Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 19 April 2017
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La lutte biologique contre les pucerons
25/08/11
Le miellat rejeté par les pucerons attire naturellement leurs prédateurs. Des chercheurs de Gembloux Agro-
Bio Tech - Université de Liège se sont penchés sur sa composition afin d'isoler les composés volatiles
responsables de cet effet attractif. En parvenant à les identifier et à les reproduire artificiellement mais de façon
naturelle, ils ont réalisé une avancée spectaculaire dans le développement de méthodes de lutte biologique
contre les pucerons.
Dans les pays au climat tempéré,
les pucerons sont les principaux ravageurs des cultures. Comment ces minuscules insectes d'apparences
inoffensive affectent-t-ils les végétaux ? Ils se nourrissent de leur phloème, le tissu conducteur de la sève, et,
via la salive qu'ils y injectent, transmettent des virus et des bactéries à l'origine de maladies graves pour les
plantes. Affaiblis, les plants colonisés par ces insectes de quelques millimètres ont une croissance moindre.
Pas étonnant donc, que le puceron soit devenu l'ennemi public numéro un des agriculteurs…
Le seul moyen efficace de lutte contre ces ravageurs a longtemps été d'asperger les cultures d'insecticides.
Ces substances actives qui ont la propriété de tuer les insectes, leurs larves et/ou leurs œufs font partie de
la famille des pesticides.
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L'ère des pesticides a démarré au début du XXème siècle et de nouveaux produits n'ont cessé de voir le
jour depuis lors. Cependant depuis quelques années, les pesticides sont surveillés de près et sont sujets à
controverse. Certains d'entre eux ont été retirés du marché en raison de leur dangerosité pour l'environnement
et/ ou pour la santé humaine. Leurs défenseurs estiment qu'ils permettent d'améliorer la qualité des produits.
Leurs détracteurs, quant à eux, dénoncent, outre les risques pour la santé et l'environnement, le risque que
les pathogènes développent une résistance aux pesticides, à l'image de celle que développent les bactéries
face aux antibiotiques trop utilisés.
Au vu des potentiels effets néfastes des pesticides, la lutte chimique contre les ravageurs fait doucement mais
sûrement place à la lutte biologique. Partout dans le monde, des scientifiques cherchent comment combattre
les nuisibles par des méthodes plus naturelles et respectueuses de l'environnement.
Les dessous du pouvoir attractif du miellat
Pour pouvoir entamer une lutte biologique contre les pucerons, il est nécessaire de bien comprendre leur
écologie, c'est-à-dire les interactions - et leurs conséquences - entre ces insectes et leur milieu biotique
et abiotique. C'est ce à quoi s'attèlent, depuis plusieurs années, des chercheurs de l'Unité d'Entomologie
Fonctionnelle et Évolutive de Gembloux Agro-Bio Tech, dirigée par le professeur Eric Haubruge. Ils étudient
les interactions entre les plantes-hôtes, les ravageurs et les insectes auxiliaires, c'est-à-dire les prédateurs
potentiels de ces ravageurs. En septembre 2010, dans l'article « Les pucerons trahis par leurs odeurs», il
était question de la phéromone d'alarme des pucerons. Les chercheurs avaient découvert que les prédateurs
de ces nuisibles, tels que les coccinelles, avaient appris à reconnaître leur phéromone d'alarme au gré de
l'évolution, leur permettant ainsi de localiser plus aisément les colonies de pucerons.
Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Pascal Leroy s'est intéressé plus particulièrement au miellat rejeté par
les pucerons. En effet, ce liquide épais et visqueux, riche en sucres et en acides aminés, attire de nombreux
ennemis naturels de ces insectes ravageurs. Le miellat joue ainsi un rôle essentiel dans les interactions entre
plantes, pucerons et prédateurs de ces derniers. « On sait depuis longtemps que le miellat agit comme une
kairomone volatile ou de contact, c'est-à-dire qu'il agit comme un sémiochimique bénéfique pour l'individu
qui le perçoit. Mais cela n'avait jamais été expliqué » indique Pascal Leroy. « Nous avons donc voulu aller
plus loin et comprendre ce qui explique cet effet kairomonal du miellat ». Pascal Leroy et ses collègues ont
ainsi réussi à identifier une quinzaine de composés volatiles provenant du miellat. « On s'est ensuite demandé
ce qui pouvait expliquer l'émission de ces composés volatiles au départ du miellat des pucerons. Certains
provenaient tout simplement de la fermentation naturelle du miellat mais celle-ci n'expliquait pas l'apparition
de tous les composés volatiles identifiés », précise Pascal Leroy.
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Un milieu propice pour les bactéries !
Face à ce constat, le jeune chercheur pose une hypothèse qui aboutira à une découverte majeure : et s'il
existait une flore bactérienne dans le miellat ? « Le sucre et les acides aminés offrent un milieu idéal pour
le développement des bactéries », explique Pascal Leroy. « Nous avons mis le miellat en microculture
et par des techniques microbiologiques nous avons isolé des bactéries dont deux principales », révèle le
scientifique. Ces bactéries ont alors été mises en culture dans un milieu liquide afin que les chercheurs
puissent prélever les composés volatiles qui s'en dégageaient. « Nos analyses par spectrométrie de
masse et par chromatographie gazeuse ont révélé que les composés volatiles provenant du milieu
de culture contenant la bactérie Staphylococcus sciuri avaient un profil d'odeur très similaire à celui du
miellat naturel», indique Pascal Leroy. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Nature
Communications (1).
En résumé, les recherches effectuées par Pascal Leroy au cours de sa thèse ont permis non seulement
d'identifier les composés volatiles provenant du miellat qui attirent les prédateurs des pucerons mais également
de mettre le doigt sur la bactérie responsable de la formation de ces composés volatiles. « En dégradant
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les sucres et les acides aminés, Staphylococcus sciuri engendre la formation de ces composés volatiles »,
précise-il. Mais les découvertes ne s'arrêtent pas là. En effet, en testant d'une part un miellat artificiel contenant
cette bactérie et d'autre part une formulation contenant les composés volatiles identifiés, les chercheurs sont
parvenus à attirer des syrphes sur les plantes traitées mais non infestées par des pucerons. Mieux encore, ces
préparations agissaient également comme stimulateur de l'oviposition chez ces insectes auxiliaires. « Nous
somme parvenus à induire artificiellement la ponte des syrphes en l'absence de plantes et de pucerons »,
poursuit Pascal Leroy.
Attirer et maintenir les syrphes sur les zones à protéger
Prédateur naturel des pucerons, le syrphe est utilisé pour combattre les colonies de pucerons qui envahissent
les cultures agricoles. « Ce ne sont pas les syrphes adultes qui s'attaquent à ces ravageurs mais leurs larves »,
précise le scientifique. S'il existe actuellement des élevages en masse de syrphes, ceux-ci présentent deux
désavantages principaux : la production de ces insectes coûte cher - environ 25 cent par individu - et ils
sont trop mobiles pour rester dans les zones à protéger suite à leur introduction sur le terrain. « Les syrphes
adultes peuvent quitter ces zones directement, même s'ils sont introduits dans des serres puisque celles-ci
sont aérées ». Les syrphes sont également vendus sous forme de pupes, le stade intermédiaire entre la larve
et le jeune adulte, plus facile à transporter car elles sont immobiles. « Mais, une fois le stade de jeune adulte
atteint, il faut compter environ une semaine avant la première ponte. Dans ce cas-ci aussi les syrphes ont
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donc l'occasion de déserter les zones à protéger avant d'être en mesure de déposer des oeufs qui fourniront
des larves », explique Pascal Leroy.
Grâce au miellat artificiel contenant la bactérie Staphylococcus sciuri ou à la formulation contenant les
composés volatiles adéquats mis au point à l'Unité d'Entomologie Fonctionnelle et Évolutive de Gembloux
Agro-Bio Tech, le problème du coût et de la mobilité des syrphes pourrait bientôt être résolu. Les agriculteurs
pourront pulvériser l'une ou l'autre préparation et, soit compter sur les insectes auxiliaires naturellement
présents dans le milieu, soit procéder à un lâcher de syrphes adultes au sein des cultures ou dans les serres.
Les sémiochimiques dégagés par ces préparations permettront de maintenir les prédateurs dans les zones
traitées et de les inciter à y pondre leurs œufs.
De plus, ces recherches ayant permis d'induire artificiellement (sans plantes et sans pucerons) l'oviposition
des syrphes sur une surface inerte, on pourrait dès lors imaginer introduire directement des œufs de syrphes
dans les cultures agricoles. « En présence du miellat artificiel ou des sémiochimiques, les femelles pondent
environ 60 œufs en trois heures. Sur ces 60 œufs, on peut compter sur 40 larves, soit 40 individus prédateurs
potentiels », indique Pascal Leroy. Un fois les œufs obtenus, il « suffirait » de les introduire dans les cultures
et d'attendre l'apparition des larves consommatrices de pucerons qui élimineraient ainsi les colonies de
ravageurs.
Pascal Leroy et ses collègues ont réussi à mettre au point un tel procédé de lutte biologique : « Nous arrivons à
obtenir artificiellement (en l'absence de plantes et de pucerons) les œufs de syrphes sur n'importe quel support
en présences de sémiochimiques ou de miellats artificiels. Par exemple, les œufs peuvent être obtenus sur
des petites billes trempées dans une substance permettant que celles-ci adhèrent aux feuillages lors de leur
dispersion dans les champs », explique Pascal Leroy.
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