Working Paper IMRI - Université Paris

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Working P aper IMRI
2008/07
IMRI, Université Paris Dauphine, 75775 PARIS CEDEX 16 / Tel : 33.(0)1.44.05.42.92 - Fax : 33(0)1.44.05.48.49
site internet : http://www.dauphine.fr/imri
Le financement des entreprises :
Rôle des fonds de private-equity dans
la recomposition du tissu productif
BEN SLIMANE Sonia
IMRI
Université de PARIS DAUPHINE
Place du maréchal de Lattre de Tassigny
[email protected]
1
Sommaire
1
INTRODUCTION : ............................................................................................................................................3
2
DEVELOPPEMENT DES PETITES ENTREPRISES INNOVANTES : ETAT DES LIEUX .............5
2.1
2.2
3
ENVIRONNEMENT DES PETITES ENTREPRISES: ENTRE IRRATIONALITE ET CROISSANCE ...........................6
LES CONTRAINTES DE FINANCEMENT ..........................................................................................................8
ACTIVITE DE PRIVATE EQUITY ET FINANCEMENT DES ENTREPRISES ...............................11
3.1
3.2
3.3
LES MODALITES D'INVESTISSEMENT PAR PRIVATE EQUITY ......................................................................12
LE CAPITAL INVESTISSEMENT : UNE ACTIVITE DYNAMIQUE MAIS FRAGILE ............................................14
ROLE DU CAPITAL INVESTISSEUR DANS LA CROISSANCE DE L’ ENTREPRISE ...........................................17
4
CONCLUSION ..................................................................................................................................................21
5
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ......................................................................................................22
2
1 Introduction :
L’industrie constitue le principal vecteur de croissance de l’économie en termes de
création d’emploi et d’augmentation du chiffre d’affaires (CA). Mais face à la montée
de la concurrence internationale, les déterminants de la compétitivité se basent de
plus en plus sur l’innovation. Parallèlement, les petites entreprises innovantes qui
détiennent une part importante du marché semblent contribuer à la croissance
économique. L’enjeu du développement de ces entreprises s’avère important et
s’inscrit dans une double perspective. La première est liée à la stratégie même de
l’entreprise innovante relativement au développement de son activité et sa
différenciation par rapport à la concurrence. La deuxième renvoie à la question de
recomposition du tissu industriel et ce à travers la dynamique de développement et de
renouvellement des activités, que ces entreprises enclenchent.
Dans ce contexte, la question du financement des petites entreprises innovantes au
cours de leur processus d’évolution se place au cœur de ce travail en raison des
risques et d’incertitude caractérisant leurs activités. La question de financement prête
d’autant plus à réflexion et se place ainsi au cœur du sujet, étant donné la stratégie de
Lisbonne qui vise à faire de l’Europe en 2010 l’économie la plus innovante du
monde. L’activité de private equity (capital investissement) s’est développée depuis
les années 90 en Europe. Ces fonds d’investissement proposent un nouveau mode de
financement adapté entre autres aux produits et services issus des entreprises
innovantes. Dans ce type de financement, les investisseurs assument le risque encouru
et s’engagent en qualité d’actionnaires dans le capital de l’entreprise. Au-delà de
l’analyse des modes d’implication dans les différents stades de l’entreprise, ces fonds
3
constituent un stimulateur de la croissance et un facteur de soutien des activités
innovantes. C’est dans ce cadre que s’inscrit le présent travail qui tente de déterminer
le rôle des fonds de private equity dans la recomposition du tissu industriel. Les
travaux traitant le thème du private équity (Gompers et Lerner, 1998, 2001, Fenn,
Liang et Prowse, 1995, …) sont certes limités en termes de mesures et de statistiques
des effets économiques de ce type d’activités mais présentent l’avantage de
contribuer à enrichir la réflexion à ce sujet. Ainsi, nous proposons dans une première
étape de présenter les caractéristiques des petites entreprises innovantes et leur mode
de développement. Cette étape nous semble déterminante pour la suite de ce travail
dans le sens où elle permettra d’identifier les problèmes qui freinent le
développement de ce type d’entreprises, alors que celles-ci contribuent à la croissance
d’une économie. La deuxième étape se propose de présenter les fonds de private
equity à travers les activités qu’ils financent ainsi que les modalités d’intervention
dans la vie des entreprises innovantes. Nous mettons l’accent sur les éléments qui
empêchent le développement de certaines activités du capital investissement, censées
être les mieux adaptées pour financer les premiers stades de développement des
petites entreprises.
4
2 Développement des petites entreprises innovantes : Etat des
lieux
Face à la montée de la concurrence internationale, l'innovation constitue une stratégie
qui permet d’améliorer la productivité des entreprises et d’assurer un niveau de
compétitivité élevé face aux nouveaux impératifs du marché. En effet, la
compétitivité d’une économie dépend essentiellement de sa capacité à innover.
Cependant, l’Europe n’investit pas suffisamment dans l’innovation. La part des
dépenses en R&D dans le PIB en moyenne dans les pays européens est de 2,13% et
n’atteint pas les 3% du PIB, visés pour 2010 (OCDE, 2007), alors que les pays
présentant un taux de croissance du PIB élevé, sont ceux qui investissent le plus dans
les activités de R&D (Battini, 2004). Les mesures préconisées mettent l’accent sur la
nécessité d’améliorer la réglementation et de renforcer l’esprit d’entreprise si l’on
veut faire de l’Europe en 2010, l’économie, la plus innovante du monde. Pour le cas
de la France, le PIB a augmenté de 2%, soit une croissance plus faible que celle de la
zone euro (2,7%) (Commission européenne, 2006).
S’inscrivant dans le cadre de l’analyse de la situation de la recherche et de
l’innovation en France, plusieurs rapports (OST 2006, Futuris, 2006) soulignent
l’insuffisance flagrante du financement de la R&D et suggèrent une implication plus
dynamique du financement privé de la R&D ainsi que le soutien des PME innovantes.
A ce sujet, une réflexion sur le financement de ces jeunes entreprises est nécessaire à
leurs premiers stades de développement. Cette problématique est d’autant plus
importante, compte tenu de leurs caractéristiques ainsi que leur contexte d'évolution
ayant pour effet de réduire les possibilités de financement. La partie suivante se
propose de décrire dans un premier temps, les caractéristiques des entreprises
innovantes en mettant l'accent sur leur rôle dans la croissance économique en termes
5
d’innovation. La deuxième partie se propose de déterminer l’influence du contexte
d’évolution de ce type d’entreprises sur la limitation des canaux de financement.
2.1
Environnement des petites entreprises: Entre irrationalité et croissance
Le développement des petites entreprises innovantes s’inscrit dans un contexte
économique
où
l’innovation
constitue
une
source
d’avantage
comparatif.
L’innovation n’est pas exclusivement technologique, même si bon nombre
d’entreprises appartiennent à des secteurs technologiques. Les entreprises concernées
sont d'une part les PME qui présentent une intense activité de R&D et d'autre part les
PME non technologiques. Les petites entreprises innovantes détiennent une part de
marché relativement importante dans leur niche. Leur stratégie se base selon les cas,
sur une combinaison produit/marché très spécifique, constituant ainsi une source de
différenciation
aussi
bien
technologique que commerciale.
En
effet,
les
caractéristiques d'une entreprise innovante ne se résument pas seulement à la maîtrise
d'une nouvelle technologie de pointe ou au lancement d'un nouveau produit, elles
touchent aussi la manière dont l'organisation fait face à un environnement de plus en
plus complexe et la façon dont elle assure la commercialisation de ses produits. La
taille et la spécificité des produits ou services que ces entreprises proposent leur
procurent d’une part, une certaine flexibilité qui permet une meilleure adaptation et
une meilleure réactivité face aux exigences du marché, et d’autre part une meilleure
efficacité pour répondre aux besoins. La nature des actifs mobilisés pour le cas des
entreprises innovantes est très spécifique. Ces actifs sont souvent intangibles (Noe et
Rebello, 1996) et correspondent souvent à des compétences techniques et
technologiques difficilement transférables, intégrées dans les compétences humaines.
6
Les entreprises sont ainsi considérées comme étant source de créativité, et à l'origine
de l'introduction de nouveaux produits et de nouveaux modes d’organisation. Ainsi,
une part importante des produits et des services nouveaux naît dans des petites
entreprises innovantes desquelles l’économie puise pour assurer sa compétitivité.
Parallèlement, le contexte d’évolution des entreprises innovantes peut être dominé par
des particularités "irrationnelles" (Bernasconi, Monstet, 2000) pour lesquelles les
notions de prévision, d’incertitude et de risque, prennent toute leur importance.
L’incertitude renvoie à l'efficacité technologique et économique du projet qui n’est
pas une donnée ex-ante. Ce facteur est d’autant plus important lorsqu’il s’agit
d’entreprises en phase de création de projet et pour lesquelles il existe une incertitude
quant à la validité technique et l’efficacité de la réalisation. Par ailleurs, la rentabilité
qui est un élément déterminant pour les bailleurs de fonds, est difficilement
prévisible. Elle est liée à l'existence d'une demande suffisante sur le marché
permettant d’atteindre les objectifs de rentabilité visés. Cette dimension est d’autant
plus importante, vu la réticence des investisseurs face aux projets très risqués même
s’ils sont par ailleurs très innovants. Cela veut dire qu’au fur et à mesure que le risque
augmente, la rentabilité escomptée par les investisseurs doit être telle qu’ils assument
le risque encouru. Et c’est notamment une des raisons pour lesquelles les prêteurs
exigent un niveau des garantie élevé pour certains projets.
Ces facteurs peuvent aboutir à des situations d'asymétrie d’information, dans
lesquelles des comportements opportunistes peuvent apparaître (Bebczuk, 2003). Ces
informations peuvent être liées, soit aux propriétés technologiques des produits ou
services et leurs potentialités, soit à leur capacité à répondre à une demande de
marché ou encore à leurs potentialités de rendement. L’asymétrie d’information
devient d’autant plus importante que l’incertitude sur la rentabilité est élevée et que la
7
dimension intangible prédomine le projet. Le risque encouru par les prêteurs justifie
les garanties exigées mais réduit les possibilités de financement pour les porteurs de
projets. La question du financement devient ainsi centrale dans le processus de
développement de l'entreprise innovante.
La partie suivante se propose à travers une analyse des sources de financement
classiques des projets innovants, de mettre en évidence les déficits de financement qui
limitent le développement des activités des entreprises innovantes.
2.2
Les contraintes de financement
L’intervention des différentes sources de financement pour un projet donné, tels que
les banques, les marchés financiers et les autres bailleurs de crédits, dépend
essentiellement de la nature du projet, de l’ampleur du risque lié au projet, de la
rentabilité espérée et par conséquent des garanties proposées. Paradoxalement, le
processus d’évolution d’une entreprise innovante se caractérise par une complexité de
facteurs dont l’articulation influence l’évaluation du projet au stade de financement.
En effet, les entreprises innovantes sont caractérisées par une notion qui se place au
cœur de leur processus d’évolution, à savoir l’incertitude, que les critères classiques
d’évaluation financière ne prennent pas en compte (Dert, 1997). L’incertitude renvoie
à la probabilité des échecs technique et commercial du projet. Cette notion est
d’autant plus importante lorsqu’il n’existe pas de demande pour le produit sur le
marché ou lorsque la plus value technologique ou commerciale est difficilement
reconnaissable à ce stade. D’autres facteurs non moins importants tels que, la nature
des actifs et le risque d’échec caractérisent le contexte d’évolution des entreprises
innovantes et favorisent des comportements divergents à savoir prudents de la part
des prêteurs et opportunistes de la part des porteurs de projets. D’autre part, les
8
garanties proposées sont souvent « prévisionnelles et non réelles » (Duprat, 2006), qui
se basent sur le CA et la rentabilité prévisionnels. Cependant, la prise en compte de la
notion de risque, remet en cause l’efficacité des critères d’évaluation pour le cas des
petites entreprises innovantes (Copeland, Koller et Murrin, 2000). Ce problème est
d’autant plus déterminant lorsque l’entreprise ne dispose pas d’historique permettant
aux investisseurs d’évaluer son potentiel de développement sur la base des résultats
antérieurs, et ce contrairement aux grandes entreprises qui ont moins de difficultés à
bénéficier de financements pour de nouveaux projets compte tenu de leurs résultats
antérieurs. Cette situation doit être analysée, du coté du prêteur et du dirigeant qui ont
chacun des perceptions et des stratégies différentes et souvent antagonistes face à un
contexte donné. À ce sujet, le fondement théorique de la relation entrepreneur et
prêteur est expliqué par la théorie d’agence qui s’appuie sur la relation « principalagent ». Elle décrit les relations entre l’actionnaire –principal- qui cherche à
maximiser la valeur de la firme et le manager –agent- qui cherche à maximiser le
revenu et donc la taille de son entreprise (Hart et Holstrom, 1987). La présence d’une
divergence d’intérêts ainsi que la nature intangible des investissements à financer,
pourraient déboucher sur des situations d’asymétrie d’information et des
comportements « opportunistes ». L’entrepreneur pourrait par exemple cacher
certains risques liés au projet en exploitant l’ignorance de l’investisseur sur certains
éléments de son projet. Dans ce contexte, les banques se protègent soit en augmentant
le coût des emprunts (Julien, 1997) soit en exigeant des garanties difficilement
assumées par les entreprises si ce n’est à un coût important compte tenu de
l’incertitude et des difficultés d’évaluation à ce stade (Hege 2001, Lev 2001) ou
encore en renonçant au projet le plus risqué, même si ce dernier présente des
potentialités de croissance importantes. Du côté de l’entreprise innovante, la première
9
étape de son existence correspond à la phase où il n'est sujet que d'un projet. Cette
phase est particulièrement déterminante dans la vie d'une entreprise non cotée et
constitue l’une des principales différences des entreprises candidates à des IPO (Fenn
et Liang, 1995). C’est aussi l’étape la plus difficile dans son processus de
financement, dans la mesure où l’investissement innovant n’offre aux bailleurs de
fonds ni garanties réelles aisément évaluables ni une base d’analyse longitudinale du
risque. De ce fait, le recours au financement, par les moyens traditionnels, tels que
l’emprunt bancaire par exemple est peu adapté voire incompatible avec les exigences
financières des entreprises innovantes. Cette problématique est de plus en plus
préoccupante étant donné les effets de la présence d’une proportion importante
d’entreprises innovantes sur la croissance d’une économie et sur l’innovation.
Face à l’incompatibilité en matière de financement entre les moyens classiques d’un
côté, et les exigences des entreprises innovantes de l’autre côté, l’activité de capital
investissement ou private equity -de ses origines américaines de création- semble être
mieux adaptée à la logique de développement des entreprises innovantes. La partie
suivante se propose à travers la description des modalités d’intervention des fonds de
private-equity dans les différents stades de développement des entreprises, de
déterminer l’influence du développement de cette activité sur la croissance d’une
économie notamment par le soutien des activités innovantes.
10
3 Activité de Private Equity et financement des entreprises
La première caractéristique des fonds de private équity par rapport aux autres moyens
de financement est la reconnaissance de la spécificité du contexte des projets des
petites entreprises innovantes, d’autant plus que la dimension intangible est
prédominante. De ce fait, le recours au financement par capital investissement,
constitue une alternative plus adaptée pour les entreprises non cotées, que
l’endettement bancaire en général plus aléatoire et plus coûteux (Belletante et al,
2001 et Julien, 1997). Mais au-delà de la dimension financière et non pour le moins
négligeable, la dimension dynamique de ces fonds, leur procure le statut de vecteurs
de croissance et de création de la valeur. En effet, ces fonds permettent en théorie de
pallier les difficultés financières en soutenant les petites entreprises à développer
leurs stratégies d’innovation.
La partie suivante se propose, dans un premier temps de décrire les différentes
modalités d’intervention des fonds de capital investissement dans le financement des
entreprises au cours des différents stades d’évolution. Dans un deuxième temps, il
s’agit au travers de l’analyse de leur implication dans le financement des entreprises
innovantes, d’évaluer les apports tant économiques que sur le plan de l’innovation des
fonds de private equity.
11
3.1
Les modalités d'investissement par private equity
L’activité de private equity s’est développée en Europe depuis les années 90. Sa
présence est jugée importante de par les effets économiques qu’elle engendre et ce
bien qu’elle ne se soit pas inscrite dans une logique entrepreneuriale en Europe. En
France, le chiffre d’affaires des entreprises accompagnées par des investisseurs en
capital a cru entre 2005 et 2006 de plus de 11,1% contre 5,7% pour les entreprises du
CAC 40 (AFIC, 2007) alors que le PIB n’augmentait en valeur que de 4,3% sur la
même période. Par ailleurs, on compte en France 75 % des entreprises financées par
capital investissement de moins de 250 salariés et 60 entreprises de plus de 5000
salariés (AFIC, 2007)1 et une PME de plus de 250 salariés sur quatre compte un
capital investisseur à son capital.
Parallèlement, ces fonds sont censés intervenir en qualité d'actionnaires dans les
différents stades de développement des entreprises en prenant des participations dans
le capital de petites ou moyennes entreprises généralement non cotées sur une durée
moyenne de cinq ans (Banque de France, 2007). L'intervention de ces fonds peut être
classée selon quatre segments, à savoir venture capital (capital-risque)2. capital
développement, capital transmission(LBO)3 et capital retournement. Les principales
spécialisations concernent les opérations de Leveraged buy-outs et de capital risque.
Ainsi en France, les investisseurs en Capital Risque soutiennent 1/5ème des
participations du Capital Investissement, tandis que le Capital Développement en
1
Enquête réalisée par l'AFIC sur la période sur une base d'échantillon de base de 3575 entreprises représentatives pour l le
stade de développement est renseigné et desquelles est extrait un échantillon de 827 entreprises pour lesquelles les données
sont complètes.
2
Le Capital Risque est un sous-ensemble du Private Equity et se réfère aux investissements dans les phases de démarrage, de
développement et d’expansion d'une entreprise
3
Les sociétés spécialisées dans les LBO aident les opérateurs économiques à financer l’achat d’entreprises existantes.
12
accompagne près de la moitié. Ce sont également 1/3 des entreprises qui font l’objet
d’une opération de Capital Transmission / LBO et 2 % d’entre elles sont en phase de
retournement (AFIC, 2007) :
En Europe, un plus grand nombre d’investisseurs européens sont présents sur
l’ensemble des segments du capital investissement (Hege et al 2003), avec une
dynamique
caractérisée par une part importante des opérations de rachat et de
transmission. Les stades d’amorçage et de développement ne représentent que 19%
des opérations (OCDE, 2004). Ce sont les stades où les entreprises présentent des
produits ou des services innovants. Dans les autres stades, notamment les opérations
de rachats ou de transmission, il s’agit d’entreprises déjà existantes et matures et
pour lesquelles il n’est pas forcément question d’innovation. En revanche, il est
question dans ces opérations de réorganisation dans une perspective d’efficacité et de
création de valeur.
L’implication plus soutenue de l’activité de capital investissement dans les segments
de développement et de transmission ou de rachat au détriment des segments
13
d’amorçage s’avère intéressante et fera l’objet de la partie suivante qui s’inscrit dans
une optique de contribution à la compréhension des mécanismes inhérents à l’activité.
3.2
Le capital investissement : une activité dynamique mais fragile
La comparaison de l’activité de private equity aux Etats-Unis et en Europe a fait
l’objet de plusieurs travaux empiriques et ont débouché sur la mise en évidence de
points de différence tant au niveau de l’évolution de l’activité qu’au niveau de son
implication dans les projets. À ce sujet, Hege et al (2003) constate une répartition
différente des fonds entre les deux pays. Aux Etats-Unis, les dotations sont
importantes au début du projet de financement puis diminuent au fur et à mesure que
le projet avance et s’inscrit dans une logique entreprenariale. En Europe, la répartition
des fonds est beaucoup plus linéaire. Plus spécifiquement, la répartition de l’activité
du capital investissement par stade d’évolution des entreprises est différente aux
Etats-Unis de l’Europe. Cette différence est liée à l’importance accordée
aux
investissements d’amorçage et de capital-risque. Selon l’OCDE, le ratio ‘amorçage
plus capital risque/PIB’ s’élève à 0,172 % aux Etats-Unis en 2004 alors qu’en France
il était de 0,024. Parallèlement, le niveau de collaboration entre les investisseurs est
encore très restreint en Europe et le nombre de partenariat reste faible. Hege et al
(2003) explique que ce manque de collaboration serait entre autres à l’origine de la
supériorité des taux de rendement du capital investissement américain.
En s’intéressant de plus près à l’implication de l’activité de private equity dans la
chaîne de financement des entreprises non cotées, nous pouvons les catégoriser en
deux ensembles d’opérations. Nous distinguons les opérations de développement et
de croissance appelées aussi les opérations de venture capital (amorçage, capital-
14
risque, expansion) et les opérations de rachat d’entreprises (LBO) et de transmission.
Plusieurs travaux se sont intéressés à identifier les paramètres qui influencent
l’implication de l’activité de private equity dans les différents stades de
développement des entreprises et la rendent cyclique (Gompers et Lerner, 2001).
Cette implication dans les phases d’amorçage et de développement est tributaire
d’abord de l’existence d’opportunités sur le marché boursier, c'est-à-dire de la
possibilité d’introduction en bourse (IPO) et affecte son efficacité à long terme, puis
de l’évolution du contexte technologique dans le sens du soutien des activités
innovantes et enfin de l’orientation des marchés financiers vers certains secteurs
d’activités. D’autres travaux (Da Rin et al, 2005) mettent l’accent sur
l’environnement institutionnel qui ne favorise pas la création et le financement de
PME innovantes.
Au niveau des entreprises, l’analyse des caractéristiques dans les différents modes
d’intervention de l’activité de private equity permettrait d’identifier les raisons de
cette disparité de financement. Nous retrouvons d’abord des investissements
d'amorçage, de création. Il s’agit de modes opératoires permettant à l’investisseur de
soutenir une innovation et pour lesquels l’entrepreneur manque de ressources
financières pour évaluer le potentiel économique de son projet. C’est le cas par
exemple des dépenses en recherche et développement, de réalisation de prototype, de
financement d’une étude de marché poussée (Fenn et Liang 1995). Le manque
d’implication des fonds de capital investissement dans ces phases s’expliquerait par le
fait que le contexte même qui régit les entreprises est caractérisé par une telle
incertitude sur la validité technique et commerciale du projet que le risque d’échec est
important et influe par conséquent sur la décision d’investissement. Pourtant
l’implication des fonds de private equity dans les premières phases de l’existence
15
d’une entreprise est censée réduire le risque associé au projet puisque les investisseurs
en tant qu’actionnaires futurs de l’entreprise, réorganisent les procédures de mise en
place du projet et font évoluer la relation avec le dirigeant dans le sens d’une
responsabilisation. Quant aux investissements dans les phases de post-création, de
développement, il s’agit d’une formule intermédiaire au cours de laquelle
l’investisseur accompagne au plus près les évolutions de l’entreprise. Les entreprises
disposent déjà d’un produit, d’une technologie ou un service bien définis. Dans ce
contexte, le risque n’est plus relatif au produit ou à la technologie, mais concerne le
marché. Enfin les investissements de transmission ou de succession qui concernent la
transmission des parts de certains actionnaires ayant décidé de céder leurs parts dans
l’entreprise.
Dans ce contexte, le risque est lié à l’efficacité organisationnelle pour attribuer une
valeur additionnelle à l’entreprise. C’est le cas des LBO (Leverage Buy-Out) pour
lesquels les acquéreurs décident de prendre part d’une société pour la redynamiser.
Ainsi, en France, l’activité de private equity représente une part de 15% des
investissements en 2006. Les opérations de LBO représentent 80% des
investissements en volumes avec un taux de progression annuel de 40% sur la période
1996-2006 alors que l’activité de capital-risque ne représente que 5% en volumes
(Banque de France, 2007). Cette tendance rejoint une dimension caractéristique de
l’investissement en Europe et qui est liée à la prudence dans une optique d’aversion
au risque. Ceci se traduit par un investissement plus soutenu dans les stades avancés
des cycles d’évolution des entreprises, tels que dans opérations de succession ou de
rachat d’entreprises arrivées à maturité et présentant un besoin de réorganisation tant
organisationnelles que stratégique, au détriment des opérations de capital risque pour
lesquelles il s’agit soit d’un projet ou qu’il existe une incertitude importante quant à
16
la validité commerciale du produit. Il n’en reste pas moins à souligner que les
problèmes de transmission d’entreprises et de remplacement de dirigeants
représentent des opérations fragiles et le private equity contribue souvent à la réussite
de ces opérations. La partie suivante se propose d’analyser l’impact du financement
par les fonds de private equity sur la croissance économique dans et sur le soutien de
l’innovation dans une perspective de recomposition du tissu industriel.
3.3
Rôle du capital investisseur dans la croissance de l’entreprise
Plusieurs travaux se sont intéressés à analyser l’intérêt économique du capital
investissement (Kortum et Lerner, 2000, Hellman et Puri, 2000), et ce en dépit du
débat qu’elle soulève relativement à leur périmètre d’intervention (OCDE 2004). En
effet, le rôle du capital investisseur devient de plus en plus dynamique dans le sens où
les investisseurs interviennent dans bien des cas, en proposant différents services qui
ne se limitent pas à l’apport de capitaux pour s’étendre aux fonctions managériales,
stratégiques et de marketing. Par ailleurs, d’autres rapports mettent l’accent sur le rôle
d’aiguillon que jouerait le capital investissement dans l’économie (Banque de France,
2007). A ce sujet, les entreprises françaises qui comptent dans leur actionnariat un
investisseur en capital se développent très rapidement. Elles voient leurs effectifs
progresser de 6,6% entre 2005 et 2006, un taux de croissance 4 fois supérieur à celui
constaté dans les entreprises du secteur concurrentiel qui s’établit à 1,6% (AFIC,
2007).
Cette performance est encore plus significative comparée à celle des salariés
employés en France par les entreprises du CAC 40, en baisse de 0,4% sur la même
période. Si on s’intéresse de plus près à la contribution du capital investissement au
17
développement économique nous constatons que cette activité s’étale à tous les
secteurs économiques et les secteurs traditionnels en tête. Une étude est menée par
l’AFIC (2005) sur un échantillon de 827 entreprises représentatives en termes de
stade de développement et de secteur d’activité montre que les biens et services
industriels émargent pour 18%, les services de transport pour 15%, la distribution
pour 11%, les logiciels représentent 3% et la biotechnologie 3% également.
L’observation des effets de l’engagement de ces fonds sur les emplois et ce par stade
d’intervention, montre que les entreprises en phase de création ont connu une
progression des effectifs de 35%. Pour les entreprises en phase de développement, la
croissance est de 8%. Les entreprises en transmission ont connu une progression des
effectifs de 6,3% (AFIC, 2007). En termes de croissance du CA, les entreprises en
phase de création ont connu une augmentation de l'activité de 26,9%. Les entreprises
en phase de développement ont connu une croissance de leur activité de 9,9%. Les
entreprises en phase de transmission quant à elles, ont connu une croissance de leur
activité de 11,6% :
18
Par ailleurs, le taux moyen de croissance de l'échantillon est de 11,1% sachant que les
entreprises ne figurant pas dans le top des 100 entreprises les plus performantes de
l'échantillon, présentent un taux de croissance de 9,7% pour la même période.
Parallèlement, les fonds de capital investissement permettent de dynamiser et
d’enrichir le processus de création de valeur et ce par un apport en ressources
cognitives (Charreaux, 2003). En effet, ces fonds interviennent dans une double
optique. D’abord ils interviennent dans une optique financière qui consiste à apporter
un financement supplémentaire aux financements par voie d’endettement pour la
création et le développement des entreprises. Cet engagement dure en moyenne cinq
ans. Ces fonds accompagnent aussi l’entreprise durant une phase de sa croissance et
participent aux décisions stratégiques. La plus-value réalisée lors de sa sortie du
capital de l’entreprise peut s’avérer importante d’un point de vue économique et
technologique. En effet, l’objectif financier d’augmenter la plus value financière
constitue la première motivation de l’investisseur, qui incite la société à valoriser ses
compétences et acquérir de la valeur. De ce fait, les investisseurs incitent les
entreprises à déposer plus de brevets (Gompers et Lerner, 1998) grâce à leur
intervention dans la gestion de l’entreprise et dans son orientation stratégique. Cette
différenciation facilite la coopération avec les grandes entreprises qui manquent de
flexibilité en raison de leur taille et de la maturité de leurs activités en termes
d’innovation. Cette complémentarité assure ainsi la recomposition du tissu industriel.
En conclusion l’engagement des fonds de private équity dans le capital des petites
entreprises, présente des vertus qu’on pourrait classer à deux niveaux. Au niveau
micro-économique, le capital investissement permet non seulement d’accélérer la
croissance des PME, en leur permettant non seulement d’accéder à des capitaux mais
aussi de bénéficier de l’expérience et du réseau professionnel des associés des fonds
19
et d’aligner les intérêts des managers sur ceux des actionnaires. Au niveau macro
économique, le capital investissement permet d’accroître la productivité globale de
l’économie en allouant les ressources financières aux activités les plus innovantes et
plus productives. Il n’en reste pas moins que l’édification d’une industrie du capital
investissement français et européen serait souhaitable qui permettrait d’appuyer la
dimension entreprenariale notamment dans les premiers stades de développement des
entreprises innovantes.
20
4 Conclusion
En l’absence d’un cadre clair régissant le financement des entreprises innovantes, les
fonds de private equity semblent pallier cette difficulté et soutenir l’activité
économique puisqu’ils assurent le lien entre les entreprises innovantes et les grandes
entreprises. Néanmoins, les travaux empiriques montrent que les investisseurs ont
tendance à privilégier les financements de transmission ou de rachat sources de
rentabilité au détriment des stades d’amorçage et de développement et ce en raison
d’un blocage relatif à l’aversion au risque. Etant donné les apports du financement du
capital investissement tant au niveau macro économique qu’au niveau de l’innovation
il serait nécessaire d’établir un cadre cohérent permettant d’encourager ces fonds à
investir dans les premiers stades de développement des entreprises innovantes.
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