effet dans les années 1930 que le mathématicien russe Kolmogorov élabora l’axiomatique
des probabilités.
Si l’on sait que le complexe peut être appréhendé, par le biais des distributions de
probabilité, par le général, le « simple », ce n’est que tout dernièrement que l’on s’est rendu
compte, par l’étude des systèmes dynamiques, que le simple engendre le complexe. Ce
complexe ayant alors tous les aspects de l’aléatoire. C’est dans les années cinquante qu’ont
commencé les premiers travaux sur le chaos. On parle maintenant de chaos déterministe
appellation aussi stupéfiante que celle utilisée par B. Pascal pour décrire le premier traité de
probabilité: La Géométrie du Hasard.
Après avoir signalé la différence qui existe entre déterminisme et prévisibilité, I. Stewart,
dans son ouvrage La Nature et les Nombres, présente le problème sous ce nouvel angle.
Stewart (1998)
Notre monde est-il déterministe, ainsi que le dit Laplace, ou est-il régi par le
hasard, comme il semble souvent l’être ? Et, si vraiment Laplace avait raison,
pourquoi notre expérience quotidienne le dément-il si fréquemment ? L’un des
domaines les plus excitants des nouvelles mathématiques – connu par le public sous
le nom de théorie du chaos – se targue de pouvoir apporter bien des réponses. Qu’il
le fasse ou non, il révolutionne certainement la manière dont nous pensons à l’ordre
et au désordre, aux lois et à la chance, à la prévisibilité et au hasard. (...)
Où Laplace avait-il donc commis une erreur ? Le point à ne pas manquer, c’est
qu’en réalité on ne peut jamais mesurer l’état initial d’un système de manière exacte.
Les mesures les plus précises que l’on soit parvenu à faire sur un système physique
sont exactes à la dixième ou à la douzième décimale près. Et l’énoncé de Laplace ne
vaut que si l’on arrive à mesurer les grandeurs avec une précision infinie, avec un
nombre infini de décimales – et cela, bien entendu, c’est exclu. A l’époque de
Laplace, les gens étaient conscients de ces incertitudes de mesure, mais ils
supposaient généralement que, s’ils avaient été en mesure de déterminer les
grandeurs initiales avec dix décimales, par exemple, alors toutes les prédictions
seraient aussi exactes à dix décimales près. L’erreur ne disparaîtrait pas, mais elle ne
croîtrait pas non plus.
Malheureusement, l’erreur croît, ce qui nous interdit de mettre bout à bout des
prédictions à court terme pour en faire une prévision à long terme. (...) A chaque
étape l’erreur croît d’un facteur dix environ. (...) Ce phénomène se nomme
« sensibilité aux conditions initiales », ou, plus informellement l’ « effet papillon »
< lorsqu’un papillon à Tokyo bat des ailes, un ouragan peut se déclencher en Floride
un mois plus tard >. Il est intimement lié à une très grande irrégularité dans le
comportement. Tout ce qui est vraiment régulier est assez prévisible. Mais une très
grande sensibilité aux conditions initiales rend un système imprévisible – donc
irrégulier. C’est pour cela que l’on qualifie tout système sensible aux conditions
initiales de chaotique. Un comportement chaotique suit des lois déterministes, mais
il est si irrégulier que l’oeil non exercé le prend pour un phénomène réellement
aléatoire. Le chaos, ce n’est pas seulement un comportement compliqué et sans
motif apparent; le concept est bien plus subtil. Le chaos a les apparences de la
complication, en apparence aucun motif n’est présent, mais l’explication est simple
et de nature déterministe. (...)
Cette découverte fut le fruit de trois développements indépendants. L’un d’eux a
été un changement d’intérêt, lorsque les scientifiques se sont désintéressés des
comportements périodiques pour s’intéresser à des comportements plus complexes.
Le deuxième fut l’avènement de l’ordinateur, qui a rendu possible, rapide et aisée la
recherche de solutions approchées des équations dynamiques. Le troisième fut un
changement de perspective sur la dynamique – que l’on a commencé à approcher par
la géométrie au lieu d’utiliser des approches numériques. Le premier développement
a fourni un objectif, le deuxième une technique, le troisième un outil pour la
compréhension. (Stewart I., La Nature et les Nombres, Hachette, Paris, 1998, pp.
118-123)
En quoi ces données nouvelles ont-elles modifié notre mathématisation des phénomènes