Planchers : le silence est de bois

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Étude • Acoustique
Photo: Herlet/Cologne pour Lignotrend
Les planchers constituent un maillon
critique dans la construction à ossature
bois parce qu’ils doivent répondre
conjointement à des exigences vis-à-vis
des bruits aériens et des bruits de chocs.
Planchers :
le silence est de bois
S
Prescrire un plancher en bois dans un bâtiment
collectif relève parfois de la mission impossible.
Montrant de bonnes performances thermiques,
les systèmes traditionnels à ossature bois
décevaient fréquemment au niveau du confort
acoustique. Grâce à l’étude AcouBois,
les concepteurs disposeront désormais
d’un référentiel produits et d’un modèle
de prédiction leur permettant de prescrire
ce type de solutions avec la garantie de conformité
à la réglementation acoustique.
i les planchers en bois n’avaient pas la cote auprès
des bureaux d’études, cela s’expliquait souvent
par le manque de données sur les performances
réelles de ce type de produits. Pour les prescripteurs,
en l’absence de modèle prédictif, il était difficile de
s’engager sur des résultats à réception de l’ouvrage par
rapport aux exigences de la réglementation acoustique
(arrêté du 30 juin 1999). Or concernant les bâtiments
d’habitations, tous les permis de construire déposés à
compter du 1er janvier 2013 sont soumis à des mesures
in situ à la réception de l’ouvrage qui doivent prouver leur conformité à la réglementation acoustique.
Ce manque de visibilité sur les performances acoustiques
pour les bâtiments d’habitation collectifs constituait
un frein à la mise en œuvre de solutions constructives
en bois. Aujourd’hui, à l’issue d’un programme de
recherche de cinq ans financé par le Codifab, la DHUP
et l’ADEME, la donne a changé.
Photo : Fermacell
État des lieux et tests en laboratoire
Moins performante acoustiquement que la chape humide, notamment
en ce qui concerne les bruits de chocs, la chape sèche, mise en œuvre avec
un faux-plafond, permet néanmoins de réaliser un système entièrement
sec, conforme aux exigences de la réglementation acoustique.
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Wood Surfer n° 83 – août/septembre 2014
Le programme AcouBois (Respect des exigences acoustiques dans les bâtiments d’habitation à ossature bois),
réalisé en partenariat par l’institut technologique FCBA,
le CSTB et l’association Qualitel, a été segmenté en
plusieurs phases. La première, terminée en 2009, avait
pour but de recenser des dispositions constructives
existantes. « L’objectif de cette première phase, réalisée en collaboration avec les professionnels du secteur,
a été de définir toutes les configurations standard
dans les différentes parties d’ouvrage regroupées
Pour réaliser la phase suivante – les mesures acoustiques in situ –, les chercheurs ont sélectionné 37 opérations situées en France métropolitaine. Elles ont été
choisies parmi celles pour lesquelles était demandée
une certification Qualitel ou Habitat Environnement.
La moitié des constructions étudiées sont des logements individuels accolés ou du petit collectif en R + 1,
l’autre moitié, des logements collectifs. Outre les systèmes traditionnels à simple ossature, les plus représentés, avec des planchers avec chape sèche pour une
moitié et avec chape humide pour l’autre, l’étude a
porté sur des planchers en panneaux de bois massif :
quatre planchers massifs contrecollés à lames horizontales et deux planchers massifs contrecollés à lames
verticales, dont un tourillonné, eux aussi recouverts
de chapes humides ou de chapes sèches. Les mesures
ont également été réalisées sur un plancher à double
ossature et sur un plancher issu de la superposition
de modules préfabriqués.
Une méthode prédictive pour la construction en bois
L’étude a permis non seulement d’évaluer un certain
nombre de solutions concrètes, mais aussi d’élaborer une méthode prédictive pour les concepteurs.
« Il s’agit de modèles permettant d’estimer la performance obtenue in fine en prenant en compte
la performance propre de chaque élément mis en
œuvre et toutes les corrélations vibratoires existant
aux jonctions de différents éléments : façade/plancher, plancher/séparatives, etc., explique Régis Piscot.
Ces coefficients de jonction sont indispensables au
travail de modélisation. L’objectif de l’étude était
d’intégrer les modèles prédictifs pour la construction
en bois au logiciel de référence Acoubat Sound, édité
par le CSTB. Ce travail, qui est en cours, demandera
probablement quelques mesures complémentaires
afin de régler les problèmes normatifs. En attendant,
nous avons déjà une centaine de PV disponibles, que
nous souhaitons diffuser au plus grand nombre. »
Ce sera chose faite à la rentrée. Pour l’instant, et afin
d’apporter des solutions réglementaires aux professionnels, l’association Qualitel prévoit d’éditer une
Fiche intermédiaire complémentaire (FIC) au référentiel Qualitel 2012, portant sur la construction en
bois. Par ailleurs, toutes les solutions étudiées sont
Afin d’être conformes à la réglementation acoustique, les planchers
en CLT doivent être mis en œuvre avec une chape et une sous-couche,
ainsi qu’avec un faux plafond.
Photo : Wolf Connexion
Expérience terrain
Photo : Woodeum
suivant quatre familles – façades, cloisons séparatives,
planchers et toitures –, et testées par la suite en laboratoire », explique Régis Piscot, docteur en sciences et
ingénieur chargé des problématiques acoustiques à
l’institut technologique FCBA. « Nous avons constaté,
à l’époque, une grande diversité dans le savoir-faire
des entreprises. » Les mesures en laboratoire ont été
réalisées entre 2010 et 2013, et plus d’une centaine de
configurations ont été testées sur les quatre registres
prédéfinis. Les auteurs de l’étude ont pu déterminer
des solutions conformes à la réglementation avec des
planchers à simple ossature, double ossature ou CLT
(Cross Laminated Timber) avec plafond suspendu et
chape flottante.
Plus épais que ceux en béton, les planchers en bois offrent cependant
la possibilité de passer les réseaux, ce qui constitue un gain de place
non négligeable.
Réglementation acoustique
applicable aux logements neufs
• L’arrêté du 30 juin 1999 relatif aux caractéristiques acoustiques des
bâtiments d’habitation impose des performances minimales à réception du chantier dans les cinq registres d’isolement au bruit extérieur,
d’isolement au bruit intérieur, d’isolement aux bruits d’impact, de bruit
d’équipement technique et de durée de réverbération. Concernant les
planchers, la réglementation impose des résultats in situ à réception
de l’ouvrage sur les bruits aériens et les bruits d’impacts, tels que :
Bruit aérien intérieur : DnT,A ≥ 53 dB
et
Bruits d’impact : L’nT,w ≤ 58 dB
• L’arrêté du 27 novembre 2012 relatif à l’attestation de prise en compte
de la réglementation acoustique applicable en France métropolitaine
aux bâtiments d’habitation neufs oblige les maîtres d’ouvrage à fournir à l’autorité qui a délivré l’autorisation de construire un document
attestant la prise en compte de la réglementation acoustique. Cette
attestation est jointe à la déclaration d’achèvement des travaux.
Le décret s’applique aux bâtiments d’habitation neufs, réalisés en
France métropolitaine, dont le permis de construire a été demandé à
compter du 1er janvier 2013 (bâtiments collectifs, maisons individuelles
accolées ou contiguës à un local d’activité ou superposées à celui-ci).
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Étude • Acoustique
déjà disponibles dans le catalogue construction en
bois de FCBA, disponible en ligne sur www.catalogueconstruction-bois.fr.
La montée en puissance
des planchers massifs contrecollés
L’apparition de systèmes en bois massif contrecollé
sur les chantiers bouleverse un peu le paysage où prédominaient jusqu’alors les structures traditionnelles
à simple ou, plus rarement, à double ossature. Selon
Régis Piscot, on remarque déjà que le marché évolue
vers ces solutions : « Dans les logements, et même
dans les ERP, on voit aujourd’hui apparaître des systèmes CLT. Ce type de plancher présente l’avantage
d’apporter de la masse, favorable à la performance
acoustique et à l’inertie thermique du bâtiment. En
logements, ces produits composés de plusieurs couches
de différentes épaisseurs doivent néanmoins être
mis en œuvre avec une chape et une sous-couche,
ainsi qu’avec un faux-plafond avec un ou deux BA 13,
pour répondre aux exigences de la réglementation
acoustique. Les tests effectués sur des échantillons
de 115 mm d’épaisseur ont démontré qu’avec le système plancher nu et chape sèche, on arrive à une per-
formance acoustique d’isolement RA aux alentours
de 43 dB, ce qui est nettement insuffisant pour les
logements. En revanche, dès qu’on y ajoute un fauxplafond, les performances augmentent très sensiblement pour atteindre des niveaux permettant de
respecter la réglementation acoustique. »
L’épaisseur des solutions en bois reste donc un problème et les défavorise par rapport aux dalles en béton,
beaucoup moins encombrantes, de l’ordre de 27 cm
(dalle de 20 cm avec chape de 6 cm sur sous-couche
acoustique). « En construction en bois, pour arriver
à des performances acoustiques confortables et non
pas seulement réglementaires, il faut que le plancher
ait une épaisseur de l’ordre de 35 cm (CLT de 115 mm
avec chape de 50 mm sur sous-couche acoustique de
20 mm et faux-plafond sur fourrure d’encombrement
150-160 mm) contre 26 ou 27 cm dans le cas du béton.
Encore faut-il comparer ce qui est comparable : bien
souvent, il est nécessaire d’ajouter un faux-plafond aux
systèmes avec dalle en béton afin de faire passer les
réseaux (électrique, ventilation…) ; ce qui est déjà le cas
avec les systèmes en bois », précise Régis Piscot. 
Anna Ader
Exemples de solutions génériques de planchers bois
conformes à la réglementation acoustique selon l’étude AcouBois
POB 1 – plancher simple ossature : [Ln,w]base = 52 dB et [Rw + C]base = 62 dB
Plancher simple ossature
1. Revêtement de sol :
a. Chape sèche en plâtre fibres-gypse de 20 mm, en une ou deux couches, sur isolant en laine de roche ou fibres de bois
(sous avis technique) présentant une amélioration ΔLw ≥ 19 dB (mesurée sur béton de 14 cm) (1)
Avec revêtement de sol souple ΔLw ≥ 19 dB (sur BA 14 cm) : Δ[Ln,w] = 0 dB et Δ[Rw + C] = 0 dB
Autres revêtements : Δ[Ln,w] = - 2 dB et Δ[Rw + C] = 0 dB
b. Chape humide sur sous-couche acoustique certifiée CSTBat ou laine minérale présentant une amélioration ΔLw ≥ 19 dB
(mesurée sur béton de 14 cm)
Avec revêtement de sol souple ΔLw ≥ 19 dB (sur BA 14 cm) : Δ[Ln,w] = + 4 dB et Δ[Rw + C] = + 2 dB
Avec autres revêtements : Δ[Ln,w] = + 2 dB et Δ[Rw + C] = + 2 dB
2. Panneau OSB de 18 mm au minimum
3. Pare-vapeur éventuel
4. Isolant en laine minérale ou isolant biosourcé de 100 mm minimum entre les solives
5. Solives en bois ou poutres en I, 220 × 45 mm au minimum, avec entraxe de 400 mm au minimum
6. Pare-vapeur éventuel
7. Plafond suspendu avec fourrures fixées au pas de 600 mm par 800 mm (fixation sur une solive sur deux), avec parements constitués de deux BA13, ou
• 1 BA15 F : Δ[Ln,w] = - 2 dB et Δ[Rw + C] = - 2 dB
• 1 BA18 : Δ[Ln,w] = - 1 dB et Δ[Rw + C] = - 1 dB
Il est possible de cumuler trois corrections, dont la somme sera plafonnée à + 4 dB pour les aériens et à + 2 pour les chocs.
La chape sèche présente un risque d’inconfort lié au bruit de chocs en basses fréquences par rapport à une chape humide :
(voir rapport sur les enquêtes perceptives sur le confort acoustique).
(1)
>>>
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Étude • Acoustique
>>>
POB 2 – plancher double ossature : [Ln,w]base = 54 dB et [Rw + C]base = 58 dB
Plancher double ossature
1. Revêtement de sol :
a. Sol souple avec ΔLw ≥ 19 dB (sur BA14 cm) : Δ[Ln,w] = + 2 dB et Δ[Rw + C] = 0 dB
b. Parquet 14 mm sur sous-couche ΔLw ≥ 17 dB (sur BA 14 cm) : Δ[Ln,w] = + 5 dB et Δ[Rw + C] = + 2 dB
c. Chape sèche en plâtre fibres-gypse de 20 mm, en une ou deux couches, sur isolant en laine de roche ou fibres de bois
(sous avis technique) présentant une amélioration ΔLw ≥ 19 dB (sur BA 14 cm) : Δ[Ln,w] = + 8 dB et Δ[Rw + C] = + 9 dB
d. Chape humide sur sous-couche acoustique certifiée CSTBat présentant une amélioration
ΔLw ≥ 19 dB (sur BA 14 cm) : Δ[Ln,w] = + 10 dB et Δ[R w + C] = + 10 dB
e. Autres revêtements : Δ[Ln,w] = 0 dB et Δ[Rw + C] = 0 dB
2. Panneau OSB de 18 mm au minimum
3. Pare-vapeur éventuel
4. Solives en bois ou poutres en I, 220 × 45 mm au minimum, avec entraxe de 400 mm au minimum
5. Isolant en laine minérale ou isolant biosourcé de 200 mm au minimum entre les solives
6. Solives en bois secondaires indépendantes 100 × 45 mm au minimum, avec entraxe de 400 mm au minimum
7. Pare-vapeur éventuel
8. Plafond suspendu avec fourrures fixées au pas de 600 mm par 800 mm (fixation sur une solive sur deux), avec parements constitués de deux BA13.
Il est possible de cumuler deux corrections, dont la somme sera plafonnée à + 10 dB en chocs et aériens.
POB 3 – Plancher bois massif contrecollé : [Ln,w] = 51 dB et [Rw + C] = 61 dB
1. Revêtement de sol :
Plancher panneau bois lamellé-croisé
a. Chape sèche en plâtre fibres-gypse de 20 mm, en une ou deux couches, sur isolant en laine de roche ou fibres de bois
(sous avis technique) présentant une amélioration ΔLw ≥ 19 dB (mesurée sur béton de 14 cm)
Avec revêtement de sol souple ΔLw ≥ 19 dB (sur BA 14 cm) : Δ[Ln,w] = + 1 dB et Δ[Rw + C] = 0 dB
Avec autres revêtements : Δ[Ln,w] = 0 dB et Δ[Rw + C] = 0 dB
b. Chape humide sur sous-couche acoustique certifiée CSTBat présentant une amélioration
ΔLw ≥ 19 dB (sur BA 14 cm) : Δ[Ln,w] = + 2 dB et Δ[Rw + C] = + 1 dB
2. Panneau bois lamellé-croisé de 115 mm au minimum (sous avis technique)
3. Isolant en laine minérale ou isolant biosourcé de 100 mm au minimum
4. Pare-vapeur éventuel
5. Plafond suspendu avec fourrures fixées au pas de 600 mm, avec parements constitués de deux BA13, ou
• 1 BA13 : Δ[Ln,w] = - 4 dB et Δ[Rw + C] = - 4 dB
• 1 BA13 dB : Δ[Ln,w] = - 2 dB et Δ[Rw + C] = - 2 dB
• 1 BA15 F : Δ[Ln,w] = - 3 dB et Δ[Rw + C] = - 3 dB
• 1 BA18 : Δ[Ln,w] = - 2 dB et Δ[Rw+C] = - 2 dB
Il est possible de cumuler trois corrections, dont la somme sera plafonnée à +2 dB en chocs et +1 dB en aériens.
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