LE SYNDROME DE CYRIAX A PROPOS DE 35 OBSERVATIONS

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LE SYNDROME DE CYRIAX
A PROPOS DE 35 OBSERVATIONS
SANOU S.*, BELEMBAOGO E.*, NZENZE J.R.*, MOUSSAVOU KOMBILA J.B.*, BONGO M.**,
BOGUIKOUMA J.B.*, NGEMBY-MBINA C.*
RESUME
Cette étude prospective avait pour but d’évaluer la
fréquence du syndrome de Cyriax dans un service de
gastro-entérologie.
Elle montre l’intérêt d’évoquer ce diagnostic devant
tout syndrome douloureux du rebord costal déclenché
par la palpation, l’inspiration profonde ou la toux. Le
traitement est médical à base d’infiltration de lidocaïne
souvent associée à des corticoïdes.
Mots-clés : Syndrome Cyriax
INTRODUCTION
Le syndrome de Cyriax se caractérise par une douleur due à
une luxation chondrocostale d’une des dernières côtes (8e,
9e et 10e) qui emprisonnerait un nerf costal dont la compression lors de certains mouvements ou de certaines postures
déclencherait la douleur. La cause est toujours traumatique
de façon directe ou indirecte même si ce traumatisme passe
souvent inaperçu. Cette douleur est très trompeuse entraînant de fréquentes erreurs de diagnostic (6, 8, 10). L’évolution spontanée est imprévisible, le plus souvent elle se fait
par paroxysmes. Le traitement est médical à base d’antalgiques purs et/ou d’ anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Néanmoins on a souvent recours à des infiltrations locales
de lidocaïne et de corticoïdes. En cas d’échec, une résection costale (6, 8) est réalisée. En Afrique, ce syndrome est
peu connu et de ce fait responsable de nombreuses erreurs
diagnostiques. Le but de notre étude est de rapporter des
nouveaux cas à la littérature Africaine et surtout d’inciter
les cliniciens à évoquer cette affection devant tout syndrome douloureux du rebord costal.
MATERIEL ET METHODE
De mars 1993 à décembre 1995, 35 patients porteurs d’un
syndrome de Cyriax ont été colligés. Pour chacun des
* Service de Médecine ” A” - Centre Hospitalier de Libreville B.P. 2228
Gabon.
** Service de médecine Fondation Jeanne Ebori Libreville Gabon.
Médecine d'Afrique Noire : 1999, 46 (6)
malades, un examen clinique complet a été effectué notant :
l’état civil, le motif de consultation, les caractères de la
douleur, les signes associés, les antécédents avec recherche
d’une notion de traumatisme direct ou indirect, les signes
d’examen physique avec notamment la palpation des
rebords costaux, de l’appendice xiphoïde, des articulations
sterno-claviculaires et chondro-costales. Des examens biologiques ont été effectués comportant un bilan hépatique,
rénal, pancréatique, ainsi que des examens morphologiques
cardiaques (ECG, Rx thorax) et digestifs (gastroscopie,
coloscopie, échographie abdominale). Dans quelques cas,
un cliché du rachis dorso-lombaire a été effectué. Le critère
d’inclusion était clinique se limitant à :
- l’existence d’une douleur à l’un des deux hypochondres,
aggravée par les mouvements et calmée par le repos
absolu,
- la mise en évidence d’un point douloureux exquis sur
l’une des dernières Côtes ( 8e, 9e,10e ). Cette douleur
est immédiatement calmée par une infiltration de lidocaïne associée ou non à une injection locale de corticoïdes. Etait exclu de l’étude tout patient ne répondant
pas à un de ces critères.
RESULTATS
Sur 2300 patients vus en consultation pour douleurs abdominales pendant 2 ans, 35 présentaient un syndrome de
Cyriax.
Le sex-ratio est de 2,25 avec une moyenne d’âge de 47,5
(extrêmes 23 et 67 ans).
L’incidence sur l’ensemble des consultations était de
1,5 %. Le siège de la douleur était à droite dans 25 cas, à
gauche chez 8 malades et des deux côtés dans 2 cas.
La symptomatologie se caractérisait constamment par une
douleur plus ou moins vive, d’apparition brutale, évoluant
de façon intermittente paroxystique au début, puis finalement devenant permanente. La douleur irradiait soit à la
paroi antérieure (15 cas), soit dans le dos (10 cas), soit dans
Correspondance : Docteur Sanou Soumana - B.P. 275 Libreville Gabon
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les deux sens (3 cas) et dans 2 cas de manière diffuse. La
douleur était toujours provoquée par une mobilisation de la
paroi, une inspiration profonde, une forte toux. Elle était
calmée par le repos absolu et le décubitus homolatéral. La
palpation du rebord costal entraînait une douleur à un point
précis correspondant à l’articulation lésée. La côte concernée était par ordre de fréquence la 1ère (19 fois), la 9ème
(8 fois) la 8ème (2 fois). L’état général était toujours
conservé.
Les examens biologiques effectués étaient normaux ou non
en rapport avec la symptomatologie. Les examens morphologiques n’ont pas découvert de lésions susceptibles
d’expliquer cette douleur.
et en amont par la racine postérieure du nerf rachidien à la
chaîne sympathique para-vertébrale et aux ganglions périviscéraux. La prévalence de ce syndrome paraît faible au
vu du nombre des observations publiées à ce jour, 1 % dans
la série de MONNIN et al, 1,5 % dans notre étude. Cette
prévalence est probablement sous-estimée soit à cause de
la méconnaissance de ce syndrome, soit de la similitude
avec d’autres syndromes pariétaux, soit de son association
avec d’autres pathologies ou enfin à cause de la nonpublication de certaines observations isolées. La classe
féminine est au moins 2 fois plus touchée dans notre série.
Cette prévalence féminine a été rapportée par d’autres
auteurs (6, 7, 8).
Dans 1/3 des cas une notion de traumatisme direct a été
notée (5 accidents de la voie publique, 3 traumatismes
chirurgicaux, 2 rixes) et une notion de traumatisme indirect
chez 5 des patients (2 toux chroniques, 3 suite à des sports
violents). Dans la majorité des cas aucune cause n’a été
retrouvée.
DISCUSSION
La symptomatologie, mono-fonctionnelle, est une douleur
abdomino-thoracique déclenchée ou aggravée par certains
mouvements, évoluant depuis plusieurs mois chez un
patient dont les examens complémentaires sont négatifs, ce
qui égare souvent les médecins. L’atteinte est plus souvent
unilatérale et la 10ème côte est la localisation la plus
fréquente telle que constatée dans notre étude et rapportée
par ailleurs (7,9). La notion de traumatisme passe souvent
inaperçu. Dans notre série, la moitié des malades ne se
rappelle pas de la circonstance de survenue. La douleur fait
toujours suite à un traumatisme soit direct unique (coup de
poing, accident de la voie publique, chute, tractions vives
des écarteurs chirurgicaux) ou répété (microtraumatismes à
répétition, port régulier d’une lourde charge sur la poitrine)
soit indirect par l’intermédiaire d’une traction sur les
muscles abdominaux et inter-costaux (soulèvement d’une
lourde charge, efforts violents de traction et de pulsion,
mouvement de torsion, de flexion, d’extension brutale et
soudaine du corps dans certains sports : golf, tennis, efforts
d’accouchement, crises de toux et d’éternuements (6, 8, 10,
11).
Le syndrome douloureux du rebord costal a été décrit pour
la première fois en 1919 par E.F. CYRIAX (1) chirurgien
orthopédiste anglais. D’autres appellations ont suivi, côte
glissante ” slipping rib ” (2), côte claquante ” clicking rib”
(3), syndrome de l’extrémité costale ” rib tip syndrome ”
(4), syndrome de la côte douloureuse ” painful rib syndrome ” (5). Le mécanisme physiopathologique est bien connu
(6,7). L’extrémité chondrale luxée comprime le nerf
intercostal qui chemine sous la côte supérieure. La douleur
se propage alors en aval dans l’hypochondre droit ou
gauche dans le territoire sensitif cutané du nerf intercostal
Le syndrome de Cyriax peut simuler diverses atteintes
viscérales, thoraciques et abdominales (7), mais le vrai problème est celui de la concomitance d’autres pathologies :
reflux gastro-œsophagien, colopathie fonctionnelle, lithiase
vésiculaire. Parmi les affections de la paroi thoracique, le
syndrome de TIETZE est une inflammation douloureuse
des articulations chondro-costales supérieures et sterno-claviculaires. La xiphoïdalgie a aussi une irradiation abdominale ou thoracique, déclenchée par des mouvements. La
pression sur l’appendice xiphoïde reproduit la douleur. Le
traitement de ce syndrome est fonction de l’intensité de la
Chez 10 de nos patients une autre pathologie était associée :
5 colopathies fonctionnelles, 2 lithiases biliaires, 1 pneumopathie atypique, 1 kyste biliaire, 1 kyste rénal droit.
Sur le plan thérapeutique, 25 malades ont eu une infiltration de lidocaïne (10 ml à 2 %) associée à un corticoïde
local. Une disparition complète ou une franche amélioration
a été obtenue chez ces malades. A noter que 15 patients ont
nécessité 2 à 3 infiltrations à des intervalles de 7 et 10 jours
selon l’intensité de la douleur. Un traitement chirurgical a dû
être proposé une fois à cause des récidives fréquentes, mais
le patient a récusé cette indication.
Médecine d'Afrique Noire : 1999, 46 (6)
SANOU S., BELEMBAOGO E., NZENZE J.R., MOUSSAVOU KOMBILA J.B.,
BONGO M., BOGUIKOUMA J.B., NGEMBY-MBINA C
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douleur. Dans les douleurs vives, l’infiltration locale fait
céder immédiatement la douleur. La guérison peut survenir
après 1 à 4 infiltrations (10). Dans les douleurs modérées,
il est conseillé le port d’un demi-bandage élastique pendant
1 à 2 semaines, associé à des antalgiques per os. En cas
d’échec du traitement médical, un traitement chirurgical
qui consiste en la résection des 5 à 8 derniers centimètres
du cartilage luxé est proposé. Cette indication est rarement
nécessaire (4 % dans la série de BARKI et al., 1 sur 30
dans notre étude).
CONCLUSION
Le syndrome de Cyriax plutôt méconnu que rare doit être
évoqué et recherché systématiquement devant toute douleur de l’hypochondre par la palpation minutieuse des dernières côtes car son diagnostic repose uniquement sur
l’existence d’une douleur élective à la pression du rebord
costal. Cette pratique permettra de réduire le temps de diagnostic et évitera de multiplier les explorations coûteuses
et les traitements inadaptés.
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