Contaminations métalliques des cours d’eau du Languedoc-Roussillon
L’origine de la démarche et ses limites :
De part son passé minier (plus de 200 sites d’extractions métallurgiques recensés sur la
région) et compte tenu des pressions actuelles (urbanisation, voies de communication,
traitements phytosanitaires et chimie), le Languedoc-Roussillon est susceptible de présenter
plusieurs types de contaminations métalliques en divers endroits, quelquefois surprenants. Il
ne faut pas non plus négliger le fond géochimique naturel, hors toute activité extractive, qui
explique parfois les fortes teneurs rencontrées particulièrement dans les Cévennes et la
Montagne Noire.
En exploitant les données issues des suivis environnementaux (RNB = réseau national de
bassin avant 2007, RCS/RCO = seaux de contrôle de surveillance ou opérationnel de la
directive cadre sur l’eau depuis 2007/2008) ou les données issues de recensements spécifiques
(évaluation des pollutions PCB et métalliques sur le district Rhône-Méditerranée, études au
sein du Parc National des Cévennes…) il a été possible de dresser un panorama régional des
sites fortement impactés. On notera toutefois que pour certains compartiments (poissons par
exemple) le faible nombre de sites prospectés constitue une limite à l’exercice.
L’exploitation des données ne concerne que 8 métaux ou métalloïdes, arsenic (As), cadmium
(Cd), chrome (Cr), cuivre (Cu), mercure (Hg), nickel (Ni), plomb (Pb) et zinc (Zn), dans 4
compartiments en rivières : eau, sédiments, bryophytes (mousses végétales) et poissons. Ces 8
substances sont les plus souvent suivies dans les réseaux et sont représentatives de la
problématique mais d’autres métaux (argent, uranium…), métalloïdes (sélénium, antimoine..)
ou organométalliques (tributylétain = TBT…) peuvent être dangereux pour les écosystèmes et
l’homme.
Périodes considérées :
Pour l’eau avant 2010 les données concernent les métaux totaux (fraction dissoute + fractions
liées aux matières en suspension, colloïdes etc.), ce sont des analyses dites sur eau brute.
Après 2010 les impératifs européens (directive cadre sur l’eau 2000/60/CE) conduisent à
n’examiner que la fraction dissoute (filtration sur place à 0,45 ). La période globale des
données exploitées va de 1990 à 2011.
Pour les sédiments la période considérée va de 1987 à 2011. Pour les bryophytes de 1990 à
2010 et pour les poissons de 2003 à 2011.
Résultats :(voir cartes départementales pour eau, sédiments, bryophytes et régionale
pour les poissons) :
Le nombre de sites analysés et d’investigations par site est très variable selon les
compartiments et les années.
Sur l’eau étant données des échelles de toxicité différentes pour plusieurs métaux en fonction
de la dureté (teneur en calcium et magnésium de l’eau) une carte de la dureté est fournie en
préalable, elle est basée sur les analyses en plus de 350 points répartis sur la région. Il en
ressort, en lien étroit avec la géologie, que les secteurs « acides » des massifs cristallins
(Margeride, Cévennes, Montagne Noire, Pyrénées) sont de facto plus sensibles aux
contaminations métalliques que les secteurs calcaires des Causses, des garrigues ou de la
plaine. Dans ce cadre l'effet « mémoire » des cours d'eau les plus importants issus des amonts
cristallins n'est pas à négliger (Tech, Têt, Aude, Orb, Hérault, Gard...).
166 points soit près de 45 000 analyses sur eau ont été examinés, plus de 1 300 analyses
dépassent le niveau vert/jaune des grilles (soit moins de 3 % des analyses) mais ces
dépassements sont répartis sur 80 % des points.
Sur les sédiments 190 stations (soit plus de 10 000 analyses) ont été considérées. 85 % des
stations et 20 % des analyses présentent des teneurs notables.
Sur les bryophytes 114 points ont été échantillonnés (plus de 3 500 analyses) ; 60 % de ces
stations dépassent des niveaux de concentrations jugés non impactés mais seules 10 % des
analyses sont concernées.
Moins de 30 points d’évaluation des concentrations dans les poissons (environ 200 lots
analysés) aboutissent à une quinzaine de sites avec dépassement des normes et
recommandations usuelles. On notera cependant, au delà des résultats cartographiés, le
dépassement quasi-systématique des normes de qualité environnementale (DCE) sur le
mercure dans le biote, la valeur de cette NQE (20 g/kg) étant 25 à 50 fois plus sévère que la
norme OMS reprise dans le règlement européen n°1881/2006 modifié d'interdiction de
consommation (0,5 mg/kg ou 1 mg/kg selon les espèces).
Pour tempérer ces proportions importantes de sites « contaminés » (de 50 à 85 % selon les
compartiments) il faut savoir que les investigations ont été de tout temps fortement fléchées
sur des zones de cours d'eau a priori à risques
Lien résultats / pressions connues :
Une grande majorité des résultats est explicable par les pressions afférentes, ainsi les anciens
sites miniers majeurs (St Laurent-le-Minier pour plomb, cadmium et zinc, Salsigne pour
l’arsenic, St Sébastien d’Aigrefeuille pour l’arsenic, le plomb, le zinc, Le Bleymard pour le
plomb et le cadmium…) ressortent sur plusieurs compartiments. D’autre sites miniers parfois
très anciens (Moyen-Âge ou période gallo-romaine) entraînent des teneurs anormales en
arsenic, cadmium ou plomb, (cas fréquent dans les Cévennes). La contamination cuivrée est
plutôt l’apanage de la plaine (viticulture), celle du zinc aussi mais avec également une
influence conurbations / voies de communication. Le mercure est probablement le métal au
comportement le plus énigmatique, sans doute à cause de sa volatilité et de sa multiplicité
d’origines (dont naturelles). Le nickel ressort surtout sur le secteur de Salindres (industrie
chimique). D’anciennes industries sur Narbonne ont entraîné des contaminations en cadmium
et cuivre aujourd’hui en cours de traitement.
Un grand point d’interrogation demeure la connaissance fine du fond géochimique naturel
pour beaucoup de ces substances, fond qu’il faut en toute rigueur retrancher des niveaux
constatés dans le milieu, pour bien apprécier l’influence anthropique passée ou présente.
Enfin la présence d’arsenic près des embouchures dans des poissons migrateurs d’origine
marine (anguilles, mulets ou muges) est peu inquiétante, les formes organiques de l’arsenic,
très peu toxiques, étant très souvent prédominantes en eaux salées ou saumâtres.
Les contaminations métalliques en cours d'eau sont ainsi assez caractéristiques de la région
compte tenu d’une part du fort passé minier en zone de montagne et d’autre part des
traitements phytosanitaires et des conurbations ou axes de circulation dans la plaine.
Contacts DREAL : Luc BARBE - SN/EMA/laboratoire d'hydrobiologie et qualité des eaux douces
Simone FALCE - SN/EMA/laboratoire d'hydrobiologie et qualité des eaux douces
Bruno FAVARD – SR/RCSS mines et carrières
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