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Pourquoi Valérie a-t-elle fait ce choix? Parce qu’elle s’est
intéressée à Mme G et qu’elle a observé plusieurs fois un
sourire pendant qu’elle chantait dans les couloirs ou la salle
à manger. Elle en a conclu que ce souvenir lui donnait une
émotion positive et elle a décidé de mobiliser ce souvenir
dans les situations pénibles vécues par cette personne âgée.
Valérie, lors de la réfection du pansement de Mme G. a
agi en référence à ses connaissances, son savoir-faire, son
expérience et son jugement clinique. L’hypothèse de dou-
leur a été infirmée devant l’évolution du comportement
de Mme G. Valérie a fait évoluer un soin standard en soin
personnalisé, intégrant un « savoir être » orienté vers la
personne, respectant un objectif de bien être et de satis-
faction. C’est à ce moment là que l’observation, l’atten-
tion, l’écoute, la vigilance, la créativité avec « l’autre »
prennent toute leur dimension. L’infirmière s’engage dans
un soin global qui intègre technique et relation.
N’est ce pas là une intégration du soin et du prendre soin?
L’harmonisation entre les deux a permis d’atteindre la qua-
lité du soin avec la participation de la personne. Au cours
d’un soin qui est techniquement agressif, la personne a res-
senti un bien être car l’infirmière a créé une interaction effi-
cace qui a permis la réalisation d’un soin de qualité. Le sens
du soin va bien au-delà de la réalisation d’une technique car,
pour être efficace, la prise en compte de la singularité de la
personne passe par la validation de son ressenti qui est une
composante fondamentale du soin dit « technique ».
QUELLE EST LA PLACE DU
RAISONNEMENT CLINIQUE?
L’interaction est bien au cœur même de la relation de
soin et il est fondamental d’en observer concrètement
les diverses modalités afin de la faire reconnaître comme
composante essentielle du métier et comme compétence
mise en jeu en permanence par les différents acteurs.
Dans une relation de soin, de la qualité de l’interaction
entre le professionnel de santé et le patient découle une
meilleure perception de la problématique de santé, de la
souffrance présentée et de la charge émotionnelle adja-
cente. L’attitude et le comportement du soignant devien-
nent alors essentiels dans la démarche clinique et le rai-
sonnement clinique qu’il va développer dans son
interaction avec les malades sera un raisonnement basé
sur des hypothèses et non des certitudes, un raisonne-
ment qui sera conséquent aux observations d’indices
objectifs et non d’interprétations subjectives. Le sens des
soins, quel que soit le professionnel de santé sera le
même: identifier la véritable problématique de santé en
centrant le raisonnement clinique sur l’être humain en
situation de maladie, en intégrant les ressources, les capa-
cités, les compétences exprimées par chaque patient. Les
connaissances en sciences médicales sont indispensables
pour les infirmièr(e)s mais les connaissances en sciences
humaines sont devenues incontournables pour gérer cet
espace intime du soin.
QUELS SONT LES CONCEPTS
UTILES?
Au cours de ce travail de recherche sur l’interaction infir-
mière–malade pendant le soin, nous avons approfondi la
connaissance de trois concepts essentiels: les émotions,
la stratégie d’adaptation et la résilience. Les attributs de ces
concepts ont alors clarifié notre observation intuitive réa-
lisée auprès des patients ainsi que les interventions qui
pouvaient en découler. Tous les soignants sont concernés
par le concept de résilience, quels que soient leurs lieux
d’exercice, il les amène à une confirmation de leur regard
humaniste sur les patients. Il nous conduit à positiver notre
regard sur autrui et à modifier nos pratiques en com-
mençant par mieux observer, identifier, utiliser les res-
sources propres de ceux dont nous avons à prendre soin.
Dans un article récent4nous avons présenté la résilience
comme un atout supplémentaire pour la qualité des
soins car ce concept nous éclaire sur les deux phases
principales quand une personne vit un évènement avec
un certain traumatisme: la confrontation et le rebon-
dissement. L’accompagnement du soignant est alors
adapté en fonction du vécu du patient dans ces deux
phases. La démarche clinique infirmière prend toute sa
dimension si elle est fondée sur une relation d’aide
counseling. L’écoute va être primordiale car cette rela-
tion implique pour le soignant une sensibilité et une
attention à autrui. Le malade est alors surpris d’être
entendu dans des expériences de vie souvent vecteurs
de jugements ou d’opinions hâtives. Les chercheurs
développent 3 niveaux d’écoute:
Le premier niveau concerne ce qui est dit dans la relation.
Cependant, si on reste à ce niveau, la relation ne se déve-
loppera pas beaucoup et le soignant reste en position
« d’écouter une histoire ».
Le second niveau, défini par certains auteurs comme une « atten-
tion flottante », concerne non seulement ce qui est dit mais aussi
ce qu’il y a « au-delà des mots ». Le professionnel est bien sûr
attentif aux mots mais aussi aux aspects non-verbaux
(expression du visage, gestes, mouvement des yeux…) et
para-linguistiques (volume, ton, rapidité…) utilisés par le
patient. Au-delà de ces deux niveaux d’écoute, le counselor doit
aussi être attentif à ses pensées, ses émotions, ses sensations
corporelles. En effet, elles peuvent lui servir d’indicateurs sur
ce qui se passe dans la relation et le soignant peut les utili-
L’ESPACE INTIME DU SOIN
PRATIQUES ET RECHERCHES INFIRMIÈRES EN FRANCE AUJOURD’HUI
RECHERCHE EN SOINS INFIRMIERS N° 93 - JUIN 2008 15
4Psiuk T., La résilience un atout pour la qualité des soins in Recherche en soins infirmiers N° 82, septembre 2005, pp 12-21
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