Fortes gelées de la semaine passée, peu de dégâts visuels mais nécessité de suivre l’évolution des plantes Les fortes gelées de la semaine écoulée ont pu inquiéter les producteurs d’oléoprotéagineux. Les observations réalisées sur le terrain par les ingénieurs de Terres Inovia et leurs partenaires permettent de conclure qu’il n’y a pas eu de dégâts apparents majeurs de type destruction de ramifications sur les colzas. Cette appréciation ne se veut pas définitive et il convient de continuer à suivre l’évolution de la situation en particulier au niveau des organes fructifères, boutons, fleurs, jeunes siliques et siliques plus avancées. Le déficit hydrique qui continue à se creuser impacte déjà le développement végétatif des cultures. Il compromet, sans retour rapide de pluies substantielles, les capacités importantes de compensation des plantes de colza. Graphique : déficit en eau très marqué en 2017 Les constats réalisés sur le terrain En Bourgogne Franche Comté De fortes gelées ont été enregistrées tout particulièrement sur les plateaux et l’ouest de la région. En dépit d’observations inquiétantes réalisées le matin même de la plus forte gelée, soit le 20 avril au matin, on n’observe pas de dégâts apparents majeurs sur les plantes, sauf très localement. Les stades varient de F1 pour les plus tardives (altitude) à G4 pour les plus précoces (plaine). Le déficit hydrique combiné au froid et à un bon rayonnement conduit à des colzas relativement courts, avec des feuilles de surface réduite et à la biomasse limitée. On relève une forte hétérogénéité dans le degré apparent de formation des siliques. Pas ou peu de manques dans les plus engageantes mais siliques courtes voire manquantes dans les moins belles. Photo : Illustration d’une situation compromise avec hampes gelées (Fleurey sur Ouche - 21). Cas très peu fréquent Terres Inovia le 27/04/2017 – Fortes gelées récentes : suivre l’évolution 1 En Lorraine Un large tour de plaine réalisé le 20 avril (400 km – 150 parcelles croisées) a permis à Aurore Baillet de dresser un état des lieux assez exhaustif sur cette région déjà fortement impactée à l’automne par la sécheresse au moment de l’implantation. Les cultures étaient au stade F1-G1. Avec une évolution ralentie de la floraison due aux températures basses. 60 % des parcelles sont jugées régulières (photo de gauche) même si, selon les secteurs, cette régularité recouvre des situations de volume de biomasse très différentes. Elles se rencontrent préférentiellement dans le sud et l’ouest de la région. 37 % des parcelles sont jugées irrégulières (photo de droite), reflétant les difficultés d’implantation de l’automne. Leur potentiel est déjà largement entamé. Des avortements de boutons, des hampes principales tordues et des feuilles flétries, conséquences des conditions climatiques, sont observés dans certaines parcelles. Lors de la tournée, il était encore trop tôt pour évaluer les possibles conséquences du gel et du sec. Des observations seront faites ultérieurement. En Champagne Un tour de plaine réalisé par Laurent Ruck le 21 avril sur le nord de la Champagne où les gelées les plus sévères ont été enregistrées (30 parcelles visitées) permet de faire le constat suivant. Dans l’ensemble les parcelles sont au stade G1-G2 ce qui permettrait de valoriser efficacement un retour de la pluie. Terres Inovia le 27/04/2017 – Fortes gelées récentes : suivre l’évolution 2 Avortements de boutons et hampes tordues sont observés à peu près partout. 4 parcelles présentent des hampes principales pendantes, flasques, portant des fleurs à l’aspect « fripé ». Ces symptômes correspondent à ceux observables en cas de fort gel. Un dessèchement prématuré des organes touchés est probable (photos ci-dessous). Le sec est généralisé mais seules les parcelles ayant connu des difficultés d’implantation paraissent vraiment en souffrir. Dans les Hauts de France Les parcelles de colza sont globalement très correctes et la floraison bat son plein. Des difficultés de floraison apparaissent dans certaines parcelles généralement dans des sols à faible réserve utile en eau. Toutefois ces cas sont souvent liés à des causes multifactorielles : qualité de l’implantation (pivot), date et quantité d’azote disponible pour les plantes, dégâts d’insectes. Les gelées matinales ont plutôt un rôle de facteur aggravant dans ces situations. Le retour de pluies permettrait à la plante de refleurir et de compenser les pertes de boutons. Il est trop tôt pour faire une évaluation précise et finale de l’impact des gelées Au moment des gelées les plus fortes1, les parcelles les plus avancées étaient proches de la défloraison, les plus en retard en début de floraison. Une étude réalisée en 1995 s’est penchée sur la sensibilité des organes fructifères du colza au gel2. Les éléments qui vont être présentés ci-après en découlent et viennent compléter l’expertise acquise sur la question. L’étude a été conduite en conditions contrôlées avec un niveau de gel de – 3°C +/0,5 °C appliqué pendant 4 h. Les observations ont porté sur la viabilité du pollen et des ovules du stade bouton 2 mm à graines matures. Graphique : jusqu’à - 8° C le 20/04 Premier constat, le pollen est très peu affecté par le gel sauf au stade dit « binucléé » qui survient lorsque le bouton floral a une taille comprise entre 4 mm et 6,5 mm ou entre 5 et 1,5 jour avant son entrée en floraison (80 % de pollen non viable). Cependant, même en cas de dommage, il s’avère qu’il y a encore suffisamment de pollen pour garantir une bonne fécondation (graphique A page suivante). A l’inverse, les ovules et les jeunes graines se révèlent très sensibles et ce durant une longue période. Le stade de sensibilité des ovules démarre 10 j. avant l’ouverture du bouton, ce qui correspond à un bouton de 2 mm et au stade de la méiose. 7 jours avant l’ouverture du bouton, 3 mm et fin de la 1 Lien vers une actualité Météo France : http://www.meteofrance.fr/actualites/48616529-fortes-gelees-aunord 2 1995 – Thèse intitulée Effet du gel sur la floraison de colza d’hiver – Sensibilité des organes reproducteurs, impacts sur le rendement grainier et recherche de marqueurs biochimiques de résistance – André Lardon Terres Inovia le 27/04/2017 – Fortes gelées récentes : suivre l’évolution 3 méiose, 60 % des ovules sont détruites par l’épisode le gel appliqué lors de l’étude. De plus la sensibilité des ovules croit jusqu’à l’ouverture du bouton (80 % des ovules détruites)3, graphique A cidessous. Le gel impacte également les jeunes graines en cours de formation et ce pendant une longue période (critère retenu, le poids de la graine / au témoin non stressé). La période de sensibilité maximale est d’environ 20 jours après la pollinisation puis décroit progressivement tout en restant mesurable à 40 jours passés (graphique B). Outre le poids de 1000 grains, le taux de germination des graines est aussi très fortement affecté, 100 % de non germination, même si le gel survient 20 jours après la pollinisation. Le colza a la particularité de porter au cours de sa phase reproductrice des organes fructifères à tous les stades de développement. On comprend mieux pourquoi il est très difficile de juger rapidement de l’impact d’un gel juste avant l’entrée en floraison ou en floraison. De plus le pouvoir de compensation est très important, la destruction de boutons, de fleurs, de jeunes siliques et même de graines dans les siliques provoque la levée de dormance d’organes en latence, à condition bien entendu que les conditions d’alimentation en eau et minéraux soit assurée. Lorsque les conditions sont bonnes on observe même parfois des effets de sur compensation qui peuvent se traduire positivement sur le rendement, plantes avec dégâts précoces plus productives que sans dégâts. On notera en complément que la même étude démontre que les « organes de secours » ont quasiment les mêmes potentialités que les organes de départ. Cela a été confirmé par d’autres études beaucoup plus récentes. En conclusion provisoire Les cultures de colza semblent avoir, du moins au premier abord, bien « digéré » les gelées marquées récentes, de - 3° C à – 8 ° C très localement. Les premières observations, 4/5 jours après, montrent effectivement que l’on va perdre des fleurs et des jeunes siliques mais l’on sait qu’une récupération reste toujours envisageable pour peu qu’une alimentation hydrique et minérale puisse rapidement se rétablir. Il falloir attendre une bonne quinzaine de jours pour pouvoir apprécier pleinement l’effet sur l’avortement et la croissance des graines déjà formées au moment des gelées, les 15/20 premiers jours après pollinisation de l‘ovule correspondant à une phase de forte multiplication cellulaire. Ce n’est qu’après cette phase que les cellules contenues dans les graines croissent de manière importante et que les graines non avortées grossissent dans les siliques. 3 Si tous les ovules sont détruits, les siliques avortent. A rapprocher des symptômes observables au champ, petites siliques jaunes Terres Inovia le 27/04/2017 – Fortes gelées récentes : suivre l’évolution 4