Que reste-t-il de l`esprit Charlie ?

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Par Fatiha Boudjahlat
Publié le 06/01/2017
Que reste-t-il de l'esprit Charlie ?
FIGAROVOX/TRIBUNE - Le 7 janvier 2015, la rédaction de %JCTNKG
Hebdo était décimée par deux djihadistes. Pour Fatiha Boudjahlat,
comme être %JCTNKG, c'est être français, il fallait imposer
l'alternative : soyez %JCTNKG ou quittez la France !
Fatiha Boudjahlat est secrétaire nationale du MRC à l'Education et cofondatrice avec Céline
Pina du mouvement citoyen Viv(r)e la République.
Le 7 janvier 2015, Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski, Elsa
Cayat, Bernard Maris, Frank Brinsolaro, Mustapha Ourrad, Michel
Renaud, Frédéric Boisseau, Ahmed Merabet furent assassinés au
nom de l'islam par deux terroristes.
Le slogan ,G UWKU %JCTNKG fut créé, adopté et s'adressait aux
vivants, nous unissait dans le deuil national autour de nos
compatriotes. Certains refusèrent et ce slogan et ce deuil et le
caractère national du deuil, sens de la mobilisation du 11 Janvier. Et au ,G UWKU %JCTNKG républicain,
on opposa le ,GUWKU%JCTNKG/CTVGN des identitaires, et le ,GUWKU%JCTNKG%QWNKDCN[ des indigénistes,
et la lâcheté des accommodants, comme Jean-Louis Bianco qui écrit dans le fascicule .#RTªU
%JCTNKG, destiné aux jeunes et aux enseignants, en réponse à l'interrogation de jeunes qu'il juge
N«IKVKOG:
$KGPU½TQPRGWVPGRCU¬VTG%JCTNKG%GNCHCKVRCTVKGFGNCNKDGTV«FQRKPKQP
Non, on ne pouvait pas et on ne peut pas ne pas être %JCTNKG. On ne pouvait pas laisser la possibilité
à des gens vivant avec nous de refuser une condamnation claire d'un droit à tuer. Cela ne relevait
pas de la liberté d'opinion, tout comme le racisme, l'antisémitisme, l'apologie du terrorisme ne
relèvent pas de la liberté d'opinion. Nous avons eu la bêtise de laisser l'indignation face à cette tuerie
au bon vouloir des gens. Nous en avons fait un objet relevant de la liberté d'opinion. Nous avons eu
tort.
C'est une alternative que nous aurions dû imposer : être Charlie
et appartenir à la communauté nationale,
ne pas l'être et s'en exclure.
C'est une alternative que nous aurions dû imposer et assumer: être %JCTNKG et appartenir à la
communauté nationale, ne pas l'être et s'en exclure.
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En temps de guerre, dans ce contexte de terreur permanente et de meurtres de masse, la société
française se divisait bien en deux. Les islamistes et indigénistes qui refusèrent de nous rejoindre
dans ce deuil le firent moins contre les publications de %JCTNKG *GDFQ en elles-mêmes, qu'ils ne
connaissaient guère, que contre le simple fait de considérer l'islam comme une religion comme les
autres. Parce que les caricaturistes ramenaient l'islam dans le champ ordinaire de la liberté
d'expression: on pouvait s'en moquer comme on pouvait rire des autres religions. Certains donnèrent
raison à ceux qui refusèrent le slogan et donc le deuil national.
Ne pas être Charlie, c'était mettre le doigt dans l'engrenage relativiste. C'était donc
transférer la culpabilité des tueurs vers leurs victimes.
Oui, c'était une alternative. Ne pas être %JCTNKG, c'était refuser la qualité et le statut de victime aux
journalistes de %JCTNKG *GDFQ et aux policiers. C'était mettre le doigt dans l'engrenage relativiste.
C'était conditionner notre indignation et notre empathie. C'était soumettre le rejet de la violence à des
critères. C'était donc transférer la culpabilité des tueurs vers leurs victimes, qui avaient mérité, ou en
tous cas provoqué leur sort. La violence doit pourtant être condamnée en elle-même et pour ellemême. Sans quoi, on la légitime, puisqu'elle peut se justifier. Des débuts de phrase qui masquaient
des arrière-pensées terribles: le +NUPCWTCKGPVRCUF½ TGRT«UGPVGT NG 2TQRJªVGQW ETKVKSWGT N+UNCO conduit
en toute cohérence au KNUQPVO«TKV«NGWTUQTV et donc à justifier KP HKPG le recours à la violence et au
meurtre. C'est l'acceptation qu'il y a des motifs qui donnent un droit à tuer. Ne pas être %JCTNKG, c'est
aussi réclamer un statut d'exception pour l'islam. Or, ces règles de non représentation du Prophète
n'ont de dimension prescriptive que pour les membres de cette religion. Pourquoi un élément du
dogme devrait-il s'imposer à ceux qui ne le partagent pas?
Qu'est-ce qui a pu amener ces adolescents à penser
que participer à la minute de silence ferait d'eux
des traîtres ou de mauvais musulmans ?
Refuser d'être %JCTNKG ne relevait pas plus d'une rébellion adolescente, ce que François Durpaire et
de Béatrice Mabilon-Bonfils défendent:
$GCWEQWR F«NªXGU FCPU NGWT TGHWU FG NC OKPWVG FG UKNGPEG =QTICPKU«G FCPU NGU
«VCDNKUUGOGPVU UEQNCKTGU GP JQOOCIG CWZ XKEVKOGU? GP ETQ[CPV CIKT GP VCPV SWG
OWUWNOCPUPQPVGP HCKVT«CIKSWG EQOOG CFQNGUEGPVUVGUVCPV NCWVQTKV«GP CVVGPVG FWPG
RQUKVKQPHGTOGFGNCFWNVG
Les auteurs ne posent pas la vraie question: qu'est-ce qui a pu amener ces adolescents à penser
que participer à la minute de silence ferait d'eux des traîtres ou de mauvais musulmans? Qui les a
amenés à penser que refuser de participer à cette minute de silence faisait d'eux de bons
musulmans? Qui les a amené à se désolidariser de la Nation, à refuser l'empathie aux familles des
victimes? Comment ont-ils pu refuser de condamner a priori, en soi, le recours à la violence? Qui? Si
ce n'est les indigénistes et les islamistes ayant répercuté ce type de message auprès de leurs
parents? Ainsi, Houria Bouteldja, ex égérie du 2CTVKFGU+PFKIªPGUFGNC4«RWDNKSWG, écrit:
+N CTTKXG RCTHQKU SWG NC FKUVCPEG GPVTG OQP ETKOG =EGNWK FG XKXTG GP (TCPEG FW E¶V« FGU
QRRTGUUGWTU F¬VTG DNCPEJKG? GV OQK UG T«VT«EKUUG … &GU LQWTPCNKUVGU FWPG E«NªDTG
2
T«FCEVKQPUQPV F«EKO«U
…/CKUKOO«FKCVGOGPVNC DQPPG EQPUEKGPEGHCKVUQP ìWXTG
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0QWU UQOOGU VQWU %JCTNKG %GUV NG ETK FW EìWT FGU F«OQETCVGU .WPKQP UCET«G … +NU
UQPVVQWU%JCTNKG+NUUQPVVQWU$NCPEU
Aucune empathie envers les victimes, soumises au jugement racial. Non, ce refus de la minute de
silence n'était pas une réaction de rébellion adolescente. C'était la manifestation d'un
conditionnement à appliquer une lecture raciale aux événements et à l'indignation, à construire le
"eux", %JCTNKG, Blanc, démocrates, et un "nous" ethnique et religieux des indigénistes et des
islamistes.
Ceux-là, gentils démocrates, ont servi la soupe aux tueurs.
Etre %JCTNKG, c'était se montrer solidaire de tous ses compatriotes. Porter le deuil national. C'était
reconnaître la liberté d'expression aux journalistes et aux artistes, ce qu'étaient ces caricaturistes.
C'était aussi défendre le fait que rien, pas même la foi, l'autorité divine, ne peuvent justifier de tuer.
Les islamistes sont ceux qui mettent leur foi au-dessus même de la vie humaine. Il n'y a donc qu'un
pas entre cette conception et le passage à l'acte meurtrier. Dans notre démocratie, aucun dieu,
aucune divinité, aucune idéologie ne mérite et ne peut justifier que l'on tue en son nom. Au-dessus
des religions, il y a la vie humaine et il y a le droit que se donne une nation de citoyens libres et
émancipés. Voilà le blasphème que les islamistes ne supportent pas et qui leur donne un droit de
tuer. Mais les autres, ceux qui ont tourné le dos à %JCTNKG en 2011, à la suite de la publication des
caricatures de Mahomet, ont consenti et défendu un statut d'exception pour l'islam, alors même qu'ils
ne trouvaient rien à redire aux satires des autres religions. Ceux-là, gentils démocrates, ont servi la
soupe aux tueurs.
Ce n'est pas l'islamophobie qui tue en France, c'est l'islamisme.
Au nom des droits civils, de la liberté défendue pour ceux qui pourtant nous la refusent, on en est
venu à défendre le droit à la radicalité religieuse. Et nos gentils démocrates, comme la .&*,
défendent la liberté de considérer l'autre comme impur, comme à convertir, et parce que la
cohérence du croyant l'exige, comme indigne de vivre. Le passage à l'acte est autant conditionné par
l'accès facilité aux armes que par l'endoctrinement. Quand nous attaquerons-nous à ceux qui arment
en mots les tueurs? A ceux qui défendent la liberté d'expression de ceux qui arment en mots les
tueurs, sans se salir les mains? Le
,G EQODCVVTCKVQWLQWTU EG SWG XQWU FKVGU /QPUKGWT OCKULG OG HGTCKVWGTRQWTSWGXQWU
C[G\NGFTQKVFGNGFKTGEKVCVKQPCVVTKDW«G¢VQTV¢8QNVCKTGGUVQDUQNªVG
Parce que ce ne sont pas les idiots utiles qui se font tuer au nom de la liberté, ce sont les autres, qui
veulent simplement vivre librement. Et ce n'est pas l'islamophobie qui tue en France, c'est
l'islamisme. L'islam n'est sacré que pour ceux qui embrassent cette religion. L'islam est une religion
comme une autre. Une voie parmi d'autres pour se réaliser et se dépasser, pour communier, un
chemin comme un autre vers la transcendance. La foi des uns n'a pas à contraindre la foi ou
l'absence de foi des autres. Les islamistes sont des missionnaires armés.
Soyez Charlie, ou quittez la France !
Soyez %JCTNKG, ou quittez la France: voilà l'alternative ferme qu'il aurait fallu poser. Parce que %JCTNKG
portait les valeurs les plus universelles de la France: la liberté d'expression, la liberté de croire et de
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ne pas croire, la liberté de ne pas considérer comme sacré un homme, un dogme. Choisir de
s'exclure du deuil national, c'était aussi s'exclure de la communauté nationale. Il est temps de
demander de la cohérence à ces ennemis déclarés, de leur demander de joindre à la parole de
haine, le geste du départ du territoire. Au lieu de cela, c'est l'inverse qui s'est produit: les médias, les
intellectuels ont basculé dans la plus navrante des obséquiosités vis-à-vis des indigénistes et des
islamistes. Le féminisme s'est perdu et a trahi les femmes: ce relativisme de la gauche-à-remonterdans-le-temps, qui répond à l'exclusion des femmes d'une pratique normale des loisirs et de la
circulation dans l'espace par des références aux cafés ouvriers du XIXème siècle, et aux bains
habillés de 1900.
Avec le chantage à l'islamophobie, en fait délit d'opinion, c'est désormais au nom de la tolérance que
nous nous interdisons de nous indigner, que nous acceptons que des principes universels comme
l'égalité en droits des femmes et la liberté de ne pas subir les règles d'une religion que l'on ne
pratique pas, soient soumis à la lecture ethnique des indigénistes: ce n'est pas universel, ce sont des
trucs de blancs. Etre %JCTNKG, ce n'était pas être blanc. C'était être français.
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