Il fallait au moins la truculence, et l’évident plaisir que
manifestait M. Leclerc à les évoquer au début du
XXème siècle, pour aborder dans la bonne humeur cet
incontournable et polymorphe légume, dont la présence
a pourtant tellement tendance à décroître dans nos jar-
dins. Effectivement, ils nous paraissent bien peu ten-
tants, ces (pauvres) choux, qu’il faut pour nombre
d’entre eux penser déjà à semer, alors que tous profitons
encore des premières jardinières de petits pois, nous
régalons à peine de laitues nouvelles. Alors les choux…
LE LÉGUME DU MOIS
Les Cahiers du Potager - Avril - Mai 2007 • P. 12
« Les choux m’ont toujours fait penser à ces familles nombreuses où l’on voit
représentés les types les plus variés de l’humanité. Il en est de géants et
de nains, de ventrus comme des financiers et de grêles comme des poètes
incompris; certains s’ornent de frisures aux boucles robustes, d’autres ont
la calvitie des vieux savants, apitoient par la teinte chlorotique de leurs tissus
ou par les gibbosités qui, tels des engorgement strumeux, déforment leur
anatomie : si la plupart portent l’habit vert des académiciens, quelques uns,
les privilégiés de la famille chou, arborent le violet épiscopal ou la pourpre
cardinalice… »
Henri LECLERC, Les légumes de France.
Savez-vous seme
Avec leur image de légume roboratif, de plat d’hiver qui
immanquablement « parfumera » toute la maison pen-
dant plusieurs jours… Et pourtant ! Ils furent longtemps
une des bases de l’alimentation tant rurale qu’urbaine,
et pour les indécis, offrent d’infinies déclinaisons, par-
fois surprenantes et toujours savoureuses.
Un légume bien
de chez nous
Rares sont les plantes potagères que nous consommons
à être originaires d’Europe sous leur forme sauvage.
C’est pourtant le cas de notre crucifère (maintenant
brassicacée), puisque le chou,
brassica oleracea
, est issu
d’une plante sauvage ouest européenne spontanée sur
les littoraux atlantiques et méditerranéens. Ceci
explique qu’on trouve trace de sa culture partout sur le
sol européen depuis des millénaires. Chez les Grecs et
les Romains, il est déjà cultivé et reconnu comme un
légume par excellence, au sens moderne du mot.
Théophraste, Caton, Pline l’Ancien, Ovide, etc. : les
auteurs l’ayant cité dans leur ouvrages ne manquent
pas.
Plus proches de nous, il fut également, un des rares
légumes médiévaux au sens moderne du terme.
Recettes et citations abondent et témoignent de sa forte
présence sur les tables comme sur les étals. Jusqu’à la
choucroute déjà mentionnée en 1325 par Eustache
Deschamps, décriant la Bohême dont il ne semble avoir
apprécié la cuisine et ses plats de
choulz blans pourris
qui lui ont tous
rompus les boyaulx !
Cruelle apprécia-
tion pour ce qui allait devenir un plat régional à la si
grande réputation.
Après l’antiquité et le moyen âge, la renaissance en fit
grand cas également. Les fameux choux de Milan arri-
vent vraisemblablement d’Italie à cette période. Ce n’est
que récemment, en Europe tout du moins, que la
consommation de choux diminue. Ces derniers proba-
blement concurrencés par d’autres légumes hors-saison
ayant accompli comme Ulysse « un long voyage » pour,
par contre, arriver en piteux état sur nos étals avant
d’échouer dans nos assiettes. Gageons que nos malheu-
reux choux sont également victimes des cuisines labora-
toires que nous ne manquons d’aménager dans nos mai-
sons : faïences blanches, mobilier ménager blanc, hotte
aspirante aussi bruyante qu’inefficace quand ouvrir la
fenêtre suffirait. Dans ces conditions, il faut avouer que
cuisiner des choux sans transformer les lieux en un odo-
rant champ de bataille relève de l’exploit… Toujours
est-il que nos prédécesseurs, eux, en faisaient grand cas,
appréciaient sa culture simple et surtout sa période de
production record : en jouant sur les variétés, il est assez
simple d’en avoir 365 jours par an. Un score difficile à
battre…
Pourquoi tant d’intérêt?
Malgré ce que nous nous plaisons en général à croire,
nos ancêtres du moyen âge ne cultivaient que bien peu
de légumes. Il faut en effet attendre la renaissance et les
guerres d’Italie pour que ceux-ci fassent ou refassent
leur apparition. Ainsi, la France avant cette période de
renouveau se nourrissait essentiellement de céréales.
Venaient ensuite les aulx et les oignons, les feuilles à
porée, les fèves, quelques rares racines et nos fameux
choux. Il est intéressant de relever les deux principaux
points communs des plantes citées précédemment.
Ainsi, leur premier point commun est la conservation
hivernale. Il aurait paru incongru à nos ancêtres jardi-
niers de mettre en place des cultures longues offrant des
temps d’alimentation courts, d’autant plus courts que les
moyens de conservation étaient bien limités.
Leur deuxième point commun, est leur bonne valeur
nutritionnelle et par voie de conséquence, à une
époque où on ne connaissait pas les molécules chi-
miques ou synthétiques, leur potentiel médical. Ceci ne
signifie pas qu’ils étaient des médicament miracles. Les
taux importants de mortalité infantiles comme les espé-
rances de vie très courts sont là pour nous rappeler une
réalité qu’il ne faudrait surtout oublier, mais que les soins
passaient aussi par l’alimentation.
Ainsi, les Romains dont la pharmacopée était des plus
pauvres voyaient dans le chou un remède universel.
Peut-être était-ce lié à l’odeur si caractéristique de sa
cuisson? A les lire, il en aurait des mérites : guérir autant
la mélancolie que les rhumatismes, les tumeurs, etc.
Pour rester réaliste, la valeur alimentaire du chou est
toute relative, puisque comme de nombreux légumes, il
contient essentiellement de l’eau. Cela dit, il est en
général riche en précieuse vitamine C (100 à
400 mg/kg), et les dérivés sulfurés qu’il contient ont des
propriétés antimicrobiennes et insecticides.
Mon petit chou!
Hélas non, cette affec-
tueuse expression ne fait
pas référence à nos
chers légumes, mais à la
pâtisserie. Consolons
nous en pensant que
c’est probablement en
hommage à nos chères
crucifères que ce nom
fut adopté.
P. 13 • Avril - Mai 2007 - Les Cahiers du Potager
Les choux pommés de Milan sont reconnaissables à
leur feuillage frisé. Très résistants au froid ils font
partie des légumes dont on peut se régaler en hiver.
Ici la variété Rigoletto.
r les choux?
“Quand le chou passe la
haie le vigneron meurt
de soif”.
Cet ancien dic-
ton populaire signifie
que si les années
humides sont favorables
aux choux, c’est au
détriment de la vigne.
Souhaitons alors au
vigneron d’avoir aussi
été un peu maraîcher…
Les cultiver
Même si chaque type de chou a ses particularités, il
existe une règle générale de ce qui leur convient. Ce
sont de gros gourmands, appréciant les sols riches, tra-
vaillés en profondeur et bien drainés. Ils apprécient les
situation bien exposées à la lumière, avec un maximum
de circulation d’air. Certaines variétés à forts dévelop-
pements (choux de Bruxelles, brocolis, etc.) peuvent
demander à être tuteurées.
Ils sont en général semés en pépinières en plein champ,
pour être repiqués en fonction des besoins. Le semis se
fait en lignes, dans une terre propre et réchauffée. Une
fois en place, on peut profiter de leur lente croissance
pour intercaler sur le rang quelques laitues, plants de
moutardes, etc. Ils peuvent d’ailleurs eux-mêmes être
plantés entre des pieds de tomates, ce qui pour l’avoir
expérimenté les protège de nombreuses agressions.
Les choux demandent à être butés en cours de culture.
La terre ramenée au pied au long de la saison améliore
leur ancrage dans le sol, et permet un meilleur dévelop-
pement racinaire. Une fois ce travail accompli, ils peu-
vent être paillés pour limiter des arrosages qui excepté à
la plantation, doivent être réguliers et modérés.
Ce sont souvent des cultures longues, restant en place
l’hiver, ce dont il faut tenir compte lors du choix de l’im-
plantation : les planter au milieu du jardin compliquera
les travaux hivernaux.
Vrais ou faux fragiles?
Qu’ils nous paraissent vigoureux quand ils ont atteint
leur plein développement! Rien ne semble pouvoir alté-
rer leur majesté. Et pourtant… Le jardinier lui, qui est
passé par les affres de la culture, mesure à quel point
parfois la nature entière semble leur en vouloir à ces
« pauvres choux ». Je me souviens de mon abattement
l’été dernier tandis que la sécheresse, les altises et un
début de hernie semblaient à tous prix vouloir ruiner
mes espoirs de récolte. J’étais prêt à arracher mes rangs
pour libérer du terrain, quand un ami maraîcher plus
expérimenté me rassura d’un
« Ne t’inquiètes pas un
chou ça se refait… »
bien sûr de lui. Il avait raison. Le
mois d’août plus froid, un peu de pluie à l’automne ont
suffit à leur redonner de la vigueur, et le résultat fut tout
à fait satisfaisant.
Certains brocolis, du fait
de leur fort développe-
ment, peuvent nécessiter
un tuteurage.
Comme pour bon nombre
de légumes le paillage
limitera les arrosages qui
pour le choux doivent
être réguliers mais modé-
rés. Par ailleurs leur
croissance lente peut
vous permettre
d’intercaler quelques
pieds de salades entre
les rangs comme sur la
photo ci-dessous.
LE LÉGUME DU MOIS
Les Cahiers du Potager - Avril - Mai 2007 • P. 14
« La » maladie
La principale maladie du chou est la hernie. Ce maudit
champignon vit dans le sol et contamine le système raci-
naire des crucifères. La racine se déforme totalement, et
aux premiers temps un peu chauds, les feuilles flétris-
sent. La première chose à faire en ce cas est repérer soi-
gneusement l’emplacement de la culture atteinte pour
garantir une bonne rotation les années suivantes.
Particulièrement en terrain humide où ce champignon
peut rester dans le sol une dizaine d’années. Un chau-
lage préventif, des binages réguliers et un passage des
plants dans une solution d’argile et de purin de prêle
semblent efficaces. En lutte directe : arrachez et brûlez
les pieds contaminés. Les spores résistent à la digestion
des animaux et contamineraient le fumier obtenu.
Du côté des bestioles…
Si son important feuillage semble taillé pour le protéger
des herbes environnantes, il semblerait que ce n’est que
pour mieux le rendre appétissant aux yeux des rava-
geurs… Qu’il y en a des petites bêtes par le chou allé-
chées. Tout d’abord, notre inusable altise que toutes les
crucifères attirent comme la misère sur le pauvre
monde. Les dégâts peuvent être irrémédiables au stade
de jeunes plants. Une couverture de feuilles de fou-
gères, ou un voile de forçage et des bassinages réguliers
empêcheront l’irréparable.
La mouche du chou : une incontournable… En géné-
ral, c’est en avril/mai que les attaques sont les plus
fortes. La mouche adulte pond au pied des plantes,
pour qu’ensuite, les larves dévorent tranquillement les
racines superficielles, provoquant également un flétris-
sement et un jaunissement du feuillage. Les solutions les
plus efficaces semblent être la protection physique du
pied. Une collerette de carton ou de feutres d’un dia-
mètre de 20 cm environ empêche la ponte. Les voiles et
filets anti insectes sont également efficaces.
Indémodable : la piéride… Ne l’oublions surtout pas,
cette incroyable défoliatrice. En quelques toutes petites
journées, elle transforme une plantation florissante en
désert de Gobi. Sans oublier que, si il existe la piéride
de la feuille, dont les larves qui se promènent à l’envers
des feuilles sont poilues et voyantes, il existe aussi la pié-
ride de la rave, au vert nettement plus discret, qui se dis-
simule vers le cœur du sujet attaqué. La lutte se fait
d’abord préventivement. Le papillon blanc laiteux avec
sa tâche noire sur les ailes est facile à repérer. Encore
une fois, le filet anti insectes est efficace, mais onéreux.
Le plus simple consiste à inspecter régulièrement les
rangs, mettre des gants pour ceux que cela rebute, et
écraser les chenilles à la main.
P. 15 • Avril - Mai 2007 - Les Cahiers du Potager
La piéride peut en quelques jours ravager votre
plantation. Si l’auteur de cet article, préconise de les
écraser à la main, il existe une autre solution, non
moins cruelle pour elle mais moins répugnante pour
le jardinier, qui est de les ramasser dans une boîte
d’allumettes vide et de les jeter au feu.
La culture du chou est une culture encombrante au
jardin, pensez-y, il ne faut pas moins de 60 cm entre
chaque pied, sauf pour les variétés naines. sur la
photo en bas de page, les planches de choux du
potager de Saint-Jean de Beauregard (91).
Il ne manquait que… Les pucerons! Verts ou cendrés,
leurs attaques peuvent être redoutables quand les plants
sont jeunes, le stress qu’ils provoquent pouvant faire avor-
ter les choux qui ne pourront pas pommer. En général,
les coccinelles arrivent à temps pour limiter les dégâts. Si
les conditions climatiques ne sont pas favorables à leur
éclosion, des arrosages un peu violents, des bassinages de
lait ou de savon noir les calmeront suffisamment.
Faîtes votre choix
•Les choux pommés
Brassica oleracea L var. capitata
Ce sont les formes les plus anciennes avec les choux
verts de choux cultivés. Cette catégorie se divise en
deux :
Le chou pommé cabus, à feuilles lisses : Ce sont les
variétés du type précoce de
Louviers
,
Cœur de bœuf
et
bien sûr
Quintal d’Alsace
. Les choux rouges comme
Tête de nègre
sont également à classer dans cette caté-
gorie.
Les choux pommés de Milan, reconnaissables à leur
feuillage frisé. Très résistants au froid, les choux de
Milan sont en général cultivés pour les récoltes d’hiver.
Citons parmi les plus fameux
Milan de Pontoise
ou
Gros des vertus
.
Les semis s’effectuent à l’automne et à la sortie de l’hi-
ver pour les variétés précoces, au printemps pour les
variétés d’hiver. Atteignant un fort développement, on
plante à 60 cm sur le rang.
•Les choux de Bruxelles
Brassica oleracea L var. gem-
nifera
Cultivés depuis le XIXème siècle en France pour leurs
petites pommes s’établissant le long de la tige principale,
on les sème entre février et avril pour les mettre en place
en mai/juin. Atteignant un fort développement, ils sont
espacés tous les 60 à 80 cm.
•Les choux verts
Brassica oleracea L var. acephala
Ce sont les choux ne pommant pas. En général, ils sont
cultivés pour la récolte des feuilles s’épanouissant le
long de l’épaisse tige centrale au printemps. Les variétés
à feuilles craquantes et
frisées sont d’un goût
remarquable et d’un
incroyable effet au
potager. Ceux à
feuilles lisses sont le
plus souvent destinés
à l’alimentation ani-
male, bien que leurs
repousses de prin-
temps vaudraient à
elles seules que de
nombreux jardiniers
les cultivent.
Le semis s’effectue
en mai pour une
plantation en juillet.
Prévoir un espace-
ment de 60 à 80 cm
hormis pour les
variété naines.
LE LÉGUME DU MOIS
Les Cahiers du Potager - Avril - Mai 2007 • P. 16
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !