N° 4 / Juin-Juillet 2010 En pleine forme Jasmin Bauer* était vierge à l’apparition de ses premières verrues ­génitales. Elle en eut honte mais prit conscience tard de l’importance de la maladie. Cet ébranlant diagnostic fut le point de départ d’un vrai parcours du combattant. Athena Tsatsamba Welsch Un virus sournois Sexuellement transmissible Photos : Athena Tsatsamba Welsch verrues au laser. Pendant l’intervention, le gynécologue en retire dix autres, plus petites. « Ce fut un choc quand j’appris que d’autres zones étaient touchées. » Elle est arrêtée pendant une semaine. « Après l’intervention, c’était comme une cible criblée de trous noirs. Inutile de penser à porter des vêtements étroits », se souvient-elle. Lors de la visite de contrôle, tout semble guéri. Jasmin Bauer *, 28 ans, a contracté le papillomavirus (HPV). Depuis, elle ne cesse d’être gênée par des verrues génitales. Dans le pire des cas, cette infection sexuellement transmissible peut évoluer en cancer du col de l’utérus. Il y a plus de quatre ans, en se douchant, Jasmin Bauer* remarque une altération de la taille d’une perle au niveau des parties génitales. « Je n’ai pas imaginé une seconde qu’il pouvait s’agir d’un virus », raconte l’employée de banque. « Cela ne m’a pas perturbée, c’est pourquoi je n’ai pas consulté. » A cette époque, elle n’était pas consciente de l’importance de sa maladie. Elle l’ignora jusqu’à ce qu’une autre modi38 fication apparaisse, six mois plus tard environ. Alors seulement elle se rendit chez le gynécologue. Diagnostic : verrues génitales. Jasmin Bauer se voit alors prescrire une pommade à usage externe. La jeune femme ne l’applique pas régulièrement et prend les condylomes à la légère. Au bout de trois mois, aucune amélioration en vue. Elle retourne chez le médecin et décide de se faire enlever les Contagion par contact intime D’après les indications de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), il existe plus de 100 types de papillomavirus (HPV). Tous ne sont pas dangereux. Près de 40 concernent les parties génitales. Les HPV 6, 11, 16 et 18 sont ceux qui affectent le plus souvent la santé des femmes. En Europe, les types 16 et 18 sont responsables, dans 70 pour cent des cas, du cancer du col de l’utérus. Si les virus HP 6 et 11 présentent un moindre risque en comparaison, des verrues dans 90 pour cent des cas par ces deux types peuvent néanmoins apparaître au niveau des parties génitales. N’importe qui ayant des rapports sexuels avec une personne infectée par le HPV peut con­ tracter le papillomavirus. Mais il ne passe pas forcément par l’acte sexuel. Jasmin Bauer était vierge quand elle l’a contracté. « Avec mon premier grand amour, nous ne faisions que nous caresser, ça a pu arriver à ce moment-là. » Le parcours du combattant de Jasmin Bauer *. Il suffit d’un simple contact avec la peau ou la muqueuse, comme c’est le cas dans les caresses sexuelles. Même dans les rapports sexuels, le préservatif ne permet qu’une protection limitée, car il ne couvre pas toujours complètement la partie de la peau infectée. Le problème est que l’infection évolue souvent sans qu’on s’en aperçoive, ne provoquant ni douleurs ni symptômes. Tout le monde peut transmettre le virus, sans le savoir, au premier contact intime. Au cours de leur existence, près de 70 pour cent des personnes actives sexuellement contractent le HPV. Dans près de 90 pour cent des cas, l’infection disparaît toute seule. Mais si elle persiste, en plusieurs années le virus peut évoluer en lésions précancéreuses, voire en cancer. Altérations cellulaires dans le col de l’utérus Jasmin Bauer souffre d’un énorme sentiment de culpabilité. « J’ai toujours fait attention à ma réputation. Maintenant, tout le monde pense que je suis une fille légère. » En effet, cette première intervention ne sera pas la dernière. Les verrues réapparaissent six mois après l’opération au laser. Le gynécologue oriente la patiente vers un spécialiste de l’hôpital universitaire. On lui prescrit la même crème, cette fois avec la recommandation de l’appliquer régulièrement. Bonne nouvelle : trois mois plus tard, les condylomes ne sont pas plus gros. Mauvaise nouvelle : ils n’ont pas non plus diminué. La jeune femme retourne donc voir le spécialiste. Un frottis révèle une altération des cellules du col utérin. Jasmin Bauer est ébranlée. « Soudain, le problème n’était plus les verrues mais le fait qu’elles puissent se transformer en cancer. » En mars 2007, le traitement au laser est suivi d’une seconde intervention pour retirer les lésions, appelée conisation. Au cours de la même opération, le médecin retire les verrues au laser. « Je pensais que ça ne pouvait pas être pire quand j’ai appris que l’on avait enlevé trop peu de tissus, afin de pas endommager le col de l’utérus. » Elle doit de se faire opérer une nouvelle fois. Seulement deux mois plus tard, elle subit une troisième intervention, de nouveau sous anesthésie générale. Tout semble être revenu dans l’ordre, du moins durant les mois suivant l’intervention. « J’ai eu six mois de répit. » Mais lors d’un contrôle de routine, la gynécologue constate de nouvelles altérations cellulaires dans le col utérin. En avril 2008, la quatrième intervention est inéluctable. « C’est à ce moment-là que mon médecin m’a informée que ces nombreuses opérations pouvaient entraîner des complications pour avoir un enfant. » Certes, comme elle a peur d’avoir mal, Jasmin Bauer n’est pas sexuellement active à cette période. Mais la nouvelle la secoue. Elle cesse de fumer et mange équilibré, dans l’espoir que la précédente intervention reste la dernière. Elle s’en remet de nouveau à l’équipe médicale. Tout semble terminé. Mais lors d’un contrôle de routine, six mois après la dernière intervention, le médecin découvre encore une fois des lésions. Une cinquième opération suit en novembre 2009. Possibilités de prévention D’après les indications de l’OFSP, 5000 femmes par an doivent subir une opération chirurgicale à cause des altérations tissulaires. En Suisse, tous les ans, environ 250 femmes souffrent d’un cancer du col utérin et près de 90 en meurent. Le cancer du col de l’utérus étant dans la plupart des cas provoqué par le virus HP, on en conclut que l’absence d’infection au HPV limite beaucoup la probabilité d’être touchée. Deux vaccins contre le cancer du col de l’utérus ont été autorisés par Swissmedic. Le Gardasil® est un vaccin quadrivalent, qui agit d’une part contre les HPV de types 16 et 18, à l’origine de 70 pour cent des cancers du col de l’utérus. Il est d’autre part efficace contre les HPV de types 6 et 11, responsables de 90 pour cent des verrues génitales. Le Cervarix® vient d’être autorisé. Il agit exclusivement contre les types 16 et 18 qui présentent les plus grands risques mais il ne protège pas contre les condylomes. Ces vaccins sont administrés en trois injections sur une durée approximative de six mois. Perspectives D’après l’OFSP, les risques les plus élevés de contamination par les virus HP sont courus entre 16 et 25 ans. La vaccination contre le cancer du col de l’utérus prévient une éventuelle infection au HPV. L’OFSP et la commission fédérale pour les vaccins recommandent aux jeunes filles de se faire vacciner entre leur 11e et leur 14e année, avant d’avoir leurs premiers rapports sexuels. Les jeunes filles entre 15 et 19 ans peuvent le faire en rattrapage jusque fin 2012. Après le 20e anniversaire, la décision devient individuelle et concertée avec le médecin. Plus une femme est âgée, plus la probabilité est forte qu’elle soit déjà infectée par le virus. L’utilité de la vaccination est inversement proportionnelle à l’âge. Pour Jasmin Bauer, il est déjà trop tard. « Les jeunes doivent être conscients qu’ils peuvent être contaminés, même sans rapports sexuels. » Aujourd’hui, Jasmin Bauer va aussi bien que possible. Certes, le frottis du début d’année n’a rien révélé, mais elle reste réaliste. « Je porte le virus en moi. Il me suivra toute ma vie. » * Le nom a été modifié par la rédaction. Sources www.bag.admin.ch www.cervarix.com www.gardasil.com www.tellsomeone.ch 39