Séminaire du Conseil académique de l`Université Paris

Séminaire du Conseil académique de l’Université Paris-Saclay du 19 janvier 2017
Question 4 : Quelle place de la culture de l’organisation dans l’innovation ?
Rédaction : Boris Julien
Intervenants :
Jean-Alain HERAUD est professeur émérite de sciences économiques à l’Université de Strasbourg et
ancien président de l’Association de Prospective Rhénane. Il a été directeur du laboratoire de
recherche en économie et gestion BETA (UMR Unistra-CNRS) pendant 10 ans. Ses publications
scientifiques s’inscrivent dans les domaines suivants : économie de l’innovation, prospective
technologique et évaluation des politiques de recherche, économie de l’énergie et de
l’environnement, développement régional et urbain.
Eric Godelier est professeur des universités agrégé de sciences de gestion. Il préside le département
des Humanités et Sciences sociales à l’École polytechnique il est également responsable du
développement et de la coordination des enseignements sur l’entreprise et le management. Ses
recherches portent sur la conception et la diffusion des outils et des modèles de management dans
une perspective historique et anthropologique.
Synthèse des allocutions :
Le propos de Jean-Alain Héraud s’est focalisé sur l’influence de la culture des organisations sur leur
capacité à générer des innovations de rupture.
Cette capacité est intimement liée à la créativité. Or elle nécessite, tant pour les individus que pour les
organisations, un esprit ludique capable de s’émanciper des règles établies, ainsi qu’une grande
souplesse culturelle. Par ces qualités, l’esprit créatif peut percevoir les interactions entre deux cadres
de référence distincts générant ainsi une innovation de rupture.
Tout l’enjeu d’une organisation est donc de créer un environnement capable de favoriser les créativités
individuelles mais aussi de les interfacer afin de générer des créativités collectives.
Cependant certaines caractéristiques culturelles de l’organisation peuvent réprimer cette créativité et
ainsi restreindre l’innovation de rupture. C’est le cas par exemple au Japon : la structure hiérarchique,
l’affectio societatis et l’importance du collectif y sont particulièrement fort. Si c’est un avantage pour
l’innovation incrémentale, cet esprit à tendance à réprimer la créativité individuelle et par là-même,
limiter la pensée en rupture.
Cette importance capitale des aspects culturels dans les organisations est le centre de l’intervention
d’Eric Godelier.
Pour fonctionner, les organisations développent des catégorisations, des outils, des méthodologies
pour la gestion, le management mais aussi pour l’innovation et le transfert de technologies. Or le
contexte de mondialisation amène les organisations à évoluer dans un environnement multiculturel.
L’implantation des filiales, la conquête de nouveaux marchés, l’externalisation de certaines tâches ou
encore les collaborations au sein même d’une organisation internationale nécessitent le
développement d’un management multiculturel.
Cependant ces organisations ont tendance à considérer que les méthodologies et les outils qu’elles
ont pu développer dans leur culture d’origine sont neutres et universels. Or ces objets sont tous
profondément imprégnés par nos cultures respectives, pouvant mettre en situation d’échec des
utilisateurs de cultures différentes. Cette négligence des aspects culturels dans des organisation à
dimension internationale a conduit à de nombreuses complications lors de fusions, dans des transferts
de technologie ou encore dans la conquête de nouveaux marchés.
Aussi dans un environnement multiculturel, l’organisation doit mettre l’humain et les cultures au
centre de ses réflexions pour analyser les origines des différences ainsi que les moyens de s’y adapter,
afin de permettre des transferts de technologie et un management efficient.
Et Paris Saclay dans tout cela ?
Une universitaire de l’assemblée a fait le parallélisme entre ces problèmes de différences culturelles
particulièrement bien décrits par Eric Godelier et ceux qu’on nous pouvons rencontrer dans notre
cluster de Paris-Saclay, notamment entre les mondes académique et entrepreneurial ou encore entre
les Universités et les écoles d’ingénieur.
Jean-Alain HERAUD nous a proposé dans son allocution un outil qui pourrait nous permettre de faire
des ponts entre ces mondes qui évoluent souvent sans se croiser. Les knowledge angels : des individus
créatifs dotés d’une grande souplesse culturelle et donc capables d’être à l’aise tant dans un
laboratoire que dans une entreprise, tant dans le milieu universitaire que dans une école d’ingénieur.
En percevant les interactions possibles entre les différents acteurs de notre cluster, ils favoriseraient
la construction d’un environnement propice à la co-création et l’innovation de rupture.
Si ce peut être un bon outil, la manière de le développer au sein de Paris-Saclay nécessitera encore
beaucoup de réflexion.
Voici cependant quelques pistes de réflexion.
- Ces knowledge angels doivent être des chercheurs et enseignant-chercheurs déjà intégrés au
sein de nos communautés académiques et entrepreneuriales. L’esprit de corps de nos
organisations (établissements, entreprises) et de nos professions (chercheurs/enseignant-
chercheurs) est si fort que des personnes extérieures spécialement recrutées à cet effet
n’auraient pas le crédit nécessaire pour récolter des informations et être écoutés par des
communautés de pairs.
- Pour que leurs actions (détection des innovations potentielles, détection de collaborations
potentielles, mise en relation des différents acteurs du plateau) soient efficaces, leur présence
sera nécessaire dans chaque laboratoire, dans les réunions pédagogiques de chaque formation
ainsi que dans les services R&D du tissu d’entreprises du plateau. Cet argument appuie la
nécessité d’avoir déjà des membres intégrés à chaque communauté.
- Ces confrères volontaires (réflexion sur un régime indemnitaire ou des accélérations de
carrières est à envisager) doivent disposer d’une double culture recherche
fondamentale/entreprise et/ou université/école d’ingénieur, ce qui nécessitera un
recensement de la part de nos services des personnes compétentes ou intéressées pour
développer cette plasticité culturelle.
- Afin de favoriser la multiplication de ces profils il est nécessaire d’encourager la mobilité des
personnels statutaires entre établissements mais également entre monde académique et
entreprises, par exemple grâce à des missions de longue durée (3 ou 4 ans) dans les entreprises
partenaires du plateau.
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