La Lettre du Rhumatologue - n° 277 - décembre 2001
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Si l’on superpose ce schéma physiopathologique à l’évo-
lution clinique, on peut considérer que la première phase
correspond à un rhumatisme inflammatoire débutant qui
peut évoluer soit vers la guérison complète, soit vers la
rémission souvent très prolongée, soit encore vers un rhu-
matisme inflammatoire chronique, et l’on est alors à la
deuxième phase du processus. À ce stade, qui reste non spé-
cifique, le malade peut développer un rhumatisme inflam-
matoire bénin non destructeur avec encore possibilité de
rémission, voire de guérison. Mais il peut évoluer vers une
troisième phase, qui est une phase évolutive avec destruc-
tions osseuses et cartilagineuses, constituant alors une poly-
arthrite chronique évolutive. Actuellement, devant un rhu-
matisme inflammatoire débutant, on commence à mieux
connaître les éléments prédictifs de l’évolution vers la chro-
nicité, et secondairement vers la destruction articulaire et
le handicap. Parmi ces facteurs, on peut citer l’importance
de l’atteinte articulaire et du handicap initial, l’importance
du syndrome inflammatoire biologique (vitesse de sédi-
mentation, CRP), la positivité du facteur rhumatoïde, la pré-
sence de certains gènes HLA DRB1* 04 (avec augmen-
tation du risque si le gène est présent sur les deux
chromosomes) et le développement de lésions érosives pré-
coces. D’autres facteurs sont actuellement à l’étude, tels
que les anticorps anti-filaggrine, mais ils ne sont pas vali-
dés pour le moment. La prise en compte d’un seul de ces
facteurs n’a pas de valeur clinique suffisamment significa-
tive et, par exemple, une polyarthrite facteur rhumatoïde
positif ou HLA DRB1* 04 positif peut tout à fait évoluer
de façon bénigne ; toutefois, la prise en compte de ces fac-
teurs cumulés ou associés permet souvent d’avoir une
approche évolutive beaucoup plus précise.
Ainsi, il importe donc de retenir dès le début de la maladie
non pas tellement un diagnostic de polyarthrite rhuma-
toïdemais, de façon formelle, un diagnostic de rhumatisme
inflammatoire à partir du moment où le patient présente au
moins deux arthrites objectives. La notion de rhumatisme
débutant nécessite de porter le diagnostic dans les six pre-
miers mois d’évolution de la maladie à un stade où, a priori,
il n’y a pas de lésions irréversibles. Il est nécessaire d’éli-
miner un rhumatisme défini tel qu’une maladie lupique, une
connectivite, une arthrite virale... L’étape suivante est l’iden-
tification de facteurs pronostiques d’évolutivité, qui sera
suivie de la mise en place d’une stratégie thérapeutique
adaptée au potentiel évolutif.
✔Les patients ayant une polyarthrite débutante potentiel-
lement évolutive devront ainsi bénéficier d’un traitement
de fond précoce (avant six mois), capable de limiter (contrô-
ler) la dégradation ostéo-cartilagineuse de la maladie et
ayant une maintenance thérapeutique suffisante pour
contrôler cette même maladie à moyen terme (aujourd’hui
méthotrexate, léflunomide ; demain anti-TNF, anti-IL-1...).
Une surveillance rapprochée sera ensuite indispensable
pour réviser régulièrement la stratégie thérapeutique en
fonction de l’évolutivité de la maladie.
✔Pour les autres patients, dont le rhumatisme inflamma-
toire ou la polyarthrite auront un potentiel évolutif plus
faible, les choix thérapeutiques seront beaucoup plus larges
et adaptés en fonction de plusieurs paramètres : contrôle
des symptômes, comorbidités, rapport bénéfice-risque
propre à chaque médicament chez un individu donné, enfin,
souhaits des patients eux-mêmes. Mais, là encore, même si
les facteurs pronostiques restent favorables, une sur-
veillance régulière clinique, biologique (tous les trois mois)
et radiographique (six mois à un an) sera nécessaire pour
évaluer régulièrement l’évolutivité du rhumatisme et révi-
ser éventuellement la stratégie thérapeutique.
La prise en charge d’un rhumatisme inflammatoire (ou
polyarthrite rhumatoïde !) débutant doit évoluer. Cette prise
en charge n’est plus uniforme. Elle doit être précoce, si pos-
sible dans les six premiers mois d’évolution de la maladie,
et être adaptée à l’évolutivité potentielle du rhumatisme.
Cette prise en charge doit être adaptée à chaque patient, et
sa complexité nécessite qu’elle soit spécialisée. L’un des
principaux problèmes pour les rhumatologues est donc de
voir précocement les patients atteints de rhumatisme
inflammatoire et de convaincre leurs correspondants géné-
ralistes de leur référer les patients dès la suspicion d’un rhu-
matisme inflammatoire débutant, là où le diagnostic et la
décision thérapeutique sont les plus difficiles et avec les
plus lourdes conséquences pour l’avenir des malades. Un
certain nombre de nos collègues européens et américains
l’ont compris en créant des Early Arthritis Clinics, struc-
tures qui demandent à se développer en France.
Retenir ou non un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde
n’est finalement pas très important. Ce qui importe, c’est
de retenir un rhumatisme inflammatoire, de voir précoce-
ment les patients et de dépister et prendre en charge préco-
cement ceux qui ont un risque d’évolution vers la chroni-
cité, l’évolutivité et la destruction articulaire dans le cadre
d’une polyarthrite chronique évolutive. ■
ÉDITORIAL
Adapter le traitement
selon le potentiel évolutif
Créer de nouvelles structures
en France
Conclusion