Retrouvez le texte intégral de SB Grégoire III Laham

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TEXTE INTEGRAL
Très Saint Père,
“Ubi caritas et amor, ibi Deus est! Congregavit nos in unum Christi amor”.
C’est l’antienne qui répond à la promesse de Jésus: « Là où deux ou trois se trouvent
réunis en mon Nom, je suis présent au milieu d’eux » (Matthieu 18, 20).
C’est aussi le beau titre donné à l’Eglise de Rome par Saint Ignace d’Antioche:
l’Eglise « qui préside dans la charité. »
Tout cela s’est réalisé d’une manière éclatante depuis la première heure de votre
Pontificat. « Deus caritas est », a dit l’Evangéliste Saint Jean le Théologien (1 Jean 4, 8).
On peut dire aussi, de Votre Sainteté, « Franciscus caritas est ». On lit dans les vêpres de
la fête du trépas de Saint Jean le Théologien cette très belle phrase: « Merveille qui
dépasse notre esprit, affaire concernant les sages: Celui qui était plein d’amour fut aussi
comblé de théologie! »
Je crois voir dans cette louange une expression éloquente et adéquate du ministère
pétrinien de Votre Sainteté: vous êtes plein d’amour et pour cela un grand théologien!
C’est pour notre Eglise patriarcale d’Antioche une très grande joie de saluer Votre
Sainteté aujourd’hui. Nous vous portons le salut filial et dévoué de nos prêtres, religieux,
religieuses, diacres et laïcs, hommes et femmes engagés à côté de leurs pasteurs dans les
différentes formes d’apostolat et le service des pauvres, dans les universités, les écoles, les
hôpitaux, les orphelinats, les confréries, les groupes de jeunes...
Notre Eglise est fière d’être en pleine communion avec le Siège de Pierre et avec
Votre Sainteté. Communion à laquelle nous avons été fidèles malgré les persécutions qui
ont fait de nous, pendant des décennies, une Eglise des Catacombes.
Trois aspects caractérisent notre Eglise:
1) Nous sommes une Eglise en pleine communion avec l’Eglise de Rome, fidèle à
notre tradition orientale, en très bonne relation avec l’Eglise-sœur, orthodoxe, dans les
Patriarcats d’Antioche, d’Alexandrie et de Jérusalem.
2) Nous sommes une Eglise arabe par ses origines et ses racines.
3) Nous sommes une Eglise dans un monde à majorité musulmane.
C’est ce qui m’a poussé à recourir à une terminologie, pour d’aucuns osée, car mal
comprise. Nous sommes l’Eglise des Arabes (en plus d’être une Eglise arabe) et une
Eglise de l’Islam, c’est-à-dire une Eglise dont l’histoire, le présent et l’avenir sont liés à
l’Islam: une Eglise arabe, avec et pour les Arabes; une Eglise de l’Islam, avec et pour
l’Islam. En tant qu’Eglise au Proche-Orient, nous avons donc une responsabilité toute
spéciale envers ce monde, qui est notre monde. C’est là que nous vivons notre
christianisme depuis près de deux mille ans, dont 1.434 années avec l’Islam. Notre Eglise
est celle qui est définie par le Synode pour le Moyen-Orient et dans l’Exhortation
Apostolique Post-Synodale Ecclesia in Medio Oriente, de votre cher prédécesseur, Sa
Sainteté Benoît XVI, sur le thème: « Communion et témoignage. »
Notre Eglise est répandue dans tous les pays du Proche-Orient et, dans des
proportions différentes, dans les pays d’émigration. C’est ce qui explique les
caractéristiques que je viens de mentionner.
Vous avez rencontré notre Eglise de l’émigration en Amérique Latine, notamment
dans votre pays, l’Argentine. J’ai eu le plaisir de vous faire une visite à Buenos Aires le 26
août 2010. Vous connaissez et vous aimez cette Eglise orientale, dans la richesse de
l’Orientale Lumen, de ses rites, de sa spiritualité, de sa théologie et de toutes ses
traditions.
Cette Eglise que vous aimez est aujourd’hui une Eglise en détresse. Vous ne cessez
d’en parler, et surtout de cette Syrie que vous appelez « bien-aimée », où se trouve le siège
de notre Patriarcat antiochien.
Pour cette Eglise qui est dans une situation inédite dans son histoire, vous êtes Simon
le Cyrénéen, qui portez sa croix avec elle, et cela avec compassion et amitié. Pour cette
Eglise orientale, surtout en Syrie, vous êtes comme le Christ qui apaisa la tempête sur le
lac de Tibériade.
Comme le Bienheureux Pape Jean Paul II, qui fit tomber le mur de Berlin par sa prière
et ses interventions courageuses, vous avez fait, Très Saint Père, un miracle en appelant les
chrétiens et le monde entier au jeûne et à la prière, le 7 septembre dernier. Vous avez ainsi
provoqué un tournant dans la crise syrienne, et même dans la vision de la politique
mondiale. Le monde a changé, après le 7 septembre 2013!
Nous pressentons que vous préparez des initiatives qui vont changer la vision du
monde, surtout au Proche-Orient, et par là dans le monde entier.
Oui! Nous attendons une initiative qui aboutisse à résoudre le conflit israëlo-arabopalestinien, et établisse une paix juste, durable et totale au Proche-Orient, à partir de la
Terre Sainte et de Jérusalem, cette Ville de la Paix qui est notre mère. C’est vous qui allez
faire tomber le mur qui, malheureusement, ne sépare pas seulement Juifs et Palestiniens,
mais aussi les pays arabes entre eux, ce qui menace la convivialité, le dialogue islamochrétien et les valeurs humaines.
Résoudre ce conflit, qui dure depuis 65 ans, cela veut dire résoudre 50 pour cent des
problèmes du Proche-Orient et garantir la présence chrétienne, une présence tellement
importante, de communion et de témoignage.
Très Saint Père,
Beaucoup de nos fidèles ont quitté le Proche-Orient. Beaucoup d’autres veulent partir.
Nous déployons tous les efforts possibles pour les aider à rester. L’Eglise déploie une
activité très intense pour assurer un minimum d’aide humanitaire. Nous remercions Votre
Sainteté, la Congrégation pour les Eglises Orientales et les différents organismes qui nous
assistent à cet effet.
Nous vous assurons que, malgré les malheurs et la situation tout à fait tragique que
nous vivons depuis bientôt trois ans, nous voulons rester et aider nos fidèles à rester.
Vous nous avez interpelés en nous disant de ne pas laisser la flamme de l’espérance
s’éteindre dans nos cœurs. Aidés et soutenus par vos prières, votre sollicitude et vos
initiatives prophétiques, courageuses et évangéliques, nous voulons rester sur cette terre
bénie, berceau du christianisme. Nous voulons être martyrs sur cette terre, martyrs par le
sang, comme c’est le cas de certains de nos fidèles, dont trois hommes de Maaloula:
Michel Thalab, Mtanios Thalab et Sarkis Zachem.
Très Saint Père, ce sont de vrais martyrs, qui ont été sommés d’abjurer et ont
fièrement refusé. Trois autres, cependant, ont cédé et ont été obligés de professer l’Islam,
mais ensuite ils sont revenus à la foi de leurs ancêtres.
Très Saint Père,
Aidez-nous à rester au Proche-Orient: ex Oriente lux!
J’ai récemment lancé, pour notre Eglise Grecque-Melkite Catholique, un triple slogan
qui est comme un engagement, que j’aime répéter devant Votre Sainteté, en mon nom
propre et au nom de toute notre Eglise:
1) Nous devons rester ensemble, chrétiens et musulmans, pour être témoins de
l’Evangile et construire ensemble, chrétiens et musulmans, un monde et un avenir
meilleurs pour nos jeunes générations.
2) Nous pouvons rester ensemble, chrétiens et musulmans, pour être témoins de
l’Evangile et construire ensemble, chrétiens et musulmans, un monde et un avenir
meilleurs pour nos jeunes générations.
3) Nous voulons rester ensemble, chrétiens et musulmans, pour être témoins de
l’Evangile et construire ensemble, chrétiens et musulmans, un monde et un avenir
meilleurs pour nos jeunes générations.
Très Saint Père,
Nous voulons rester dans ce Proche-Orient pour répondre à l’appel de Jésus, qui nous
répète continuellement (et vous ne cessez de nous le rappeler): “N’aie pas peur, petit
troupeau” (Luc 12, 32), et cela parce que nous avons une grande mission à accomplir pour
le grand troupeau. N’ayez pas peur, nous dit le Christ, car “Je suis avec vous, pour
toujours, jusqu’à la consommation des temps” (Matthieu 28, 20).
Oui, nous voulons rester et être, comme Jésus nous l’a demandé, lumière, sel et
levain (Matthieu 5, 13-14).
Nous vous assurons de nos prières, et nous demandons les vôtres et votre bénédiction.
Nous vous aimons, Pape François!
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