Private Equity, un effet de mode de Gestion Financière Michel Haddad – Professeur à la FGM Diala Kobeissi – Assistant Private BANKER à la NECB, Groupe Saradar RESUME Le Private Equity ou Capital-investissement est une catégorie d’investissement à risque élevé promettant en retour une rentabilité plus élevée que celle obtenue sur d'autres instruments financiers, à savoir les actions et les obligations. Il s’agit d’une activité de désintermédiation financière qui cible les sociétés demandeuses de capitaux, des start-ups ou des entreprises en phase de croissance. Le Private Equity est le financement direct d’entreprises à travers la prise de participations, en générale minoritaire, d’un fonds d’investissement. Qu’est-ce qu’un fonds d’investissement ? Différents acteurs interviennent dans le Private Equity, à savoir les détenteurs de capitaux, les organismes de Private Equity, et les demandeurs de capitaux. Comment se fait la décision d’investissement ? Quels sont les risques et les rendements? La sortie de l’investissement est une étape importante dans le processus d’investissement en Private Equity : plusieurs modes sont accessibles, tels que l’introduction en bourse de la société cible, la cession de l’entreprise, le rachat des parts acquises par l’investisseur. Quant au Private Equity au Liban qui bénéficie d’un effet de mode ces dernières années, plusieurs fonds ont été créés en vue d’investir dans des entreprises libanaises, mais l’écosystème souffre encore d’immaturité. Mots clés Private Equity – d’investissement. désintermédiation financière – risque – rendement – fonds 1 - INTRODUCTION Le capital-investissement, ou Private Equity, est une activité qui consiste pour des investisseurs à entrer au capital de sociétés demandeuses de capitaux, appelée activité de désintermédiation financière. Ce capital-investissement concerne généralement des investissements dans des sociétés non cotées en bourse, d’où l’appellation Private Equity. Tout en partageant les risques avec la société, ces investisseurs en capital ont pour objectif la réalisation de plus-values, par la cession ou la vente de leur part à plus ou moins long terme (trois à dix ans selon les secteurs économiques). Cette sortie peut se faire soit de gré à gré1, soit par une introduction en bourse. Le Private Equity est aujourd’hui un soutien fondamental pour l’entreprise non cotée, car il constitue un facteur majeur de croissance de ces entreprises. Partenaires à long terme, les investisseurs en capital créent de la valeur en participant aux réflexions stratégiques de l’équipe dirigeante. Ils sont aussi des partenaires actifs mobilisant leurs compétences et leurs réseaux pour accompagner, professionnaliser, renforcer et accélérer la création et le développement des entreprises, générer de la croissance et de l’emploi, tout en apportant 1 Soit par une cession de l’entreprise à une tierce entité ; soit par le rachat des parts acquises par l’investisseur. 1 des conseils et un appui stratégique au management. En conséquence, l’organisme de capital-investissement suit l’entreprise de très près pour s’assurer que son potentiel de croissance est bien exploité. Enfin, les aspects non monétaires sont également essentiels pour le succès de l’investissement car ils sont une source importante de la valeur ajoutée pour les entrepreneurs. Aucun investisseur n’entre au capital de la société cible sans avoir au préalable suivi le résultat d’évaluation de celle-ci. Trois différentes techniques sont utilisées par ces investisseurs : l’actualisation des flux futurs 2 , les critères patrimoniaux 3 , et les usages sectoriels 4. Trois phases suivent ce processus de Private Equity, avant le financement, pendant le financement et à la sortie. Parmi les méthodes fondées sur l'actualisation des flux futurs, la méthode des cash-flows actualisés ou DCF est utilisée. Les cash-flows représentent de façon plus réaliste le potentiel de création de valeur de l’entreprise, car ces flux peuvent être réinjectés dans la société. Quant aux méthodes fondées sur des usages sectoriels, deux multiples sont utilisés dans l'évaluation financière d'une entreprise, le ratio Price Earning Ratio (PER), et le ratio Enterprise Value sur EBITDA (EV/EBITDA). Une question que se posent les investisseurs dans un contexte de financement : Private Equity ou Prêt bancaire ? Le développement du Private Equity au Liban est récent puisque les opportunités d’affaires et l’implantation de poids lourds du secteur en sont un témoin. On compte une dizaine d’organismes de capital-investissement, et même si le nombre de transactions et des montants engagés restent faibles, ce capital-investissement tend à se développer rapidement depuis quelques années et à être considéré comme une source fiable de financement. Ces acteurs sont principalement des banques, de grands groupes industriels, et des organismes de développement internationaux qui détiennent et gèrent des ressources à long terme dans le but de les faire fructifier. Les principaux intervenants sont: Berytech Fund, Cedrus Ventures, Middle East Venture Partners (MEVP), Riyada Enterprise Development (RED), Wamda Capital Fund, Capital Trust. Etant une activité de désintermédiation financière, la question essentielle est donc de traiter le développement du Private Equity en tant que solution de financement du cycle de vie de l’entreprise (2), tout en précisant sa place au Liban comme « un effet de mode » (3). 2 - LE CAPITAL-INVESTISSEMENT OU PRIVATE EQUITY : UNE ACTIVITE DE DESINTERMEDIATION FINANCIERE CIBLANT LES SOCIETES DEMANDEUSES DE CAPITAUX Tout en expliquant et développant les principes de l’investissement dans le fonds de Private Equity (2.1), il est nécessaire de démontrer la valeur créée (2.2). 2.1. Les approches de l'investissement dans un fonds de Private Equity 2 DCF ou Discounted Cash Flows, dividendes. Basés sur les coûts historiques, ou sur la valeur de remplacement/liquidation des actifs. 4 Multiples de chiffre d’affaires, de résultat d’exploitation, ou de profit après impôt ; PER ; prix de transactions récentes. 3 2 Plusieurs questions peuvent se poser : Comment fonctionnent les fonds d’investissements, et quelles sont les valeurs créées par l’organisme de Private Equity ? Pour y répondre, il convient de définir ce qu’est un fonds d’investissement (2.1.1), pour y introduire la notion de Private Equity (2.1.2), et déterminer la nature des investisseurs dans ce fonds (2.1.3). 2.1.1. Un fonds d’investissement Le Private Equity est le financement direct d’entreprises à travers la prise de participations, en général minoritaire, d’un fonds d’investissement. Un fonds commun de placement est construit avec de l’argent mis en commun par des investisseurs, et géré par un gestionnaire de portefeuille professionnel, l'organisme de Private Equity. En échange de leur argent dans ce fonds, les investisseurs obtiennent des parts, et sont informés à l'avance des modalités de gestion du fonds : type d'actifs financiers, politique de gestion, objectifs recherchés, frais, montant de la part, rythme de calcul de sa valeur, etc. Cela leur permet de choisir le fonds le mieux adapté à leur situation, à leurs objectifs de placement. Ce profil est établi pour appréhender la situation personnelle, la psychologie, et les types d'arbitrages d'un individu. Il servira aussi, à définir le style de gestion de son portefeuille, lié à son appétit du risque et à ses envies de rentabilité, qui est le rapport entre le degré d'aversion au risque et le gain espéré. Ainsi, les choix d'investissement dépendront d'une liste de critères, tels que l'horizon de placement (dépendant de l'âge, de la profession, des moyens financiers, de la situation de famille, de la situation fiscale, etc.), la volonté de diversification entre les secteurs, les pays, les types d'actifs financiers, etc. D’autre part, la personnalité intervient dans la définition du style de gestion : si l’investisseur a tendance à suivre le marché ou plutôt à le prendre à contre-pied. Enfin, les méthodes d’analyse technique et fondamentale sont aussi importantes. Ainsi, les organismes de gestion de portefeuille font remplir un questionnaire décrivant et testant les connaissances sur les marchés financiers, visant à déterminer le profil de l'investisseur. En général, le profil prudent désigne une forte aversion au risque, une préférence pour les placements sûrs sans possibilité de perte, et une faible volonté d'exposition aux actions. Quant au profil équilibré, il indique la recherche d'un équilibre entre rendement et risque, et enfin le profil dynamique définit une faible aversion au risque, avec des possibilités d'investissements dans des produits risqués mais rémunérateurs, comme sont souvent présentées les actions. Toute proposition de placement financier ou de fonds de placement doit faire correspondre un mode de gestion à un segment précis de clientèle. La notion du rapport entre le risque et la rentabilité est illustrée dans le schéma suivant. 3 Figure 1 : Risque et Rendement Source : Swisscanto. http://www.swisscanto.ch/ch/fr/retail/anlagefonds.html L'idée du fonds de placement consiste à réunir les capitaux de nombreux investisseurs individuels pour les placer de manière profitable. Un investisseur individuel disposant de montants très modestes peut déjà participer à une fortune collective gérée de manière professionnelle et profiter d'autres avantages tels que l’accès aux marchés internationaux qui exigeraient de plus gros montants dans le cas d’autres catégories de titres. Les placements en fonds ne sont en principe pas dépourvus de risques. Ils sont eux aussi soumis aux lois du marché. Celui qui veut réaliser un revenu plus élevé doit aussi accepter de plus grands risques. Les chances d'augmentation de valeur vont de pair avec les risques de dépréciation. Le succès d'un placement est étroitement lié à son orientation spécifique. Les fonds de placement investissent dans différents marchés de capitaux et sont de ce fait soumis à leurs fluctuations de cours respectives. Un risque accru existe avant tout pour les placements en actions, cas du Private Equity, ainsi que pour les investissements dans des monnaies étrangères. Pour pouvoir résister sans dommage aux éventuelles fluctuations de cours, l'investisseur devrait disposer d'un horizon de placement à long terme. Il existe trois grands types de fonds de placement, définis selon la catégorie d’actifs qui les composent : les fonds monétaires, les fonds obligataires et les fonds actions. En matière de Private Equity, les fonds concernés sont les fonds actions. Une action matérialise la propriété d’une partie de la société. Les actionnaires peuvent profiter de deux manières du succès de la société, soit la valeur des actions peut augmenter offrant à l’actionnaire une plus-value, soit la société peut distribuer une partie de ses profits à ses actionnaires sous forme de dividendes. Les investisseurs bénéficient de plus-values ou moins-values des actions qui composent le fonds. Les dividendes des actions sont le plus souvent réinvestis dans le fonds mais certains fonds, dits de distribution, prévoient la distribution à date fixe d’un coupon correspondant à l’ensemble des dividendes perçus. 4 Les performances historiques d’un fonds peuvent donner une idée de sa gestion, mais elles portent sur le passé : rien ne garantit que le fonds en question puisse réaliser les mêmes performances à l’avenir. Un bon indicateur de risque est donné par la volatilité qui mesure l’amplitude des variations du cours d’un actif dans le temps ; plus elle est élevée, plus l’espoir de gain est important, mais le risque de perte le serait aussi. Les fonds de placement peuvent par ailleurs êtres des fonds fermés ou des fonds ouverts. Les fonds fermés n’autorisent l’achat de parts que pendant une période de souscription initiale limitée dans le temps ; alors que les fonds ouverts, permettent d’acheter ou de vendre des parts à tout moment, puisque le nombre de ces parts en circulation s’adapte alors à la demande. La grande majorité des fonds de placements européens sont des fonds ouverts. 2.1.2. Introduction de la notion de Private Equity Le processus de financement des entreprises par les sociétés/fonds de capitalinvestissement est expliqué dans la Figure 2. Les flux entrants peuvent provenir d’établissements bancaires, de compagnies d’assurance, de caisses de retraite, d’investisseurs privés, ou d’autres types d’investisseurs. La différence entre le Venture Capital et le Private Equity est importante à noter. Le Venture Capital est un type d’investissement qui aide aux créations d'entreprises, en d’autres termes les Start-Up. Quant au Private Equity, c’est une solution d’investissement qui dépend de la stratégie de l'organisme du capital-investissement qui peut décider d’investir dans des entreprises en mauvaise situation financière, ou dans des entreprises sur le point de faire faillite en vue de les aider, ou à contrario, dans des entreprises en croissance. Figure 2 : Différents acteurs du capital-investissement Source : Capital-investissement : comment trouver celui qui vous convient ? Services et Industries. http://www.themavision.fr/jcms/rw_265760/capital-investissement-comment-trouver-celui-qui-vousconvient 5 Le schéma de la Figure 3 illustre une structure typique de rachat par le fonds de Private Equity. Ces fonds investissent dans le capital de la société financée et reçoivent comme rémunération des plus-values et des dividendes. D’une autre part, les prêteurs ou les banques fournissent à l'entreprise la dette nécessaire et encaissent en contrepartie des intérêts et le principal. Comment sont fournis les fonds nécessaires à l’entreprise ? D'une part, les fonds proviennent de sociétés à responsabilité limitée qui fournissent des capitaux et payent des frais de gestion au fonds qui à son tour, va gérer leur investissement. En contrepartie, ces sociétés sont rémunérées par des plus-values et des dividendes. D'une autre part, le(s) créateur(s) et gestionnaire(s) du fonds de Private Equity investissent dans le fonds en question, en confiant aux managers sa gestion. Comme pour les autres investisseurs, les gestionnaires du fonds fournissent les fonds propres nécessaires, qui appartiennent à l'organisme de Private Equity. Ces gestionnaires sont rémunérés par des frais de gestion, ainsi que par une part des profits et des dividendes. Quant à l'organisme de Private Equity qui aurait apporté les fonds propres, sa rémunération fait l’objet de salaires et de frais. 6 Figure 3 Source: Centre for the Study of Financial Innovation (CSFI) (2010), Financial Services Authority (FSA) (2006) and Institute of Chartered Accountants in England and Wales (ICAEW) Corporate Finance Faculty (2010). 2.1.3. La nature des investisseurs dans un fonds de Private Equity Qui sont les investisseurs dans ce fonds ? Tout en investissant dans ce fonds, les gestionnaires, à travers leurs connaissances, vont attirer de grandes sociétés, et les inciter à devenir investisseurs, des sociétés telles que l’IFC (International Finance Corporation) et la BEI (Banque Européenne d’Investissement). Depuis les années 1980, l'IFC investit dans ce marché, mais à partir des années 2000, l’organisme a créé un groupe spécifique dédié aux investissements dans ces fonds. Le portefeuille de l'IFC s'élève aujourd'hui à trois milliards de dollars, engagés dans 180 fonds, distribués largement à travers toutes les régions incluant l’Afrique, l'Asie de l'Est, l'Asie du Sud, l'Europe de l'Est, l'Amérique Latine et le Moyen-Orient, où les détenteurs de capitaux investissent dans les sociétés libanaises à partir des fonds de Private Equity libanais. 7 Quant à la Banque Européenne d'Investissement (BEI), la banque de l'Union Européenne, elle investit de même dans des fonds de Private Equity et a confié l'activité des fonds à des gestionnaires qui investissent partout dans le monde, y compris au Liban. 2.2. La valeur créée par un organisme de capital-investissement La valeur créée par l’organisme de capital-investissement dans l’entreprise financée peut être analysée sur trois périodes : une période de préfinancement (2.2.1), celle de postfinancement (2.2.2), et lors de la sortie du capital de la société (2.2.3). 2.2.1. La création de valeur lors de la phase de préfinancement Cette phase est caractérisée par une forte asymétrie d’information entre le manager de l’entreprise et l’investisseur. Ce dernier consacrera son temps et son argent pour réduire au minimum cette asymétrie : c’est la phase de screening fondée sur une analyse approfondie du business plan afin d’en dégager les points forts, les points faibles et les opportunités. La phase de préfinancement peut être source de création de valeur au sein de l’entreprise cible dans la mesure où celle-ci va s’efforcer de satisfaire aux critères des investisseurs afin de les inciter à placer dans leur projet, selon les deux phases élaborées ci-après : phase de présélection (2.2.1.1), et phase de sélection proprement dite (2.2.1.2.). 2.2.1.1. La phase de présélection Du fait du risque, de l’absence de garanties matérielles, du manque d’expérience du management et de la forte incertitude sur les cash-flows, les entreprises se heurtent à un rejet de la part des banques (phénomène de sélection adverse). Prenons le cas des startup, le profil de leur développement passe par une phase où les cash-flows sont négatifs. Si le potentiel de croissance se concrétise (option de croissance), les cash-flows deviennent alors positifs et l’entreprise commence à réaliser des bénéfices. Sa valorisation s’en trouve fortement accrue. Mais cela n’est pas certain, et les banques n’ont ni le temps ni l’expertise nécessaire pour sélectionner de tels projets. Seuls les investisseurs en capital-risque, de par leur expérience et leur savoir-faire, sont capables de sélectionner les projets risqués, de réduire les problèmes liés à l’information imparfaite et de financer les entreprises innovantes à fort potentiel de croissance. De ce fait, les entreprises peuvent tirer parti de cette première étape de présélection. La décision de financement constitue un signal de la part des investisseurs aux entreprises. En effet, une entreprise dont le projet est sélectionné peut considérer qu’elle l’a développé de telle sorte qu’il soit attractif pour les investisseurs. Par contre, une entreprise qui n’est pas sélectionnée comprendra que son projet présente des insuffisances auxquelles elle doit remédier. Elle sera par la même occasion informée sur les points d’amélioration nécessaires afin d’attirer des investisseurs potentiels. On perçoit dès lors l’importance des critères de sélection des investisseurs pour l’entreprise qui souhaite obtenir un financement. Ceux-ci constituent un repère pour cette dernière et l’effort qu’elle réalise correspond à la valeur créée par l’organisme de capitalinvestissement au sein de cette entreprise. Ceci se justifie par le fait que l’entreprise doit remplir ces critères afin d’être visible auprès des investisseurs et ainsi obtenir un financement. 8 2.2.1.2. La phase de sélection Cette phase permet une valorisation de la société, facilitant ainsi les négociations et l’attractivité à de nouveaux investisseurs. Les investisseurs valorisent la société : Une fois la sélection faite, la valorisation de l’entreprise devient primordiale à la fois pour les fondateurs comme pour l’organisme de capital-investissement. La valeur de l’entreprise correspond à celle des fonds propres de la société – Equity Value. Comme les entreprises concernées ne sont pas cotées sur un marché financier, leur valeur de marché ne peut être définie qu’indirectement par le recours à des techniques empiriques d’évaluation. Quelle que soit la méthode de valorisation utilisée, l’investisseur doit pouvoir mieux appréhender les hypothèses implicites du business plan et les facteurs clés de création de valeur. Il doit également obtenir une idée claire de l’intervalle de valeur sur lequel se situe l’entreprise. Cette étape est plus communément appelée la due diligence. Elle a pour objectif de définir la valeur de l'entreprise grâce à un audit complet 5 et par l'obtention d'informations complémentaires auprès des dirigeants et de leurs conseillers. Ce qui permet de faciliter les négociations et d’attirer de nouveaux investisseurs : Ayant une idée précise de l’estimation de son projet et sur ses besoins en capitaux, le management va entamer les négociations avec les investisseurs sur la base du business plan. De même, les investisseurs, suite à l’audit complet de l’entreprise ont une idée plus précise de la valeur du projet. Les valorisations auxquelles aboutissent chacun des deux intervenants ne doivent pas être considérées comme absolues, mais doivent servir de point de départ à un processus de négociation au bout duquel les intérêts de chacun doivent être réunis. Lors de cette phase de négociation le souci principal des managers est de lever des fonds, mais également de ne pas céder rapidement, et à un faible prix des parts de leur société. Les éléments essentiels de la négociation sont judicieusement fondés sur les arguments et les convictions des managers, comme l’urgence de leur besoin en capital, la maturité de leur projet, et le rendement attendu par l’investisseur. Le management doit cerner les attentes de son partenaire financier. Il faut être prêt à un compromis et réaliser que le succès est fondé sur une alliance d’intérêt entre les managers et les investisseurs. La réussite de cette première phase permet d’aboutir à l’étude de la deuxième phase de suivi, la phase de post financement (2.2.2.). 2.2.2. La création de valeur lors de la phase de suivi : la phase de post financement Cette phase est caractérisée par des conflits d’intérêts potentiels et une activité de contrôle et de suivi très poussée de l’organisme de capital-investissement. Les aspects non financiers jouent ici un rôle fondamental dans la création de valeur. En effet, lors de son entrée au capital d’une société en plus de l’apport d’un financement, l’investisseur s’engage à partager son expérience et son expertise avec l’entrepreneur. Durant cette phase, les deux intervenants officialisent leur partenariat par un pacte d’actionnaires. L’investisseur va mettre en place une procédure fondée sur deux leviers : un levier stratégique (suivi et contrôle de la société) et un levier juridique (pacte d’actionnaires). L’objectif de l’investisseur est de faire en sorte que le management agisse conformément aux intérêts des actionnaires et non dans son intérêt propre. 5 Nous entendons par audit complet un audit : financier, technique, commercial, des systèmes d'information et de contrôle. 9 Ainsi, un dispositif contractuel sera mis en place (2.2.2.1) pour assurer au mieux la création de valeur qui découle du financement du projet (2.2.2.2), et celle qui découle de l’expertise de l’organisme de capital-investissement (2.2.2.3). 2.2.2.1. Un dispositif contractuel qui assure que le potentiel de croissance est exploité Le financement d’une entreprise par un organisme de capital-investissement se matérialise par un certain nombre d’opérations et de contrats juridiques qui concrétisent l’accord intervenu entre le management fondateur et les investisseurs, nouveaux actionnaires de la start-up : il s’agit de la convention d’investissement et du pacte d’actionnaires. Ce dispositif permet d’organiser les rapports juridiques et financiers entre les investisseurs et les fondateurs. La convention d’investissement6 La convention d’investissement fixe les modalités de participation au capital de l’entreprise des actionnaires entrants et régit via la signature d’un protocole d’accord les relations entre les fondateurs et les investisseurs du démarrage au « closing ». Au terme de ce protocole, les investisseurs s’engagent à souscrire à un certain nombre de titres lors d’une future augmentation de capital. Les deux intervenants décident du choix des instruments financiers utilisés : actions ordinaires, actions préférentielles, obligations convertibles, etc. Le pacte d’actionnaires Ce document, extra-statutaire et confidentiel, vise à organiser les relations entre les actionnaires d’une entreprise. Il constitue un moyen de prévention des conflits d’intérêts, mais également un outil de contrôle aux mains des investisseurs 7 . Il est également indispensable pour finaliser la conclusion de l’investissement, et son contenu fait l’objet d’âpres négociations entre les fondateurs de l’entreprise et les investisseurs. En occupant une place privilégiée au conseil d’administration, l’organisme de capitalinvestissement s’assurera que l’entreprise suit bien la stratégie définie lors de l’entrée au capital, mais il pourra également s’assurer de la transparence des données financières. 2.2.2.2. La valeur créée qui découle du financement du projet Dans un souci de contrôle des actions menées par le management lors de la période post financement, mais également de par leur volonté d’optimiser leurs investissements tout en motivant les managers, les investisseurs utilisent des mécanismes de financement tels que les levées de fonds, qui lors des prochains tours de table sont fonction des performances passées de l’entreprise. 2.2.2.3. La valeur créée qui découle de l’expertise de l’organisme de capital investissement : un accès à un savoir-faire et à un réseau L’entrepreneur qui entre en collaboration avec un organisme de capital-investissement peut bénéficier de ses nombreuses années d’expérience dans le domaine et, ainsi, mieux appréhender les difficultés liées à son secteur d’activité. L’organisme de capital-investissement dispose d’une diversité de profils qui lui permettent de fournir à l’entrepreneur un savoir-faire pour développer son entreprise. En effet, ceux-ci vont apporter à l’entrepreneur les connaissances et les conseils nécessaires au succès du 6 Mascré Heguy Associés, Société d’avocats. http://www.mascreheguy.com/htm/fr/conseils/conseil_convention_investissement_pacte_actionnaires.htm 7 Contrôle des droits de propriété, des droits de vote et des droits sur les cash-flows disponibles 10 projet. Cela se matérialise autour de l’ensemble des services complémentaires qui seront offerts pour soutenir la technologie dans les zones où l’on observe des carences de compétences : marketing, finance, stratégie. Par conséquent, l’organisme de capital-investissement, grâce à l’ensemble de ses compétences, va aider l’entreprise à développer sa part dans le marché et à trouver des solutions adaptées aux difficultés qu’elle rencontre. L’entreprise pourra ainsi faire face aux défis que pose sa technologie. 2.2.3. La création de valeur lors de la phase de sortie Figure 4 : Les différentes phases du processus du capital-risque Rendement Les détenteurs de capitaux Flux Rendement Les investisseurs en capital risque (les organismes) Flux Les demandeurs de capitaux Savoir-faire managérial et accès aux marchés Gestionnaires extérieurs La sortie est une étape importante dans le processus de capital-investissement. C’est à ce niveau qu’est généré le rendement le plus important de l’investissement (Figure 4). C’est aussi la réussite de cette sortie qui illustre la valeur créée par la société de capitalinvestissement. Il existe plusieurs modes de sortie tels que l’introduction en bourse (2.2.3.1), la cession de l’entreprise (2.2.3.2), ou encore le rachat par l’organisme des parts des investisseurs (2.2.3.3). 2.2.3.1. Une introduction en bourse L’avantage de cette voie de sortie réside dans la liquidité et la sécurité qu’elle offre pour la cession des lignes de participation du fonds. Le planning et le schéma de cette cession peuvent être fixés dans leurs grandes lignes, lors de la signature des documents juridiques. Ainsi cette introduction en bourse s'avère aussi avantageuse pour la société de capitalinvestissement que pour l'entreprise. Pour l’organisme de capital-investissement, la valeur créée se forge autour de la plus-value générée par la valorisation de l’entreprise sur le marché et la liquidité qu’il va tirer de sa participation. Pour l'entreprise la valeur créée se matérialise autour de la reconnaissance, par les tiers et le marché, du parcours réalisé souvent dans l'anonymat : - La notoriété et la crédibilité de son projet auprès des nouveaux investisseurs ; - La possibilité de lever des capitaux pour permettre le développement de son projet et l'opportunité d'aborder une nouvelle couche d'actionnaires ; 11 - La possibilité d'avoir une valorisation reconnue et ainsi attirer de la liquidité en mettant des titres sur le marché. L'entreprise pourra donc poursuivre sa croissance avec de nouveaux financements et une nouvelle image, celle d'une entreprise cotée. Le mode de sortie le plus rentable et préféré est le premier appel public à l’épargne. L’inscription en bourse est profitable pour l’entreprise cible car l’entrepreneur, par les premiers appels publics à l’épargne réalisés, développera une réputation auprès des investisseurs et recevra des fonds de plus en plus importants. 2.2.3.2. Une cession de l’entreprise La cession envisagée peut être totale ou partielle, incluant les parts détenues par l’organisme de capital-investissement. Dans les deux cas, les conditions de sortie peuvent être appréciées par les deux intervenants, et l’organisme fait profiter l’entreprise de son réseau relationnel pour la recherche d’un partenaire ou d’un investisseur stratégique. La valeur créée, suite à ce deuxième procédé, réside dans la planification d’un projet commun avec l’acquéreur. En effet, ce dernier pourra profiter des synergies associées au projet. L’entreprise ayant franchi une étape de son développement, la cession permet de valoriser pleinement les efforts accomplis par l’entrepreneur et l’investisseur. Enfin, la cession constitue un moyen de céder ses titres en bénéficiant de la « prime de contrôle » et en ayant une liquidité immédiate. 2.2.3.3. Un rachat des parts acquises par l’investisseur Ce rachat peut se faire soit par les actionnaires soit par l’entreprise elle-même sous forme de réduction de capital, à condition toutefois, de ne pas dépasser le pourcentage d’autocontrôle fixé par la loi. Ces deux formules sont possibles, mais le choix d’une plutôt que de l’autre doit être en parfaite cohérence avec la politique de distribution de dividendes observée par les actionnaires. Bien entendu, le choix des deux intervenants pour l’un de ces trois schémas dépend de plusieurs paramètres : la volonté des actionnaires de se diriger ou pas vers une introduction sur le marché boursier (les avantages inhérents à une cotation étant indéniables pour l’entreprise), les cash-flows dégagés par l’entreprise, l’âge, le contexte familial et les motivations de l’actionnaire principal, sont autant de facteurs qui peuvent les orienter vers tel ou tel type de schéma de sortie. Ayant exposé clairement les éléments théoriques du Private Equity, il est possible d’étudier son impact dans la pratique au Liban. 3. LE PRIVATE EQUITY AU LIBAN, UN EFFET DE MODE CES DERNIERES ANNEES L’exposition de la genèse du Private Equity au Liban (3.1) permettra de comprendre les difficultés de son application dans le pays (3.2). 3.1. Le secteur du Private Equity au Liban Selon Marie-José Daoud, « le Private Equity a bénéficié au Liban d’un effet de mode ces dernières années : plusieurs fonds se sont créés, intéressés d’investir dans des entreprises 12 libanaises. Mais l’écosystème en entier souffre encore d’immaturité et a besoin d’unir ses efforts pour pouvoir se développer8 ». Tableau 1 : Les fonds de Private Equity opérant au Liban Organisme créateur Middle East Venture Middle East Funds L.P (MEVF) Venture Partners Berytech Fund Berytech Expansion Nom du fonds Locale Régionale Building Block Bader Equity Fund de Bader Cedrus Venture The EuroMena Capital Trust Funds Wamda Fund Wamda Riyada Entreprise Abraaj Development Fund Investissements au Liban Anghami (Streaming de musique au Moyen-Orient), Pin Pay, Falafel Games, Box and Automation Solutions Element N, Instabeat, Dermandar, Wixel Studios, BSynchro, YallaPlay Shawarmanji (restauration) Cedar Books (vente de livres en ligne) Shahiya (recettes de cuisine en ligne) Khoury Home, First National Bank, Chedid Holding, Sodamco, IBL Ubanquity (entreprise de paiement mobile) Nymgo (société de voice over IP) Source : Information extraite du Commerce du Levant, 8eannée, N°5641, Juin 2013 Les premières opérations de Private Equity au Liban remontent aux années 1990 avec le fonds Delta Capital9 qui a fait le rapprochement entre Bonjus et Taanayel. Ce n’est qu’avec le développement de l’entrepreneuriat au Liban à la fin des années 2000 que le marché commence vraiment à évoluer. Les entrepreneurs, qui sont directement concernés par la recherche de moyens de financement représentent, de ce fait, une cible de choix pour le Private Equity. Entre 2007 et 2011, plusieurs fonds ont été créés : Les fonds locaux : Byblos Venture en 2007 (de la banque du même nom) qui n’existe plus aujourd’hui dans le marché ; Berytech en 2007 ; Bader Equity Fund en 2007 ; Cedrus Venture en 2009 ; MEVF en 201110, etc. Les fonds régionaux : Wamda Fund, adossé à la plateforme de soutien à l’entreprenariat dans le monde arabe du même nom ; Riyada Entreprise Development Fund, appartenant à la holding émirienne Abraaj ; EuroMena, bras régional de Capital Trust. Cet organisme est l’un des rares à faire du Private Equity à strictement parler, à savoir, du « Growth Capital » qui permet de financer la croissance d’une entreprise et non pas financer les start-up. Les autres opèrent surtout sur le segment du « Venture Capital » qui finance une entreprise plus jeune. 8 e Daoud Marie-José, Private Equity : un marché encore immature, Le Commerce du Levant, 8 année, N°5641, Juin 2013. Un des fondateurs était Fady Abouchalache, PDG de Quilvest, un groupe international de Private Equity. 10 Middle East Venture Partners 9 13 Ainsi, au total, une quarantaine d’investissements ont été réalisés entre 2009 et 2013 dans des entreprises au Liban ou basées à l’étranger, détenues par des Libanais. Selon Ghassan Bejjani, membre de Life 11 et co-fondateur de LFE 12 , pour pouvoir qualifier le marché du Private Equity de porteur nous devrions attendre plusieurs sorties de fonds qui permettront d’établir un premier bilan. Figure 5 : e Source : Daoud Marie-José, Private Equity : un marché encore immature, Le Commerce du Levant, 8 année, N°5641.Juin 2013. Quant aux secteurs, Samer Karam, directeur de l’accélérateur de start-up Seeqnce, explique que l’essentiel des investissements a surtout eu lieu dans des entreprises technologiques. Selon lui, ces entreprises sont particulièrement attractives pour les fonds de capital-risque vu leur potentiel de croissance à court terme. Walid Hanna, Président du fonds MEVF et gérant du fonds Bader, appuie l’idée de Karam en expliquant que l’avantage du secteur des nouvelles technologies réside dans son expansion régionale ou mondiale. En effet, les entreprises dont le marché est uniquement au Liban ne sont pas intéressantes pour un organisme de Private Equity. En raison de ces obstacles et de l’étroitesse du 11 12 Lebanese International Finance Executives Lebanon for Entrepreneurs 14 marché local, l’entreprise financée doit pouvoir grandir rapidement, comme d’autres entreprises dans la région ou dans le monde. Le Liban peut servir de base et de backoffice mais le marché visé doit être régional ou mondial, expliquent Walid Hanna et Fady Abouchalache13. Ainsi, au Liban, les entrepreneurs se posent diverses questions, liées aux divers aléas de financement (3.1.1), et au mode de rémunération appliqué par les fonds de Private Equity (3.1.2). 3.1.1. Les entrepreneurs et les divers aléas de financement La question principale que se posent les entrepreneurs est : « Comment financer mon projet ? ». Ils se retrouvent ainsi confrontés à des conditions de financement quasi identiques, où les mêmes cahiers de charges sont proposés parfois à l’avantage des fonds. Cette existence de divergences stratégiques entre l’organisme de Private Equity et les fondateurs des sociétés est le signe de difficultés relationnelles entre entrepreneurs et investisseurs. Selon l’un des gérants de fonds de Private Equity au Liban consultés par nous-mêmes, leur métier est un métier de personnes, car « lorsqu’un fonds entre au capital d’une entreprise, c’est un peu comme un mariage, il faut une vision et des intérêts communs, sinon ça ne marche pas. » Les Angel Investors sont des investisseurs qui financent les tous premiers pas d’une startup. Au Liban, il n’existe pas de fonds spécialisés comme à l’étranger, ce qui fait que l’informel domine. Les entreprises sont toujours financées mais jusqu’à un certain niveau. Les fonds nécessaires aux premiers développements d’une start-up sont généralement levés par la famille et des amis. Il faut noter que les fonds de Venture Capital investissent parfois de petits montants ne dépassant pas trente mille dollars. Après avoir levé les fonds pour son démarrage, si la start-up décide d’étendre ses activités à un niveau régional nécessitant de gros investissements, aucun fonds ne sera prêt à prendre ce risque. De ce fait, il est difficile de trouver des capitaux de croissance, que ce soit au Liban ou dans la région. 3.1.2. Le mode de rémunération appliqué par les fonds de Private Equity au Liban Un fonds de Private Equity rapproche des investisseurs qui s’engagent à lui confier un certain montant généralement débloqué par tranches de 25%. Ce fonds couvre ses dépenses à travers des frais de gestion compris entre 1.5% et 3%. Au Liban, la fourchette est de 2 à 3%. Les Frais de Gestion ou Management Fees sont des charges perçues par un gestionnaire de fonds de placements rémunérant ses services. Plus le fonds est petit, plus les coûts sont grands. Au-delà d’une certaine taille, il existe des coûts de complexité à prendre en considération : taxes, audits, risques de conformité, etc. A ces frais de gestion, s’ajoute une prime de performance. Les gestionnaires de fonds ont l’option de fixer à l’avance une prime de performance (20% dans l’exemple suivant) qui sera déduite de l’excès de profit réalisé par rapport à celui promis aux investisseurs (10%). En-dessous de ce taux, les gestionnaires ne peuvent pas prétendre à des primes. Ces primes de performance font l’objet d’un paiement en faveur du gestionnaire de fonds pour la génération de rendements positifs, et plus précisément de rendements en excès. 13 CEO du groupe Quilvest et de Quilvest Private Equity 15 Exemple Valeur initiale du fonds Valeur du fonds à la liquidation $10 Millions $15 Millions Profit net Rentabilité promise $5 Millions (50%) $1 Million (10%) Surperformance Prime de performance $4 Millions $4 Millions x 20% = $800 000 Rentabilité nette de l’investisseur ($5 Millions – $800 000)/10 000 000 = 42% 3.2. Le Liban face au Private Equity Alors que le Private Equity rencontre des obstacles concrets qui nuisent à son développement (3.2.1), qu’en est-il de l’actualité dans ce domaine (3.2.2). 3.2.1. Les freins au développement du Private Equity au Liban Compte tenu des obstacles cités précédemment, et pour que le Private Equity contribue réellement à la création de richesses au Liban, il manque un acteur majeur dans cet écosystème qui est l’Etat. Son rôle de régulateur a été essentiel au développement du secteur dans des pays comme les Etats-Unis ou Israël. Pour faire la différence, le secteur devrait collaborer avec le gouvernement en veillant à mettre en relief les intérêts communs; et cela en termes de lois financières, de lois sur les sociétés, d’infrastructures, etc. Alors que le Moyen-Orient compte 300 millions d’habitants, le Liban n’en comprenant que 4 millions, ce petit pays cumule les obstacles face aux investisseurs. Tout d’abord son risque-pays élevé, vu l’instabilité politique et sécuritaire, constitue un frein majeur pour attirer les investisseurs internationaux. Il s’avère, en effet, difficile de convaincre des investisseurs de placer dans une classe d’actifs où l’argent est bloqué entre 4 et 10 ans, d’autant qu’il n’existe pas encore d’historique de succès au Liban ou dans la région, ce qui fait qu’aucune preuve de la réussite de ces fonds n’existe encore. Ensuite, la qualité du management vient s’ajouter aux obstacles. Les dirigeants qualifiés ont tendance à émigrer vers des pays plus stables qui leur offrent de meilleures opportunités, ce qui représente une faiblesse dont souffre le Liban à ce niveau. Le gérant du fonds Berytech déclare que beaucoup d’entrepreneurs dans cet organisme sont des ingénieurs handicapés par leur manque de formation en gestion des entreprises. Ici, intervient le rôle des fonds qui peuvent leur apporter l’aide nécessaire. Enfin, le dernier obstacle concerne la sortie du fonds d’investissement rendue difficile à cause de la situation embryonnaire de la bourse de Beyrouth. Dans les pays développés, l’introduction en bourse est l’une des voies de sortie les plus communes pour les entreprises d’une certaine taille. Au Liban, ceci n’est pas le cas vu la taille des entreprises libanaises, insuffisante à l’introduction en bourse. Quatre possibilités de sortie sont envisageables au Liban pour les entreprises financées par du Venture Capital ou par du Private Equity : La vente à un investisseur stratégique ; Le management buy-out : le rachat des actions du fonds par l’équipe dirigeante ; 16 La vente à un plus grand fonds spécialisé dans un autre niveau de croissance : un fonds de Private Equity qui rachète les actions d’un fonds de Venture Capital ; La fusion-acquisition de la société avec une autre entreprise de son secteur. Enfin, s’ajoute à la crainte des banques et au manque de connaissances des entreprises financées, le manque de législation. L’activité des banques étant réglementée par l’autorité de tutelle la Banque Centrale ; celle des fonds de Private Equity par contre n’est pas régulée (3.2.2). 3.2.2. Actualités du Private Equity au Liban Malgré les obstacles au développement du Private Equity au Liban, la notion commence à être plus familière ces dernières années. 14 Dans un article daté de Février 2014 , deux responsables du Private Equity au Crédit Agricole Private Banking expliquent qu’il faut parier davantage sur les actions et le Private Equity. Selon eux, la seule option pour réaliser des rendements élevés est de s’orienter vers des investissements plus volatils, à savoir les actions, certains types d’obligations, ou alternativement des investissements moins risqués mais de plus long terme, du type Private Equity. Les trois créneaux porteurs en matière de Private Equity sont : les banques, la consolidation des entreprises à petite et moyenne capitalisation en Europe et aux EtatsUnis, et les pays émergents. Le Private Equity est faible au Moyen-Orient à cause de l’orientation différente des investissements qui sont plus importants dans les titres obligataires que dans les actions, en partie grâce aux émissions obligataires dans la région du Golfe. Un des exemples connus d’investissement dans une Start-Up est « Dermandar », fondée en 2010, et qui continue de profiter d’un succès mondial par sa première application DMD Panorama. La start-up a été financée par Berytech qui, avec d’autres organismes en 2014, ont annoncé le lancement prochain d’un programme de développement de start-up libanaises dans la Silicon Valley aux Etats-Unis. Une des plus récentes actualités en matière de Private Equity est la circulaire 331 de la Banque du Liban15. Pour la première fois dans l’histoire du Liban, les banques ont le droit d’investir directement dans le capital de sociétés œuvrant dans l’économie de la connaissance. Ces dernières peuvent donc bénéficier d’un financement bancaire alternatif à l’emprunt qui est mal adapté à la situation de jeunes start-up aux fonds propres très faibles et ne pouvant donc fournir des garanties très importantes pour pouvoir bénéficier d’un crédit. Cette circulaire permet de surmonter cet obstacle et d’améliorer la capacité future de ces sociétés à obtenir des crédits. Quant aux banques, elles bénéficient d’une exposition aux risques limitée, puisque les montants investis dans ce cadre sont garantis à 75% par la Banque Centrale. Avec une enveloppe globale d’environ 400 millions de dollars, ce dispositif va donner à l’ensemble de l’écosystème les ressources nécessaires pour créer des emplois et contribuer in fine à endiguer la fuite des cerveaux qui affecte le pays. 14 Articles parus dans le Commerce du Levant de Février et Juillet 2014 Intermediate Circular No 331 addressed to Banks and Financial Institutions, amending Basic Decision No 6116 of March 7, 1996 (Facilities that may be granted by Banque du Liban to Banks and Financial Institutions) attached to Basic Circular No 23. 15 17 4. CONCLUSION Placement financier rentable, diversification du patrimoine et maintien du contact avec le monde de l’entreprise, le fonds de Private Equity cumule plusieurs avantages. Il ne s’agit toutefois pas d’un choix simple à faire. Au moment où l’investisseur entre dans un fonds, les entreprises qui en constitueront le portefeuille ne sont pas identifiées. Dans le cadre de la politique d’investissement définie pour le fonds, le gestionnaire investira selon les opportunités d’affaires qu’il générera. Celles-ci sont déterminées par des méthodes d'évaluation telles que les multiples et l'actualisation des rendements futurs. C’est aussi sur la base d’une grande confiance que s’établit la relation entre les investisseurs et les gestionnaires, ces derniers ayant, dans les limites de leur contrat, une grande liberté pendant la durée de vie du fonds pour choisir les investissements du portefeuille, les suivre et les revendre. A la différence des investisseurs en bourse qui ne disposent que d’une information publique, sans pouvoir influer directement sur la conduite des entreprises dont ils sont actionnaires, les gestionnaires du capital-investissement s’organisent pour disposer d’une information interne, et contribuent aux orientations et prises de décisions importantes pour la création de valeur dans les sociétés qui composent le portefeuille. Quant au Private Equity au Liban, il est vrai que de nombreux obstacles subsistent encore, la circulaire 331 de la Banque du Liban devrait contribuer au développement de ce secteur. BIBLIOGRAPHIE Articles Hassan A., « An explanatory study of Private Equity and Venture Capital in an Emerging Economy: Evidence from Egypt», The Journal of Private Equity, October 2012. Kheireddine Marwan, Un financement bancaire alternatif pour les start-up, Le Commerce du Levant, Juillet 2014 Khoury Bachir, « Il faut parier davantage sur les actions et le Private Equity», Le Commerce du Levant, Février 2014. Nême Cyrille, « Dermandar, un succès valorisé à plusieurs millions de dollars», Le Commerce du Levant, Février 2014. Nême Cyrille, « Des Start-ups libanaises accélérées dans la Silicon Valley en 2014», Le Commerce du Levant, Février 2014. Ouvrages Mourgues Nathalie, « Financement et Coût du Capital de l’Entreprise », Chapitre 2 Editions Economica, Collection Gestion, 1993. 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Omnes Capital, acteur de référence du capital-investissement qui participe directement au financement de l’économie en apportant aux entreprises les fonds propres nécessaires à leur développement www.omnescapital.com Lexique boursier, www.tradingsat.com http://www.lefigaro.fr/entreprise/2008/11/10/05011-20081110ARTFIG00411lecapital-investissement-en-dix-reponses-.php http://www.investopedia.com/terms/m/mezzaninefinancing.asp#ixzz2GBm96E00 http://www.lafinancepourtous.com/Decryptages/Mots-de-la-finance/LBO http://www.expertscomptables.fr/csoec/content/download/991440/25808193/version/ 2/file/methode+DCF+-+2012+04+10.pdf 19