réunion annuelle de la SSMI E. Battegay Rev Med Suisse 2013 ; 9 : 430-1 La multimorbidité et les maladies chroniques exigent des médecins, notamment des généralistes, qu’ils mènent des réflexions complexes relatives au diagnostic et au traite­ ment, lesquels restent à explorer. En rai­ son de ces recherches, l’approche diag­ nostique et thérapeutique se transfor­ mera et la prise en charge de patients multimorbides deviendra le thème prin­ cipal des soins de santé dans le futur. Les maladies chroniques et la multimor­ bidité constituent un thème central pour les médecins de famille et les généralistes hos­ pitaliers. L’expérience personnelle issue de la pratique quotidienne selon laquelle de nombreux patients sont atteints de plusieurs maladies a été confirmée par de nombreu­ ses études. Les patients, dont la première maladie est traitée avec succès ou tenue en échec, continuent à vivre et développent ensuite éventuellement une deuxième ou une troisième maladie. Les patients vieillis­ sent, c’est pourquoi cette tendance conti­ nuera à s’accentuer. De nos jours, il est souvent attendu d’un traitement qu’il suive les recommandations fondées sur les preu­ ves. Ces recommandations se fondent sur de grandes études qui évaluent un groupe de patients défini de la manière la plus claire possible. Les patients inclus doivent, dans la mesure du possible, ne présenter aucun facteur susceptible de «fausser» un résul­ tat. Les études ne prennent en compte que les pathologies isolées et, à la rigueur, les comorbidités fréquentes. La manière dont le traitement doit être modifié en présence de deux maladies ou davantage ne fait pour l’heure l’objet que de peu de recherches. Dès lors, les médecins de famille et les gé­ néralistes hospitaliers doivent baser leurs choix de traitement sur leur connaissance de la pathologie isolée en question ainsi que sur leur expérience et leur intuition. Une nouvelle orientation est impérative La planification des ressources pour les hôpitaux et la recherche devra être re­ 430 La multimorbidité et les maladies chroniques façonnent toujours plus le quotidien des médecins pensée. La médecine de pointe a connu de grands succès au sein de certaines disci­ plines. Toutefois, le traitement de vrais pa­ tients va au-delà de la maladie dont ils sont actuellement atteints. Lors d’interventions médicales ou chirurgicales chez des patients multimorbides, la prise en charge en amont et en aval est aujourd’hui souvent plus com­ plexe. Dans les établissements hospitaliers, le généraliste hospitalier devient de ce fait particulièrement important. Cependant, dans le cadre des soins de santé primaires, les médecins sont également sollicités. Patients multimorbides et durées d’hospitalisation diminuant sans cesse évoluent en parallèle. Le traitement de ces patients multimorbides complexes est ainsi partiellement transféré dans le domaine ambulatoire. Cette évolu­ tion doit conduire à de nouveaux concepts thérapeutiques pour les patients à titre indi­ viduel et se montre capitale concernant la planification du système de santé. Elle rend nécessaire un renforcement de la méde­ cine générale interne, de la médecine de famille et de la médecine générale en éta­ blissement hospitalier ainsi qu’en ambula­ toire. Une recherche optimisée aboutit à davantage de clarté et de sécurité A l’avenir, la recherche devra également s’intéresser plus activement à la concomi­ tance des pathologies isolées. Dans le cas où un patient est atteint simultanément de deux maladies, les lignes directrices peuvent se contredire : anticoagulation en cas d’évé­ nement thrombotique survenant en même temps qu’une hémorragie. Quelle est la priorité ? Que faire en cas de traitement à la fois indiqué et contre-indiqué, comme des corticoïdes par exemple ? Existe-t-il un ­algorithme de prise de décision ? Dans le domaine de la recherche clinique, les ques­ tions sur les interactions entre les patholo­ gies sont au premier plan, notamment sur la manière dont celles-ci s’influencent mutuel­ lement. Dans la pratique, les médecins sont fréquemment confrontés à des situations dans lesquelles, avec des lignes directrices se contredisant, ils doivent prendre des dé­ cisions au sujet de différentes maladies, sans qu’elles soient réellement satisfaisan­ tes. Selon les circonstances, le traitement prescrit pour une pathologie peut en ag­ graver une autre. De telles réflexions sont beaucoup plus fréquentes que les ques­ tions relatives aux interactions médicamen­ teuses. L’établissement de nouveaux ­objectifs requiert des approches innovantes afin de trouver des solutions Dans différents domaines, la recherche sur la multimorbidité s’accélère. L’épidémio­ logie doit dresser un portrait précis du pro­ blème même si, du fait de la structure mou­ vante de la population, les chiffres absolus changent constamment. Définir le problème est également inévitable pour la politique de santé, comme l’allocation des ressources destinées aux soins de santé doit être pré­ vue suffisamment tôt. Les résultats épidé­ miologiques mettent en évidence les mala­ dies qui surviennent en cluster, c’est-à-dire généralement concomitamment, et celles qui surviennent rarement ensemble. Que des succès retentissants dans des domai­ nes très spécialisés nécessitent une réflexion sur les fondamentaux n’est pas d’actualité uniquement en médecine. La biologie a été témoin d’une tendance similaire. Après des années de spécialisation croissante, les questions relatives aux interactions entre des systèmes complexes gagnent en impor­ tance. L’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) a reconnu ces signes des temps. Pour cette raison, elle s’est dotée d’une chaire de biologie systémique il y a quelques années, laquelle s’intéresse à ces questions actuelles et brûlantes. Notre clinique (Klinik und Poliklinik für Innere Medizin, USZ) axe désormais ses recherches sur la multimor­ bidité et a fondé le réseau Multimorbidity (www.multimorbidity.net). Il s’agit d’un réseau scientifique interdisciplinaire ouvert de cher­ cheurs et d’experts en santé publique qui, outre les unités de recherche des facultés Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 20 février 2013 38_39_37050.indd 1 14.02.13 08:45 de médecine et de philosophie de l’Univer­ sité de Zurich, englobe également d’autres institutions. Ce réseau est désormais re­ connu par l’Université de Zurich en tant que centre de compétence pour la multimorbi­ dité et a, de surcroît, intégré un nouvel axe de recherche universitaire. La multimorbidité et les maladies chroni­ ques exigent des médecins, notamment des généralistes, qu’ils mènent des réflexions complexes relatives au diagnostic et au trai­ tement, lesquelles restent à explorer. Un sujet qui nous occupera encore énormé­ ment dans le futur. Pr Edouard Battegay Président de conférence dans le cadre de la 81e assemblée annuelle de la SSMI en 2013 Direktor Klinik und Poliklinik für Innere Medizin Universitätsspital Zürich 8006 Zurich Assemblée annuelle de la SSMI en 2013 Thèmes : la multimorbidité et la nouvelle structure du programme Le problème des maladies chroniques et de la multimorbidité va croissant et il sera au cœur de l’assemblée annuelle de la SSMI, du 29 au 31 mai 2013, à Bâle. Le sujet y sera abordé sous un angle médical et les conséquences de la multimorbidité au ni­ veau de la planification des soins seront évaluées. La structure du programme sera modifiée en 2013. L’objectif est de rendre le programme nettement plus compréhensible et de répondre aux besoins variés des participants. Des informations supplémen­ taires sont disponibles sur www.congrex.ch/sgim2013 ou www. sgim.ch/de/veranstaltung/sgim-jahresversammlung/2013. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 20 février 2013 38_39_37050.indd 2 431 14.02.13 08:45