« spécialisation » de certaines espèces virales en termes
de tropisme et de pathogénicité. Les papillomavirus
humains et animaux se trouvent ainsi dans des genres dis-
tincts pour la plupart. Chez l’Homme, la très grande majo-
rité des HPV infectant les muqueuses (HPV muqueux
génitaux ou non) et quelques HPV cutanés (HPV 2, 3,
10) appartiennent au genre α.Àl‘opposé, les HPV α4et
ceux des genres β,γ,μ,etνn’infectent pas la sphère géni-
tale. Les HPV cutanés responsables d’épidermodysplasie
verruciforme, laquelle correspond à une susceptibilité
génétique aux HPV à tropisme non génital conduisant
à des cancers cutanés, appartiennent tous au genre β
[1, 3, 5]. Toutefois, certains HPV, qui se comportent
comme des virus commensaux isolés des phanères ou
de la peau en l’absence de lésion, appartiennent égale-
ment au genre β.L’appartenance à un genre ou à une
espèce ne permet pas de préjuger du caractère oncogène
des papillomavirus. Celui-ci dépend essentiellement du
type. Dans la sphère muqueuse, parmi plus de 40 types
décrits au sein du genre α, 18 types oncogènes sont
retrouvés au sein de lésions de haut grade ou de cancers
et sont dits à haut risque oncogène (12 types) ou poten-
tiellement à haut risque (6 types) [10] ; d’autres types, non
oncogènes dits à bas risque sont associés à des lésions de
bas grade ou à des condylomes, et une infection à HPV
peut associer des HPV à haut risque et des HPV à bas
risque. Au sein des papillomavirus muqueux à haut
risque, HPV 16 est le plus prévalent dans les cancers du
canal anal, les dysplasies vulvaires de haut grade et les
cancers de l’oropharynx liés aux HPV [11-13] (tableau 2).
HPV 16 et HPV 18 sont, à eux seuls, responsables de
70 % des cancers du col utérin et de plus de 60 % des
néoplasies intraépithéliales cervicales (CIN) de grade 3.
Les types 16, 18, 31, 33 et 45 sont à l’origine de plus de
80 % des cancers du col (92 % en France), des cancers
épidermoïdes, mais aussi des adénocarcinomes, et de
plus de 80 % des cancers anogénitaux [14-17]. Ces HPV
à haut risque se répartissent dans les espèces 5, 6, 7, 9 et
11. HPV 16 et HPV 18 appartiennent aux espèces 9 et 7 ;
HPV 31 et HPV 45 sont respectivement proches de
HPV 16 et de HPV 18. À l’opposé, parmi les HPV à bas
risque, HPV 6 et HPV 11, qui représentent plus de 85 %
des HPV impliqués dans les condylomes anogénitaux
[18] et qui sont les agents de la papillomatose laryngée
juvénile transmise lors de l’accouchement, sont proches
et se trouvent tous deux dans l’espèce 10. Dans les lésions
de dysplasie génitale de bas grade, parmi les HPV respon-
sables, on retrouve soit les types à haut risque 16 et 51
(espèces 9 et 5) soit les types bas risque 66 et 53 (espèce 6)
[7]. L’appartenance à une espèce n’est donc pas un critère
strict de pathogénicité, mais reflète plutôt une proximité
phylogénique et certaines caractéristiques moléculaires
communes. Le caractère pathogène, et en particulier
oncogène, est lié aux caractéristiques du type, voire à
Tableau 1. Pathologies associées aux papillomavirus humains,
lien avec le génotype, d’après [7, 9, 11, 15, 55]
Lésions Génotypes HPV associés
Verrues palmoplantaires 1
Verrues vulgaires 2 (26, 27, 65, 78)
Verrues planes 3, 10 (27, 28, 49)
Verrue des bouchers 7
Condylomes acuminés 6, 11 (70, 83)
Papulomatose Bowenoïde 16
Néoplasies cervicales
intraépithéliales, cancers du col,
cancers anogénitaux
16 et 18 ; mais aussi 31, 33, 35, 39,
45, 51, 52, 58, 66, 69, (30, 34, 40,
42-44, 53-57, 59, 61, 62, 64, 67,
68, 71-74, 82)
Papillomatose orale 6,11
Hyperplasie épithéliale focale orale 13, 32
Papillomatose laryngée récurrente 6, 11
Carcinome cutané à cellules
squameuses
41, 48 (29)
Carcinome laryngé 16, 18
Carcinome verruqueux 16, 6, 11
Épidermodysplasie verruciforme
(EV)
3, 5, 8, 9, 10, 12, 14, 15, 17, 19, 20,
21, 22, 23, 24, 25, 36, 46, 47, 50
(37, 38)
Cancers associés à
l’épidermodysplasie verruciforme
5, 8
Verrues vulgaires chez les patients
immunodéprimés
Kystes épidermiques
Types de l’EV et 75, 76, 77
60
Verrue de Myrmecia 63
Tableau 2. Fréquence des cancers attribuables aux
papillomavirus et à certains génotypes d’après [15]
Cancers Sexe Association
aux HPV (%)
Place
HPV 16+18 (%)
Col de l’utérus F 100 70
Anal H, F 90 92
Vulvo-vaginal* F 40 80
Pénis H 40 63
Bouche H, F 3 95
Oropharynx H, F 12 89
Tous cancers H, F 5 72
*Vulvaire (VIN) 16-18 (6-11) ; vaginaux (VaIN) 16-18.
mt pédiatrie, vol. 13, n° 1, janvier-février 2010
Papillomavirus : les virus et la physiopathologie de l’infection
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