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N° 4 / Juin
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Juillet 2010  En pleine forme
Un virus sournois
Sexuellement transmissible
Jasmin Bauer* était vierge à l’apparition de ses premières verrues
génitales. Elle en eut honte mais prit conscience tard de l’importance
de la maladie. Cet ébranlant diagnostic fut le point de départ d’un vrai
parcours du combattant. Athena Tsatsamba Welsch
Il y a plus de quatre ans, en se dou-
chant, Jasmin Bauer* remarque une al-
tération de la taille d’une perle au ni-
veau des parties génitales. « Je n’ai pas
imaginé une seconde qu’il pouvait
s’agir d’un virus », raconte l’employée
de banque. « Cela ne m’a pas pertur-
bée, c’est pourquoi je n’ai pas consulté. »
A cette époque, elle n’était pas consciente
de l’importance de sa maladie. Elle
l’ignora jusqu’à ce qu’une autre modi-
fication apparaisse, six mois plus tard
environ. Alors seulement elle se rendit
chez le gynécologue. Diagnostic : ver-
rues génitales.
Jasmin Bauer se voit alors prescrire une
pommade à usage externe. La jeune
femme ne l’applique pas régulièrement
et prend les condylomes à la légère. Au
bout de trois mois, aucune améliora-
tion en vue. Elle retourne chez le mé-
decin et décide de se faire enlever les
verrues au laser. Pendant l’intervention,
le gynécologue en retire dix autres, plus
petites. « Ce fut un choc quand j’appris
que d’autres zones étaient touchées. »
Elle est arrêtée pendant une semaine.
« Après l’intervention, c’était comme
une cible criblée de trous noirs. Inutile
de penser à porter des vêtements
étroits », se souvient-elle. Lors de la vi-
site de contrôle, tout semble guéri.
Contagion par contact intime
D’après les indications de l’Office fédé-
ral de la santé publique (OFSP), il existe
plus de 100 types de papillomavirus
(HPV). Tous ne sont pas dangereux.
Près de 40 concernent les parties gé-
nitales. Les HPV 6, 11, 16 et 18 sont
ceux qui affectent le plus souvent la
santé des femmes. En Europe, les types
16 et 18 sont responsables, dans 70
pour cent des cas, du cancer du col de
l’utérus. Si les virus HP 6 et 11 présen-
tent un moindre risque en comparai-
son, des verrues dans 90 pour cent
des cas par ces deux types peuvent
néanmoins apparaître au niveau des
parties génitales. N’importe qui ayant
des rapports sexuels avec une per-
sonne infectée par le HPV peut con-
tracter le papillomavirus. Mais il ne
passe pas forcément par l’acte sexuel.
Jasmin Bauer était vierge quand elle
l’a contracté. « Avec mon premier grand
amour, nous ne faisions que nous ca-
resser, ça a pu arriver à ce moment-là. »
Sources
www.bag.admin.ch
www.cervarix.com
www.gardasil.com
www.tellsomeone.ch
Jasmin Bauer *, 28 ans, a contracté le papillomavirus (HPV). Depuis, elle ne cesse d’être gênée par des verrues génitales.
Dans le pire des cas, cette infection sexuellement transmissible peut évoluer en cancer du col de l’utérus.
Il suffit d’un simple contact avec la peau
ou la muqueuse, comme c’est le cas
dans les caresses sexuelles. Même
dans les rapports sexuels, le préserva-
tif ne permet qu’une protection limitée,
car il ne couvre pas toujours complète-
ment la partie de la peau infectée. Le
problème est que l’infection évolue
souvent sans qu’on s’en aperçoive, ne
provoquant ni douleurs ni symptômes.
Tout le monde peut transmettre le vi-
rus, sans le savoir, au premier contact
intime. Au cours de leur existence, près
de 70 pour cent des personnes actives
sexuellement contractent le HPV. Dans
près de 90 pour cent des cas, l’infec-
tion disparaît toute seule. Mais si elle
persiste, en plusieurs années le virus
peut évoluer en lésions précancé-
reuses, voire en cancer.
Altérations cellulaires dans
le col de l’utérus
Jasmin Bauer souffre d’un énorme sen-
timent de culpabilité. « J’ai toujours fait
attention à ma réputation. Maintenant,
tout le monde pense que je suis une
fille légère. » En effet, cette première in-
tervention ne sera pas la dernière. Les
verrues réapparaissent six mois après
l’opération au laser. Le gynécologue
oriente la patiente vers un spécialiste
de l’hôpital universitaire. On lui prescrit
la même crème, cette fois avec la re-
commandation de l’appliquer réguliè-
rement. Bonne nouvelle : trois mois
plus tard, les condylomes ne sont pas
plus gros. Mauvaise nouvelle : ils n’ont
pas non plus diminué. La jeune femme
retourne donc voir le spécialiste. Un
frottis révèle une altération des cellules
du col utérin. Jasmin Bauer est ébran-
lée. « Soudain, le problème n’était plus
les verrues mais le fait qu’elles puissent
se transformer en cancer. » En mars
2007, le traitement au laser est suivi
d’une seconde intervention pour retirer
les lésions, appelée conisation. Au
cours de la même opération, le méde-
cin retire les verrues au laser. « Je pen-
sais que ça ne pouvait pas être pire
quand j’ai appris que l’on avait enlevé
trop peu de tissus, afin de pas endom-
mager le col de l’utérus. » Elle doit de
se faire opérer une nouvelle fois. Seu-
lement deux mois plus tard, elle subit
une troisième intervention, de nouveau
sous anesthésie générale. Tout semble
être revenu dans l’ordre, du moins du-
rant les mois suivant l’intervention. « J’ai
eu six mois de répit. » Mais lors d’un
contrôle de routine, la gynécologue
constate de nouvelles altérations cellu-
laires dans le col utérin. En avril 2008,
la quatrième intervention est inéluc-
table. « C’est à ce moment-là que mon
médecin m’a informée que ces nom-
breuses opérations pouvaient entraîner
des complications pour avoir un enfant. »
Certes, comme elle a peur d’avoir mal,
Jasmin Bauer n’est pas sexuellement
active à cette période. Mais la nouvelle
la secoue. Elle cesse de fumer et
mange équilibré, dans l’espoir que la
précédente intervention reste la der-
nière. Elle s’en remet de nouveau à
l’équipe médicale. Tout semble ter-
miné. Mais lors d’un contrôle de rou-
tine, six mois après la dernière interven-
tion, le médecin découvre encore une
fois des lésions. Une cinquième opéra-
tion suit en novembre 2009.
Possibilités de prévention
D’après les indications de l’OFSP, 5000
femmes par an doivent subir une opé-
ration chirurgicale à cause des altéra-
tions tissulaires. En Suisse, tous les ans,
environ 250 femmes souffrent d’un
cancer du col utérin et près de 90 en
meurent. Le cancer du col de l’utérus
étant dans la plupart des cas provoqué
par le virus HP, on en conclut que l’ab-
sence d’infection au HPV limite beau-
coup la probabilité d’être touchée.
Deux vaccins contre le cancer du col de
l’utérus ont été autorisés par Swissme-
dic. Le Gardasil® est un vaccin quadri-
valent, qui agit d’une part contre les
HPV de types 16 et 18, à l’origine de
70 pour cent des cancers du col de
l’utérus. Il est d’autre part efficace contre
les HPV de types 6 et 11, responsables
de 90 pour cent des verrues génitales.
Le Cervarix® vient d’être autorisé. Il agit
exclusivement contre les types 16 et 18
qui présentent les plus grands risques
mais il ne protège pas contre les condy-
lomes. Ces vaccins sont administrés en
trois injections sur une durée approxi-
mative de six mois.
Perspectives
D’après l’OFSP, les risques les plus éle-
vés de contamination par les virus HP
sont courus entre 16 et 25 ans. La vac-
cination contre le cancer du col de
l’utérus prévient une éventuelle infec-
tion au HPV. L’OFSP et la commission
fédérale pour les vaccins recomman-
dent aux jeunes filles de se faire vacci-
ner entre leur 11e et leur 14e année,
avant d’avoir leurs premiers rapports
sexuels. Les jeunes filles entre 15 et
19 ans peuvent le faire en rattrapage
jusque fin 2012. Après le 20e anniver-
saire, la décision devient individuelle et
concertée avec le médecin. Plus une
femme est âgée, plus la probabilité est
forte qu’elle soit déjà infectée par le vi-
rus. L’utilité de la vaccination est inver-
sement proportionnelle à l’âge. Pour
Jasmin Bauer, il est déjà trop tard. « Les
jeunes doivent être conscients qu’ils
peuvent être contaminés, même sans
rapports sexuels. » Aujourd’hui, Jasmin
Bauer va aussi bien que possible.
Certes, le frottis du début d’année n’a
rien révélé, mais elle reste réaliste. « Je
porte le virus en moi. Il me suivra toute
ma vie. »
* Le nom a été modifié par la rédaction.
Le parcours du combattant
de Jasmin Bauer *.
Photos : Athena Tsatsamba Welsch
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