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lution des espèces serait donc liée au hasard de la nature
avec la nécessité de survivre dans un environnement hos-
tile. Le hasard des mutations et les nécessités de vivre, se
nourrir, se reproduire, pouvoir fuir ou combattre. Pour s’adap-
ter au stress aigu, nous avons besoin d’un système méta-
bolique efficace et des capacités d’analyse et d’adaptation
importantes face à un environnement hostile.
La situation du prédiabète nous permettra d’intégrer
cette hypothèse à une situation clinique concrète et d’évo-
quer brièvement l’importance de l’accompagnement thé-
rapeutique dans la prise en charge de la maladie chronique.
comportement et psychobiologie
Le modèle théorique vulnérabilité-stress-ressources, sur-
tout utilisé dans le monde de la santé mentale,5 nous pa-
raît être un point de départ utile. Ce modèle, inspiré des
travaux de Zubin, assume que les manifestations psychi-
ques résultent de l’interaction de deux facteurs distincts.
D’une part, la vulnérabilité biologique ou génétique, sou-
vent dénommée diathèse (prédisposition) et, d’autre part,
le vécu de l’individu, influencé par les stress liés à l’envi-
ronnement. Cette conceptualisation du comportement, dans
le cas de patients psychotiques, a permis une nette amé-
lioration de leur prise en charge. Les soignants ont pris
conscience de l’importance d’agir non seulement sur la
médication mais aussi sur des thérapies, des attitudes ou
des actions qui permettent de réduire les effets du stress
environnemental (figure 1).
Aujourd’hui, ce modèle stress-vulnérabilité-ressources
est consolidé par les découvertes issues du champ de la
psychobiologie. Ces nouvelles données nous permettent
d’intégrer l’implication des réponses physiologiques adap-
tatives sur le métabolisme en cas de stress. En effet, des
stimuli psycho-sociaux chroniques peuvent activer les voies
du stress, de telle sorte à induire des modifications mesu-
rables de facteurs biologiques impliqués dans la pathoge-
nèse de l’athérosclérose et de la résistance à l’insuline.
Des éléments de preuve sont les études pratiquées chez
les primates et chez l’humain, qui démontrent des aug-
mentations significatives du taux de cortisol plasmatique
circulant, une des hormones clés du stress directement
corrélée à la charge en stress. Les conséquences sont une
augmentation des dépôts de graisse viscérale et une pro-
gression de l’athérosclérose.6,7 A l’inverse, des émotions po-
sitives sont associées avec une diminution significative de
la pression artérielle et de la glycémie.8,9 Ces expériences
révèlent aussi le lien avec d’autres systèmes impliqués dans
l’athérosclérose tels que le système nerveux autonome
sympathique et parasympathique. Par ailleurs, il convient
d’évoquer la possibilité d’un effet de synergie. En effet, des
données plus récentes montrent aussi parmi les réponses
physiologiques associées au stress, la survenue, chez plus
de 30% des sujets, de modifications du comportement favo-
risant l’émergence d’un syndrome métabolique telles que
prise pondérale, diminution de l’activité physique et mo-
dification de l’alimentation.9,10
physiologie du stress et allostasie
Médicalement, le stress est défini comme la réponse
physiologique de l’organisme, face à des agents réels ou
symboliques, mettant en danger l’intégrité de la personne.
Sterling et Eyer nous proposent la terminologie d’allostasie,
car la réponse est dirigée vers des agents externes (allo :
externe) comme les modifications de l’état physique (ré-
veillé, endormi, debout, couché, en activité) ou celles de
l’environnement (le bruit, la foule ou la solitude, le danger,
les infections, etc.) dans le but de maintenir une homéo-
stasie. Les agents stressants sont donc multiples et dépen-
dent de l’individu sur lequel ils s’exercent et peuvent être
séparés en deux catégories temporelles distinctes :
1. Les stress aigus, d’intensité variable, induits par notre
environnement social ou professionnel, des événements
marquants de la vie quotidienne (naissance, mariage, décès,
etc.) ou secondaires à des traumatismes (abus, violence,
etc.)
2. Les stress répétés de tout type, le plus souvent liés à
notre environnement socio-professionnel que nous quali-
fierons de stress chroniques.
Les agents stressants, lorsqu’ils sont identifiés de la
sorte par les structures limbiques du système nerveux cen-
tral (SNC), activent les systèmes nerveux autonomes, neu-
roendocriniens et immunitaires/inflammatoires. Différents
neuromessagers, dont la noradrénaline et plusieurs hor-
mones distinctes comme l’adrénaline, le cortisol, les gluco-
corticoïdes ou la vasopressine sont stimulés, de manière à
mobiliser rapidement et efficacement les substrats néces-
saires à la néoglucogenèse hépatique permettant la dé-
sormais célèbre réponse
fight or fligh
.
La capacité d’activer et d’inactiver ces systèmes permet
à l’organisme de gérer des situations extrêmes à un prix
acceptable. En revanche, une stimulation chronique ou ex-
cessive peut avoir des conséquences délétères pour l’or-
ganisme. McEwen et Stellar ont développé pour ces cas
de figure la notion de charge allostatique, qui permet de
quantifier le dysfonctionnement résultant de l’action de
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Figure 1. Adaptation du modèle vulnérabilités-
stress-ressources
Le vécu de chaque individu conditionne l’expression de la maladie et vice
versa. Le modèle vulnérabilités-stress-ressources permet d’intégrer les fac-
teurs influents que nous avons choisis de représenter dans un diagramme
de Caroll afin de mieux appréhender les multiples combinaisons d’interac-
tions possibles entre ces facteurs et le vécu. Les traitements en tant que
molécules sont généralement dirigés contre la partie tangible de la maladie.
Pourtant, un traitement pour se révéler efficace doit aussi agir sur le vécu.
Vulnérabilités
• Facteurs génétiques
• Environnement
Stress
• Positif/Négatif
• Aigu/chronique
Vécu
Ressources
• Individuelles/spirituelles
• Accompagnement
thérapeutique
Comportements
• Santé/maladie
Expression
de la maladie
Traitements
moléculaires