42 LE MONITEUR _ 9 mars 2012
Technique & Chantier
ENQUÊTE
STRUCTURE
La construction bois
prend de la hauteur
L’EXPERT
MQue dit la glementation
incendie sur la construction bois ?
La réglementation incendie nobéit
pas à une logique par mariaux,
mais par type de bâtiment. Les
timents d’habitation sont class
en quatre familles, avec autant
dexigences de stabiliau feu des
éléments porteurs verticaux et de
degré coupe-feu des planchers et
parois séparatives des logements.
En résumé, pour les maisons
individuelles de la première famille
(un étage sur rez-de-chause),
lexigence est de 15 minutes sur
les éléments porteurs verticaux.
Elle est de 30 minutes pour les
timents de la deuxième famille
(trois étages sur rez-de-chaussée),
puis passe à 1 heure en troisième
famille (bâtiments d’habitation
limis à 28 m en hauteur). Enn, en
quatrième famille, où le plancher
bas du logement le plus haut
se trouve à plus de 50 m du sol,
lexigence est portée à 90 minutes.
MQuel est lenjeu pour le bois
en troisième famille et au-de ?
La résistance au feu des produits,
éléments de construction et
douvrages est gie par larrêté du
14 mars 2011, modiant larrêté du
22 mars 2004. Ce texte fait férence
à lEurocode5 ou aux gles bois
feu 88. Or, les règles de moyens
proposent des solutions limitées à
une résistance au feu de 30minutes.
La lière avait donc besoin dessais
normalisés relatifs à létanci des
parois en ossature bois susceptibles
de pondre à une exigence
surieure.
Sécurité incendie : une logique par type douvrage
CSTB
STÉPHANE HAMEURY,
chef de projet de
la mission Bois et
construction durable
au CSTB.
Pour construire des immeubles en bois au-delà du R + 2, les justications des performances de résistance
au feu et disolation acoustique faisaient défaut. Plusieurs études sont actuellement menées pour y remédier.
La construction bois a la faveur du public.
Les projets eurissent et gagnent de la
hauteur, avec des immeubles de loge-
ments R + 5 mis en chantier dans lHexagone
et des projets jusquà R + 11 en Allemagne, par
exemple. Mais lusage du bois reste largement
cantonné aux maisons individuelles. Loge-
ments collectifs et bâtiments non résidentiels
ne représentent que 10 % de la construction
bois (1). « Certes le bois se démocratise et
ne fait lobjet daucun obstacle réglemen-
taire, constate Serge Le Nevé, responsable
Conseil, innovation, appui technique au
FCBA (institut technologique Fot, cellulose,
bois-construction, ameublement). Pour autant
nous manquons de données pour justier les
performances face à lincendie et la prédiction
du comportement acoustique. » Ce sont les
principaux freins à la construction bois au-
de du R + 3. C’est pourquoi plusieurs études
ont été lancées par différents organismes,
CSTB (Centre scientique et technique du
bâtiment), FCBA et Codifab (Comité profes-
sionnel de développement des industries
françaises de lameublement et du bois)
en te. Les travaux sur la glementation
incendie, débutés en 2009 et dont les résultats
seront publiés en 2013, ont consisté à mener
des essais sur la résistance au feu des parois
à ossature bois, dans le sens du DTU 31.2, soit
des montants en bois tous les 60 cm, remplis
disolant et fermés de plaques de ptre. Il
sagit de tester dix congurations de murs et
planchers, en variant les doublages en plaques
de ptre, leur quali, positionnement, type
dancrages, etc. Objectif : fournir des justi-
cations constructives pour une résistance
au feu jusquà 90 minutes. « La précision et la
standardisation limitent les défauts dinter-
ptation et contribuent au développement du
bois au-delà des R + 3 en résidentiel, voire dans
les établissements recevant du public », estime
Serge Le Nevé.
Lautre chantier qui débute en 2012 concerne
la limitation de la propagation du feu en
façade des sysmes à ossatures bois. « Les
solutions retenues dans la version visée de
linstruction technique (IT)249 impliquent
entre autres des isolants de types laines miné-
rales, ce qui peut être limitatif », note Sphane
Hameury, chef de projet de la mission Bois
et construction durable au CSTB. Létude qui
va débuter vise à tester des recoupements de
façade et une varié disolants pour diversi-
er les solutions. A plus long terme, un projet
de DTU sur les façades à ossature bois sur
noyau en ton est prévu dans le cadre du
programme Règles de lart Grenelle envi-
ronnement 2012, ani par lAgence Quali
Construction. Enn, létude Acoubois vise à
pallier le manque de méthodologie pour p-
dire par le calcul les performances disolation
acoustique dun ouvrage léger. Lane en 2010
par Cerqual, le CSTB et le FCBA, létude modé-
lise le comportement acoustique des sysmes
bois et établit une banque de données des
solutions évaluées. n Dossieralisé par Julie Nicolas
(1) Source : Collection Xer Research 2010.
Voir aussi dans ce numéro le cahier
pratique « Structures en bois :
vérifications avec les Eurocodes ».
Retrouvez l’intégralité de l’interview
sur lemoniteur.fr/hameury
9 mars 2012 _ LE MONITEUR 43
LOGEMENTS
Une ossature légère
en bois grimpe en R+5
n
An de réaliser un immeuble R + 5 à Montreuil
(Seine-Saint-Denis) avec une ossature porteuse en bois,
les architectes de lagence Graam ont trouvé une solution
originale : concevoir des appartements en triplex avec
un accès au niveau R + 3. Le timent de 18 m de hauteur
est ainsi classé en deuxième famille, selon la nition
de l’arrêté relatif à la protection contre lincendie des
timents d’habitation du 31 janvier 1986. Les ossatures
ingrent des montants de 150 mm en épicéa massif xés
sur des panneaux de particules assurant le contrevente-
ment et isos par 160 mm de laine de verre. Le complexe
est complété intérieur par un pare-vapeur et des
plaques de plâtre. Longs de 13 m et hauts de 3,06 m, les
éléments de mur de façade ont é livrés sur le chantier
avec leurs menuiseries et le bardage en ze.
Ce projet a nécessi 108 m3 de bois adossés à une cage
descalier en ton. Chaque plancher repose sur deux
poutres muraillères xées sur les parois verticales,
qu’il sagisse de murs de bois ou du noyau de ton, en
fonction des endroits. Les solives reprennent ainsi les
efforts structurels. Lensemble est contreventé à chaque
étage par le voile travaillant soigneusement « couturé »
aux montants. Les planchers, dont lépaisseur totale varie
entre 35 et 40 cm en fonction des portées, comprennent
un vide dair acoustique en sous-face qui atténue les
bruits d’impacts de 8 dB(A) de mieux que la nouvelle
glementation acoustique qui demande une atténuation
de 58 dB(A) aux bruits dimpact. Le hors deau/hors dair
a éalisé en un peu plus de deux mois avec quatre
charpentiers et un grutier.
FICHE TECHNIQUE Maîtrise d’ouvrage : Migwetc. Maîtrise d’œuvre : Graam Architecture.
Entreprises : GMC (gros œuvre béton) ; Socopa (ossature bois et menuiseries) ; TCR (second œuvre,
doublages, cloisonnements, électrici) ; Color’s (parquets, peintures).
1. L’édifice de 540 m² Shon utilise une ossature en bois, habillée d’un bardage en mélèze ajouré
d’un côté et peint au rouge de Falun comme les maisons scandinaves de l’autre.
2. Le contreventement est assuré par la rigidification niveau par niveau, grâce aux muraillères
qui supportent le plancher supérieur. 3. Le voile de contreventement en panneaux de particules
est doublé d’un pare-pluie sur lequel est posé le bardage à claire-voie.
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PHOTOS DANIEL ROUSSELOT
AGENCE GRAAM
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9 mars 2012 _ LE MONITEUR 45
HABITAT SOCIAL
Veiller à lisolation
acoustique
entre logements
n
Initialement prévu en béton, le projet du
bailleur social Atlantique Habitations à Vertou
(Loire-Atlantique) est réalisé nalement en bois.
Un choix qui permet de gagner douze mois de
chantier sur les deux ans projetés au départ,
grâce à la pfabrication. Non seulement les
murs en bois massif à plis croisés de 16 mx3 m
sont livrés préfabriqués, mais aussi les salles de
bains de la société Arex. « L’usage du bois mas-
sif contre-clo permet à chaque mur dassurer
la portance et le contreventement sans retrait
en cas de pluie », souligne Jean-Michelpi-
neau, président de Muréko. Lenveloppe est en-
suite isolée thermiquement par lextérieur avec
120 mm de polystyrène expansé sous enduit
et 140 mm de laine de roche sous les bardages
en zinc et en bois. Une solution qui tient aussi
compte de la voie de circulation bruyante à
proximi des bâtiments.
Lacoustique a fait lobjet détudes précises
qui ont me lacousticien à proposer deux
solutions d’isolation pour les planchers comme
pour les parois séparatives entre logements.
Epais de 180 mm, les planchers bois man-
quaient de masse. Une dalle béton, dont
lépaisseur varie en fonction de la sous-face de
plancher (apparente ou non), a donc é coulée
sur un résilient acoustique. Les murs entre lo-
gements ne mesurant que 9 cm dépaisseur, ils
sont isolés par une laine minérale acoustique et
un vide dair. « Des mesures complémentaires
seront réalisées en mai, indique Jean-Michel
Lépineau, car deux appartements isolés avec
les mes complexes acoustiques pourront
présenter des performances distinctes, du fait
notamment des géotries et des surfaces
différentes. »
Six jonctions murs/planchers en bois admises par la réglementation
Depuis mai 2010, l’instruction technique (IT)249
sur la propagation du feu en façade intègre six
jonctions fade/planchers en bois : deux solutions
en mur-rideau et quatre en mur semi-rideau,
dont deux intègrent des panneaux contrecollés
à plis croisés. Leur logique se comprend à partir
des scénarios de propagation du feu dans un
timent : il prend dans un logement au niveau N,
sort par la fenêtre, monte le long de la façade et
ne doit pas rentrer au niveau N + 2, le N + 1 étant
pris en compte par les stragies dévacuation.
Lobjectif des dispositifs est donc de cantonner les
ammes en évitant leur passage en nez de dalle,
par exemple gce à une étanchéité de jonction en
laine de roche de 70 kg/m3 et à une lisse en bois
massif de 70 mm dépaisseur. « Une épaisseur
suffisante pour résister une heure », pcise
Yves-Marie Ligot, psident de lassociation
Ingénierie bois construction (IBC). Des bavettes
en acier à chaque niveau reportent lesammes
et les gaz chauds vers lextérieur pour couper
leffet cheminée. Enfin, pour éviter que le feu ne
nètre au niveau surieur, des parois coupe-
feu 30 minutes de lextérieur vers linrieur sont
mises en place. Gce à ces solutions et aux figures
assoces, les maîtres dœuvre vont s’affranchir
des justifications techniques au cas par cas.
FICHE TECHNIQUE Maîtrise d’ouvrage : Atlantique
Habitations et Coopérative GHT. Maîtrise d’œuvre : Forma6.
Entreprise générale bois : Muréko.
3Structure bois
1. Réalisés en épicéa massif
à plis croisés, les murs sont
livs avec les ouvertures et les
rainures pour le passage des
fluides. 2. Si les cages d’escalier
et d’ascenseur sont en bois, les
escaliers autostables seront
en béton pour des raisons
d’acoustique et d’entretien.
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PHOTOS MUREKO
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46 LE MONITEUR _ 9 mars 2012
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TERTIAIRE R + 6 à structure
poteaux-poutres
en lamellé-collé
n
Les 6 000 m² de bureaux en R + 6 de Fondaction CSN
à Québec (Canada) utilisent près de 1000 m3 de bois,
partis à égali entre la structure en bois lamellé-collé
et les platelages des planchers. Jusquen 2008 et la mo-
dication du Code de construction du Qbec, il nétait
pas possible de dépasser le R + 4 avec des éments por-
teurs en matériaux combustibles. Le calcul des sis-
tances au feu a donc é revu et prend en compte aussi
bien le Code national du timent (canadien) que les
Eurocodes et les codes aricains. Résultat : les poutres
principales présentent des sections de 362 x 527 mm et
les poteaux des sections de 362 x 480 mm. Des dimen-
sions qui comprennent un surdimensionnement de
40 mm sur toutes les faces des pces pour assurer une
résistance au feu dune heure minimum. Le bois se
consume en effet à la vitesse de 0,65 mm/minute, soit
39 mm en une heure. Le surdimensionnement a contri-
bué à rigidier la structure qui utilise par ailleurs des
cages dascenseur et descalier en béton. Le platelage, en
lamellé-collé aussi, mesure 89 mm dépaisseur. Dispo
directement sur les poutres, il soutient le plancher du
niveau supérieur, compo dune membrane acous-
tique, de contreplaqué et dun retement. Lédice
mesure ainsi 22,2 m de hauteur et a coûté 14,5 millions
de dollars canadiens (11 millions deuros).
FICHE TECHNIQUE Maîtrise d’ouvrage : Fondaction CSN. Maîtrise d’œuvre : Gilles Huot, architecte. BET structure : Idem. Fournisseur : Nordic Structure Bois.
Entreprises : Pomerleau (gérance de construction). Montage de la structure : Les constructions FGP.
1. Afin de garder apparentes les sous-faces des planchers, un soin particulier a été appor
à l’assemblage des systèmes mécaniques. 2. Toutes les attaches métalliques entre les pièces
ont été cachées pour la protection au feu. Plaques et boulons ont donc été enfermés derrière
des goujons de bois. 3. Outre le surdimensionnement des éléments en lamellé-collé, la sécurité
incendie est assurée par une augmentation de 30 % du système de Sprinkleurs. Une issue de
secours supplémentaire a été ajoutée aux deux prévues par le Code de la construction.
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PHOTOS JONATHAN ROBERT/CECOBOIS
3Structure bois
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