Diagnostics Prévisions et Analyses Économiques N° 62 – Février 2005 Effets macroéconomiques à long terme d’un changement d’assiette de la taxe professionnelle1 A long terme, les conséquences macroéconomiques de différentes hypothèses d'assiettes pour remplacer la taxe professionnelle (TP) peuvent être éclairées à partir d'une maquette très simplifiée de l'économie. Dans ce modèle, le capital est supposé parfaitement mobile entre pays et le travail immobile, le chômage conjoncturel est totalement résorbé et le niveau de l'emploi ne dépend que du pouvoir d'achat des salaires, en particulier le smic ne mord plus sur les décisions de recrutement. Pour schématique que soit cette représentation du monde, c'est généralement celle qui est retenue pour analyser le long terme. Elle permet de clarifier les effets qualitatifs de différents choix d'assiette, voire d'avancer quelques ordres de grandeur. Dans ce monde ainsi stylisé, il vaut mieux taxer le facteur le moins mobile. L'idée sous-jacente est que le capital étant totalement mobile, sa rémunération nette est fixée par les marchés internationaux. Si l’on choisit de taxer le capital, son coût augmente pour les entreprises, elles investissent moins, la productivité du travail diminue, le salaire aussi, et finalement on a à la fois peu de travail offert et peu de capital en face. Si l’on choisit de taxer le travail, le salaire net diminue aussi et avec lui l'offre de travail, mais le coût du capital reste inchangé pour les entreprises et il n'y a pas de baisse de leur investissement. A long terme, pour un même montant prélevé a priori, les effets sur l'emploi sont toujours équivalents, mais le prélèvement sur le travail a moins d'effets défavorables sur l'activité. Aujourd'hui la base effective de la TP (en tenant compte du plafonnement par la valeur ajoutée) contient approximativement pour 75% de capital et pour 25% de travail. Le remplacement de la TP par une taxe de même montant assise purement sur le capital serait défavorable à long terme, de –0,2 point sur le PIB. A l'inverse une taxe assise purement sur le travail aurait un effet positif de +0,5 point sur le PIB, de même qu'un prélèvement assis sur la valeur ajoutée des entreprises (+0,3 point sur le PIB). Ces chiffres soulignent surtout que les effets seront en tout état de cause modérés. Et encore, ces ordres de grandeur ne peuvent être espérés qu'à long terme (une fois l'économie revenue au plein emploi) et constituent sans doute des majorants (parce que certaines entreprises n'ont pas accès aux marchés mondiaux, et que la flexibilité des salaires n'est pas totale). En outre, cette modélisation ignore les aspects microéconomiques du problème : différences de comportement des entreprises selon que l'assiette est située en haut ou en bas de leurs comptes (parmi les charges d'exploitation ou dans le compte financier), effets positifs d'un lien entre la localisation de l'assiette et celle des services fournis par les collectivités locales. Enfin, du point de vue de l'emploi, les effets pourraient être différents, voire inversés à court terme si on estime que le coût minimal du travail au niveau du smic est élevé au regard de la productivité des non qualifiés et qu'on cible la réduction de la taxation du travail sur les salaires les moins élevés. 1. Ce document a été élaboré sous la responsabilité de la Direction Générale du Trésor et de la Politique Économique et ne reflète pas nécessairement la position du Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie. Sommaire des derniers numéros parus Fév. 2005 Janv. 2005 n°61 • Les particularités de la reprise de 2003 en zone euro, Alexandre Espinoza, Jean-Marie Fournier n°60 • La conjoncture belge : révélatrice de la conjoncture de la zone euro ? Marceline Bodier, Éric Dubois, Emmanuel Michaux n°59 • Formation des prix dans les secteurs de la viande et des fruits et légumes, Anna Lipchitz Déc. 2004 n°58 • Affirmative action et discrimination positive, une synthèse des expériences américaines et européennes, Denis Maguain n°57 • L’existence d’un biais dans les anticipations de marché sur la politique monétaire en zone euro, Sébastien Hissler n°56 • Comment expliquer l’évolution récente du compte courant de la France, Élie Girard Nov. 2004 n°55 • Les délocalisations d’activités tertiaires dans le monde et en France, Jérôme Letournel n°54 • Les effets économiques du prix du pétrole sur les pays de l’OCDE, Nicolas Carnot, Caterine Hagège n°53 • Le marché pétrolier, Nicolas Carnot, Caterine Hagège n°52 • Quelques données internationales sur le temps de travail, Jacques Delorme Oct. 2004 Sept. 2004 Juil. 2004 Juin 2004 n°51 • Retour sur les gains de productivité aux États-Unis, Vladimir Borgy, Nicolas Carnot, Émilie Quéma n°50 • Comment contenir les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports ? Jean-Jacques Becker, Cédric Audenis n°49 • La résistance de l’économie britannique à l’appréciation de la livre enregistrée depuis 1996, Éric Dubois, Karine Hervé, Sylvie Lefranc n°48 • La croissance potentielle de l’économie française de moyen-long terme, Emmanuel Bretin n°47 • Les canaux de transmission de la politique monétaire en France, Fédéric Cherbonnier, Xavier Payet n°46 • Pourquoi l’inflation n’a-t-elle pas plus baissé en zone euro qu’aux États-Unis au cours des deux dernières années ? Nila Ceci n°45 • Convergence nominale et convergence réelle des nouveaux États membres (NEM), Vanessa Jacquelain n°44 • Les impôts locaux dus par les entreprises : éléments de comparaison internationale, Daniel Turquety n°43 • Retour sur la faiblesse de la consommation en zone euro depuis 2001, Sylvie Lefranc, Alexandre Espinoza n°42 • Équilibre épargne-investissement au niveau mondial, Luc Eyraud n°41 • Retour sur les prévisions de croissance de l’année 2003, Selma Mahfouz 2 1. Dans un monde stylisé où l'on suppose une parfaite mobilité du capital, il est préférable de ne pas imposer le capital au niveau de l'entreprise La question de l'incidence finale des impôts pesant sur les entreprises, et plus généralement sur les personnes morales, est une question complexe qui doit être abordée dans le cadre de l’équilibre général. La théorie économique permet d'y apporter une réponse à l'aide de représentations simplifiées de l'économie (cf. encadré 1). Si l'on suppose que le capital est parfaitement mobile, que son coût est fixé par les marchés internationaux, et que l'offre de travail réagit au niveau du salaire réel (i.e. plus le pouvoir d'achat du salaire est élevé et plus il y a de travail offert), il est préférable d'un point de vue macroéconomique de ne pas imposer le capital au niveau de l'entreprise.2 1.1 Impact d’une hausse de la taxation du facteur travail Si l'on met en place une taxe sur le facteur travail, c'est le salaire réel net qui s'ajuste d'autant à long terme, laissant par-là même pour l'entreprise le coût du travail et le coût du capital inchangés. En effet, comme l'on raisonne en concurrence parfaite, avec des rendements constants, les profits sont nuls et le chiffre d'affaire équilibre exactement le coût d'utilisation des facteurs : comme le coût réel du capital est fixé sur les marchés internationaux3 et n'est pas impacté par la taxe sur le facteur travail, le coût réel du travail reste inchangé pour ne pas modifier le profit. La demande relative de facteurs n'est donc pas modifiée, et l'effet sur l'économie ne passe que par la diminution de l'offre de travail : moins de gens veulent travailler parce que les salaires nets sont plus bas (cf. schéma 1). 2. Cette étude reprend les principaux résultats exposés dans les contributions de l’ancienne Direction de la Prévision et de l’Analyse Economique au rapport de la Commission de Réforme de la Taxe Professionnelle, ces contributions peuvent être consultées à l’adresse http://www.minefi.gouv.fr/minefi/entreprise/fiscalite 3. Hypothèse de parfaite mobilité du capital Schéma 1 : enchaînements macroéconomiques associés à la mise en place d'une taxe sur le facteur travail R é m u n é r a t io n n e tt e d u c a p i ta l i n c h a n g é e 1.2 Impact d’une hausse de la taxation du facteur capital Les enchaînements économiques sont plus compliqués lorsque l'on taxe le capital. Comme sa rémunération nette ne peut pas baisser, c'est le coût réel brut du capital pour l'entreprise qui augmente à hauteur du prélèvement. A long terme, cette hausse du coût réel du capital doit être équilibrée par une baisse correspondante du coût réel du travail pour l'entreprise. Ainsi, bien que le travail ne soit pas taxé, le salaire réel net doit baisser pour permettre cette baisse du coût brut du travail. Les salaires réels se retrouvent finalement au même niveau que dans le cas d'une taxation du travail, puisque ce sont eux sur lesquels se répercute le prélèvement nouveau. De ce fait, à l'instar de la taxation du travail, l'offre de travail diminue. Mais à cet effet s'ajoute maintenant un second effet défavorable car le coût relatif des facteurs a été modifié : le coût du capital a augmenté alors que celui du travail a baissé. Aussi, pour la même quantité de travail employée, l'entreprise utilisera moins de capital. Au total, à long terme, si l'on taxe le travail, le salaire réel net diminue ce qui fait baisser l'emploi, mais pas l'intensité capitalistique. Si l'on prélève le même montant par une taxe sur le capital, le salaire réel baisse autant, ce qui fait baisser dans les mêmes proportions l'emploi, mais cette fois-ci l'intensité capitalistique diminue également, ce qui se traduit par une perte supplémentaire de production (cf. schéma 2) : c'est pourquoi on parle de «double peine» liée à la taxation du capital (cf. annexe) En d'autres termes, la taxation du capital au niveau de l'entreprise est inefficiente, et de surcroît inefficace car elle réduit l'intensité capitalistique de l'économie. Ces résultats doivent cependant être atténués dans la mesure où un certain nombre d'entreprises n'ont pas accès pour se financer aux conditions des marchés mondiaux. Dans ces entreprises pour lesquelles le facteur capital ne peut pas être considéré comme parfaitement mobile, la charge d'un prélèvement ne serait pas transférée intégralement sur le travail. Schéma 2 : enchaînements macroéconomiques associés à la mise en place d'une taxe sur le capital R é m u n é ra t io n n e tt e d u c a p i ta l i n c h a n g é e Coût réel du c a p it a l i n ch a n g é C oût réel du tr av a il i n c h a n g é T a x e s u r le t r a v a il S a l a ir e n e t b a is s e L 'o f f r e d e t r a v a il d im i n u e C o û t r e la t if d e s f a c t e u r s in c h a n g é I n t e n s it é c a p ita l is t iq u e K / L i n c h a ng é e M oi n s d e PI B c a r : C oû t r e la t if d e s fa c t eu r s m o d ifi é e n d é fa v e u r d u c a p it a l Co ût réel du c a p it a l a u g m e n te C oût réel d u t ra v a il b a i s s e T a x e s u r l e c a p ita l S a l a ir e n e t b a is s e L 'o ff r e d e t ra v a il d im i n ue L 'i n t e n s it é c a p it a lis tiq u e K /L b aisse M oi n s d e P I B c a r : 1 / M o in s d e tr av a i l 1 / M o in s d e tr av a i l 2 / M ê m e in t e n s ité c a p i ta l is ti q u e 2 / In te n s i té c a p it a li s tiq u e m o i n d re 3 Encadré 1 : présentation de la maquette structurelle retenue La production Y est supposée résulter de la combinaison de deux facteurs, le travail N et le capital K, suivant une technologie de type CES (fonction à élasticité de substitution constante entre les facteurs de production). La résolution du programme de maximisation de l’entreprise permet d'obtenir les demandes de facteurs en utilisant les conditions du premier ordre, soit en écriture log-linéariséea : Equation 1 : n – y = – σw (demande de travail) Equation 2 : k – y = – σc (demande de capital) Equation 3 : αw + ( 1 – α )c = 0 (frontière des prix des facteurs) où σ représente l'élasticité de substitution entre le capital et le travail, C le coût du capital, W le coût du travail, P le prix du bien produitb et α la part en valeur de la masse salariale dans la valeur ajoutée. On suppose que l'agent économique représentatif arbitre son offre de travail en fonction de son pouvoir d'achat. En 1 notant --- l'élasticité-revenu de l'offre de travail, l'équation en taux de croissance s'écrit : λ Equation 4 : w = λl (offre de travail) Enfin, l'économie est supposée semi-ouverte. La balance courante n'est pas modélisée mais le taux d'intérêt réel est supposé exogène afin de refléter une parfaite mobilité internationale du capital et un arbitrage parfait par les marchés mondiaux du coût du capital, soit : Equation 5 : c = 0 (coût d'usage du capital) a. b. Les écritures en minuscule représentent toujours les taux de croissance et les majuscules les variables en niveau. A l'instar de tout raisonnement sur l'économie réelle, il est nécessaire de fixer un prix de référence : dans notre modèle, c'est le prix du bien, p, qui ne bouge pas. 2. Dans ce cadre stylisé, les gains à attendre d’un changement d’assiette de la taxe professionnelle seraient modérés : à long terme, l’activité serait au mieux stimulée d’environ ½ point (15,6 Mds€), il est possible à l'aide d'une maquette structurelle de l'économie de comparer les conséquences macroéconomiques relatives au choix de différentes assiettes de prélèvement. Deux calibrages sont alors possibles : Si l'on tient compte de la déductibilité de la TP de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, on estime à 15,6 Mds d'euros les sommes totales versées par les entreprises au titre de la taxe professionnelle4. Environ 60% de ces recettes sont prélevées à partir d'une assiette reposant sur les immobilisations corporelles, le reste étant prélevé sur une assiette valeur ajoutée. Par rapport à un prélèvement neutre sur les décisions économiques des entreprises5, l'existence de la taxe professionnelle génère donc deux types d'effets : • le calibrage ex ante où 15,6 Mds d'euros sont prélevés directement quelle que soit l'assiette envisagée et où l'on ne tient pas compte des recettes supplémentaires induites par le surcroît d'activité (cf. tableau 1), • une augmentation spécifique du coût du capital en raison de la part assise sur les immobilisations corporelles, • et une hausse de même ampleur des coûts du travail et du capital pour la part de la TP reposant sur la valeur ajoutée. Si l'on souhaite prélever le même montant net de recettes publiques que la taxe professionnelle 4. Ce montant n’inclut pas la TP payée par les indépendants sur leurs recettes. 5. Un prélèvement neutre, c'est-à-dire non distorsif, est un prélèvement qui ne décourage pas les demandes de facteur (travail et capital). L'exemple théorique de ce type de prélèvement est l'impôt forfaitaire ou «poll tax», évidemment impossible à mettre en œuvre pour les entreprises. • le calibrage ex post où l'on prend en compte l'accroissement de l'activité et son effet sur l'ensemble des impôts et des cotisations : le montant directement prélevé diffère donc d'une assiette à l'autre de telle sorte à dégager in fine un total de 15,6 Mds d'euros, tous prélévements confondus (cf. tableau 2). Si l'on effectue un calibrage ex ante de la réforme (cf. tableau 1), les résultats de la modélisation indiquent qu'il n'y a pas d'effets notables sur l'emploi. En effet, comme le même montant ex ante de recettes fiscales est prélevé, on retrouve in fine le même prélèvement sur le facteur travail, et par conséquent le même impact sur les salaires et l'emploi. Tant que le capital est parfaitement mobile, ce résultat est indépendant de la valeur du paramètre de sensibilité des salaires réels à l'emploi. 4 Tableau 1 : impact macroéconomique, par rapport à la situation actuelle, d'un changement de mode d'imposition de la taxe professionnelle, à montant prélevé inchangé (calibrage ex ante) Situation actuelle (TP) Recettes publiques directes (Mds€) Autres recettes (Mds€) Recettes publiques totales (Mds€) Impact sur : - le PIB (Ecart en % par rapport - le capital à la situation - l’emploi actuelle Assiette Assiette travail capital Tableau 2 : impact macroéconomique, par rapport à la situation actuelle, d'un changement de mode d'imposition de la taxe professionnelle, à recettes publiques inchangées (calibrage ex post) Assiette valeur ajoutée 15,6 15,6 15,6 15,6 – 3,7 –1,5 2,3 15,6 19,3 14,1 17,9 – +0,5 –0,2 +0,3 – +2,1 –0,8 +1,3 – 0,0 0,0 0,0 Situation actuelle (TP) Recettes publiques directes (Mds€) Autres recettes (Mds€) Recettes publiques totales (Mds€) Impact sur : - le PIB (Ecart en % par rapport - le capital à la situation - l’emploi actuelle Assiette Assiette travail capital Assiette valeur ajoutée 15,6 11,1 18,5 12,4 – 4,5 –2,9 3,2 15,6 15,6 15,6 15,6 – +0,6 –0,4 +0,4 – +2,2 –1,4 +1,5 – +0,1 –0,1 +0,1 Note de lecture : On ne tient pas compte ici de l'effet de retour des finances publiques sur le surcroît d'activité généré et le même montant de recettes fiscales est prélevé ex ante (15,6 Mds€). Dans le cas d'un basculement de la TP sur une assiette de type capital, le PIB diminuerait de 0,2%, le stock de capital de 0,8%. L'emploi resterait inchangé. Note de lecture : Afin de prélever le même montant net de recettes publiques que la taxe professionnelle, il est nécessaire de prélever directement 12,4 Mds d'euros sur une assiette de type valeur ajoutée, le manque à financer (3,2 Mds€) étant perçu via l'effet de retour des finances publiques sur le surcroît d'activité généré (l'élasticité des recettes fiscales au PIB est supposée unitaire). En effet, un basculement complet de la TP sur une assiette de type valeur ajoutée augmenterait le PIB de 0,4%, le stock de capital de 1,5% et l'emploi de 0,1%. Ce n'est que dans le cas où l'on effectue un calibrage ex post (cf. tableau 2), en tenant compte des effets sur l'assiette des autres recettes publiques, que l'on obtient des résultats différenciés sur l'emploi en fonction de l'assiette envisagée. Dans ce cas, plus l'assiette choisie pèse sur l'accumulation du capital, plus le montant qu'il est nécessaire de prélever directement est élevé et plus l'effet sur l'emploi6 est négatif. Mais les écarts observés sur l'emploi restent modestes et pourraient être encore réduits si la sensibilité des salaires réels au chômage était plus forte. rerait l'emploi (+0,1%), le stock de capital (+1,5%) et le PIB (+0,4%). Pour une même recette fiscale nette que la TP actuelle, il faudrait prélever au moins 11,1 Mds€ sur une assiette travail ou 12,4 Mds€ sur une assiette valeur ajoutée, le reste étant financé par l'accroissement de l'activité et son effet sur l'ensemble des impôts et des cotisations. En définitive, une assiette portant exclusivement sur le capital serait la plus mauvaise des solutions. Dans le cas d'un calibrage ex post (cf. tableau 2), elle dégraderait l'activité de 0,4% par rapport à la situation actuelle. A l'opposé, le choix d'une assiette reposant sur la masse salariale serait le plus bénéfique en termes d'activité (+0,6% sur le PIB). Une assiette valeur ajoutée7 serait dans une situation intermédiaire, avec un impact macroéconomique encore positif, puisqu'elle amélio6. Tous les raisonnements sont ici menés à durée du travail constante, ce qui permet d'identifier les variations de la quantité de travail utilisée à des variations d'emploi. 7. Le prélèvement envisagé est une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, et non un supplément de TVA (qui taxe en réalité la consommation). 3. Plusieurs éléments invitent à minorer cette mesure des gains macroéconomiques associés au changement d'assiette 3.1 L'hypothèse forte de parfaite mobilité du capital Un certain nombre d'entreprises n'ont pas accès pour se financer aux conditions des marchés mondiaux. Dans ces entreprises, la charge induite par la taxation du capital n'est pas transférée intégralement sur le travail et les effets négatifs de la taxe sur l'offre de travail sont certainement moins importants. Par ailleurs, la prise en compte de différentes catégories de capital à la mobilité différente (biens d'équipement, terrains,…) réduirait les écarts d'une assiette à l'autre. 5 3.2 Une modélisation fruste du marché du travail Ces simulations sont effectuées sur la base d'une modélisation fruste du marché du travail. La modélisation n'intègre ni chômage keynésien ni salaire minimal. L'existence du SMIC peut notamment amener à préconiser un allègement de la taxation du travail au niveau des bas salaires. Ces résultats doivent donc être interprétés comme des résultats de très long terme, dans une économie où le niveau du coût minimum du travail ne fait aucunement obstacle à l'embauche des peu qualifiés désireux de travailler. Les effets de court terme peuvent être à cet égard différents et dépendent essentiellement des dynamiques de coûts et de prix. 3.3 Une approche macroéconomique qui ne permet pas de traiter certains aspects microéconomiques L'approche retenue reste très macroéconomique et ne tient pas compte de l'incidence sur les décisions opérationnelles des entreprises du mode de taxation, selon qu'on taxe les facteurs de production au niveau des charges d'exploitation, ou qu'on taxe un résultat au niveau des soldes de gestion situés en aval dans les comptes des entreprises. En effet, pour l'économiste, la fonction objectif de l'actionnaire de l'entreprise, c'est la maximisation des profits après impôts : pour lui, un euro d'IS et un euro de TP ne font guère de différence. Seule la répartition du risque entre la collectivité publique et l'actionnaire diffère : la collectivité participe davantage au risque (et l'actionnaire moins) si elle prélève en moyenne un euro par an sous forme d'IS que si elle le prélève sous forme de TP. Cependant, et les auditions de la Commission Fouquet le montrent bien, un prélèvement qui pèse sur les charges d'exploitation des entreprises a plus d'impact sur les décisions opérationnelles d'une entreprise qu'un prélèvement assis a posteriori sur les résultats financiers : les responsables opérationnels tiennent compte dans leurs calculs de rentabilité (ou dans leur proposition de prix de revient) de la TP, alors qu'ils ne s'intéressent pas à l'IS, puisque celui-ci est optimisé a posteriori pour l'ensemble de l'entreprise par la direction financière. Par ailleurs, la modélisation ne tient pas compte des différences de nuisances ou de besoins d'investissements locaux causés ou nécessités par différents types d'activité, qui peuvent expliquer que les immobilisations corporelles aient constitué une assiette de la fiscalité locale sur les entreprises. 3.4 Une sensibilité importante aux paramètres structurels Les résultats obtenus ne sont que des ordres de grandeur susceptibles de varier de manière importante en fonction du calibrage des principaux paramètres structurels : si la part de la rémunération du travail dans la valeur ajoutée fait l'objet d'un consensus, cela est moins vrai pour l'offre de travail et la substituabilité capital-travail. Emmanuel BRETIN Directeur de la Publication : Jean-Luc TAVERNIER Rédacteur en chef : Philippe GUDIN DE VALLERIN Mise en page : Maryse DOS SANTOS (01.53.18.56.69) 6 Annexe : comparaison des effets macroéconomiques d'une taxe sur le travail avec une taxe sur le capital à l'aide d'une maquette structurelle de l'économie Dans le cas d'une taxation du facteur travail, le système d'équations peut s'écrire de la manière suivante si l'on prélève m % de la masse salariale : (1) k – y = – σc (2) n – y = –σ ( w + m ) (3) 0 = α ( w + m ) + ( 1 – α )c (4) w = βn (5) c = 0 mOn obtient alors : w = – m et y = n = k = –-----β Dans le cas d'une imposition du capital, le système s'écrit : (1) k – y = – σ ( c + τ ) (2) n – y = –σw (3) 0 = αw + ( 1 – α ) ( c + τ ) (4) w = βn (5) c = 0 α m Si l'on prélève ex ante le même montant sur le capital, on a alors : τ = -----------1–α ---et y = – --1- – σ m ≤ – m β β Une taxe sur le capital a donc des effets plus nuisibles sur l'activité qu'une taxation du facteur travail. 7