COPYRIGHT PULSUS GROUP INC. – DO NOT COPY SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE – 89e congrès annuel Que faire devant l’échec d’un plan de traitement du TDAH? On estime que deux patients sur trois ayant un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) ont une maladie comorbide. Parmi la myriade de comorbidités possibles, soulignons les troubles de développement et d’apprentissage et les troubles psychiatriques comme l’anxiété. Les troubles psychosociaux peuvent également compliquer le bilan clinique, contribuer aux mauvais résultats scolaires de l’enfant et nuire à sa réponse au traitement du TDAH. En général, les patients ayant des comorbidités ont besoin d’interventions multidisciplinaires plus personnalisées. Le TDAH touche environ un enfant sur 20. Les principaux symptômes, soit l’inattention, l’hyperactivité et l’impulsivité, provoquent des problèmes de performance scolaire et des perturbations dans les relations familiales et sociales. Environ 60 % des enfants touchés présenteront des déficits fonctionnels jusqu’à l’adolescence ou à l’âge adulte. Selon la docteure Charach, des recherches continues sur les fondements génétiques et neurobiologiques du TDAH et sur ses effets sur les processus cognitifs et psychologiques pourraient finir par susciter de nouveaux critères diagnostiques. D’après les données probantes à jour, le TDAH est plus héréditaire que l’intelligence et la dépression majeure. Certains gènes s’associent aux symptômes de TDAH. Ils participent surtout à la transmission de la dopamine et de la catéchol-Ométhyltransférase, même si on n’en connaît pas la capacité prédictive. « Les généticiens ont commencé à examiner le syndrome d’une autre façon, en se penchant sur les variations du nombre de copies, ou VNC. Vous entendrez ce terme de plus en plus souvent. Ce sont des segments d’ADN qui se forment lors des répétitions des “copies” dans un gène. Le nombre de répétitions peut varier. Certaines VNC situées sur des gènes donnés commencent à donner l’impression 6 d’être associées au TDAH [et peut-être] à des troubles neurodéveloppementaux dans divers domaines, y compris les symptômes de TDAH », précise la docteure Charach. L’interaction entre la prédisposition génétique et les facteurs de risque environnementaux contribuent également à l’apparition des symptômes de TDAH. « On sait que les problèmes périnatals peuvent présager des problèmes d’hyperactivité et d’attention, qu’il s’agisse de prématurité, de petit poids de naissance ou d’exposition à l’alcool et au tabac ou d’autres types de complications périnatales. Après la naissance du bébé, il faut songer aux traumatismes crâniens fermés, à des toxines environnementales comme le plomb ou aux privations subies en institution, qui font partie des facteurs environnementaux », indique-t-elle. Les troubles psychosociaux ou les pratiques parentales peuvent compliquer le dépistage et le traitement des symptômes de TDAH et des atteintes fonctionnelles. Une étude approfondie de la relation avec la génétique et l’environnement a contribué à confirmer des liens spécifiques. Par exemple, on a observé des taux plus élevés de symptômes hyperactifs et impulsifs chez les enfants ayant un TDAH qui avaient été exposés au tabagisme pendant la période prénatale seulement s’ils possédaient un polymorphisme précis du gène du transporteur de la dopamine (1). « C’est le type d’interaction entre les gènes et l’environnement qui foisonne en recherche à l’heure actuelle », explique la docteure Charach. Les troubles d’apprentissage concomitants Ces observations sont indicatrices des raisons pour lesquelles un certain nombre de troubles de développement, de troubles d’apprentissage et de troubles psychiatriques peuvent se manifester conjointement avec le TDAH. D’après une enquête menée aux États-Unis (4), les deux tiers des enfants ayant un TDAH avaient un trouble comorbide qui entraînait une attente fonctionnelle encore plus importante que le TDAH « simple », remarque la docteure Charach (figure 1). Parmi les comorbidités courantes, il y a un faible quotient intellectuel, les comportements perturbateurs ou les troubles oppositionnels avec provocation. Par ailleurs, les troubles d’apprentissage sont extrêmement fréquents, affirme la docteure Bélanger. Selon l’étude et la population, quelque 20 % à 70 % des personnes ayant un TDAH répondaient également aux critères de trouble d’apprentissage, tandis Figure 1. Les troubles comorbides de 5 028 enfants ayant un trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité. Source : Larson K et coll. Pediatrics 2011;127:462-70 45 40 Pourcentage d’enfants Stacey A Bélanger, MD Ph. D FRCPC Professeure adjointe de clinique Université de Montréal Directrice médicale, Clinique de TDAH CHU Sainte-Justine, Montréal (Québec) Alice Charach, MD FRCPC Professeure agrégée de psychiatrie Université de Toronto Chef de l’équipe de neuropsychiatrie The Hospital for Sick Children Toronto (Ontario) Les études de la neuroanatomie des enfants ayant ou non un TDAH ont également démontré des aberrations structurelles, notamment la dimension réduite des régions du cerveau habituellement associées aux fonctions dopaminergiques élevées et aux fonctions exécutives (p. ex., le cortex préfrontal) (2). Une étude a déterminé qu’en cas de TDAH, on remarque un délai d’environ deux ans avant que le cortex préfrontal atteigne son épaisseur maximale (habituellement atteinte vers l’âge de dix ans, avant le début de l’élagage des neurones à l’adolescence) (3). « On commence à avoir l’impression que les gènes seraient responsables de changements de la fonction et de la neuroanatomie sous-jacentes aux troubles neurodéveloppementaux. » 35 33 % 33 % 30 25 20 16 % 18 % 15 10 5 0 Zéro Un Deux Nombre de maladies comorbides Trois ou plus COPYRIGHT PULSUS GROUP INC. – DO NOT COPY SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE – 89e congrès annuel qu’environ 15 % à 40 % de celles chez qui on avait d’abord diagnostiqué un trouble d’apprentissage avaient également un TDAH, indique la docteure Bélanger. Dans le sondage mené aux États-Unis (4), 46 % des parents ont déclaré que leur enfant avait ce problème. Elle ajoute que la présentation clinique du TDAH, accompagné ou non d’un trouble d’apprentissage, est similaire. « Les cliniciens ne devraient pas croire que le profil de TDAH [par exemple, inattention plutôt qu’hyperactivité] contribuera à déterminer si le TDAH est primaire ou secondaire. » Les troubles d’apprentissage pourraient contribuer à l’incapacité de l’enfant à acquérir des habiletés précises prévues selon son âge, malgré une capacité apparemment normale d’apprendre ou malgré une intervention comme le traitement d’un TDAH déjà diagnostiqué, ou du moins l’expliquer. Des indices peuvent présager le diagnostic chez les enfants plus jeunes, dont le retard dans des étapes du développement, comme l’acquisition du langage ou de la motricité fine, et des antécédents (ou des antécédents familiaux) de troubles de lecture. Les parents et même les enseignants peuvent attribuer la mauvaise performance scolaire aux problèmes de comportement de l’enfant et négliger la possibilité d’un trouble d’apprentissage concomitant, remarque la docteure Bélanger. « Les troubles d’apprentissage s’associent à trois éléments primordiaux. D’abord, on remarque un écart important entre la performance et la capacité intellectuelle évaluée par des tests de QI et de réussite standards. On constate une hétérogénéité, c’est-à-dire que le trouble d’apprentissage peut se manifester dans divers domaines scolaires, tels que la parole, l’écoute, les compétences de lecture de base, la compréhension en lecture, le calcul mathématique, l’expression écrite... La cause primaire [ne peut pas être] un retard intellectuel, une perturbation affective, un trouble sensoriel, une défavorisation sur le plan social ou une scolarisation insuffisante », explique la docteure Bélanger. Par exemple, souligne-t-elle, l’anxiété, la dépression ou une mauvaise estime de soi peuvent également entraîner un rendement scolaire insuffisant. Les quatre grands secteurs d’incapacité sont la lecture, l’attention écrite, la communication et le traitement de l’information auditive. Les troubles de lecture : Deux processus sont mis en œuvre pour bien réussir à lire : l’acquisition d’habiletés de base, telles que la sensibilisation phonologique, et la compréhension du mot écrit, déclare la docteure Bélanger. Jusqu’à 40 % des enfants ayant un TDAH respectent également les critères diagnostiques de trouble de lecture, comme la dyslexie, qui touche surtout les habiletés de base. « Il existe un lien étroit entre la dimension de l’inattention et le trouble de lecture. En général, les études démontrent que l’inattention à la maternelle présage une réussite en lecture [plus faible] en 5e année », indique-t-elle. Les enfants ayant un TDAH et un trouble de lecture ont besoin d’aménagements scolaires, comme l’attribution de plus de temps en classe pour terminer les tâches exigées. Le site Web bilingue de la Canadian ADHD Resource Alliance (caddra.ca) contient un modèle de lettre que peuvent utiliser les médecins pour faire une telle demande. Les troubles de l’expression écrite : Le principal type de trouble d’apprentissage est défini par des aptitudes en écriture inférieures à celles prévues à un âge, un niveau de scolarisation et une intelligence donnés. Environ 60 % des enfants ayant un TDAH respectent les critères de trouble de l’expression écrite, qui peut se manifester par une faible productivité et une incapacité à terminer les tâches. « L’enfant est incapable de convertir ses pensées en texte écrit. Bon nombre de ces enfants ont une très bonne conversation orale. Lorsque vous regardez leur bulletin, ils peuvent avoir une mauvaise note en écriture du français, mais une [note en] communication orale très élevée », observe la docteure Bélanger. Les troubles de communication : Ces troubles touchent l’articulation, la voix et la maîtrise de la langue parlée. Ils sont moins probables que d’autres troubles d’apprentissage chez les enfants ayant un TDAH, souligne la docteure Bélanger. Toutefois, les parents ou les pédiatres remarqueront peutêtre un retard dans l’acquisition du langage, notamment le discours expressif plutôt que le vocabulaire réceptif. Les jeunes ayant un TDAH peuvent également être plus prédisposés à des « déficits pragmatiques » de la communication, un terme désignant la maladresse dans les situations sociales et une incapacité relative à communiquer en contexte. « Il est important de se rappeler qu’en cas de TDAH, les troubles de communication peuvent exacerber les troubles de comportement, en raison des fréquents malentendus dans le cadre des communications interpersonnelles », avertit la docteure Bélanger. Les troubles de traitement de l’information auditive : Ces troubles, dans lesquels les directives verbales ne se « traitent » pas correctement, peuvent également se produire conjointement avec le TDAH. Leurs caractéristiques sont similaires, déclare la docteure Bélanger. « Ces enfants ont souvent peu d’écoute. Ils ont une courte durée d’attention, notamment à l’égard de l’information auditive. Ils éprouvent de la difficulté à suivre des directives. Ils ont tendance à [mêler] les mots et les phrases. » Les médicaments et d’autres traitements Il est démontré que les psychostimulants et d’autres médicaments, tels que l’atomoxétine, sont d’une grande utilité pour atténuer les principaux symptômes de TDAH. Leur amorce et leur optimisation représentent généralement la première étape de la prise en charge des patients ayant un TDAH non compliqué par d’autres problèmes ou incapacités, ajoute la docteure Charach. Dans l’étude MTA souvent citée sur le traitement multimodal des enfants ayant un TDAH (5), les médicaments seuls et l’association de médicaments et d’un programme d’intervention comportementale intensive étaient plus efficaces pour traiter les principaux symptômes du TDAH que la simple intervention psychosociale ou que les « soins habituels ». « Grâce à ces données, nous avons tous appris l’importance potentielle des stimulants et la nécessité de les optimiser tout au long de la journée et chaque jour de la semaine », remarque la docteure Charach. Certains facteurs observés chez les participants à l’étude MTA réduisaient la réponse aux médicaments contre le TDAH, dont la dépression de la mère, un QI plus faible et la gravité initiale élevée des symptômes. Les enfants ayant des comorbidités comme l’anxiété et le comportement oppositionnel s’en tiraient mieux avec l’intervention comportementale (6). Les chercheurs canadiens ont déterminé que les psychostimulants peuvent permettre d’améliorer le rendement scolaire et ont donc un rôle à jouer chez les enfants ayant un TDAH et un trouble d’apprentissage, remarque la docteure Bélanger. D’après une récente analyse, les stimulants accroissent la productivité scolaire de 25 % à 40 % par rapport aux données de départ ou à un placebo (7). « On semble également observer une amélioration de divers processus cognitifs importants dans le cadre du travail scolaire... Toutefois, on sait également que les stimulants ne peuvent pas modifier directement de nombreuses atteintes associées aux troubles d’apprentissage. » Cependant, dans une étude du traitement du TDAH menée auprès de 165 enfants d’âge préscolaire ayant un TDAH (8), les enfants qui présentaient au moins trois comorbidités (p. ex., retard de développement, anxiété, 7 COPYRIGHT PULSUS GROUP INC. – DO NOT COPY SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PÉDIATRIE – 89e congrès annuel Tableau 1. Sites Web sur le trouble de déficit de l’attention avec hyperactivité et l’apprentissage Caddra.ca (cliquez sur « Français » dans le coin supérieur droit) aboutkidshealth.ca/Fr/ResourceCentres/ADHD/TreatmentofADHD ldanatl.org (en anglais seulement) ldonline.org (en anglais seulement) ncld.org (en anglais seulement) souligne la docteure Bélanger. Un manuel de la SCP intitulé Children with School Problems: A Physician’s Manual (en vente à l’automne 2012) peut également aider les pédiatres à comprendre les rôles que jouent divers professionnels de la santé et de l’éducation et à effectuer les aiguillages pertinents en vue d’obtenir des évaluations et des services. Le tableau 1 contient une liste des sites Web utiles. Références troubles de comportement perturbateur) n’ont pas vu leur état s’améliorer malgré une posologie de méthylphénidate à libération immédiate, souligne la docteure Charach. « Les enfants d’âge préscolaire font partie d’un groupe dans lequel les médicaments ne fonctionnent pas toujours aussi bien, à moins que le bilan des principaux symptômes soit simple ». La décision d’utiliser des psychostimulants doit également tenir compte de l’efficacité par rapport aux effets indésirables, observe la docteure Charach. Les parents ont besoin de conseils sur la probabilité d’effets secondaires et leur prise en charge. La diminution de l’appétit et la perte de poids sont courantes. Il peut être utile d’insister sur l’hygiène du sommeil, d’encourager les collations et de réduire les distractions au minimum. Certains enfants présentent un ralentissement de la croissance. Certains effets peuvent déranger tout particulièrement les parents, notamment l’irritabilité chez les enfants d’âge préscolaire et une personnalité ennuyeuse chez les enfants d’âge scolaire. Clarifier le bilan clinique Chez les jeunes qui ont un TDAH et des comorbidités connues ou possibles, « la première chose à faire est de comprendre pleinement le bilan [clinique]. Quels secteurs exacts sont touchés? Dans quelles sphères du fonctionnement éprouvent-ils de la difficulté? », explique la docteure Charach. De même, chez les patients qui n’ont pas répondu 8 comme on s’y attendait aux médicaments contre le TDAH, « il est temps de prendre du recul et de tout revoir. Ai-je raté quelque chose? Un autre diagnostic… un nouveau trouble s’est peut-être manifesté. Surtout lors des périodes de transition comme le passage de la maternelle aux premières années d’école ou du primaire à l’adolescence… plus de difficultés s’accumulent », observe-t-elle. Étant donné le fort taux de chevauchement entre le TDAH et les troubles d’apprentissage, les cliniciens devraient évaluer le fonctionnement psychopédagogique des enfants ayant un TDAH et envisager la présence d’un TDAH chez les enfants ayant un trouble d’apprentissage diagnostiqué. Ils devraient revoir non seulement la santé et le comportement de l’enfant, mais les facteurs complexes comme l’adversité psychosociale, y compris les pratiques parentales d’évitement ou la dépression parentale. « Bien sûr, dans de telles situations, il faut personnaliser ce que l’on fait pour les jeunes, tant pour ce qui est de soigner le fonctionnement insatisfaisant que de soutenir la famille afin qu’elle obtienne les services dont elle peut avoir besoin pour améliorer la situation à la maison ou afin que les parents améliorent leur santé psychiatrique », recommande la docteure Charach. Le médecin peut également prôner des évaluations convenables (p. ex., effectuées par un psychologue, un audiologiste, un orthophoniste, etc.) et des aménagements scolaires et aider la famille à les obtenir, 1. Kahn RS, Khoury J, Nichols WC, Lanphear BP. Role of dopamine transporter genotype and maternal prenatal smoking in childhood hyperactive-impulsive, inattentive, and oppositional behaviors. J Pediatrics 2003;143:10410. 2. Valera EM, Faraone SV, Murray KE, Seidman LJ. Meta-analysis of structural imaging findings in attention-deficit/hyperactivity disorder. Biol Psychiatry 2007;61:1361-9. 3. Shaw P, Gornick M, Lerch J et coll. Polymorphisms of the dopamine D4 receptor, clinical outcome, and cortical structure in attentiondeficit/hyperactivity disorder. Arch Gen Psychiatry 2007;64:921-31. 4. Larson K, Russ SA, Kahn RS, Halfon N. Patterns of comorbidity, functioning, and service use for US children with ADHD, 2007. Pediatrics 2011;127:462-70. 5. MTA Cooperative Group. A 14-month randomized clinical trial of treatment strategies for attention-deficit/hyperactivity disorder. Arch Gen Psychiatry 1999;56:1073-86. 6. Jensen PS, Hinshaw SP, Kraemer HC et coll. ADHD comorbidity findings from the MTA study: Comparing comorbid subgroups. Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2001;40:14758. 7. Hechtman L. Effects of treatment on the overall functioning of children with ADHD. Can Child Adolesc Psych Dev 2005;14(Suppl):10-15. 8. Ghuman JK, Riddle MA, Vitiello B et coll. Comorbidity moderates response to methylphenidate in the Preschoolers with Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder Treatment Study (PATS). J Child Adolesc Psychopharmacol 2007;17:563-80.