Ce cahier, comme l’automne et les semaines qui y logent, a
des couleurs qu’on remarque, des humeurs changeantes.
Il est habité de tous ces engagements, avec nous-
même et son voisin, qu’exigent la rentrée des classes,
le retour au travail, l’arrivée du frisson, les aspirations
si nouvelles, les aboutissements concluants et les rêves
projetés sur la ligne d’horizon. Au gré des six spectacles
qui s’emmêlent dans ses feuilles (ici électroniques) le
Cahier d’automne invite, comme la saison des poètes,
des sujets qui déchirent, et en contrepoint des écritures
allègres. Au cœur de ces lignes, des thèmes s’imposent
et resurgissent : le conditionnement et la peur (1984), la
peur de l’autre aussi, les voyages qui la créent (L’Écolière
de Tokyo), la rencontre de l’autre et le vertige amoureux
(Le Timide à la cour), cette mélancolie qui pousse jusqu’à
l’isolement (Abîmés), la famille traditionnelle, l’épreuve
de l’absence (Le Terrier), la famille reconstruite, l’enfance
retrouvée (Anne... la maison aux pignons verts).
Ce cahier, conçu par l’auteure et comédienne
Emmanuelle Jimenez, cible, au-delà des thèmes des
œuvres à l’affiche dans les deux salles du TDP, la force des
écritures dramatiques. Pour la rédaction du Cahier, de
nombreux auteurs de théâtre jouent ici avec rhétorique
et justesse, à l’interviewer, au journaliste, à l’historien,
au dialoguiste...Ainsi, Alexis Martin nous dissèque en
abécédaire le monde intemporel du roman 1984, et son
auteur George Orwell est présenté sous l’œil de la jeune
auteure et comédienne Joëlle Bond.
Antoine Laprise active tous les cookies de son cerveau et
nous présente ce Japon qu’il aime autant que le nomade
Jean-Philippe Lehoux.
Marie-Claude Verdier creuse le symbole de l’enfant mort
en littérature (comme dans l’œuvre de Lindsay-Abaire, Le
Terrier) et Fanny Britt écrit une lettre à la mère éplorée.
Marie-Hélène Larose-Truchon retourne dans le temps
et invente une rencontre avec Anne Shirley, la rouquine
battante de la maison aux pignons verts de Lucy Maud
Montgomery.
Pour approcher Beckett, Marcel Pomerlo se faufile,
intimiste, dans l’univers de la compagnie Joe Jack et John
et nous livre ses entretiens avec la metteure en scène
Catherine Bourgeois et cette comédienne qui vit avec le
syndrome de Williams, Gabrielle Marion-Rivard.
Gilbert Turp et Sylvie Girard plongent dans le Siècle d’or
espagnol pour mettre en lumière cette période de moins
en moins présentée sur nos scènes. Et parce que les
femmes ont une parole dans ce XVIIe siècle de Tirso de
Molina, Marie-Ève Milot et Marie-Claude Saint-Laurent se
font épistolaires.
Nous vous présentons, brièvement, les six jeunes
metteurs en scène qui sont à la barre de cet automne
au TDP et Frédéric Bélanger (eh oui) en devient le doyen.
Aussi, à sa demande, j’ai remis les clés du théâtre à Patrice
Charbonneau-Brunelle pour qu’il dessine la saison au gré
de ses pérégrinations et de ses envies. Puis vous lirez,
je l’espère, cet extrait de Rien à cacher / No way to feel
safe, une expérience dramatique et visuelle, une réflexion
troublante sur la vie privée à l’heure des réseaux, dont
vous pourrez voir la représentation publique, quelque
part en nos murs, par un soir de novembre, à cour ou à
jardin, portée par le vent d’automne.
Bonne lecture,
et surtout bonne saison,
merci d’en être la raison.
Claude Poissant, directeur artistique
© Jean-François Brière
MOT DE CLAUDE POISSAnT
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