naturel dans le social par le biais d’une réflexion sur le corps. Il est frappant que ces
deux grands styles théoriques n’aient pas encore fait l’objet d’une synthèse, si celle-ci est
possible, et coexistent trop souvent dans une ignorance réciproque. Pourtant, de
nouveaux objets suscitent la convergence des problématiques, parmi lesquels on peut
retenir les questions liées à la santé (Fassin, 1996 ; Fassin et Memmi, 2004) et à
l’hygiène (Keck, 2008), ou encore au développement des nouvelles technologies
génétiques et reproductives (Strathern, 1992 ; Rabinow, 2000). L’ouverture de ces
nouveaux fronts actualise en réalité le fait que les traditions de philosophie politique et
d’anthropologie sociale du corps avaient vocation à se rencontrer, notamment en raison
du fait qu’elles partagent certains problèmes fondamentaux. Ainsi, dans les deux
traditions se pose la question tout à fait cruciale de la relation de réciprocité entre ce
qu’on pourrait appeler l’inscription et l’expression politique des corps. En effet, les
structures d’ensemble qui ordonnent les rapports sociaux comme les rapports de
pouvoir s’inscrivent sur la matérialité du corps, et induisent d’ « en haut » des
représentations de soi, et réciproquement, les usages individuels du corps s’expriment
d’ « en bas » dans des contextes collectifs qui forment leur référence obligée et souvent
tensionnelle. Ce jeu de l’inscription et de l’expression, qu’on le saisisse en termes
symboliques ou pratiques, constitue le passage obligé d’une théorie sociale qui voudrait
prendre en compte le rôle du corps, dans la mesure où ce dernier ne surgit jamais de lui-
même, isolément, mais seulement dans son articulation avec des axes plus généraux que
sont les conceptions de la naturalité, de la personne, de la communauté et du cosmos.
C’est donc parce que la problématique du corps nous invite à articuler différents
niveaux de perception et de manifestation de la réalité sociale qu’elle impose un défi à la
philosophie. Les clivages qu’elle manipule ordinairement entre physique et mental,
privé et public, nature et société, ou encore microcosme et macrocosme, se trouvent en
effet déstabilisés, et avec elles les formulations conceptuelles traditionnelles de la
corporéité humaine. Nous voudrions donc lors de cette journée d’études interroger le
complexe théorique où le corps humain intervient comme révélateur et comme
perturbateur, et ce dans l’esprit d’une synthèse philosophique des approches sociales du
corps. Sont donc conviés tous les jeunes chercheurs qui, en philosophe, mais aussi en
sociologie, anthropologie, histoire, rencontrent ces problématiques, et partent à la
recherche de cadres conceptuels originaux pour les développer.
Cette journée destinée aux doctorants et jeunes chercheurs se déroule dans le
cadre des activités du laboratoire « Logiques de l’Agir » de l’Université de Franche-
Comté (EA 2274), le 27 janvier 2010 à Besançon. Elle sera clôturée par une conférence
de F. Keck, organisée en partenariat avec le séminaire « Nature et société ».
Les propositions de communication (une page environ, présentant le domaine
d’étude et le cadre théorique employé + une rapide présentation de l’auteur et de ses
recherches) sont à faire parvenir avant fin Octobre à :
La version finale des propositions retenues devra être rendue avant fin Décembre
pour être communiquée aux discutants.
Bibliographie :
Butler, J. La vie psychique du pouvoir, Leo Scheer, 2002.