Avec leur image de légume roboratif, de plat d’hiver qui
immanquablement « parfumera » toute la maison pen-
dant plusieurs jours… Et pourtant ! Ils furent longtemps
une des bases de l’alimentation tant rurale qu’urbaine,
et pour les indécis, offrent d’infinies déclinaisons, par-
fois surprenantes et toujours savoureuses.
Un légume bien
de chez nous
Rares sont les plantes potagères que nous consommons
à être originaires d’Europe sous leur forme sauvage.
C’est pourtant le cas de notre crucifère (maintenant
brassicacée), puisque le chou,
brassica oleracea
, est issu
d’une plante sauvage ouest européenne spontanée sur
les littoraux atlantiques et méditerranéens. Ceci
explique qu’on trouve trace de sa culture partout sur le
sol européen depuis des millénaires. Chez les Grecs et
les Romains, il est déjà cultivé et reconnu comme un
légume par excellence, au sens moderne du mot.
Théophraste, Caton, Pline l’Ancien, Ovide, etc. : les
auteurs l’ayant cité dans leur ouvrages ne manquent
pas.
Plus proches de nous, il fut également, un des rares
légumes médiévaux au sens moderne du terme.
Recettes et citations abondent et témoignent de sa forte
présence sur les tables comme sur les étals. Jusqu’à la
choucroute déjà mentionnée en 1325 par Eustache
Deschamps, décriant la Bohême dont il ne semble avoir
apprécié la cuisine et ses plats de
choulz blans pourris
qui lui ont tous
rompus les boyaulx !
Cruelle apprécia-
tion pour ce qui allait devenir un plat régional à la si
grande réputation.
Après l’antiquité et le moyen âge, la renaissance en fit
grand cas également. Les fameux choux de Milan arri-
vent vraisemblablement d’Italie à cette période. Ce n’est
que récemment, en Europe tout du moins, que la
consommation de choux diminue. Ces derniers proba-
blement concurrencés par d’autres légumes hors-saison
ayant accompli comme Ulysse « un long voyage » pour,
par contre, arriver en piteux état sur nos étals avant
d’échouer dans nos assiettes. Gageons que nos malheu-
reux choux sont également victimes des cuisines labora-
toires que nous ne manquons d’aménager dans nos mai-
sons : faïences blanches, mobilier ménager blanc, hotte
aspirante aussi bruyante qu’inefficace quand ouvrir la
fenêtre suffirait. Dans ces conditions, il faut avouer que
cuisiner des choux sans transformer les lieux en un odo-
rant champ de bataille relève de l’exploit… Toujours
est-il que nos prédécesseurs, eux, en faisaient grand cas,
appréciaient sa culture simple et surtout sa période de
production record : en jouant sur les variétés, il est assez
simple d’en avoir 365 jours par an. Un score difficile à
battre…
Pourquoi tant d’intérêt?
Malgré ce que nous nous plaisons en général à croire,
nos ancêtres du moyen âge ne cultivaient que bien peu
de légumes. Il faut en effet attendre la renaissance et les
guerres d’Italie pour que ceux-ci fassent ou refassent
leur apparition. Ainsi, la France avant cette période de
renouveau se nourrissait essentiellement de céréales.
Venaient ensuite les aulx et les oignons, les feuilles à
porée, les fèves, quelques rares racines et nos fameux
choux. Il est intéressant de relever les deux principaux
points communs des plantes citées précédemment.
Ainsi, leur premier point commun est la conservation
hivernale. Il aurait paru incongru à nos ancêtres jardi-
niers de mettre en place des cultures longues offrant des
temps d’alimentation courts, d’autant plus courts que les
moyens de conservation étaient bien limités.
Leur deuxième point commun, est leur bonne valeur
nutritionnelle et par voie de conséquence, à une
époque où on ne connaissait pas les molécules chi-
miques ou synthétiques, leur potentiel médical. Ceci ne
signifie pas qu’ils étaient des médicament miracles. Les
taux importants de mortalité infantiles comme les espé-
rances de vie très courts sont là pour nous rappeler une
réalité qu’il ne faudrait surtout oublier, mais que les soins
passaient aussi par l’alimentation.
Ainsi, les Romains dont la pharmacopée était des plus
pauvres voyaient dans le chou un remède universel.
Peut-être était-ce lié à l’odeur si caractéristique de sa
cuisson? A les lire, il en aurait des mérites : guérir autant
la mélancolie que les rhumatismes, les tumeurs, etc.
Pour rester réaliste, la valeur alimentaire du chou est
toute relative, puisque comme de nombreux légumes, il
contient essentiellement de l’eau. Cela dit, il est en
général riche en précieuse vitamine C (100 à
400 mg/kg), et les dérivés sulfurés qu’il contient ont des
propriétés antimicrobiennes et insecticides.
Mon petit chou!
Hélas non, cette affec-
tueuse expression ne fait
pas référence à nos
chers légumes, mais à la
pâtisserie. Consolons
nous en pensant que
c’est probablement en
hommage à nos chères
crucifères que ce nom
fut adopté.
P. 13 • Avril - Mai 2007 - Les Cahiers du Potager
Les choux pommés de Milan sont reconnaissables à
leur feuillage frisé. Très résistants au froid ils font
partie des légumes dont on peut se régaler en hiver.
Ici la variété Rigoletto.
r les choux?