Au temps de la Révolution, la décentralisation… 85
distance des lieux et le temps nécessaire pour les parcourir,
établissent de grandes différences de situation entr’elles (les colonies)
et les provinces françaises et nécessitent par conséquent des
différences dans leur constitution.
Mais en s’occupant à les rechercher, il ne faut jamais perdre de vue
qu’elles forment cependant une partie de l’empire français et que la
protection qui leur est due, par toutes les forces nationales, que les
engagements qui doivent exister entr’elles et le commerce français,
en un mot, que tous les liens d’utilité réciproque qui les attachent à
la Métropole n’assureraient aucune espèce de solidité, sans
l’existence des liens politiques qui leur servent de base »8.
Mais de ces restrictions ou garde-fous, l’opinion dirigeante locale
n’a cure et retient surtout que la Constituante « a promis d’avance
d’adopter toutes les propositions utiles de l’Assemblée Coloniale »9. Une
position que paraissent conforter la première Constitution française de
septembre 1791 qui met les colonies à part de la législation nationale et
la seconde de 1793 qui les passe carrément sous silence.
III- MODALITES ET CONSEQUENCES DE L’EXPERIENCE
DECENTRALISATRICE REVOLUTIONNAIRE
D’avoir pris en main les destinées de leurs îles permet aux élus
réunionnais d’essayer de combler les retards dont elle souffre au niveau
de son développement. Ces retards, très nombreux et imputables à des
causes multiples, sont assez bien résumés dans la pétition de la colonie à
l’Assemblée nationale du 21 avril 179110 que l’on peut assimiler à un
véritable cahier de doléances local. Avec l’aide d’une Métropole elle
même « régénérée » par la Révolution, dont la colonie s’estime en droit
d’attendre beaucoup11, des barrières sautent au niveau économique
(comme l’obligation imposée jusqu’alors aux navires français de faire
leur retour exclusivement à Lorient ou Toulon), des progrès notables se
8 Le texte du décret et de l’instruction de mars 1790 a été publié par R. D’Unienville
dans Histoire politique de l’Isle de France, t. I (1789-1791), p. 129-142.
9 Déclaration de J.B. Greslan, président de la première Assemblée coloniale élue en
conformité avec les instructions, à l’ouverture de ses travaux, le 23 novembre 1790.
ADR, L 49.
10 ADR, L 18.
11 Ainsi que le rappelle fermement en 1801 aux consuls, nouveaux maîtres de la France,
le comité administratif local quand il écrit : « Comme Français éloignés de leurs plus
précieuses affections, les colons ont droit à une attention immédiate de la part de la
Métropole et leur industrie, soit commerciale, soit agricole, veut être protégée parce
qu’elle représente une des sources de la fortune nationale ». Lettre du 25 brumaire
an X (16 novembre 1801), ADR, L 75/6.