Courbes elliptiques et courbes modulaires non commutatives

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Dynamique et arithmétique:
Courbes elliptiques et courbes modulaires
non commutatives
Frédéric Paugam
10 décembre 2002
Notes étayées pour un exposé aux rencontres doctorales Dinard 2002.
Résumé
Ces notes sont en révision. Seul l'auteur est responsable des erreurs qu'elle contiennent.
A utiliser avec prudence et sans aucune garantie (pour le moment).
On s'intéresse à l'espace des modules des courbes elliptiques classiques. Le bord
de cet espace décrit les dégénérescences sympathiques dans les familles de courbes
elliptiques. Du point de vue de la géométrie algébrique traditionnelle, ce bord ne
contient qu'un point qui correspond à une courbe en boucle. Si on regarde sur R, les
points non rationnels du bord correspondent à d'autres dégénérescences (feuilletages)
qui ont une interpretation géométrique très naturelle dans le cadre de la géométrie
non commutative. On rappelle ici les bases sur l'espace des modules analytique des
courbes elliptiques et on explique comment on peut voir son bord non rationnel comme
un espace de modules de courbes elliptiques non commutatives. Le tout donne un
nouveau point de vue non commutatif sur les courbes elliptiques classiques qui semble
avoir des applications arithmétiques intéressantes.
1
Table des matières
1 Références
3
2 Courbes elliptiques et courbe modulaire classiques
2.1
2.2
2.3
2.4
Courbes elliptiques . . . . . . .
Réseaux . . . . . . . . . . . . .
Courbe modulaire . . . . . . .
Comment ça dégénère au bord ?
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3 Courbes elliptiques et courbe modulaire non commutatives
3.1
3.2
3.3
3.4
3.5
Géométrie non commutative . . . . . .
Quotients topologiques pathologiques .
Courbes elliptiques non commutatives
Courbe modulaire non commutative .
Dégénérescence de structure complexe
2
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5
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Références
Ces références se trouvent soit en vente libre, soit sur http ://fr.arXiv.org.
Pour la géométrie non commutative : [Connes, Géométrie non commutative],
[Connes, Noncommutative geometry], [Connes, Noncommutative geometry year
2000].
Pour les applications arithmétiques des courbes elliptiques non commutatives :
[Manin, Real multiplication and noncommutative geometry], [Manin, Von zahlen und guren], [Manin, Theta functions, quantum tori and Heisenberg groups],
[Manin, On the distribution of continued fractions and modular symbols], [Manin, Moduli, motives, mirrors],
Pour les espaces de modules de structures non commutatives : [Soibelmann,
Quantum tori, mirror symmetry and deformation theory, p19], [SoibelmannVologodsky, Non-commutative compactications and elliptic curves], [Kontsevich, Homological algebra of mirror symmetry], [Barannikov, Quantum periods
I].
2
Courbes elliptiques et courbe modulaire classiques
2.1
Courbes elliptiques
Denition 2.1.1.
Cubique de P2 non singulière, munie d'un point 0.
Dessin:
Loi de groupe sur y 2 = x3 + x2 − x.
On va s'intéresser aux familles de courbes elliptiques. Par exemple,
Dessin:
La famille y 2 = x3 + x2 − tx de paramètre t ∈ R.
Pour t = 0, ca donne une boucle avec une singularité en 0 (voir dessin). Ce type
de courbe est appelée courbe elliptique généralisée.
2.2
Réseaux
On appelle réseau un homomorphisme injectif à image discrète
r: Λ → V
avec V un C-espace vectoriel de dimension 1 et Λ un Z-module libre de rang 2. Un
morphisme entre deux tels réseaux est un diagramme commutatif
Λ0
r0
φ
Λ
/ V0
ψ
r
/V
avec φ homomorphisme de groupes et ψ application C-linéaire. Ceci déni la catégorie
R des réseaux.
Tout réseau est isomorphe à un réseau de la forme r : Z2 → C avec r(1, 0) = 1 et
r(0, 1) = τ ∈ H = {z ∈ C|Im(z) > 0}. On écrira par abus de notation un tel réseau
[Z + τ Z].
Maintenant, tout morphisme non nul Λtau0 → Λtau est représenté (on regarde son
action sur Z2 ) par une matrice non dégénérée
a c
g=
∈ M2 (Z)
b d
3
et on peut montrer que l'action le passage par un tel morphisme de τ à τ 0 se fait par
τ0 =
c + dτ
.
a + bτ
Un tel morphisme est un isomorphisme si et seulement si g ∈ GL2 (Z). Donc l'espace
des classes d'isomorphismes de réseaux est donné par
Y = H/GL2 (Z) = H/SL2 (Z)
où SL2 (Z) agit par homographie transposée.
2.3
.
Courbe modulaire
Si on part d'un réseau Λ = [Z+τ Z], le quotient T = C/Λ est une variété analytique
On peut trouver un plongement de ce tore dans P2C grâce à la fonction de Weierstrass :
X
1
1
1
(
− 2)
P(z) = 2 +
z
(z − ω)2
ω
ω∈Λ,ω6=0
périodique sur C de période Λ. Cette fonction vérie une certaine équation
P 0 (z)2 = 4P 3 (z) − g2 (Λ)P(z) − g3 (Λ)
avec g2 et g3 des constantes dépendantes de Λ qu'on peut expliciter.
Le plongement est donné par
C/Λ →
P2
z 6= 0 7→ (P(z) : P 0 (z) : 0)
0
7→
(0 : 1 : 0) = ∞
On peut montrer que ce morphisme s'envoie surjectivement sur la courbe d'équation
y 2 = 4x3 − g2 x − g3 ,
ce qui identie C/Λ avec une courbe elliptique E/C. L'élément neutre est E 3 ∞ =
0 ∈ C/Λ.
On dénit la catégorie E ``C des courbes elliptiques comme celle des cubiques non
singulières de P2C munies des morphismes algébriques.
On peut montrer qu'on a déni un foncteur
E:
R
r : Z2 → C
→
E ``C
.
7
→
C/r(Z2 ) ⊂ P2
On a un quasi-inverse
P:
E ``C
E
→
R
7
→
{ΛE → Lie(E)}
avec Lie(E) = T0 (E) et ΛE = Ker(exp : Lie(E) → E(C)).
d'où équivalence de catégories
E ``C ∼
= R.
Ceci nous permet de dire que l'ensemble des classes d'isomorphisme de courbes
elliptiques sur C est paramétré par
Y = H/SL2 (Z).
4
C'est la courbe modulaire. Cette courbe porte une famille de courbes elliptiques (universelle=la plus grosse famille).
E
Y
On peut montrer H/SL2 (Z) ∼
= C.
2.4
Comment ça dégénère au bord ?
On se rappelle de la famille d'équation y 2 = x3 + x2 − x qui donnait en 0
Dessin:
H/SL2 (Z) = C ,→
la courbe elliptique généralisée.
P1C
Dessin:
Dégénérescence algébrique.
On devine que ca doit donner au niveau analytique.
Dessin:
3
Dégénérescence analytique du tore en cylindre pincé a l'inni quand τ → ∞.
Courbes elliptiques et courbe modulaire non com-
mutatives
D'autres dégénérescences des réseaux dans C : si on fait tendre [Z + τ Z] vers un
nombre réel irrationnel β sur le bord de H, on obtient un pseudo-réseau, c'est à dire
un morphisme
r : Z2 → C
injectif et dont l'image se trouve sur la droite réelle R ⊂ C.
Dessin:
Un τ tendant vers β irrationnel sur le bord du demi-plan de poincaré.
Cette image est dense dans la droite réelle et on ne voit pas très bien ce que c'est
géométriquement que la limite des tores C/[Z+τ Z]. Au niveau ensembliste, cela donne
C/r(Z2 )
avec r(Z2 ) dense dans la droite réelle. C'est plus proche d'un système dynamique
(feuilletage holomorphe) que d'une variété analytique.
3.1
Géométrie non commutative
Denition 3.1.1.
Une C ∗ -algèbre A est une algèbre de Banach sur C munie d'une
involution σ -linéaire où σ : C → C est la conjugaison complexe telle que
(xy)∗ = y ∗ x∗ et kx∗ xk = kxk2 pour x, y ∈ A .
Un état d'une telle algèbre unitaire est une application
ρ:A →C
avec ρ(1) = 1(unitaire).
Soit X un espace topologique compact et C(X) l'algèbre des fonctions complexes
continues sur X . C'est une C ∗ -algèbre avec l'involution donnée par la conjugaison
complexe et la norme kf k = supx∈X kf (x)k.
5
Theorem 3.1.2.
Le foncteur
Alg
:
→ C ∗ -alg
7
→
C(X)
Topc
X
induit une équivalence entre la catégorie Topc des espaces topologiques compacts avec
∗
fonctions continues et la catégorie des C -algèbres unitaires commutatives.
Le foncteur quasi-inverse est donné par le spectre
Sp : C ∗ -alg-com-unit → Topc
A
7→ Sp(A)
avec Sp(A) l'ensemble des idéaux maximaux de A.
L'idée de la topologie non commutative est de penser à une C ∗ -algèbre unitaire
non commutative comme à un espace topologique compact non commutatif.
Dans le cas d'une algèbre non commutative, le spectre est remplacé par l'espace
des classes d'équivalences de représentations irréductibles de l'algèbre dans un espace
de Hilbert.
3.2
Quotients topologiques pathologiques
On a une nouvelle manière d'exprimer des quotient pathologiques ou non. Commençons par un exemple simple : Y = {a, b}. L'algèbre des fonctions continues a
valeurs complexes sur Y est l'algèbre des matrices 2 × 2 diagonales C(Y ) = C ⊕ C,
i.e. de la forme
fa 0
f=
,
0 fb
avec fa , fb ∈ C.
Il y a deux manière d'identier a et b en quotientant Y par la relation d'équivalence
a ∼ b.
Classique : en considérant la sous-algèbre A ⊂ C(Y ) des fonctions f sur Y telles
que f (a) = f (b). On a A = C.
Nouvelle : en ajoutant à l'algèbre des fonctions sur Y l'identication entre a et
b. On considére l'algèbre plus grosse B = M2 (C) ⊃ C(Y ) de toutes les matrices
2× 2 :
faa fab
f=
.
fba fbb
Le point a correspond à la représentation (état) ωa (f ) = faa et b à ωb (f ) = fbb .
Si on restreint ces representations à C(Y ), on obtient des représentations non
équivalentes par changement de base dans C(Y ). Par contre, si on utilise la
matrice
0 1
g=
,
1 0
qui est dans la nouvelle algèbre B , on obtient
ωa (gf g −1 ) = ωb (f )
qui donne une identication entre a et b.
L'algèbre B obtenue code l'espace Y et la manière d'identier ses points.
Dans ce cas, la nouvelle algèbre obtenue n'est pas très intéressante car elle est
Morita équivalente (même catégories de modules) à celle de départ.
Par contre, si on utilise la même méthode pour coder des identications pour des
relations d'équivalences sur des espaces topologiques plus compliqués, on obtient en
général des algèbres non commutatives non équivalentes et très intéressantes.
6
Si on a une action
α : G → Aut(O(X))
d'un groupe sur une algèbre de fonctions O(X) (contenue dans une catégorie convenable d'algèbres ou de faisceaux d'algèbres) sur un espace géométrique X (par exemple
les C ∗ -algèbre des fonctions continues O(X) = C(X) ou si X est un espace sans cohomologie des faisceaux, dit de Stein, analytiques O(X) = An(X), ou encore le faisceau
OX des fonctions analytiques), l'algèbre la plus utile pour étudier l'espace quotient
(surtout quand il est pathologique) est le produit croisé :
O(G, X) := O(X) oα G.
(Dans le cas ou l'action se fait sur un faisceau de fonctions OX , on notera le produit
croisé par OX (G)).
Si l'action est sympathique, on a une équivalence de Morita
O(X/G) ∼ O(G, X).
Cette algèbre a la propriété universelle suivante : pour toute O(X)-algèbre A munie
d'une action
β : G → Aut(A)
compatible à l'application canonique O(X) → A, il existe un unique morphisme d'algèbres
O(G, X) → A
prolongeant le morphisme canonique O(X) → A.
On peut dire cela plus succintement en disant qu'on a un isomorphisme de foncteurs
HomG-algèbres (O(X), _) ∼
= HomAlgèbres (O(G, X), oubli(_)),
où oubli : G − algèbres → Algèbres est le foncteur d'oubli de l'action de G.
3.3
Courbes elliptiques non commutatives
Revenons à notre courbe elliptique Eτ = C/[Z + τ Z] = C/Λτ .
On veut savoir ce qui se passe quand
Dessin:
Im(ω) → 0.
Pour cela, on a besoin de trouver une description des courbes elliptiques qui permette de passer à la limite vers un quotient pathologique.
Pour étudier une courbe elliptique E , on peut utiliser la catégorie des faisceaux de
présentation nie sur E , notée Coh(E). Ce sont les OE -faisceaux M qui pour lesquels
il existe une suite exacte :
m
n
OE
→ OE
→ M → 0.
(ici, OE désigne le faisceau des fonctions analytiques sur E ).
En fait, c'est la catégorie dérivée de Db (Coh(E)) qui est vraiment intéressante car
on a le théorème suivant
Theorem 3.3.1.
0
Deux courbes elliptiques E et E sont isomorphes si et seulement si
b
b
0
leurs catégories dérivées D (Coh(E)) et D (Coh(E )) sont équivalentes.
Pour ne pas compliquer les notations, on va s'en tenir à Coh(E). Il se trouve que
se donner un faisceau cohérent sur E = C/Λ est équivalent à se donner un faisceau
cohérent sur C qui soit Λ-équivariant (action de Λ compatible à celle sur la base),
ce qui est équivalent à se donner un module sur l'algèbre des fonctions analytiques
7
O(C) sur C qui soit Λ-équivariant, ce qui est pareil qu'un module M sur O(Λ, C) de
présentation nie sur O(C), i.e. avec une suite exacte
O(C)m → O(C)n → M → 0
de O(C)-modules.
On a donc une description de Coh(Eτ ) compatible au passage à la limite τ →
irrationnel.
Maintenant, si on veut une description plus explicite de O(Λ, C), on peut la décrire
comme engendrée par les fonctions analytiques f sur C et des générateurs inversibles
eλ pour λ ∈ Λ sujets aux relations
f1 (z)f2 (z) = f2 (z)f1 (z), eλ eµ = eλ+µ , eλ f (z) = f (z + λ)eλ .
Si on se xe une base pour Λ = [Z + τ Z], on obtient une description encore plus
simple de l'algèbre qui sera noté O(τ, C). On peut fabriquer ainsi une C[τ ]-algèbre
O(τ, C) et qui donne une famille sur C d'algèbres notée O(_, C).
3.4
Courbe modulaire non commutative
On peut maintenant rajouter à H son bord R ∪ {∞}.On plonge donc naturellement
H dans P1C et la bonne compatication de la courbe modulaire Y = H/SL2 (Z) =
H± /GL2 (Z) est le quotient
Y = P1C /GL2 (Z).
Le problème est que ce quotient est pathologique sur le bord R ∪ {∞}. On va donc
devoir le représenter par le faisceau d'algèbres non commutatives sur P1C :
OY := OP1C (GL2 (Z)).
Rappelons la construction du bré des pseudo-réseaux sur P1C . C'est le couple
(C, Λ_ ) donné par le bré trivial C := P1C ×C → P1C et son sous-bré Λ_ := {(τ, λτ )|λτ ∈
Λτ }. On a une structure naturelle de OP1C -algèbre sur OC .
On commence par faire le quotient non commutatif C/Λ_ . Il est donné par le
faisceau d'algèbres non commutatives sur C :
OC (Λ_ ).
Ensuite, on quotiente cet espace non commutatif par l'action de GL2 (Z), ce qui
donne une OC -algèbre non commutative :
OE := OC (Λ_ , GL2 (Z)).
Comme cette algèbre non commutative est une OP1C -algèbre GL2 (Z) équivariante,
elle est munie d'une structure de OP1C (GL2 (Z))-algèbre.
Denition 3.4.1.
La courbe modulaire non commutative et la courbe elliptique non
commutative universelle sont données par le morphisme de OP1C -algèbres non commutatives
OY → OE ,
i.e. plus précisément
OP1C (GL2 (Z)) → OC (Λ_ , GL2 (Z)).
8
i
Soit H ,→ P1C l'inclusion naturelle. On a un morphisme naturel de restriction
OY → i∗ OY
induit par la propriété universelle et un autre morphisme de restriction
OE → i∗ OE
donné lui aussi par la propriété universelle.
Ceci nous permet de considérer la bre de la courbe elliptique non commutative
universelle au dessus de la courbe modulaire commutative et de voir que c'est bien la
courbe elliptique universelle classique.
C'est le bord qui est non commutatif.
3.5
Dégénérescence de structure complexe
9
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