a polyarthrite rhumatoïde est caractérisée par une
synovite qui peut conduire plus ou moins rapide-
ment à la destruction cartilagineuse et osseuse et,
à terme, à la détérioration et/ou au handicap. Il est actuel-
lement admis que les lésions radiographiques, et notam-
ment les érosions, peuvent survenir très rapidement, dès les
six premiers mois d’évolution de la maladie, et que le taux
d’érosion est maximal pendant les deux à trois premières
années. L’inflammation synoviale initiale est bien corrélée
à la destruction articulaire ultérieure. C’est également au
début de la maladie que le taux de rémission est le plus
élevé. Enfin, de nombreux arguments montrent que l’in-
flammation synoviale est plus facilement accessible aux
traitements lorsqu’elle est prise en charge précocement, à
un stade où il n’existe pas encore de lésion articulaire irré-
versible. Puisque, au tout début de l’inflammation articu-
laire, il n’y a pas ou peu de destruction articulaire, il paraît
rationnel de penser que de limiter la progression de la mala-
die à ce stade va retarder l’apparition des premières éro-
sions articulaires, et par là même retarder l’étape suivante,
qui est la mise en évidence de la destruction ostéo-cartila-
gineuse débutante et de la perte fonctionnelle, et enfin retar-
der l’étape ultime, qui est celle de la destruction articulaire
massive et du handicap.
On sait maintenant que les traitements de fond agissent effi-
cacement sur la progression radiographique et sur le déve-
loppement du handicap fonctionnel à terme, et que certains
d’entre eux sont capables de diminuer de plus de cinq fois
la progression radiographique, versus placebo. C’est pour-
quoi la plupart des auteurs recommandent actuellement
d’utiliser des traitements de fond efficaces dès le début de
la maladie, et donc dès le diagnostic. Pour pouvoir traiter
précocement une polyarthrite, il importe de définir la notion
de polyarthrite débutante, de savoir quels sont les éléments
diagnostiques de cette maladie, de voir rapidement les
patients avant le développement de lésions irréversibles et
de définir les éléments d’une stratégie thérapeutique opti-
male.
Le diagnostic de la polyarthrite rhumatoïde débutante est
difficile. Il n’y a aucun signe clinique, biologique ou histo-
logique caractéristique. Les signes radiographiques sont
trop tardifs. Il n’y a pas actuellement de critères diagnos-
tiques validés. Les critères de classification de l’ACR, que
certains utilisent, ne sont pas des critères diagnostiques et
ne sont pas adaptés au diagnostic de la polyarthrite débu-
tante. Le diagnostic repose généralement sur un faisceau
d’arguments essentiellement cliniques, et il est compliqué
par l’extrême hétérogénéité de la maladie. Si un certain
nombre de malades vont développer des érosions, des des-
tructions et des déformations articulaires, et parfois égale-
ment des manifestations extra-articulaires caractéristiques,
un nombre important de patients vont voir leur polyarthrite
évoluer favorablement vers la rémission, voire la guérison
ou, plus fréquemment, vers des arthrites chroniques mais
non érosives et peu handicapantes.
On peut schématiquement définir le processus immunopa-
thologique de la polyarthrite rhumatoïde en trois phases :
une phase d’initiation avec migration et trafic cellulaire
synovial (cette phase est dépendante des facteurs d’envi-
ronnement et non spécifique). Une seconde phase comporte
une inflammation synoviale, un recrutement cellulaire et le
développement de la synovite subaiguë. Si elle est évoca-
trice, elle n’est pas spécifique non plus. La troisième phase
comporte une angiogenèse importante, des contacts cellu-
laires, une prolifération synoviale, l’évolution vers la chro-
nicité et la destruction articulaire. Cette phase paraît tout à
fait spécifique et probablement largement dépendante de
facteurs génétiques.
La Lettre du Rhumatologue - n° 277 - décembre 2001
3
ÉDITORIAL
La polyarthrite rhumatoïde est morte.
Vive la polyarthrite chronique évolutive !
B. Combe*, M. Dougados**
*Fédération de rhumatologie, hôpital Lapeyronie, 34295 Montpellier Cedex 5.
** Université René-Descartes, service de rhumatologie B, hôpital Cochin,
75014 Paris.
L
Tr aiter précocement Tr ois phases
La Lettre du Rhumatologue - n° 277 - décembre 2001
4
Si l’on superpose ce schéma physiopathologique à l’évo-
lution clinique, on peut considérer que la première phase
correspond à un rhumatisme inflammatoire débutant qui
peut évoluer soit vers la guérison complète, soit vers la
rémission souvent très prolongée, soit encore vers un rhu-
matisme inflammatoire chronique, et l’on est alors à la
deuxième phase du processus. À ce stade, qui reste non spé-
cifique, le malade peut développer un rhumatisme inflam-
matoire bénin non destructeur avec encore possibilité de
rémission, voire de guérison. Mais il peut évoluer vers une
troisième phase, qui est une phase évolutive avec destruc-
tions osseuses et cartilagineuses, constituant alors une poly-
arthrite chronique évolutive. Actuellement, devant un rhu-
matisme inflammatoire débutant, on commence à mieux
connaître les éléments prédictifs de l’évolution vers la chro-
nicité, et secondairement vers la destruction articulaire et
le handicap. Parmi ces facteurs, on peut citer l’importance
de l’atteinte articulaire et du handicap initial, l’importance
du syndrome inflammatoire biologique (vitesse de sédi-
mentation, CRP), la positivité du facteur rhumatoïde, la pré-
sence de certains gènes HLA DRB1* 04 (avec augmen-
tation du risque si le gène est présent sur les deux
chromosomes) et le développement de lésions érosives pré-
coces. D’autres facteurs sont actuellement à l’étude, tels
que les anticorps anti-filaggrine, mais ils ne sont pas vali-
dés pour le moment. La prise en compte d’un seul de ces
facteurs n’a pas de valeur clinique suffisamment significa-
tive et, par exemple, une polyarthrite facteur rhumatoïde
positif ou HLA DRB1* 04 positif peut tout à fait évoluer
de façon bénigne ; toutefois, la prise en compte de ces fac-
teurs cumulés ou associés permet souvent d’avoir une
approche évolutive beaucoup plus précise.
Ainsi, il importe donc de retenir dès le début de la maladie
non pas tellement un diagnostic de polyarthrite rhuma-
toïdemais, de façon formelle, un diagnostic de rhumatisme
inflammatoire à partir du moment où le patient présente au
moins deux arthrites objectives. La notion de rhumatisme
débutant nécessite de porter le diagnostic dans les six pre-
miers mois d’évolution de la maladie à un stade où, a priori,
il n’y a pas de lésions irréversibles. Il est nécessaire d’éli-
miner un rhumatisme défini tel qu’une maladie lupique, une
connectivite, une arthrite virale... L’étape suivante est l’iden-
tification de facteurs pronostiques d’évolutivité, qui sera
suivie de la mise en place d’une stratégie thérapeutique
adaptée au potentiel évolutif.
Les patients ayant une polyarthrite débutante potentiel-
lement évolutive devront ainsi bénéficier d’un traitement
de fond précoce (avant six mois), capable de limiter (contrô-
ler) la dégradation ostéo-cartilagineuse de la maladie et
ayant une maintenance thérapeutique suffisante pour
contrôler cette même maladie à moyen terme (aujourd’hui
méthotrexate, léflunomide ; demain anti-TNF, anti-IL-1...).
Une surveillance rapprochée sera ensuite indispensable
pour réviser régulièrement la stratégie thérapeutique en
fonction de l’évolutivité de la maladie.
Pour les autres patients, dont le rhumatisme inflamma-
toire ou la polyarthrite auront un potentiel évolutif plus
faible, les choix thérapeutiques seront beaucoup plus larges
et adaptés en fonction de plusieurs paramètres : contrôle
des symptômes, comorbidités, rapport bénéfice-risque
propre à chaque médicament chez un individu donné, enfin,
souhaits des patients eux-mêmes. Mais, là encore, même si
les facteurs pronostiques restent favorables, une sur-
veillance régulière clinique, biologique (tous les trois mois)
et radiographique (six mois à un an) sera nécessaire pour
évaluer régulièrement l’évolutivité du rhumatisme et révi-
ser éventuellement la stratégie thérapeutique.
La prise en charge d’un rhumatisme inflammatoire (ou
polyarthrite rhumatoïde !) débutant doit évoluer. Cette prise
en charge n’est plus uniforme. Elle doit être précoce, si pos-
sible dans les six premiers mois d’évolution de la maladie,
et être adaptée à l’évolutivité potentielle du rhumatisme.
Cette prise en charge doit être adaptée à chaque patient, et
sa complexité nécessite qu’elle soit spécialisée. L’un des
principaux problèmes pour les rhumatologues est donc de
voir précocement les patients atteints de rhumatisme
inflammatoire et de convaincre leurs correspondants géné-
ralistes de leur référer les patients dès la suspicion d’un rhu-
matisme inflammatoire débutant, là où le diagnostic et la
décision thérapeutique sont les plus difficiles et avec les
plus lourdes conséquences pour l’avenir des malades. Un
certain nombre de nos collègues européens et américains
l’ont compris en créant des Early Arthritis Clinics, struc-
tures qui demandent à se développer en France.
Retenir ou non un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde
n’est finalement pas très important. Ce qui importe, c’est
de retenir un rhumatisme inflammatoire, de voir précoce-
ment les patients et de dépister et prendre en charge préco-
cement ceux qui ont un risque d’évolution vers la chroni-
cité, l’évolutivité et la destruction articulaire dans le cadre
d’une polyarthrite chronique évolutive.
ÉDITORIAL
Adapter le traitement
selon le potentiel évolutif
Créer de nouvelles structures
en France
Conclusion
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