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victimes sont extrêmement nombreuses, plus de 1300 dont 536 morts identifiés.
Pour autant, et malgré les impressionnants dégâts matériels de la fabrique, la
population parisienne demeure peu touchée hormis le voisinage proche dans
une zone contigüe à la poudrerie : quelques riverains sont blessés par la projec-
tion de gravats ou la chute d’un élément de leur maison, rien de comparable par
exemple aux destructions que connut Delft, le 12 octobre 1654, suite à l’explo-
sion d’un stock de poudre au cœur de la ville.
À la suite de l’explosion, un gigantesque incendie se déclenche, contre lequel
luttent pompiers et membres de la garde nationale ainsi que les nombreux volon-
taires venus en renfort, aidant non seulement à son extinction mais aussi à déga-
ger les cadavres des décombres. Si certains corps sont parfois méconnaissables,
une bonne fraction des ouvriers morts demeurant introuvables, sont portés
disparus. Quant aux blessés, les plus graves sont évacués dans les hôpitaux les
plus proches, principalement à l’infirmerie de la maison nationale militaire des
Invalides. Les moins touchés sont rapidement pansés et nombre d’ouvriers rega-
gnent ainsi leur logis, transis et en état de choc, découvrant au fil des heures
plaies, contusions, brûlures ou fièvre dont ils avertissent aussi vite que possible
les officiers de santé de leur section. Tandis que la manufacture se remet pro-
gressivement en marche, délocalisée sur d’autres sites, l’événement soulève, les
jours suivants, un immense mouvement de bienfaisance nationale et la collecte
de dons comme leur distribution s’organisent.
Considérées comme faisant leur devoir de citoyen au service de la patrie en
danger, les victimes sont assimilées au statut de soldat mort sur le front. Inspiré
par la grille des secours militaires, la loi publiée le lendemain de l’événement,
énonce le cadre des réparations tout en écartant d’emblée la question de la res-
ponsabilité. La gestion des accidents du travail par l’État est une première, bien
qu’il ait pu exister ponctuellement des formes de réparations liées aux activités
de travaux publics. Mais le système change de nature car aux dispositifs d’assis-
tance et de charité qui prévalent d’ordinaire sous l’Ancien Régime, la convention
y substitue un processus d’aide, organisé selon un principe d’équité complète-
ment nouveau. Les mêmes droits tarifés, hors de toute pratique discrétionnaire,
s’ouvrent pour quiconque fournit les pièces demandées dans le cadre de la loi.
Le processus resitue aussi la victime au sein du tissu social, en prenant en compte
l’ensemble des individus de la famille affectés par la perte d’un salaire. Dans un
premier temps les secours provisoires sont distribués autant aux blessés pendant
leur convalescence (sous réserves d’expertise de commissions de médecins) qu’à
leurs proches (femmes et parents âgés).
Par la suite, un système se met en place instaurant une compensation sur la
durée ; ainsi des pensions viagères sont établies pour les mutilés et les veuves,
assorties dans ce cas d’un supplément indexé sur le nombre d’enfants de moins
de 12 ans.