DOSSIER THÉMATIQUE Obligation de soins… Soins sous contrainte Injonction de soins en addictologie : quels outils thérapeutiques proposer ? Therapeutic tools for working with compulsion in addictology O. Cottencin* A * Service d’addictologie, université Lille-Nord-de-France, CHRU de Lille. u-delà du cadre légal et réglementaire des soins sous injonction, force est de constater que bon nombre de patients souffrant de comportements addictifs consultent sous la contrainte. En effet, ils sont nombreux à consulter sous la pression d’un tiers, qu’il s’agisse du conjoint, du médecin traitant ou du juge. Il arrive même que certains d’entre eux, alors qu’ils viennent de leur propre chef, consultent sous l’emprise d’une “contrainte interne”. En effet, le désir d’arrêter pour les autres ou pour sa santé résulte le plus souvent d’une obligation et non d’un choix. Et ils sont bien rares, ceux qui consultent en addictologie pour se libérer d’un produit dont ils se sentent les esclaves (addictus), alors que la consommation puis l’addiction ont été pendant longtemps une tentative de solution aux difficultés conscientes ou non qu’ils ont pu rencontrer par le passé. L’un des problèmes cruciaux d’un soin sous contrainte est qu’il n’appartient plus au patient de préciser seul sur quels problèmes l’intervention va porter et quels en seront les objectifs. En effet, alors qu’un soin en addictologie ne peut se fonder que sur la demande et la motivation au changement du patient, le soignant se trouve confronté à la situation paradoxale d’aider des patients qui ne le demandent pas. De plus, il se trouve placé dans une situation de double lien, coincé entre l’aide et le contrôle. Car, désigné autant comme un aidant du patient que comme un outil de coercition sociale, il prend systématiquement le risque de mettre en péril l’alliance thérapeutique nécessaire à toute relation psychothérapeutique. Ainsi, avant d’envisager toute rencontre, ces situations contraintes nécessitent de répondre à plusieurs questions : 78 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 3 - mai-juin 2010 ➤ ➤ Tout d’abord, au service de qui le thérapeute est-il censé travailler ? ➤ ➤ Ensuite, comment l’intervenant peut-il travailler alors qu’il se trouve bloqué entre le soin et l’injonction (entre l’aide et le contrôle) ? ➤ ➤ Enfin, comment aider un patient qui ne le demande pas ? Loin de vouloir poser le problème sur le plan éthique, nous proposons ici quelques réflexions pragmatiques et même systémiques brèves (1) pour permettre au patient comme au thérapeute de définir leur position afin de sortir des paradoxes auxquels ils sont confrontés. Travailler avec la contrainte Face à la contrainte, le premier principe est non seulement de ne pas la nier mais encore de travailler avec elle. En effet, en la considérant comme partie intégrante de la demande de soins, nous pouvons construire une nouvelle alliance thérapeutique en reconnaissant autant les objectifs du sujet (échapper à la contrainte) que ceux du demandeur (arrêter le toxique). En termes de résolution de problèmes, patient, demandeur et thérapeute ont chacun un problème différent. Même si, implicitement ou explicitement, le problème, c’est le produit, le patient n’en a pas conscience et ne voit que la coercition ; le demandeur ne voit que le comportement induit par le produit et pas la souffrance du patient… Quant au soignant, il a devant lui deux visions du monde qui s’opposent, et qu’il doit (injonction) faire travailler ensemble. Ainsi, travailler sur une demande centrée sur le produit alors qu’il n’y adhère pas (parce que son point de vue n’est pas entendu) conduira d’abord le patient à cher- Résumé En addictologie, nombreux sont les patients qui nous consultent sous la contrainte, que ce soit celle d’un tiers (telle l’injonction thérapeutique…) ou leur propre contrainte (pour leur santé, pour les autres…). Ainsi, le thérapeute se trouve dans une double contrainte, désigné par le corps social à la fois comme un aidant et comme un outil de coercition, au risque de remettre en cause les concepts fondamentaux de toute thérapie (le travail avec la demande, la motivation, l’alliance thérapeutique, le libre arbitre, le principe de bienfaisance, le respect de l’autonomie, etc.). Les thérapies brèves systémiques semblent avoir un intérêt pour ces patients : elles renforcent l’approche motivationnelle tout en intégrant le caractère obligé du soin. cher tous les moyens pour y échapper. Comme l’avait défini l’équipe de M. Selvini-Palazzoli (2), il trouvera plusieurs échappatoires. Il peut adhérer à l’opinion du demandeur et se trouver un ou des problèmes à l’origine de son comportement, sans pour autant changer profondément. Il peut feindre de suivre la thérapie tout en restant sur ses positions, et donc ne pas changer. Il peut aussi tenter de faire alliance avec le thérapeute contre le demandeur, en se positionnant comme victime. Ou, enfin, il peut retourner le contexte du soin à son avantage pour en tirer profit (pension, allocation, dédouanement vis-à-vis du demandeur) et ainsi maintenir le comportement jugé problématique. Cette dernière solution devient toutefois de plus en plus difficile à tenir étant donné que l’emprise d’un toxique constitue aujourd’hui une circonstance aggravante et non atténuante en cas de délit. Donc, ne pas travailler avec la contrainte ou ne pas en tenir compte dans la définition du problème, c’est prendre le risque que le patient y échappe, mais c’est aussi prendre le risque de créer nous-mêmes la résistance au changement (si souvent évoquée à l’endroit des patients addicts). En effet, un patient contraint est quasiment obligé de résister à un changement qui lui est imposé. En particulier, dans un contexte psychopathologique souvent peu favorable à l’introspection (alexithymie, intolérance à la frustration, incapacité à planifier, voire errance médico-psycho-sociale, etc.), il n’est pas rare que ces patients consultent en étant encore sous l’emprise d’une ou plusieurs substances, ce qui peut altérer leur jugement sur le bien-fondé de l’injonction de soins (qu’elle soit sociale ou individuelle). Mais, au-delà de cet aspect, le sujet contraint, se sentant incompris, vit un sentiment d’injustice et n’a pas d’autre choix que de mettre en échec l’ensemble des propositions de soins centrées sur le traitement de la dépendance au produit (hospitalisation à temps complet, hospitalisation de jour, sevrage ambulatoire, consultations programmées ou non, etc.). En d’autres termes, nous voulons dire ici que la résistance n’est pas une caractéristique propre au patient, mais qu’elle est aussi un symptôme de la relation soignant-soigné. Car la contrainte est un facteur insuffisant à lui seul pour créer de la résistance, alors que la non-compréhension du point de vue du patient en est un facteur clé. En effet, cette résistance étant incluse dans la relation thérapeutique, la tentation du thérapeute sera naturellement l’escalade symétrique, la persuasion directe, voire le rejet du patient (par épuisement du thérapeute) : des solutions somme toute bien limitées pour aider ces sujets dans la résolution de leur ambivalence. C’est d’ailleurs ce que l’approche motivationnelle des addictions nous a apporté en France ces dernières années, en nous apprenant à comprendre l’état d’esprit du patient, allant jusqu’à inclure (à juste titre) la rechute comme un stade évolutif (3). Renégocier le contrat Nous partons du postulat que, même si un patient n’adhère pas à l’objectif thérapeutique initialement annoncé, il existe de toute façon une plainte sousjacente pour laquelle il serait réellement motivé à faire évoluer sa situation. En fait, l’objet de la plainte est simplement différent de celui de la demande du tiers. Travailler avec le patient sur l’objet de sa plainte dans le cadre de la contrainte est ce que R. Fisch appelle “renégocier le contrat” (4). En effet, même si la tentation de résister est toujours présente, un sujet contraint doit entendre et comprendre qu’il a toujours 3 possibilités face à une telle situation : ➤ ➤ accepter ; dans ce cas, il reconnaît être en difficulté avec le produit (ou le comportement). Il accepte alors de se faire soigner pour répondre aux exigences du tiers ; ➤ ➤ refuser, et rester dans le déni de la dépendance (ou de l’excès). Il refuse que l’on s’occupe de lui et n’accepte pas les “reproches” du tiers. N’admettant pas son problème, il doit quitter le soin et en référer au demandeur ; ➤ ➤ négocier ; c’est une solution fréquente. Le patient reconnaît qu’il existe un problème entre lui et le demandeur. Même s’il n’adhère pas à la version du demandeur, il conçoit que son comportement pose un problème au demandeur. Il ne pourra évidemment pas négocier la réalité des faits qui lui sont reprochés (dépendance, ivresse au volant ou sur la voie publique, violences, isolement, etc.). En revanche, il pourra négocier les raisons qui le poussent à avoir ce comportement et qui poussent son entourage à lui demander de se soigner. Il est en droit d’expliquer ses raisons, ou encore sa vision de la situation (conjugale, familiale, professionnelle, etc.). Mots-clés Addiction Injonction de soins Thérapie systémique brève Highlights In departments of addictology, many patients consult a thera­ pist under coercion due to a third party (i.e. treatment order) and if some patients come spontaneously, they often do so more ‘‘for the others’’ than for themselves. Thus, therapists are under a two-fold coercion fixed by the social (or family) setting: they act both as a helper and as a coercive agent, and this situation questions the fundamental concepts of treatment. Brief systemic therapy seems to have an interest in addictology as it focuses on motivation while taking into account coercion. Keywords Addiction Coercion Brief systemic therapy La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 3 - mai-juin 2010 | 79 DOSSIER THÉMATIQUE Obligation de soins… Soins sous contrainte Injonction de soins en addictologie : quels outils thérapeutiques proposer ? Par exemple, un patient alcoolo-dépendant est amené en consultation par son épouse qui le menace de divorcer. À l’évidence, il n’est pas motivé à arrêter de boire, mais il est poussé à consulter par la crainte du divorce. Ce n’est qu’en travaillant la menace de divorce que nous pourrons négocier un nouvel objectif. Car il a des motivations à continuer de boire : sa situation professionnelle (stress ou convivialité), sa situation personnelle (conduite ordalique ou dépression), sa situation familiale (conflit). Autant de raisons qu’il pourra aborder en entretien. En effet, s’il n’est pas prêt à travailler sur le produit, il sera certainement disposé à travailler sur le contexte. Même s’il n’est pas capable de formuler une demande personnelle (en raison de sa personnalité, de l’escalade dans laquelle il se trouve, etc.), il sera en revanche parfaitement capable d’entendre que la réalisation de son souhait de ne pas divorcer doit se faire au prix de l’arrêt de l’alcool. Le rôle du thérapeute devient alors celui d’un négociateur, c’est-à-dire qu’il aide les deux partenaires de la discussion à sortir satisfaits, même au prix de sacrifices. La bonne question n’est plus “Qu’êtes-vous prêt à faire pour arrêter l’alcool ?”, mais “Qu’êtes-vous prêt à faire pour que cela change ?” Mais, lorsque l’injonction vient d’une institution légale ou administrative, le patient peut-il vraiment négocier ? En fait, aucun d’entre nous ne peut négocier avec la réalité des faits. Pourtant, face au principe de réalité, l’important n’est pas tant cette réalité que son vécu. En d’autres termes, si le patient ne peut pas négocier avec la loi elle-même, il est possible qu’il négocie avec lui-même ou avec les termes exprimés par cette loi. Par exemple, dans l’injonction ainsi résumée : “conduite en état d’ivresse : obligation de soins”, les faits sont clairs. Le sujet ne doit plus conduire sous l’emprise de l’alcool. Par une telle injonction, incite-t-on le patient à se guérir d’une alcoolo-dépendance (qu’il peut nier : “Je ne suis pas un alcoolique !”), ou lui demande-t-on de se donner les moyens de ne plus être “pris en faute au volant” ? Même si nous savons que la politique qui sous-tend cette injonction est d’allier le soin à l’ordre social, en matière de négociation, il faut se limiter aux faits (pas d’alcool) et pas aux commentaires implicites ou explicites (soignons les alcooliques). L’injonction de soins porte donc sur le fait qu’il ne doit plus conduire avec un taux d’alcool dans le sang supérieur à 0,5 g/l. Le fait qu’il soit alcoolo-dépendant est un deuxième problème. Ainsi, le patient ne négocie pas avec la loi, mais avec sa vision du problème qui est sous-entendue par l’injonction de soins. Le thérapeute, le patient et la loi ne peuvent que tomber d’accord sur le fait qu’il ne faut pas conduire avec une alcoolémie supérieure à 0,5 g/l. La négociation portera sur le fait que l’alcool 80 | La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 3 - mai-juin 2010 est un problème pour lui dans cette situation et qu’il a besoin d’aide. Avec cela, il ne peut qu’être d’accord. Le thérapeute n’est donc plus coincé entre l’aide et le contrôle : il n’est qu’un moyen d’accéder à la demande de la loi et donc un moyen de négociation du patient avec lui-même ou avec ce qu’il a interprété de cette injonction. Ainsi, le patient est libre de maintenir un déni partiel de son addiction. En effet, s’il n’est là que pour récupérer son permis et que cela passe par l’abstinence ou un bilan biologique normalisé ou l’absence de tremblements lors des arrêts d’alcool… Qui parle d’alcoolique, de manque et de syndrome de sevrage ? Nous ne parlons ici que de moyens d’accéder à la demande imposée. Le déni d’une alcoolo-dépendance n’empêche pas le patient de reconnaître qu’il ne faut pas conduire alcoolisé ou à tout le moins qu’il n’en a pas le droit. Peu motivé à arrêter sa consommation, mais motivé à récupérer son permis, a-t-il besoin d’admettre qu’il est malade alors qu’il n’a en l’espèce qu’à admettre qu’il a besoin d’une aide pour rester abstinent ? A-t-il besoin d’une étiquette d’alcoolique qui le culpabilise, le rebute et l’oblige à résister aux soins, ou bien est-il motivé à se faire aider pour résoudre son problème d’alcool au volant ? Maintenant, si, au cours du travail sous contrainte, le patient reçu dans une vision non normative et non catégorielle se rend compte que, sans être alcoolique, il a perdu la liberté de s’abstenir et qu’il veut de l’aide pour cela, le thérapeute est à sa disposition. Définir la position du patient Toutefois, avant d’envisager de répondre aux questions “Qui se plaint ? et “De qui se plaint-on ?” (1), nous proposons de définir la position du patient. En d’autres termes, nous proposons, avant d’envisager toute option thérapeutique et même toute analyse motivationnelle, de rechercher, au travers de la clinique de la contrainte, quelle est l’implication du patient dans le soin qui lui est imposé. Car nous avons remarqué, au cours de notre pratique, qu’il existait trois types de patients. ➤ ➤ Tout d’abord, le patient non concerné. Un patient non concerné est un patient qui consulte mais qui “n’a pas de problème” (l’alcoolique amené par sa femme, l’adolescent amené par ses parents). Devant un tel patient, le thérapeute doit reconnaître qu’effectivement le patient non concerné a un problème, mais il a surtout un problème avec le demandeur. Ainsi, avant même d’envisager une aide thérapeutique pour le problème désigné, il est important de reconnaître et de définir le problème qu’il a avec le demandeur, et de savoir s’il est prêt à travailler sur la redéfinition du problème. En DOSSIER THÉMATIQUE d’autres termes : qu’est-il prêt à changer pour obtenir satisfaction ? Ainsi, le patient non concerné est obligé d’entendre le point de vue du demandeur. ➤ ➤ Ensuite, le patient plaignant. Un plaignant a un problème, mais il l’attribue aux autres (sa famille, son entreprise, la société, son enfance, etc.). Le thérapeute, face à un tel patient, n’est pas en mesure de lui faire comprendre qu’il est partie prenante du problème dans lequel il se trouve. La première étape est donc d’aider le patient à distinguer ce qui dépend de lui et ce qui ne dépend pas de lui, de lui apprendre que le demandeur ne changera pas et que lui seul peut changer. “C’est à cause de mon mari que je bois, ce n’est pas moi qui devrais être ici, c’est lui.” Un tel point de vue doit être immédiatement recadré pour faire comprendre à cette “victime” qu’elle n’est pas là à tort ou à raison, mais parce qu’elle souffre, parce qu’elle veut que cette situation change. Un point de vue qui n’est pas sans nous rappeler la prière de Marc Aurèle (reprise par les Alcooliques anonymes) : “Ô Dieux, donnez-moi la sérénité d’accepter ce que je ne peux changer, le courage de changer ce que je peux et la sagesse de distinguer l’un de l’autre.” ➤ ➤ Enfin, le patient client. Le patient client est très recherché des thérapeutes ; en effet, c’est un sujet qui a un problème et qui est prêt à le travailler. Appréhendé par la police, il est bien heureux que cette injonction l’oblige à se soigner : il n’en pouvait plus ! S’il nous demande de l’aide, c’est aussi parce que, bien souvent, il n’arrive pas à changer avec sa solution (“J’ai bien tenté d’arrêter, mais à chaque fois je replonge”). L’objectif du thérapeute sera d’aider le patient à comprendre son rôle dans l’entretien du problème et donc dans la solution qu’il peut inventer lui-même (quitter l’impuissance apprise, l’inhibition de l’action, les pièges de la rechute, etc.). Au contraire du plaignant, le client doit admettre de ne changer que ce qui dépend de lui et doit accepter de ne pas changer ce qui ne dépend pas de lui. Ambivalence et changement Il est toujours difficile de renoncer aux idées qui ont guidé nos actions et notre pensée durant de nombreuses années (5). Autrement dit, changer n’est pas facile, et ce depuis l’enfance (l’angoisse de l’inconnu est plus forte que la douleur du connu comme le savent bien les pédopsychiatres). Tout d’abord, à titre personnel, changer est incertain. Changer suppose d’abandonner l’équilibre précaire dans lequel nous nous trouvons, c’est-à-dire quitter la rassurante illusion du mensonge et la sécurité de l’habitude pour aller vers une situation que nous ne connaissons pas. Le sujet qui est dans une situation chronique et répétitive préfère souvent la souffrance, parce qu’elle est connue, à une situation potentielle d’amélioration, parce qu’elle est inconnue et qu’elle lui fait peur. Il est alors souvent nécessaire au thérapeute d’apprendre au patient qu’il vaut mieux connaître une vérité douloureuse plutôt que de rester dans une rassurante illusion (pour citer André Comte-Sponville). D’autre part, changer n’est pas facile, parce que changer implique aussi de déranger le système environnemental, qui aura paradoxalement tendance à se défendre ! En effet, arrêter le toxique, c’est aussi changer le système familial et environnemental. Si ce changement oblige celui qui a quitté ses rôles sociaux et familiaux à les reprendre, il oblige aussi l’entourage à réapprendre à vivre avec le convalescent. L’entourage s’est organisé en fonction de la maladie addictive. Lui laisser reprendre les rôles qu’il a abandonnés ne pourra pas se faire sans une mise à plat des conflits, voire une réparation des conséquences des addictions. Conclusion Notre vision brève, concrète, communicationnelle, n’est pas meilleure qu’une autre. Elle se veut seulement pragmatique et plus en accord avec cette conception nouvelle de l’addictologie qui intervient aujourd’hui de plus en plus tôt, avec des patients moins inscrits dans la démarche thérapeutique. L’accent que nous mettons sur la contrainte cachée dans cette réflexion sur l’injonction de soins se veut un complément de réflexion s’inscrivant dans la mouvance thérapeutique actuelle des addictions qui propose aujourd’hui que l’on intègre plusieurs modèles. De notre point de vue, avant toute intervention thérapeutique, avant l’analyse motivationnelle, et même avant de définir le problème, notre premier objectif sera de trouver le véritable demandeur. En d’autres termes, qui veut que cela change ? Cela suppose de travailler avec l’entourage (ou son représentant symbolique : l’injonction) et d’entendre que la motivation du patient, même si elle nous paraît peu profonde, peu personnelle, voire contrainte, demeure le premier levier thérapeutique à utiliser. C’est souvent une situation de crise qui conduit le patient à consulter, et il ne nous apparaît plus opportun d’attendre une hypothétique demande, surtout face au problème de santé publique que constituent les comportements addictifs. ■ Références bibliographiques 1. Doutrelugne Y, Cottencin O. Thérapies brèves : outils et applications. Paris : Masson, 2005. 2. Selvini-Palazzoli M, Boscolo L, Cecchin G, Prata G. Paradoxe et contre-paradoxe. Paris : ESF, 1980. 3. Rubak S, Sandbaek A, Lauritzen T, Christensen B. Motivational interviewing: a systematic review and meta-analysis. Br J Gen Pract 2005;55(513):305-12. 4. Fisch R, Weakland JH, Segal L. Tactiques du changement. Paris : Seuil, 1982. 5. Seron C, Wittezaele JJ. Aide ou contrôle : l’intervention thérapeutique sous contrainte. Bruxelles : De Boeck, 1991. La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 3 - mai-juin 2010 | 81