dr A. GAUVAIN-PIQUARD, OncologuePsychologue, Villejuif Dr André GORINS, Gynécologue, Paris Dr Pierre HAEHNELL, Radiologue, Strasbourg Dr Danielle HASSOUN, Gynécologue, Paris Dr Jean-Michel HERPE, Médecin Généraliste, Saintes Dr Patrick HERRMANN, Médecin Généraliste, Ebershein Dr Michel HERY, Radiothérapeute, Monaco Dr Philippe HOFLIGER, Médecin Généraliste, Nice Dr Nelly HOMASSON, Gynécologue, Paris Dr Charles HONNORAT, Médecin Généraliste, Saint-Gilles Dr Marie-Françoise HUEZ-ROBERT, Médecin Généraliste, Chambray-lès-Tours Dr Jocelyne JACQUEMIER, Anatomopathologiste, Marseille Dr JACQUIER, Anatomo-pathologiste, Marseille Dr Jean-Pierre JULIEN, Chirurgien, Rouen Pr Pierre KERBRAT, Oncologue, Rennes Pr David KHAYAT, Oncologue, Paris Pr François LAFFARGUE, Gynécologue, Montpellier Dr Marielle LAFONT, Médecin Généraliste, Morières-lès-Avignon Pr Jean-Louis LAMARQUE, Radiologue, Montpellier Dr Philippe LAMBERT, Médecin Généraliste, Sète Dr Éric LARTIGAU, Radiothérapeute, Villejuif Dr Jean-Christian LAURENT, Chirurgien, Lille Dr Arlette LE MOUEL, Radiologue, Besançon Dr Anne LESUR, Gynécologue, Vandœ uvrelès-Nancy Dr Alain LE TREUT, Radiologue, Bordeaux Dr Philippe MARTIN, Radiothérapeute, Lyon Pr Michel MARTY, Cancérologue, Paris Dr Gilles MARX, Psychologue-Oncologue, Paris Dr Louis MAURIAC, Endocrinologue, Bordeaux Dr Hélène NOWAK, Gynécologue, Paris Dr Madame le Docteur Marie-Christine NUTTENS, Épidémiologiste, Lille Dr Pierre OPINEL, Gynécologue, Aix-enProvence Dr Nicole PELICIER, Psychologue, Paris Pr Lucien PIANA, Chirurgien, Marseille Pr Henri PUJOL, Chirurgien, Montpellier Dr François REBOUL, CancérologueRadiothérapeute, Avignon Pr Robert RENAUD, Gynécologue, Strasbourg Dr France ROCHARD, Chirurgien, Villejuif Dr Rémy SALMON, Chirurgien, Paris 7 Dr Pierre SALTEL, Psychiatre, Lyon Pr Simon SCHRAUB, Radiothérapeute, Besançon Dr Brigitte SERADOUR, Radiologue, Marseille Dr Daniel SERIN, OncologueRadiothérapeute, Avignon Dr Joseph STINES, Radiologue, Vandœ uvrelès-Nancy Dr Anne TARDIVON, Radiologue, Villejuif Dr Armelle TRAVADE, Gynécologue, Clermont-Ferrand Dr Henri TRISTANT, Radiologue, Paris Dr Jean-Pierre VALLÉE, Médecin Généraliste, Colleville-Montgomery Dr VERDIER, Médecin Généraliste, Lugrin Dr Richard VILLET, Chirurgien, Paris Dr Brigitte ZAFRANI, Anatomo-pathologiste, Paris RPC 3 : SUIVI DES PATIENTES TRAITÉES POUR UN CANCER DU SEIN NON MÉTASTASÉ Pr Jacques AMOUROUX, Anatomopathologiste, Bobigny Dr Catherine BALU-MAESTRO, Radiologue, Nice Mme Marie-Pierre BLANC-VINCENT, Pharmacien-Méthodologiste, Bordeaux Pr Jacques BONNETERRE, Oncologue, Lille Pr Alain BRÉMOND, Chirurgien, Lyon Dr Gérard BOUTET, Gynécologue, La Rochelle Dr Luc CAMBIER, Radiologue, Lille Dr Bruno CUTULI, Radiothérapeute, Strasbourg Dr Gérard DALE, Radiologue, Strasbourg Dr Thierry DELOZIER, Oncologue, Caen Dr Anne DE ROQUANCOURT, Anatomopathologiste, Paris Dr Marc ESPIÉ, Oncologue, Paris Dr Marie-Hélène DILHUYDY, Radiologue, Bordeaux Dr Hector FALCOFF, Médecin Généraliste, Paris Pr Guy FRIJA, Radiologue, Paris Mme Béatrice GAIRARD, Maître de Conférence en Université - Praticien hospitalier en Oncologie, Strasbourg Dr Jean-Rémi GARBAY, Oncologue, SaintCloud Dr Pierre GALLOIS, Médecin Interniste, Charnay-lès-Macon Dr Sylvie GIARD, Chirurgien, Lille Dr Saranda HABER, Radiologue, Aulnaysous-Bois Dr Pierre HAEHNEL, Radiologue, Strasbourg Dr Danielle HASSOUN, Gynécologue, Paris Dr Michel HERY, Radiothérapeute, Monaco Dr Philippe HOFLIGER, Médecin Généraliste, Nice Dr Nelly HOMASSON, Gynécologue, Paris Dr Jean-Pierre JULIEN, Chirurgien, Rouen Pr Jean-Louis LAMARQUE, Radiologue, Montpellier Dr Philippe LAMBERT, Médecin Généraliste, Sète Dr Marielle LAFONT, Médecin Généraliste, Morrières-lès-Avignon Pr Jean-Pierre LEFRANC, Chirurgien gynécoobstétricien, Paris Mme Andrée LEHMANN, Psychologue, Paris Pr Michel MARTY, Cancérologue, Paris Dr Louis MAURIAC, Endocrinologue, Bordeaux Pr Lucien PIANA, Chirurgien, Marseille Pr Henri PUJOL, Chirurgien, Montpellier Dr REBOUL, Radiothérapeute, Avignon Dr Pierre SALTEL, Psychiatre, Lyon Dr Daniel SERIN, Oncologue Radiothérapeute, Avignon Dr Armelle TRAVADE, Gynécologue, Clermont-Ferrand Dr Henri TRISTANT, Radiologue, Paris Dr Jean-Pierre VALLÉE, Médecin Généraliste, Colleville-Montgomery Les médecins libéraux correspondants de l'ANAES : la demande directe de questions à un groupe de médecins libéraux sensibilisés aux méthodes d'évaluation a permis d'aider le comité d'organisation et le groupe d'experts à identifier les questions importantes suscitées par le thème. 8 PRÉAMBULE I. OBJET DES RECOMMANDATIONS La situation prise en compte dans ces recommandations est la conduite à tenir devant une image anormale découverte à la mammographie à un stade infraclinique, la mammographie ayant pu être prescrite dans le cadre d'un dépistage de masse organisé ou dans celui du dépistage individuel. II. JUSTIFICATIF DES RECOMMANDATIONS SUR LE CANCER DU SEIN Les raisons ayant conduit à l’élaboration de recommandations sur ce sujet sont : • la fréquence et la gravité des cancers du sein ; • son pronostic qui dépend en partie de la précocité du diagnostic ; • l'évolution des méthodes diagnostiques et thérapeutiques et leur valeur, mieux connues mais dont la diffusion est variable ; • la découverte d’un nombre croissant d’anomalies radiologiques impalpables grâce au dépistage spontané ou organisé ; • le surcroît d’examens complémentaires généré par ce dépistage dont les indications doivent être codifiées du mieux possible pour obtenir un équilibre entre la sensibilité (c’est-à-dire prescrire suffisamment d’examens pour ne pas manquer d’un cancer) et la spécificité (c’est-à-dire ne pas entreprendre trop d’examens complémentaires, et en particulier de biopsies, de façon inutile). III. OBJECTIF DE CES RECOMMANDATIONS L’objectif de ces recommandations est d’aider le praticien à choisir une stratégie logique et raisonnable de prise en charge d'une patiente ayant une image mammographique anormale ; la finalité étant d’améliorer les conditions du diagnostic et de la thérapeutique des cancers du sein découverts à un stade précoce, curables. IV. MÉTHODES Les présentes recommandations ont été élaborées par un groupe de travail multidisciplinaire, selon une méthodologie explicite, décrite par l'ANDEM en 1993 et 1997 dans le document intitulé : « Recommandations pour la Pratique Clinique (RPC). Base méthodologique pour leur réalisation en France ». Cette méthode fait intervenir un comité d'organisation, un groupe de travail multidisciplinaire (chargé de l'analyse de la littérature, de la prise en compte de l'avis d'experts et de la rédaction des documents), et un groupe de relecture (devant apporter des informations, commenter les documents produits et valider les points d'accord ou de désaccord). Toutes les informations données dans le présent document sont étayées par une analyse de la littérature ; lorsque les données sont insuffisantes, il est mentionné s'il existe un accord entre experts (« accord professionnel ») ou, en l'absence d'accord, que le sujet reste discuté et nécessite des études complémentaires. 9 Les recommandations proposées sont été classées dans le texte en grade A, B ou C selon les modalités suivantes : • une recommandation de grade A est fondée sur une preuve scientifique établie par des études de fort niveau de preuve (par exemple, essais comparatifs randomisés de forte puissance et sans biais majeur, méta-analyse, analyse de décision,… ) ; • une recommandation de grade B est fondée sur une présomption scientifique fournie par des études de niveau intermédiaire de preuve (par exemple, essais comparatifs randomisés de faible puissance et/ou comportant des biais,… ) ; • une recommandation de grade C est fondée sur des études de faible niveau de preuve (par exemple, essais comparatifs non randomisés avec groupe contrôle historique, séries de cas,… ). En l’absence de précision, les recommandations proposées correspondent à un accord professionnel. Cette classification a pour but d’expliciter les bases des recommandations. L’absence de niveau de preuve doit inciter à engager des études complémentaires lorsque cela est possible ; cependant l’absence de niveau de preuve ne signifie pas que les recommandations élaborées ne sont pas pertinentes et utiles. 10 RPC 1 : CONDUITE À TENIR DIAGNOSTIQUE DEVANT UNE IMAGE MAMMOGRAPHIQUE INFRACLINIQUE ANORMALE I. FACTEURS DE RISQUE À PRENDRE EN COMPTE DANS LA DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE La probabilité qu'une anomalie mammographique corresponde à un cancer augmente avec l’âge, avec les antécédents personnels de cancer du sein et les antécédents familiaux proches (grade A). Pour une femme, le risque de développer précocement un cancer du sein est d’autant plus important qu’elle a des antécédents familiaux dans sa parenté proche (premier degré) et que des cas sont survenus à un âge plus jeune chez un grand nombre de ses parents de la même lignée (grade A). Le risque est majoré par les cas bilatéraux et l’existence de cancers associés, en particulier de l’ovaire. Il est recommandé de tenir compte de cette élévation du risque lors de la prise en charge diagnostique des anomalies probablement bénignes et suspectes. En cas, de risque de développer précocement un cancer du sein, la conduite à tenir, actuellement non codifiée, est déterminée au mieux dans un cadre collégial multidisciplinaire. II. RECOMMANDATIONS SUR L'IMAGERIE La mammographie La découverte d’une anomalie infraclinique doit donner lieu à la réalisation d’une mammographie standard bilatérale comportant deux incidences : cranio-podale et oblique externe (grade B). Lorsque l’anomalie est confirmée, la mammographie standard est complétée si nécessaire par des incidences complémentaires : incidence de profil strict pour déterminer sa topographie, autres incidences parfois localisées en cas de difficultés d’interprétation, agrandissement géométrique en cas de microcalcifications ou de petites anomalies (grade C). Les microcalcifications sont décrites en utilisant la classification de Le Gal modifiée (tableau 1). La lecture des clichés doit être faite par un radiologue spécifiquement formé, entraîné à la lecture (grade B). Chaque fois qu’il existe une image douteuse, une deuxième lecture par un autre radiologue formé et entraîné est recommandée (grade B). Tableau 1. Classification des microcalcifications de Le Gal modifiée. Description morphologique des microcalcifications Type 1 annulaires ou arciformes, horizontales ou semi-lunaires, sédimentées sur le profil, rhomboédriques 2 rondes et régulières 3 poussiéreuses 4 punctiformes, irrégulières, granuleuses contours angulaires, polyédriques 5 vermiculaires ramifiées, en branches, dessinant les lettres V, W, X, Y 11 Les mammographies doivent être lues avec un négatoscope de bonne qualité en opposant deux par deux les mêmes incidences droite/gauche et en les comparant chaque fois que possible aux mammographies antérieures (grade C). Une loupe et un spot lumineux sont indispensables. Une anomalie mammographique doit faire réaliser un examen clinique orienté par l'image pour confirmer son caractère infraclinique. Il est recommandé d’utiliser un compte rendu mammographique standard où sont formulées les hypothèses diagnostiques selon le degré de suspicion d’après l’American College of Radiology (ACR) : mammographie normale (ACR1), aspect bénin (ACR2), probablement bénin (ACR3), suspect (ACR4) ou malin (ACR5) (cf. tableau 2). Tableau 2. Classification des anomalies mammographiques adaptée d’après celle de l’ACR *. ACR 2 •opacités rondes avec macrocalcifications (adénofibrome ou kyste) •opacités ovalaires à centre clair (ganglion intramammaire) •image de densité graisseuse ou mixte •cicatrices connues •macrocalcifications isolées •microcalcifications de type 1 d'après Le Gal •calcifications vasculaires ACR 3 •microcalcifications de type 2 d’après Le Gal, en foyers unique ou multiples ou nombreuses calcifications dispersées groupées au hasard •opacités rondes ou ovales, discrètement polycycliques non calcifiées, bien circonscrites •asymétries focales de densité à limites concaves et/ou mélangées à de la graisse. ACR 4 •microcalcifications de type 3 d’après Le Gal ou de type 4 peu nombreuses •images spiculées sans centre dense •opacités non liquidiennes rondes ou ovales, à contour microlobulé ou masqué •distorsions architecturales •asymétries ou hyperdensités localisées évolutives ou à limites convexes. ACR 5 •microcalcifications de type 5 d’après Le Gal ou de type 4 nombreuses et groupées •amas de calcifications de topographie galactophorique •calcifications évolutives ou associées à des anomalies architecturales ou à une opacité •opacités mal circonscrites à contours flous et irréguliers •opacités spiculées à centre dense. * N.B. : L’adaptation de la classification de l’ACR concerne essentiellement la terminologie utilisée pour décrire les anomalies mammographiques, en particulier les microcalcifications. Dans le tableau 1 les microcalcifications ont été classées selon la classification morphologique française de Le Gal en tenant compte des équivalences entre cette classification et celle de l’ACR. La description des microcalcifications selon la classification de Le Gal figure dans le tableau 2. En situation diagnostique comme en situation de dépistage, un contrôle régulier de la qualité des appareillages est indispensable. L’échographie Les indications de l’échographie sont à moduler en fonction de la densité des seins et de la catégorie ACR de l’anomalie. 12 Les principales indications de l’échographie sont les anomalies ACR 3 et 4 sur des seins denses : • en cas d’opacités de nature indéterminée : l’échographie permet essentiellement de différencier un kyste d’une structure tissulaire et apporte des arguments supplémentaires de malignité ou de bénignité ; • en cas de microcalcifications, distorsions architecturales, hyperdensités localisées : l’échographie ne sert pas à apprécier directement le degré de suspicion mais à éliminer une lésion radiologiquement latente associée. L’échographie est aussi indiquée en cas d’anomalie ACR 5 en apparence unique sur seins denses pour mettre en évidence des lésions multifocales uni ou bilatérales radiologiquement latentes. L’échographie n’est pas indiquée dans les anomalies ACR 2. Les autres techniques d’imagerie Dans l’état actuel des connaissances, la mammographie numérique et l’IRM ne sont pas indiquées en dehors de protocoles d’évaluation. III. RECOMMANDATIONS SUR LES MARQUEURS TUMORAUX Les marqueurs tumoraux sériques sont inutiles au diagnostic (grade B). IV. DÉCISIONS EN FONCTION DU DEGRÉ DE SUSPICION DE MALIGNITÉ ÉTABLI À L'IMAGERIE Après découverte et confirmation d’une anomalie mammographique infra clinique, le choix entre l’arrêt de la démarche diagnostique, la simple surveillance, le recours aux techniques interventionnelles non chirurgicales (cytoponction et/ou microbiopsie) ou aux techniques chirurgicales (exérèse à visée diagnostique ± thérapeutique) dépend essentiellement du degré de suspicion de malignité établi à l'imagerie. * Devant un aspect d’anomalie mammographique bénin (ACR 2), il est recommandé d’arrêter la démarche diagnostique et de n’engager aucune surveillance particulière (grade C). Le suivi s’effectue selon les modalités de dépistage individuel, en fonction des facteurs de risque. Il n'y a pas de contre-indication à débuter ou à poursuivre un traitement hormonal substitutif de la ménopause ou une contraception orale. * Dans les anomalies probablement bénignes (ACR 3), une surveillance clinique et mammographique est recommandée (grade C) à condition que les données de l’imagerie soient concordantes, qu’il n’existe pas de facteurs de risque particuliers et que la surveillance soit possible. La décision de surveiller est prise, si possible après double lecture (deux lecteurs radiologues) et au mieux de façon collégiale, en associant le médecin prescripteur. La surveillance mammographique s'effectue avec les mêmes incidences qui ont révélé l'anomalie. Le premier contrôle a lieu entre 4 et 6 mois selon le degré de suspicion et la nature de l'anomalie (plutôt 4 mois pour les opacités circonscrites et 6 mois pour les microcalcifications), puis tous les ans pendant au minimum 2 ans avant de reprendre le schéma de dépistage habituel. 13 Dans les autres cas (données de l'imagerie non concordantes, risque élevé de cancer du sein, conditions non réunies pour permettre une surveillance, femmes débutant une grossesse) ces anomalies doivent être explorées. * Les anomalies suspectes (ACR 4) doivent faire l’objet d’un prélèvement pour diagnostic histologique, si possible par technique interventionnelle non chirurgicale. Cependant, la biopsie ou l'exérèse chirurgicale peuvent être préférées aux prélèvements non chirurgicaux lorsque : • les techniques interventionnelles non chirurgicales sont difficilement accessibles ; • le degré de suspicion est suffisamment important (contexte de risque particulier) ; • la patiente préfère une intervention chirurgicale d'emblée. * Devant un aspect malin d’anomalie mammographique (catégorie ACR 5), il est recommandé de réaliser systématiquement une biopsie ou une exérèse. La pratique préalable d’une technique interventionnelle non chirurgicale peut se concevoir dans l'optique de préciser les modalités chirurgicales (cette remarque vaut aussi pour les anomalies ACR 4 opérées). V. RECOMMANDATIONS CONCERNANT INTERVENTIONNELLES NON CHIRURGICALES LES TECHNIQUES Les techniques interventionnelles non chirurgicales sont la cytoponction et la microbiopsie. - Critères de choix Il s’agit de techniques dont les performances sont dépendantes du degré d’expertise de l’opérateur et du cytopathologiste, en particulier pour la cytoponction. La valeur diagnostique de la microbiopsie à l'aiguille lorsqu’elle est effectuée par une équipe entraînée est très proche de celle de la biopsie (grade A). Dans les conditions de pratique idéales, la microbiopsie est plus fiable que la cytoponction (grade B). La microbiopsie est préférable à la cytoponction seule (grade B). Toutefois, lorsqu’elle est effectuée et interprétée par un opérateur et un cytologiste expérimentés, dans des conditions établies comme fiables (cf. infra), la cytoponction première complétée si besoin par une microbiopsie peut aussi être pratiquée. La cytoponction peut être suffisante lorsque le résultat est celui d’une lésion maligne ou des lésions bénignes suivantes : kystes, ganglions mammaires et fibroadénomes typiques. Devant tout autre résultat en faveur d’une lésion bénigne, elle est insuffisante à la prise de décision. La microbiopsie permet presque toujours une interprétation histologique. Elle apprécie le caractère invasif d’une lésion maligne. En cas de réponse hyperplasie atypique, le risque élevé de carcinome de voisinage conduit à toujours compléter par une technique chirurgicale. L'exiguïté d'un prélèvement n’autorise pas toujours un diagnostic formel dans l'adénose sclérosante, l'adénose microglandulaire, la cicatrice radiaire, l'hyperplasie atypique, le carcinome in situ de bas grade. En cas d’incertitude, il convient de recourir à la biopsie chirurgicale. 14 - Conditions d’utilisation des techniques interventionnelles non chirurgicales La cytoponction et la microbiopsie ne doivent être réalisées en pratique courante que lorsque l’équipe qui les utilise les a évaluées et qu’elles sont fiables. Une telle évaluation doit comprendre le pourcentage de résultats non informatifs (cytologies acellulaires, résultats bénins non corrélés à l'image mammographique), le pourcentage de résultats classés en « risque de malignité », la sensibilité, la spécificité, la valeur prédictive positive et la valeur prédictive négative. Cette évaluation doit ensuite être réalisée périodiquement. - Méthodes de guidage Pour les anomalies infracliniques, la cytoponction et la microbiopsie doivent être guidées par méthode stéréotaxique ou échographique. Il n’y a pas de supériorité démontrée d’une méthode ou d’une autre. Le choix de la méthode de guidage dépend des caractéristiques de l’anomalie et de l’expérience du radiologue. Toutefois, lorsque les deux méthodes sont possibles : 1) pour les microbiopsies comme pour les cytoponctions la méthode stéréotaxique semble préférable pour les petites lésions profondes ; 2) pour les microbiopsies, la ponction sous stéréotaxie sur un sein immobilisé est probablement mieux supportée qu’un échoguidage sur sein non immobilisé. Lorsque l’on utilise la cytoponction ou la microbiopsie, il est recommandé de s’assurer que le prélèvement a bien eu lieu dans la lésion en cause par des clichés de contrôle, aiguille en place en cas de repérage stéréotaxique, ou par le contrôle en temps réel de la place de l’aiguille avec prise d’images en cas de repérage échographique. - Compte rendu du prélèvement Tout prélèvement doit faire l’objet d’un compte rendu mentionnant le type d’anesthésie, le type de guidage, l’aiguille utilisée, le nombre de passages et la tolérance de l’examen, ainsi qu’une appréciation documentée de l’atteinte de la cible visée et de la quantité de matériel prélevé. - Conditions d’interprétation du prélèvement L’interprétation permettant la décision thérapeutique résulte de la comparaison entre le résultat cyto et/ou histologique et l’aspect mammographique ± échographique. Le diagnostic cyto-histologique prend toute sa valeur en cas de concordance avec la mammographie. Cette concordance est indispensable en cas de réponse cytohistologique de bénignité pour permettre d’opter pour une surveillance. VI. RECOMMANDATIONS CONCERNANT LES TECHNIQUES CHIRURGICALES Les techniques interventionnelles chirurgicales sont la biopsie diagnostique et l’exérèse diagnostique et thérapeutique. Il s’agit des techniques de référence pour obtenir un diagnostic histologique chaque fois que l’on ne peut pas lever le doute par d’autres méthodes. 15 À titre diagnostique, l'intervention chirurgicale a pour inconvénients son caractère invasif, sa morbidité et son coût qui doivent en faire peser les indications. - Critères de choix La biopsie s'adresse essentiellement aux microcalcifications réparties en de vastes plages ou en de multiples foyers (en choisissant le plus suspect) et l'exérèse aux opacités et microcalcifications dont l'extension permet a priori une exérèse complète. - Compte rendu opératoire Toute biopsie doit faire l’objet d’un compte rendu opératoire mentionnant le type d’anesthésie, la voie d’abord, le repérage utilisé, l’appréciation macroscopique de la pièce opératoire, les incidents éventuels. - Radiographie de la pièce opératoire La radiographie de la pièce opératoire fermée et orientée est indispensable pour vérifier que l’anomalie mammographique qui a motivé l’intervention est retrouvée dans la pièce. - Place de l’examen extemporané des prélèvements chirurgicaux L'examen extemporané n'est pas indiqué : • pour des anomalies sans traduction macroscopique, en particulier les foyers de microcalcifications ; • pour les tumeurs bien individualisées mesurant moins de 10 mm ; • pour les tumeurs végétantes intracanalaires quelle que soit leur taille. VII. RECOMMANDATIONS CONCERNANT L'ANNONCE DU DIAGNOSTIC LES ASPECTS PSYCHOLOGIQUES ET Les praticiens impliqués dans la démarche diagnostique ont un devoir à la fois légal et éthique d’informer la patiente du diagnostic, des investigations et des thérapeutiques proposées. Les praticiens impliqués dans la démarche diagnostique doivent tenir compte dans leurs explications du caractère particulièrement anxiogène de cette démarche et de la personnalité de la patiente. Ils doivent veiller à la compréhension de ces explications. Les délais entre la découverte du diagnostic, le diagnostic et son annonce, l’annonce et le début du traitement doivent être les plus courts possible (grade C). Toutes les fois que la patiente paraît en mesure de recevoir l’annonce du diagnostic de cancer du sein, celui-ci doit lui être communiqué (grade C). Le praticien doit cependant tenir compte du fait que certaines femmes ne veulent ou ne peuvent pas supporter une telle annonce. 16 L’annonce du diagnostic de cancer du sein doit être faite au cours d’un entretien particulier, tenant compte de la personnalité de la patiente et du caractère durablement anxiogène de cette annonce (grade B). La patiente à qui le diagnostic est annoncé doit être assurée de la continuité de la prise en charge ultérieure et de la possibilité qu’elle aura de se référer à tout moment à une écoute et à une compétence médicale. 17 RPC 2 : CONDUITE THÉRAPEUTIQUE DEVANT UN CANCER DU SEIN INFRACLINIQUE Ø Définition du cancer infraclinique Le groupe de travail définit le cancer infraclinique comme des lésions découvertes par l’imagerie (au cours d’un dépistage systématique ou sur prescription individuelle) chez une femme asymptomatique sans anomalie suspecte à l’examen des seins et des aires ganglionnaires. L’ensemble de ces lésions correspond sur le plan histologique aux carcinomes lobulaires in situ (CLIS), aux carcinomes canalaires in situ (CCIS), aux cancers microinvasifs auxquels on peut associer d’un point de vue pratique les cancers infiltrants de moins de 1 centimètre. Ø Carcinome lobulaire in situ Selon l’OMS, le carcinome lobulaire in situ (CLIS) est un carcinome intéressant les canalicules intralobulaires qui sont comblés et distendus par une prolifération de cellules peu jointives sans envahissement du tissu conjonctif voisin. Les cellules tumorales peuvent se propager dans les canaux extralobulaires (diffusion pagétoïde) et remplacer les cellules de l’épithélium canalaire. Certains auteurs préfèrent regrouper le carcinome lobulaire in situ et l’hyperplasie lobulaire atypique (HLA) dans une même entité appelée néoplasie lobulaire. Il existe une difficulté d’identification morphologique entre l’HLA et le CLIS, et la frontière entre ces deux entités est parfois subjective. Ceci peut nécessiter souvent le recours à l’avis d’un expert. Il serait utile d'établir un consensus objectif (qualitatif et quantitatif) quant à la définition histologique du CLIS. En l’absence de facteurs de risque associés au CLIS, si les conditions de surveillance clinique et radiologique sont favorables et si la patiente est coopérante, il existe un accord de la majorité des auteurs pour se contenter d’une simple surveillance au long cours après biopsie-exérèse (grade C). Celle-ci consiste en un examen clinique tous les 4 à 6 mois et une mammographie annuelle. La mastectomie bilatérale est une alternative qui ne doit être proposée qu'à des femmes dites « à haut risque » présentant d’autres facteurs de risque associés au cancer. Il peut s’agir d’un antécédent familial de cancer du sein au premier degré, d’un antécédent personnel de néoplasie lobulaire, du degré d’extension du CLIS et du jeune âge (< 40 ans) de la patiente. En cas de mutation des gènes BRCA1, BRCA2 (gènes récemment démontrés comme prédisposant à un cancer du sein), l’éventualité d’une chirurgie radicale peut être discutée. Cependant, aucune publication à ce jour n’a démontré l'intérêt de cette pratique chez ces patientes. En cas de lésion histologique étendue (grande taille nucléaire, perte de cohésion cellulaire, atteinte de plus de la moitié des ductules d'un lobule, nombre de lobules envahis supérieur à 10) une mastectomie unilatérale totale peut être envisagée afin de ne pas méconnaître de petits foyers infiltrants associés nécessitant un traitement similaire à celui d'un cancer invasif. 18 L'intérêt des biopsies controlatérales systématiques est controversé. L’état psychologique et le contexte psychologique de la patiente, son désir et son environnement socio-familial sont des facteurs déterminants dans le choix de la thérapeutique. En définitive, la décision sera prise au cas par cas après longue discussion avec la patiente (qui peut participer à la décision, cf. RPC 1: « Conduite à tenir diagnostique devant une image mammographique anormale ») détaillant les risques à long terme des différentes options thérapeutiques. Ø Le carcinome canalaire in situ Le carcinome canalaire in situ (CCIS) est défini par l’Organisation Mondiale de la Santé comme un carcinome des galactophores n’infiltrant pas le tissu conjonctif. Dans ce type de lésions la membrane basale est respectée. Il existe plusieurs sous-types architecturaux de CCIS : - le type massif ; - le type cribriforme ; -le type papillaire ou micropapillaire ; - le type comédo. À ces formes classiques, certains auteurs ajoutent le type clinging carcinoma. Ces caractères architecturaux ne suffisent pas à eux seuls à déterminer avec exactitude le pronostic. Ainsi, plusieurs « écoles » proposent actuellement des classifications histologiques différentes fondées essentiellement sur les critères suivants : l’existence de nécrose, le grade nucléaire et la polarisation. Le point commun de ces classifications, dont aucune n’est validée à l’heure actuelle, est la distinction de trois groupes : haut grade, bas grade et grade intermédiaire. Le CCIS présente un risque potentiel de progression vers un cancer invasif. Sa prise en charge doit avoir pour objectif : •de prévenir le développement d’un cancer infiltrant mettant en jeu le pronostic vital ; •de conserver le sein autant que possible. Il n’y a actuellement aucun consensus clairement établi concernant les indications thérapeutiques des CCIS. Plusieurs facteurs interviennent dans le choix du traitement adéquat : la taille de la tumeur, les facteurs histologiques en particulier. Le tableau suivant résume le choix thérapeutique du CCIS en fonction de la taille de la tumeur et du grade histologique. 19 CCIS, résumé du choix thérapeutique. Taille histologique de la tumeur pT > 2,5 cm* Grades histologiques Grade intermédiaire Bas grade Mastectomie (traitement conservateur1 en cours d’évaluation) Mastectomie + curage limité2 (traitement conservateur en cours d’évaluation) Haut grade Mastectomie + curage limité2 1 < pT < 2,5 cm* Chirurgie conservatrice1 + radiothérapie3 Chirurgie conservatrice1 + radiothérapie3 Chirurgie conservatrice1 + radiothérapie3 + curage limité2 pT < 1 cm Chirurgie conservatrice1 + radiothérapie3 Chirurgie conservatrice1 + radiothérapie3 Chirurgie conservatrice1 + radiothérapie3 * Certains auteurs proposent le traitement conservateur jusqu’à une taille tumorale anatomo-pathologique de 4 cm. 1 Avec marges non envahies et sans microcalcifications résiduelles 2 Dit « premier étage de Berg » 3 45 à 55 grays en fractionnement conventionnel ± surdosage En définitive, la décision thérapeutique sera prise avec la patiente après l’avoir informée des avantages et inconvénients des différentes options thérapeutiques. En cas de traitement conservateur, une mammographie postopératoire, dans les mois suivant l’intervention, est nécessaire pour vérifier la qualité de l’exérèse et servir de référence au suivi ultérieur. Toutes les femmes traitées doivent bénéficier d’une surveillance clinique et mammographique annuelle à long terme (cf. RPC 3 : « Suivi des patientes traitées pour un cancer du sein non métastasé »). Ø Le carcinome micro-invasif Le carcinome micro-invasif est une tumeur constituée de façon prédominante par un carcinome intracanalaire auquel s’associent un ou plusieurs petits foyers infiltrants nettement individualisés. Le diamètre maximum de la composante invasive, au-delà de la membrane basale, ne doit pas dépasser 2 mm. Ce type de lésion doit être pris en charge selon le type et l’extension de la composante intra canalaire. En effet, la mastectomie doit être préconisée en cas de lésion étendue (cf. CCIS) ou après exérèse avec marges envahies (grade C). Le traitement conservateur doit toujours être suivi d’une radiothérapie sur l’ensemble du sein (grade B). En raison du risque de métastase, un curage ganglionnaire axillaire limité (dit « 1er étage de Berg ») est habituellement conseillé. Ø Le cancer infiltrant infraclinique de moins de 1 cm Ces recommandations sont volontairement limitées aux cancers infiltrants de moins de 1 cm qui sont souvent regroupés dans la littérature anglo-saxonne sous le terme minimal breast cancer en association avec les cancers in situ et micro-invasifs. 20 Le traitement chirurgical de ces tumeurs doit respecter les règles générales du traitement chirurgical du cancer du sein : excision complète de la lésion maligne avec marges saines. L’idée d’éviter un curage axillaire reste controversée dans la mesure où certaines patientes présenteront un envahissement ganglionnaire. En effet, l’information fournie par l’examen anatomo-pathologique des ganglions est importante pour définir la stratégie thérapeutique. En l’attente d’études spécifiques, par analogie à ce qui a été recommandé dans les cancers infiltrants de plus grande taille, la radiothérapie est indiquée en cas de chirurgie conservatrice : il n’existe pas actuellement de données suffisantes pour identifier les patientes qui ne la nécessiteraient pas. Les traitements complémentaires systémiques sont recommandés à toutes les patientes dont la tumeur s’accompagne d’un envahissement ganglionnaire. Pour toutes les autres, ces traitements restent du ressort de la recherche clinique. La survenue de rechutes pour ces petites tumeurs est souvent tardive. La surveillance de ces patientes doit donc être prolongée (cf. RPC 3 : « Suivi des patientes traitées pour un cancer du sein non métastasé »). 21 ARBRES DE DÉCISION DE LA RPC 2 22 CCIS de bas grade ou de grade intermédiaire Non taille histo > 2,5cm * Mastectomie ** Traitement conservateur possible Oui taille histo < 1cm Oui Non Choix de la patiente *** Chirurgie conservatrice ± Radiothérapie * ** Mastectomie Chirurgie conservatrice + Radiothérapie Certains auteurs proposent le traitement conservateur jusqu’à une taille tumorale anatomo-pathologique de 4 cm. + Curage limité, en cas de grade intermédiaire *** Choix de la patiente après information objective sur les avantages et inconvénients des options thérapeutiques. NB : Les marges doivent être non envahies. Les femmes traitées doivent bénéficier d'une surveillance clinique (locorégionale) et mammographique. Option secondaire Option principale 23 CCIS de haut grade Non taille histo > 2,5cm * Mastectomie + Curage limité Traitement conservateur possible Oui taille histo < 1cm Oui Non Choix de la patiente *** Chirurgie conservatrice ± Radiothérapie Mastectomie Mastectomie + Curage Chirurgie conservatrice + Curage limité + Radiothérapie * Certains auteurs proposent le traitement conservateur jusqu’à une taille tumorale anatomo-pathologique de 4 cm. ** Choix de la patiente après information objective sur les avantages et inconvénients des options thérapeutiques. NB : Les marges doivent être non envahies. Les femmes traitées doivent bénéficier d'une surveillance clinique (locorégionale) et mammographique. Option secondaire Option principale 24 Carcinome micro-invasif Oui Lésion étendue * Mastectomie + curage axillaire Non Choix de la patiente ** Chirurgie conservatrice + curage axillaire *** Non Oui Marges envahies Non Radiothérapie Reprise chirurgicale Marges envahies Mastectomie + curage * ** *** pT > 2,5 cm et uniquement composante intracanalaire associée de haut grade. Choix de la patiente après information objective sur les avantages et inconvénients des options thérapeutiques. Si N+, proposer un traitement systémique complémentaire. NB : Les femmes traitées doivent bénéficier d'une surveillance clinique et mammographique. Option secondaire Option principale 25 Cancer infiltrant infraclinique de moins de 1 cm Choix de la patiente * Chirurgie conservatrice ** + curage axillaire + radiothérapie Non Mastectomie + curage axillaire Envahissement ganglionnaire Oui Traitement systémique complémentaire Surveillance ou essai thérapeutique * Choix de la patiente après information objective sur les avantages et inconvénients des options thérapeutiques. ** En cas de composante intracanalaire étendue, se reporter à l'arbre concernant le carcinome micro-invasif NB : Les femmes traitées doivent bénéficier d'une surveillance clinique et mammographique. option principale option secondaire 26 RPC 3 : SUIVI DES PATIENTES TRAITÉES POUR UN CANCER DU SEIN NON MÉTASTASÉ I. OBJECTIFS DE LA SURVEILLANCE Les objectifs de la surveillance post-thérapeutique (post chirurgicale et/ou chimioradiothérapie) d’une femme traitée pour un cancer du sein non métastasé sont : • le dépistage, le diagnostic et la prise en charge précoce des récidives locales, du cancer contro latéral et des métastases ; • le diagnostic et la prise en charge des complications iatrogènes ; • le dépistage des difficultés psychologiques et leur prise en charge. Pour atteindre ces objectifs, il est recommandé que la continuité de la prise en charge soit assurée et coordonnée par un médecin de référence. Une bonne transmission des informations entre les acteurs de la prise en charge médicale de la patiente est importante. Elle permet d'éviter le dédoublement des consultations et des examens complémentaires. II. DIAGNOSTIC DES RÉCIDIVES LOCALES ET D’UN CANCER CONTROLATÉRAL • • • • • Chez une femme asymptomatique, les seuls examens systématiques que l’on peut recommander sont l’examen clinique et la mammographie (Grade B). La surveillance clinique permet de rechercher des signes de récidives locales après traitement conservateur ou de récidives pariétales après mastectomie, des ganglions métastatiques, des signes en faveur d'un cancer controlatéral. La première année, un examen clinique et une mammographie bilatérale sont recommandés aux 6e et 12e mois. Ensuite et jusqu'à 5 ans, l'examen clinique est recommandé tous les 6 mois et la mammographie tous les ans. Au-delà, l'examen clinique et la mammographie doivent être réalisés tous les ans. Cette surveillance ne doit pas être interrompue. Ces modalités de surveillance peuvent être appliquées quel que soient le type histologique et le caractère invasif ou in situ de la lésion initiale. Il est recommandé d'informer les femmes traitées pour un cancer du sein des signes de récidive avec tout le tact nécessaire. L’auto examen des seins peut être proposé au cas par cas. L'état psychologique de la patiente peut modifier le rythme de la surveillance clinique. La mammographie doit être réalisée selon les mêmes modalités que celles décrites dans la RPC 1 « Conduite à tenir diagnostique devant une image mammographique infraclinique anormale ». La comparaison avec des clichés antérieurs est fortement recommandée. Le radiologue qui interprète les clichés de surveillance du sein opéré doit disposer des clichés préthérapeutiques. L’échographie, la tomodensitométrie, l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) mammaires, le dosage des marqueurs tumoraux ne sont pas recommandés de façon systématique au cours de la surveillance. L’échographie 27 • • III. mammaire est utile en seconde intention en cas d’anomalie mammographique. Elle doit alors être réalisée selon les mêmes indications et les mêmes modalités que celles décrites dans la RPC 1 (grade B). L’IRM peut être utile en cas d’anomalie mammographique, pour différencier une récidive locale d’une séquelle post-thérapeutique (grade C). Aucune imagerie n’est recommandée de façon systématique pour déceler une récidive ganglionnaire ou pariétale, en l’absence de signe ou de symptôme. Les prélèvements cyto et histologiques par techniques interventionnelles non chirurgicales (cytoponction à l’aiguille fine et microbiopsie) sur sein traité ont les mêmes indications que ceux effectués dans le cadre du diagnostic d’une tumeur primaire sur un sein non traité. Cependant le risque d’erreur d’interprétation est plus important. Le pathologiste doit être impérativement informé de l’histoire de la femme chez laquelle le prélèvement a été effectué. DIAGNOSTIC DES RÉCIDIVES GÉNÉRALES (MÉTASTASES) Dans l'état actuel, aucun examen complémentaire n’est recommandé pour le dépistage des métastases à distance chez les patientes asymptomatiques. Dans ce but, seul l’examen clinique est recommandé au rythme de la surveillance locorégionale (Grade B). Il doit rechercher des métastases en particulier osseuses, pleuro-pulmonaires, hépatiques et du système nerveux central. En cas de symptomatologie clinique faisant évoquer une progression métastatique, il est important de pouvoir disposer du dossier de la patiente incluant le bilan d'extension. IV. DIAGNOSTIC DES COMPLICATIONS IATROGÈNES Les complications iatrogènes survenant à distance de la période de traitement doivent être connues, traitées voire prévenues par le praticien qui surveille une femme traitée pour un cancer du sein. Aucune de ces complications ne justifie d'examen complémentaire systématique. Il est recommandé de dépister systématiquement les douleurs séquellaires, car elles ne sont pas toujours déclarées, et de les traiter. Il est recommandé de dépister le lymphœ dème le plus tôt possible par une mesure systématique et périodique du diamètre du bras chez toute patiente ayant eu un curage ganglionnaire. Il est recommandé d’informer les femmes opérées du risque de lymphœ dème et des moyens de le prévenir ou d’empêcher son aggravation. les principaux conseils à donner, reposant sur un accord professionnel, sont : • le repos en position déclive ; • des conseils de protection contre les agressions (griffures, épines de rose… ) et contre la chaleur ; • la proscription de l’acupuncture, de la mésothérapie, des prélèvements et des injections intraveineuses et de la prise de la pression artérielle du côté opéré ; • la proscription des crèmes cosmétiques allergisantes ou irritantes ; • des précautions d’emploi concernant les produits d’entretien agressifs (port de gants) ; 28 • l'évitement de gestes répétitifs (tricot… ), des positions de blocage, des positions proclives durables, du port d’habits serrés et du port de charges lourdes. La compliance des femmes aux mesures de prévention du lymphœ dème doit être régulièrement soutenue lors des consultations de suivi. Principales complications tardives après traitement pour cancer du sein : • douleurs chroniques séquellaires, quelle que soit la thérapeutique utilisée ; • scléroses pariétales, douleurs fantômes et limitations des mouvements de l’épaule après mastectomie ; • rétractions, scléroses cutanées et sous-cutanées et rétractions inflammatoires tardives (devant faire éliminer une récidive) après traitement conservateur ; • apparition de coques ou ruptures de prothèses en cas de matériel prothétique ; • lymphœ dème du bras, capsulites rétractiles, et exceptionnels lymphangiosarcomes après curage ganglionnaire ± radiothérapie ; • radiodermites, plexites brachiales, fractures de côtes, fibroses et pneumopathies radiques, complications cardiaques (fibroses myocardiques, infarctus, péricardites radiques) après radiothérapie ; • leucémies induites par la chimiothérapie et toxicité cardiaque cumulative des anthracyclines ; • signes de ménopause en cas de castration radio-induite, ou chirurgicale ou postchimiothérapique ou plus rarement induits par le tamoxifène avant la ménopause (bouffées de chaleur, arrêt des règles, risque d’ostéopénie); • réactivation de pathologies utérines bénignes (adénomyomes) et risque de cancer de l’endomètre traitées par tamoxifène ; thrombose veineuse, troubles oculaires et syndromes dépressifs chez les femmes. V. DIAGNOSTIC ET PRISE EN CHARGE DES DIFFICULTÉS PSYCHOLOGIQUES Les patientes traitées pour un cancer du sein non métastasé sont exposées à des conséquences psychologiques, et pour certaines d'entre elles à des pathologies psychiatriques. Le cancer du sein traité doit être considéré comme une situation particulièrement à risque : il est recommandé de rechercher systématiquement les symptômes de détresse psychologique, anxiété, troubles sexuels, états de stress post traumatique, et dépression, du fait de leur prévalence plus élevée et des difficultés particulières du diagnostic dans ce cas (grade B). Cette recherche particulièrement attentive au cours de la première année suivant le traitement doit être poursuivie indéfiniment. Les douleurs séquellaires, la prise de poids (qui intervient dans plus de la moitié des cas et qui doit être surveillée et prévenue), le lymphœ dème aggravent le risque de difficultés psychologiques. L'information de la patiente est soumise aux obligations déontologiques (article 35-36 du CD) et légales (arrêt de la Cour de cassation du 20/2/97). • Il est recommandé d'inciter la patiente à poser ses questions, à exprimer son ressenti de la maladie et à exprimer ses besoins. 29 • Un temps d'écoute et de parole devrait leur être réservé. • Pour la prise en charge des problèmes psychologiques, il est recommandé : - de chercher les manifestations de désespoir, le sentiment d'impuissance, ou de résignation (grade C) ; - si le praticien décide d'utiliser une échelle de dépistage de la détresse psychologique, d’utiliser l'HAD (hospital anxiety and depression scale). • Toutes les modalités d'intervention psychologique, individuelle ou de groupe, d'inspiration cognitivo-comportementale ou psychanalytique, peuvent être préconisées pour faire face à cet événement éprouvant. Aucune modalité d'intervention psychologique n'ayant démontré de supériorité par rapport aux autres, il est recommandé d'en laisser le choix à la patiente. • Le recours à un psychologue n'est pas systématique. Il est recommandé si la patiente en exprime le besoin, s'il existe plusieurs facteurs de risque, ou une détresse psychologique. • Une formation clinique en psycho-oncologie doit être proposée et conseillée aux cliniciens prenant en charge le suivi de femmes traitées pour un cancer du sein. • Le soutien apporté par la famille et les amis proches est bénéfique ; il doit être encouragé par le praticien. • Il est important de mettre en garde la patiente contre les propositions d'aide qui peuvent lui être faites par des mouvements sectaires. Pour la prise en charge des problèmes psychiatriques : • il est recommandé de se référer aux critères du DSM-IV pour identifier les troubles de l'adaptation, les états de stress post-traumatique, et les états dépressifs majeurs (grade B). Les états dépressifs majeurs et les troubles de l'adaptation, responsables d’aggravation de l'évolution de la maladie et d'augmentation du risque suicidaire, doivent en particulier être traités au plus tôt ; • le recours à un psychiatre, s'il n'est pas systématique, est recommandé si la patiente en exprime le besoin, ou s'il existe des troubles de l'adaptation, un état de stress post-traumatique avéré, ou un syndrome dépressif en particulier lorsqu'il résiste à un premier traitement antidépresseur ; • bien qu'il n'y ait pas eu d'études spécifiques dans le cadre du cancer du sein, les recommandations du groupe de travail de l'ANDEM sur le maniement des antidépresseurs peuvent être appliquées. 30 POINTS DIVERS À ce jour, les antécédents personnels de cancer du sein contre-indiquent le traitement hormonal substitutif et la contraception œ stroprogestative. Dans les cancers du sein non métastasés, la grossesse n'est pas contre-indiquée. Il est recommandé d'attendre deux ans après le diagnostic pour débuter une grossesse. 31