
Éditorial
WWWREVMEDCH
 mars 
427
Articles publiés  
sous la direction  
du professeur
NICOLAS RODONDI
Médecin-chef 
Policlinique et  
Clinique universitaire 
de médecine interne 
générale 
Hôpital de l’Ile 
Université de Berne
 
et du docteur 
DAVID NANCHEN
Médecin-adjoint
Centre de prévention 
clinique et 
communautaire 
PMU, Lausanne
Peuton réduire  
la polypharmacie chez  
les patients multimorbides?
Pr NICOLAS RODONDI
Vous suivez une patiente de 79 ans connue 
pour une BPCO, un diabète de type 2, une 
 ostéoporose, de l’hypertension et une arthrose 
du genou. Combien de médicaments faudrait-il 
prescrire à cette patiente? Si l’on souhaite 
suivre les «guidelines», cette patiente aurait 
besoin en moyenne de douze substances dif-
férentes par jour.1 Ce cas a été publié en 2005, 
mais les «guidelines» ont peu changé depuis 
pour les patients multimorbides. 
A-t-on des études qui nous per-
met tent de définir quels traite-
ments profiteraient le plus à cette 
patiente multimorbide? Est-ce 
que cette polypharmacie ne con-
duit pas à plus de risques d’effets 
secondaires que de bénéfices et 
peut-on la réduire sans risque? 
La prise en charge des patients 
multimorbides entraîne souvent une impor-
tante polypharmacie. Une récente étude a 
montré qu’à partir de quatre comorbidités, 
50% des patients devaient prendre cinq mé-
dicaments/jour et 10% prenaient dix médi-
caments/jour, proportion montant à 40% 
chez les patients avec six comorbidités.2 Une 
étude, en Suisse, a même montré que les 
 patients dans les EMS recevaient entre 2 et 
27 médicaments/jour, avec une moyenne de 
12,8/jour.3 Cette polypharmacie n’est pas sans 
risque, notamment chez les patients âgés 
avec une diminution de la fonction rénale et 
de la clairance hépatique, augmentant le ris-
que d’effets indésirables. Elle peut conduire à 
«des cascades de prescription», avec des 
 effets secondaires conduisant à une pres-
cription de médicaments additionnels. Les 
prescriptions inappropriées sont responsa-
bles de 3% de la mortalité des patients âgés. 
La polypharmacie augmente aussi les pro-
blèmes d’adhérence, les hospitalisations, les 
troubles cognitifs, les chutes et les fractures 
de la hanche. Il est aussi estimé que jusqu’à 
20% des coûts de santé évitables sont causés 
par le surtraitement. 
La multimorbidité est un problème extrê-
mement fréquent, puisqu’elle touche 60% 
des personnes dès 65 ans et 85% dès 85 ans. 
Vu l’augmentation de l’espérance de vie, le 
nombre de patients avec multimorbidité va 
fortement augmenter ces prochaines années 
et la population de plus de 80 ans va tripler 
ces 40 prochaines années en Europe. Malgré 
la prévalence de ces patients multimorbides, 
ils sont le plus souvent exclus 
des études randomisées: 63% des 
études les excluent systématique-
ment, alors que seulement 2% 
souhaitent explicitement les in-
clure.4 On pourrait supposer que 
ces patients multimorbides ont 
le même bénéfice des traitements, 
mais plusieurs exemples, notam-
ment concernant le diabète et 
l’hypertension, ont montré que le traitement 
intensif de ces patients n’améliorait pas leur 
pronostic, voire pouvait le péjorer ou en tout 
cas augmenter le taux d’effets secondaires. 
Ces données ont conduit, pour la première 
fois, à une élévation des seuils de traitement 
du diabète et de l’hypertension dans les «gui-
delines», avec des cibles plus prudentes chez 
les patients âgés multimorbides.5 
Que peut-on faire au cabinet médical pour 
adresser le problème de la polypharmacie? 
Les critères STOPP/START, récemment dé-
crits dans ce journal,6 peuvent aider à réduire 
les médicaments inappropriés. Une étude 
 pilote a montré que l’application de ces cri-
tères à la sortie de l’hôpital permettait d’amé-
liorer l’adéquation des traitements. Grâce 
au soutien du programme Horizon 2020 de 
l’Union euro péenne, nous coordonnons l’étude 
OPERAM 7 pour évaluer le bénéfice de réduire 
la sur utilisation chez les personnes âgées 
multimorbides. Nous allons notamment étu-
dier si l’optimisation de la polypharmacie 
permet de diminuer les hospitalisations liées 
aux médicaments et d’augmenter la qualité 
ON POURRAIT 
SUPPOSER QUE 
CES PATIENTS 
MULTIMORBIDES 
ONT LE MÊME 
BÉNÉFICE DES 
TRAITEMENTS
Bibliographie
1
Boyd CM, Darer J, Boult 
C, et al. Clinical practice 
guidelines and quality of 
care for older patients 
with multiple comorbid 
diseases : Implications 
for pay for performance. 
JAMA 2005;294:716-24.
2
Payne RA, Avery AJ, 
Duerden M, et al. Preva-
lence of polypharmacy 
in a Scottish primary care 
population. Eur J Clin 
Pharmacol 2014;70:  
575-81.
3
Brulhart MI, Wermeille 
JP. Multidisciplinary me-
dication review : Evalua-
tion of a pharmaceutical 
care model for nursing 
homes. Int J Clin Pharm 
2011;33:549-57.
4
Jadad AR, To MJ, Emara 
M, Jones J. Consideration 
of multiple chronic 
 diseases in randomized 
controlled trials. JAMA 
2011;306:2670-2.
5
Mancia G, Fagard R, 
 Narkiewicz K, et al. 2013 
ESH / ESC guidelines for the 
management of arterial 
hypertension : The Task 
Force for the management 
of arterial hypertension 
of the European Society 
of Hypertension (ESH) 
and of the European 
 Society of Cardiology 
(ESC). Eur Heart J 2013; 
34:2159-219.
6
Lang PO, Boland B, 
 Dalleur O. Prescription 
médicamenteuse inap-
propriée : les nouveaux 
critères STOPP / START. 
Rev Med Suisse 2015; 
11:2115-23.
7
Luterbacher C. How less 
medicine could mean 
better health. swissinfo.
ch. 2015.
03_04_39046.indd   427 29.02.16   11:36