M.-C. Considère-Charon / Les Irlandais et le traité de Lisbonne
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Un défi pour le Premier ministre
Le 12 juin 2008, le rejet du traité de Lisbonne, qui était destiné à
doter l’Europe de moyens renforcés pour sa politique étrangère, à
faciliter la prise de décision à la majorité qualifiée, tout en accordant
un rôle accru aux parlements nationaux dans le processus
décisionnel, avait entamé le crédit de l’Irlande auprès de ses
partenaires européens. Les réactions des partenaires européens
avaient été très vives, allant de l’agacement à l’indignation et à la
colère. Si la pression en faveur d’une nouvelle consultation était très
forte de la part des chefs d’État, qui mettaient en cause la
responsabilité morale de l’Irlande appelée à décider du destin
institutionnel de toute l’Union, la décision d’organiser un second
référendum représentait une véritable gageure pour le Premier
ministre irlandais3. Dans les semaines qui suivirent le scrutin, alors
que l’idée d’un deuxième vote commençait à être évoquée, de
nombreuses voix s’étaient élevées en Irlande pour rejeter cette
éventualité au nom du respect de la démocratie. Le précédent de
Nice4 était encore présent dans les esprits et les Irlandais ne
semblaient aucunement disposés à revivre ce que beaucoup avaient
ressenti comme une humiliation. Si le vote de 2002 sur le traité de
Nice avait permis la ratification du traité, il n’en restait pas moins que
l’euroscepticisme avait pris racine et s’était manifesté avec force, six
ans après, à l’occasion du premier référendum sur le traité de
Lisbonne, le 12 juin 2008. L’Irlande avait alors rejeté le traité par
53,4 % de non contre 46,6 % de oui. Ce n’est qu’à la suite d’une
assez longue période de réflexion sur la façon de sortir de l’impasse
que le gouvernement opta pour un second référendum, malgré le
risque de voir le traité rejeté une fois encore. Il lui incombait de
retourner l’électorat, ce qui semblait irréalisable s’il s’agissait
exactement du même texte qu’en juin 2008.
Les autorités irlandaises avaient, dès le lendemain du vote de 2008,
tenté de cerner les préoccupations, les doutes et les craintes des
Irlandais dans le but d’y répondre grâce à une série
d’éclaircissements et de garanties dans les domaines jugés sensibles
et anxiogènes. Il fallait convaincre les Irlandais que les changements
3 M.-C. Considère-Charon , « Le non de l’Irlande au traité de Lisbonne », Politique
étrangère, vol. 73, n° 3, automne 2008.
4 Le gouvernement irlandais allait parvenir en 2002, à l’issue d’une campagne
vigoureuse, à inverser le vote d’un électorat inquiet des conséquences du grand
élargissement.